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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

jeudi 31 mars 2011

Philippe Katerine en concert

Benjamin Paulin vient de quitter la scène. Les musiciens refont les balances. Et çà dure, çà dure. Vingt minutes passent, générant une petite impatience.

Je m'éloigne d'autant que je m'approche ... la voix de Philippe Katerine nous enveloppe en boucle. L'écran remonte dans les cintres. Le corps du chanteur apparait, vêtu d'un kilt sous un sweat coloré.
Bla, bla, bla ... Philippe aime manifestement la couleur turquoise et les filles bien en chair. Ses choristes charpentées semblent directement importées d'un terrain de football.
Tu parles, tu meurs, tu parles plus.
Les paroles des chansons sont vite mémorisées. Pas besoin de prompteur pour s'en souvenir. Philippe Katerine va suivre l'ordre de son dernier disque éponyme (2010) dont il nous servira tous les titres, à l'exception des pistes 11 (Il veut faire un film) et 17 (la Musique) et de 100% VIP, tiré de l'album Studio live (2007).

Du coup est-ce que cela a beaucoup d'intérêt que je détaille les chansons ? Entendre en boucle j'me sens bien, j'me sens mal ne fera pas beaucoup réfléchir le public. Les textes sont pauvres même si on peut leur trouver un certain intérêt du point de vue de la dialectique.

Pourquoi assister à un concert de Philippe Katerine ? Et pourquoi rester jusqu'au bout alors qu'on a compris qu'on pourrait aussi bien se passer le CD ?

Parce que la surprise se manifestera dans les chorégraphies des filles et les éventuels commentaires de l'artiste, peu bavard au demeurant. Ses débordements resteront quand même modérés, concentrés sur l'effeuillage de son sweat et de son tee-shirt, le découpage de ses chaussettes (pour me libérer dit-il). Les photographes se régaleront malgré tout et les fans pourront hurler avec hystérie.

Le chanteur reste zen : l'idôlatrie a ses limites, estime-t-il tout en jetant sa chaussette droite à un certain Mathieu, et la gauche à un autre jeune. Le tee-shirt s'envolera plus tard.

Ah vous m'amusez beaucoup ajoute-t-il d'une voix monocorde, laissant plutôt entendre qu'il s'ennuie en notre compagnie. Bon prince et professionnel sérieux, il reprend l'égrenage des pistes de son dernier CD : Liberté, la banane, j'aime tes fesses, comment tu t'appelles, Moustache, té-lé-phone, Parivélib', Mort-vivant ... tout y passera y compris la musique d'ordinateur.

La vieille chaine est un peu noyée dans la masse. Voilà un titre qui témoigne pourtant de la capacité de Philippe Katerine à écrire un vrai texte.

24 titres plus loin, mais dont certains sont très brefs, le chanteur fait sa première sortie. Il revient, bien sur, et cette fois ce sont des titres de Robots après tout (2005) qui vont nous être donnés : Poulet n°78120, Patati patata, Marine le Pen, Bordeline et le fameux Louxor j'adore qui clôturera la soirée.
Finalement on adooooooore Katerine
- pour sa voix, capable de grimper dans les aigüs avec allégresse
- pour son sens de la dérision, à l'égard des autres, comme de lui-même:
(recevant sur scène un sachet de boules Quiès) : vous m'envoyez, un message ? c'est vrai qu'on entend mieux avec ...
- sa personnalité pas si déjantée qu'il nous la laisse paraître
- ses choristes infatigables
- son mauvais goût (vestimentaire)
- son professionnalisme
- sa santé
- sa ressemblance avec Patrick Dewaere et Gérard Depardieu ... si tant est qu'un beau-fils puisse ressembler à son beau-père !

mercredi 30 mars 2011

Concert de Benjamin Paulin, les mains dans les poches

Le festival Chorus l'a programmé en première partie du concert de Philippe Katerine et c'est une belle découverte que j'ai faite à la Piscine de Châtenay-Malabry (92).

Benjamin Paulin arrive avec nonchalance mais non sans respect, les mains dans les poches, accompagné de trois très jolies nanas, à la fois musiciennes et choristes, respectivement Céline, Églantine et Aurore (ci-dessous). Il ne sait pas trop comment aborder la soirée pour commencer alors il nous le dit avec des flingues. Il chante les oiseaux qui roucoulent et elles, elles font hou, hou ...




Il reconnait avoir changé, mais s'estime mieux qu'avant, se sentant à mi-chemin entre l'âge ingrat et l'âge viagra. Aïe, aïe, chantent-elles.

Benjamin Paulin est né à Paris en 1978 et c'est le fils du célèbre designer Pierre Paulin, bien connu pour ses sièges rembourrés de mousse sous un jersey élastique, et dont j'ai publié une photo dans un billet consacré à une exposition du Musée des arts décoratifs.

Le chanteur a commencé sa carrière musicale par le rap en arborant un bonnet enfoncé jusqu'aux yeux et en se cachant derrière une barbe. Rien à voir avec son look actuel de gendre idéal encore plus craquant que Michel Drucker d'il y a trente ans, en costume de soie gris perle, qui aurait plu à son père. L'écriture aussi a changé même si son style est encore en recherche, oscillant entre Vincent Delerm (surtout avec le titre Trop tard), Grand Corps malade (surtout avec l'Homme moderne) et bien sûr Jacques Dutronc, Gainsbourg et Bénabar ... en plus calme. Je l'ai entendu dans une émission de télévision assumer les influences musicales mais sourire par contre que ses textes soient comparés à des poèmes de Michel Houellebecq ... qu'il n'a pas lus.

Si on le définit comme un joyeux pessimiste, un fainéant workalcoolic, c'est tout bonnement parce qu'il cumule les styles et les talents, colorant chaque chanson selon l'humeur du moment.
Les filles chantonnent ha ha. Lui se clame Déserteur, menteur, tricheur, sans fierté ni orgueil de camionneur, et nous prévient sans état d'âme de ne pas compter sur lui dans une chanson au ryhtme inspiré des années 60 qui est une sorte d'hymne décalé au courage.

L'amour est une autre source d'inspiration. Comme sur un fond d'écran a été écrit pour une fille. Il est disposé à lui offrir une belle vie pour qu'elle revienne, invoquant tous les clichés de l'amour. Hi, hi sifflent les filles parce qu'il n'est pas sur que la belle marche dans la combine. Nous en tous cas on aurait bien envie de danser sur ce qui sera un des tubes de l'été prochain.

Le beau gosse ne sait pas ce qu'il veut. Le voilà qui demande maintenant aux filles trop jolies au printemps de le laisser tranquille. Il préféreraient qu'elles meurent et qu'elles disparaissent. Non, non , non râlent les choristes.

Avec un peu d'intimité au niveau des lumières et une voix parlée-chantée de crooner, amplifiée d'un tout petit peu de réverb, il cherche à reprendre la main. Son regard fouille le public de la fosse avec mélancolie.

Ce matin déjà il était trop tard, et la première partie s'achève sur l'Homme moderne. La, la, la chanteront les demoiselles. On sent le passé de rappeur affleurer. On a envie de l'écouter en boucle. Nous aussi on est des visages perdus dans la multitude, on a si peur de frôler la mort que peut-être que nous aussi on ne fait que frôler la vie.
Belle ouverture que cette première partie. Demain je vous parle de la seconde, avec Philippe Katerine.

Titres interprétés :

1. Dites-le avec des flingues
2. J'ai changé
3. Le déserteur
4. Comme sur un fond d'écran
5. Laisse-moi tranquille
6. Trop tard
7. L'homme moderne

mardi 29 mars 2011

Francesco, un inédit de Dario Fo au Théâtre La Bruyère

Gilbert Ponté arrive en courant par le fond de la salle en marmonnant en italien. Ouné minouté ! vos portables couic ! Quel poublico, sympatico, tous ...
Il débarque à l'image du personnage qu'il est chargé d'interpréter : heureux et chantant.Il est aussi truculent, nous relatant avec gourmandise les intitulés des plats dont Francesco régalait la jeunesse dorée d'Assise : huitres en capucine, escalope milanaise, asperges ... Il nous raconte la vie du saint à sa manière, plutôt enlevée, assez éloignée de l'image d'Épinal que nous avions en arrivant au théâtre.

Car, avant de devenir un saint, l'homme a mené une vraie vie de patachon, dépensant l'argent de son père sans compter. Il a rêvé de devenir chevalier mais ne trouvera pas la gloire à la guerre, bien au contraire, puisqu'elle le conduira à croupir un an en prison.

Gilbert Ponté parle italien, mime, chante, danse, joue avec les accents (ralentissant le débit de sa voix quand il invoque les gardes suisses du pape), jongle avec les onomatopées, jusqu'à devenir lui-même, noc-nioc, le battant d'une cloche. Sa manière d'interpréter l'histoire fait penser à une bande dessinée qui se déploierait sur le fil du décor qui traverse la scène comme une corde à linge. Le résultat du parti-pris de mise en scène de Stéphane Aucante s'accorde avec le texte.

L'écriture de Dario Fo est savoureuse, drôle et irrévérencieuse, sans pour autant occulter le message de François qui interrogeait le monde sur des questions fondamentales autour du pouvoir et de l’argent, et qu'on aurait envie d'associer aujourd'hui avec l’écologie et la mondialisation.

Les rebondissements s'enchainent jusqu'à la fin tragique, imposée par la malaria, à 40 ans, de cette figure atypique dont l'essentiel reste présent dans tous les esprits : ne rien posséder pour ne pas être sujet à vouloir exercer de la puissance, et parler aux oiseaux pour se faire écouter des hommes avec attention.

Francesco, un inédit de Dario Fo
Mise en scène Stéphane Aucante
Avec Gilbert Ponté
Du 6 février au 17 avril 2011
Les dimanches à 15h30 & les lundis à 20h30
Théâtre La Bruyère
5, rue La Bruyère
75009 Paris

01 48 74 76 99

lundi 28 mars 2011

Caracreatura de Pino Roveredo

La chère créature dont il est question, c’est un fils aimé jusqu’à l’adoration, d’une passion qui exalte sa mère. La chanson aurait pu avoir les accents d’une comédie musicale. Malheureusement les déboires se sont enchainés ; le fils a plongé dans la drogue sans en réaliser le danger; la mère se consume.

Le livre est la narration d'une épopée sur le fleuve des enfers où Gianluca, l’enfant chéri d’amour, est en train de se noyer. La sainte femme compte bien arracher la chair de sa chair, celui qu'elle appelle aussi son tresordenfant, des griffes de tous les vampires qui lui sucent la moelle.

L'amour de Marina est aveugle. Elle vit la passion des femmes méditerranéennes mais sa dévotion est lucide. Et c’est là que le récit est poignant parce que une fois épuisées toutes les méthodes traditionnelles elle va avoir recours à la dernière extrémité, celle à laquelle aucune mère ne peut songer sans effroi, elle va dénoncer son fils à la police.

Avant-dernier livre de la sélection littéraire en lice pour le Prix Robinsonnais, ce roman n’est pas facile à lire et pourtant la musique qu’il dégage est si forte qu’on ne peut pas s’en détacher une fois qu’on en a commencé la lecture. Il se dévore en quelques heures et même si on ne partage pas la manière de voir de la mère, ni ses méthodes éducatives qu’on peut juger a priori un peu laxistes, on ne peut s’empêcher de se laisser entrainer par cette histoire, écrite avec rage et qui dégage la puissance d’un opéra.

Le récit est un monologue écrit comme un dialogue, faisant alterner des narrations avec des incantations lyriques. Il aborde sans concession le thème de la dépendance, tant à l'égard de substances chimiques que sur le plan affectif. Malgré des scènes d'une violence inouïe, le roman n'est pas oppressant et le message est limpide.

Très connu en Italie, Pino Roveredo est désormais écrivain et journaliste. Caracreatura est le premier de ses romans à avoir été traduit en français. Les origines de l'auteur sont modestes; il a travaillé en usine et connait bien les milieux toxicomanes. Il a aussi fait l'expérience de la prison à 17 ans. Rien d'étonnant donc à ce que son roman résonne avec authenticité. "Le but de ma vie, dit-il c'est de m'occuper des autres. Je suis un ouvrier de la rue et les histoires des autres je les couds sur ma peau."

Caracreatura de Pino Roveredo, traduction de Dominique Vittoz, chez Albin Michel, 2010

dimanche 27 mars 2011

Et si on revisitait l'association petits pois-carottes ?

Je ne regarde la télévision que le lundi parce que l'émission Top Chef m'intéresse particulièrement. Il y a quelques jours je me suis retrouvée dans le décor d'un épisode en me rendant à Mogador. Cette fois-ci avec quelques jours d'avance sur le prochain opus je me suis livrée à l'exercice consistant à revisiter un classique de la cuisine française :associer des petits pois avec des carottes de manière plus gouteuse qu'une boite de conserve.

Les candidats et les chefs vous montreront lundi prochain des créations très artistiques (surtout celle de Thierry Marx, totalement bluffante). Je ne sais pas comment il a fait pour rendre son assiette en une demi-heure. Ma version, très simple, tient dans le temps imparti. Et je vous souhaite de vous régaler comme je l'ai fait.

J'ai épluché cinq-six carottes que j'ai taillées en rondelles à la mandoline.
Dans un fait-tout bien chaud j'ai posé quatre belles tranches de poitrine fumée puis deux échalotes hachées, puis les carottes, une livre de petits pois surgelés et un litre d'eau.
J'ai ajouté deux marmites de bouillon de volaille et j'ai laissé mijoter 20 minutes.

J'ai servi dans un grand bol avec beaucoup de bouillon, après avoir coupé le lard en petits morceaux et en ajoutant une cuillerée de crème fraîche. Ainsi présenté le plat se situait à mi-chemin entre soupe et plat complet.

On peut aussi présenter une version sans bouillon dans une assiette creuse (voir photo) en laissant entières les tranches de poitrine fumée. C'est aussi bon.

J'ai découvert ces petites "marmites" qui ont plusieurs intérêts : elles sont sans conservateur, sans colorants artificiels et sans exhausteurs de goût, et principalement sans glutamate (souvenez-vous que c'est un poison pour la santé et traquez le dans vos placards) ; portionnables a minima (on peut prélever à la cuillère la quantité nécessaire et conserver l'autre jusqu'au lendemain au frigo). Elles existent en trois déclinaisons : bœuf, poule et légumes.
Autres recettes avec ces produits ici et .

samedi 26 mars 2011

Aller chercher demain

Vous avez au moins jusqu'au 1er mai pour aller voir ce spectacle. Je ne vais pas aller chercher midi à 14 heures pour vous dire que, oui c'est encore le thème de la fin de vie, et même de l'euthanasie qui est ici central. Comme pour la Dernière leçon, et la Petite chambre. Mais il est traité avec un humour qui m'a franchement fait rire et je n'ai pas le moindre frein à vous recommander de passer la soirée avec les comédiens.
Il y a des personnes qui n'ont pas apprécié l'humour particulier des blagues juives que Charles sert quotidiennement à sa fille, Nicole, qui n'a plus la force d'en rire. J'en connaissais certaines. J'en ai découvert d'autres. Elles m'ont toutes amusée parce que je n'y ai pas vu malice. Je ris aussi des blagues belges sans pour autant me moquer des habitants du pays.

Allez, je vous en sers une : Quels sont les cinq juifs qui ont marqué le monde ? Le premier, c'est Moïse parce qu'il a dit tout est loi. Le deuxième c'est Jésus parce qu'il a dit tout est amour. Le troisième c'est Marx parce qu'il a dit tout est argent. le quatrième c'est Freud parce qu'il a dit tout est sexe. Et le cinquième c'est Einstein parce qu'il a dit tout est relatif.

Charles (Michel Aumont) vit chez et avec sa fille. Il a le tempérament bougon et c'est un mauvais coucheur. Toujours à se plaindre, il ressasse les vieux souvenirs de sa "satanée Pologne" comme le dit sa fille. Il se reconnait "sale vieux égoïste" mais il n'est pas prêt à changer. Ses blagues parfois sordides agissent au fond un peu comme la politesse du désespoir pour adoucir une vie devenue sordide parce que son issue est inévitablement fatale. Quand il est seul c'est le canari qui devient spectateur de son cinéma. A quoi reconnait-on une mère juive ? Tu te lèves la nuit pour pisser. Tu reviens dans ta chambre. Ton lit est déjà fait.

Nicole (Denise Chalem, l'auteur) n'a guère envie de sourire de la situation. En tant qu'infirmière de nuit à l'hôpital, dans un service de soins palliatifs, on comprend vite qu'elle porte tout à bout de bras : ses malades, son père, sa collègue Patricia (Nanou Garcia) ... alors un mari, pas question, elle n'a pas de place pour lui en quelque sorte.

Sauf que le fiancé Adrien (Philippe Uchan) n'est pas prêt de lâcher prise. Il va s'allier avec son futur beau-père potentiel pensant qu'ils vont réussir à eux deux à la faire craquer. Certes elle craquera, mais pas comme ils l'ont espéré.

Nicole est une fille prévenante, une amie délicieuse et une excellente professionnelle. On aimerait avoir autant d'humanité qu'elle, parvenir à tout gérer, et rester debout. Son entourage ne perçoit pas qu'elle traverse une crise de surmenage et qu'elle glisse doucement dans la dépression. Ce n'est pas du prince charmant qu'elle rêve mais d'un thé brûlant devant une émission de télé débile. Alors forcément, le pauvre Adrien reçoit comme une claque cette phrase pourtant très juste : Je n'ai plus de place dans mon cerveau. Où veux-tu que je nous mette ?

Nicole vit au jour le jour, suspendue sous l'épée de Damoclès que représente la fin de vie de son père. La seule force qu'elle s'impose d'avoir, c'est le courage "d'aller chercher demain" ...

L'écriture de Denise Chalem est alerte, vive, joyeuse. Les quatre rôles sont équilibrés. Le décor fonctionne en outre avec beaucoup de réalisme en faisant apparaitre le service hospitalier coté jardin par un jeu de cloisons très habile qui se déploient derrière le coin cuisine.

L'alternance des décors et la vivacité des dialogues font qu'on se laisse emporter jusqu'au bout et avec plaisir dans une pièce qui aurait pu n'être que grave et tragique. La nomination de la pièce aux Molières est amplement méritée.

Aller chercher demain, Une pièce de Denise Chalem
Mise en scène : Didier Long
Depuis le 21 janvier au Petit Théâtre de Paris,
15, rue Blanche, 75009 Paris
Du Mardi au Samedi à 21h
Samedi 18h, Dimanche 15h30
Nominations aux Molières 2011 : Denise Chalem (auteur francophone vivant) et Nanou Garcia (comédienne / second rôle).

vendredi 25 mars 2011

Miss Terroir invite la Sicile dans le Sud-Ouest

Ce n’est pas parce qu’on adore le Périgord qu’on serait incapable d’apprécier des spécialités venant d’ailleurs. Patricia Guttin, alias Miss terroir, en fait la démonstration. Elle embarque sa clientèle vers la Sicile, une destination ensoleillée dont les produits sont gouteux, parfumés et surprenants.

C’est la complicité gustative avec Laurent Genna qui lui permet de présenter une sélection de produits de qualité, provenant presque tous du Nord-Ouest de l’île, et plus précisément de la région de Trapani.

Vous pouvez passer commande chez elle car Patricia est la seule boutique à distribuer ses produits. Ce sera un jeu d’enfants que d’improviser ensuite un repas sur votre balcon pour vous sentir un peu en vacances.

Mais vous pourrez opter pour la solution de facilité et aller dîner chez Miss Terroir qui s’occupera de tout, un vendredi d’avril (les soirées du 1er et du 8 sont déjà complètes mais il reste quelques places pour celle du 15 avril).

Vendredi 25 mars, les petites tables rondes de Miss Terroir étaient de sortie sur un petit bout de trottoir. La météo était favorable et le soleil sicilien brillait dans les assiettes.













Un menu sicilien commence par quelques tartines de pâté de tomates relevées au piment rouge, et de caponata (un confit de câpres, céleri, aubergines, sauce tomate). Les olives œufs de pigeon, croquantes et craquantes, sont tout autant incontournables. Leur légère amertume s’accorde avec un apéritif à l’orange amère qui me rappelle l’Americano de ma grand-mère, en version sucrée.






Patricia vous proposera de poursuivre avec une assiette de Carciofini sott'olio, (des petits artichauts à l’huile d’olive de Sicile), d’aubergines grillées (une révélation) et d’un carpaccio de thon fumé qui n’a rien à envier à une poutargue (des œufs de poisson de mulet pressés, salés et épicés, un met de roi).




Pour suivre, faites découvrir à vos amis les pâtes siciliennes, qui n’ont rien à voir avec leurs sœurs italiennes parce qu’elles sont faites avec du blé tendre. La bonne idée c’est de les servir, sous une sauce à la pistache, en accompagnement d’une escalope de veau au marsala.

Le choix des vins est vaste. Au quotidien, un syrah cabernet comme le Logi conviendra à tous les plats.
Le fromage préféré de Laurent est un pecorino au piment dont il approvisionne régulièrement la boutique de Miss Terroir, régulièrement en rupture. C’est vite devenu un de ses produits phare.

Comme dessert je vous conseille un tiramisu au citron, typiquement sicilien, qui est encore plus délicieux avec un trait de Limoncello. Les jours de fête, les avertis le dégusteront avec le vin jaune liquoreux très prisé de Carole Bouquet. La productrice du vin Sangue d’Oro, ce Moscato Passito qu’elle élève sur l’île de Pantelleria, au sud de la Sicile, a accepté que Laurent Genna distribue ses précieuses bouteilles.

Outre les repas siciliens Miss terroir propose aussi des dégustations mettant en valeur les produits du Sud-Ouest (lire compte-rendu d'une soirée de janvier 2011).

Miss Terroir, élue "bonnes adresses de la Ville de Paris" par le guide Initiative Entreprises
3, rue Crozatier, 75012 Paris , tel 01 43 41 54 49

jeudi 24 mars 2011

Pas d'inquiétude avec Virginie Hocq

En ressortant du spectacle créé et interprété par Virgine Hocq chacun se souviendra de l’orthographe de son nom, avec un Q s’il-vous-plait. Et il est facile de prédire que très bientôt il faudra une salle plus grande que le Petit Montparnasse pour accueillir son show.

Elle a l’humour belge délicat mais efficace. Elle commence en nous faisant croire qu’elle a la pétoche d’être sur scène, un état qu’elle appelle la gerboulade et qu’elle nous promet de ressentir nous aussi. Et hop la voilà dans les gradins à nous regarder dans le fond des yeux.

Vous sentez la peur qui monte ? … la gerboulade … mais pas d’inquiétude … avant la page 27. La menace de la fameuse page va ponctuer tous les quarts d’heure. Pour le moment on a le droit de papoter entre nous tranquillement, pas d’inquiétude.

Virginie passe d’un personnage à l’autre avec un talent inouï. Il faut la voir prendre le panier de la ménagère consciencieuse pour appliquer à la lettre la préconisation de consommer 5 fruits et légumes différents par jour. Acheter en une fois le nécessaire pour une famille de quatre personnes pour une semaine vous demande de trouver 140 pièces. Le pauvre marchand devient fou pour satisfaire une cliente qui, régulièrement, ordonne vous pouvez tout enlever, avant dicter une nouvelle commande.

Elle change de registre et d’accent avec une facilité déconcertante, nous servant un savoureux remake de Boucle d’or évoluant entre un lapin qui peint, un coucou qui coud, un mouton qui tond.

Elle est autant à l’aise pour mimer le comportement des singes bonobos et nous faire saisir la différence entre la démarche du manchot et celle du pingouin. La fin de chaque numéro est ponctuée musicalement avec originalité. On n’imagine pas un instant qu’elle va choisir l’un d’entre nous pour lui donner la réplique. Mais si, et cela se passe très bien. Pas d’inquiétude !

Pas d'inquiétude de Virginie Hocq, Marie-Paule Kumps, Jérôme de Warzée et Marc Donnet-Monay
mise en scène de Marie-Paul Kumps
du mercredi au samedi à 21h
matinée : dimanche à 17h
Au théâtre du Petit Montparnasse 31 rue de la Gaité, 75014 Paris, 01 43 22 77 74
réservations du lundi au samedi de 11h à 19h et le dimanche de 12h à 17h

mercredi 23 mars 2011

Nominations aux 25 ème Molières

(billet mis à jour le 18 avril en pointant les lauréats)

25 ans déjà ... et toujours la même énergie à défendre le spectacle vivant de qualité, qu'il soit public ou privé, avec aussi une grande fidélité à France 2 qui diffuse la cérémonie en direct depuis sa création.

Cette année c'est Pierre Lescure, qui succède à Irène Ajer à la présidence de l'association. C'est donc qui a annoncé les nominations, catégorie par catégorie, au cours d'une conférence de presse dans un café au décor quasi historique dont les rideaux de velours rouge respirent le théâtre. La liste est reproduite en fin d'article.

Le café choisi place du Châtelet occupe une position stratégique, juste en face de la salle que Pierre Lescure désigne encore sous le nom de théâtre Sarah-Bernhardt. Primitivement Théâtre-Lyrique-Dramatique (1874), Théâtre-Historique (1875) puis théâtre des Nations (1879), il prend le nom de la comédienne Sarah Bernhardt qui en obtient le bail de la Ville de Paris en 1898. Il s'appelle Théâtre de la Ville depuis 1966 et la loge de Sarah Bernhardt a été transformée en foyer du théâtre.

La soirée de remise des prix aura lieu le dimanche 17 avril, comme l'année dernière à la Maison des Arts et de la Culture de Créteil. C'est toujours Jean-Philippe Viaud qui en sera la voix off pour les téléspectateurs et je me suis amusée à le photographier pour vous monter son visage (l'homme à lunettes).
On nous promet un discours introductif de Michel Galabru sur un ton particulier, ce qui n'étonne personne. En guise de lever de rideau nous aurons cette année une courte pièce de Victor Haim intitulée Jeux de scène qui va précipiter la mise en abîme du théâtre. Créée en 2002 au théâtre de l'Oeuvre elle a valu à son auteur l'année suivante le Molière de l'auteur francophone vivant. Zabou et Léa Drucker succèdent à Francine Bergé et Danièle Lebrun pour nous faire rire. Car la comédie promet d'être drôlissime.

Quel panard cette pièce ! ... s'exclame Zabou qui a la charge de la mise en scène et promet de tirer à boulets rouges sur sa copine Hortense (Léa Drucker), une actrice hasbeen venant du boulevard. Les deux comédiennes se connaissent mais n'ont jamais eu l'occasion de se donner la réplique. Elles en sont manifestement heureuses. Léa se réjouit quant à elle de torturer sur scène "Gertroude" à sa guise pour lui rendre la monnaie de sa pièce (Zabou l'a filmée dans l'Homme de sa vie en 2006).

Pierre Lescure promet une cérémonie qui aura de la tenue, du rythme, des surprises sur un plateau qui recyclera le décor du lever de rideau. Il annonce aussi un casting "visible" dans la salle. De quoi avoir envie d'être déjà au 17 avril.

NOMINATIONS 2011 (les lauréats apparaissent désormais en rouge)

Molière du théâtre public :
Les Chaises, Eugène Ionesco/Luc Bondy, Théâtre Nanterre-Amandiers
Le Dindon, Georges Feydeau/Philippe Adrien, ARRT/Théâtre de la Tempête
Rêve d’Automne, Jon Fosse/Patrice Chéreau, Théâtre de la Ville
Un fil à la patte, Georges Feydeau/Jérôme Deschamps, Comédie Française

Molière du théâtre privé :
Diplomatie, Cyril Gely/Stephan Meldegg, Théâtre de la Madeleine
Henri IV, Daniel Colas, Théâtre des Mathurins
Le mec de la tombe d’à côté, Katarina Mazetti/Panchika Velez, Théâtre de la Renaissance
Le repas des fauves, Vahe Katcha/Julien Sibre, Théâtre Michel

Molière des compagnies :
Dom Juan, René Loyon/Cie RL
Les Femmes savantes, Marc Paquien/Cie de l’Intervention
Ma chambre froide, Joël Pommerat/Cie Louis Brouillard
Le mardi à Monoprix, Michel Didym/Cie Boomerang

Molière de la pièce comique :
Le gai mariage, Gérard Bitton, Michel Munz/José Paul, Agnès Boury, Théâtre des Nouveautés
Le Prénom, Matthieu Delaporte, Alexandre de la Patellière/Bernard Murat, Théâtre Edouard VII
Le Technicien, Eric Assous/Jean-Luc Moreau, Théâtre du Palais-Royal
Thé à la menthe ou t’es citron ? Danielle Navarro-Haudecœur, Patrick Haudecœur, Théâtre Fontaine

Molière du théâtre musical
Mamma Mia ! Catherine Johnson/Phyllida Lloyd, Théâtre Mogador
Mike, Gadi Inbar/Thomas le Douarec, Théâtre Comédia
La nuit d’Elliot Fall, Vincent Daenen/Jean-Luc Revol, Théâtre du Caramel Fou
Une flûte enchantée, Mozart/Peter Brook, CICT/Bouffes du Nord

Molière du comédien
Niels Arestrup dans Diplomatie
Jean-François Balmer dans Henri IV
Jean-Claude Dreyfus dans Le mardi à Monoprix
André Dussollier dans Diplomatie
Christian Hecq dans Un fil à la patte
Micha Lescot dans Les Chaises

Molière de la comédienne
Valeria Bruni Tedeschi dans Rêve d’Automne
Julie Depardieu dans Nono
Catherine Hiegel dans La Mère
Maaïke Jansen dans Le Technicien
Dominique Reymond dans Les Chaises
Hélène Vincent dans La Célestine

Molière du comédien dans un second rôle
Maxime d’Aboville dans Henri IV
Jean-Michel Dupuis dans Le Prénom
Guillaume Gallienne dans Un fil à la patte
Thierry Hancisse dans Un fil à la patte
Guillaume de Tonquédec dans Le Prénom
Bernard Verley dans Rêve d’Automne

Molière de la comédienne dans un second rôle
Valérie Benguigui dans Le Prénom
Brigitte Catillon dans Nono
Dominique Constanza dans Un fil à la patte
Nanou Garcia dans Aller chercher demain
Christiane Millet dans Funérailles d’hiver
Bulle Ogier dans Rêve d’Automne

Molière de l’auteur francophone vivant
Denise Chalem pour Aller chercher demain
Daniel Colas pour Henri IV
Emmanuel Darley pour Le mardi à Monoprix
Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière pour Le Prénom
Valère Novarina pour Le vrai sang
Joël Pommerat pour Ma chambre froide

Molière du metteur en scène
Philippe Adrien pour Le Dindon
Patrice Chéreau pour Rêve d’Automne
Marcial Di Fonzo Bo pour La Mère
Bernard Murat pour Le Prénom
Joël Pommerat pour Ma chambre froide
Julien Sibre pour Le repas des fauves

Molière du jeune talent féminin
Aurore Auteuil dans Le vieux juif blonde
Anaïs Demoustier dans Le Problème
Audrey Lamy dans Audrey Lamy- Dernières avant Vegas
Georgia Scalliet dans Les Trois sœurs

Molière du jeune talent masculin
Grégory Benchenafi dans Mike
Laurent Cazanave dans Brume de dieu
Benjamin Jungers dans La Maladie de la famille M.
Guillaume Marquet dans Le Dindon
Davy Sardou dans Le Nombril

Molière de l’adaptateur/traducteur
Florence Delay pour La Célestine
Alain Ganas pour Le mec de la tombe d’à côté
Dominique Hollier pour Harper Regan
Julien Sibre pour Le repas des fauves

Molière du décorateur/scénographe
Camille Duchemin pour Le repas des fauves
Bernard Fau pour Nono
Jean Haas pour Le Dindon
Richard Peduzzi pour Rêve d’Automne

Molière du créateur de costumes
David Belugou pour Nono
Vanessa Sannino pour Un fil à la patte
Françoise Tournafond pour Les Oiseaux
Jean-Daniel Vuillermoz pour Henri IV

Molière du créateur lumière
Dominique Bruguière pour Rêve d’Automne
Fabrice Kebour pour Pluie d’enfer
Pascal Noël pour Mike
Eric Soyer et Jean-Gabriel Valot pour Ma chambre froide

Molière du théâtre jeune public
Vy, une création de Michèle Nguyen dont quatre nouvelles représentations auront lieu à Paris en ouverture du festival Ô4vents, le festival Jeune Public du 4e arrondissement, les lundi 23 mai 2011 à 10h & 14h et Mardi 24 mai à 14h & 18h30, au Centre Wallonie-Bruxelles.

Le vote est toujours une opération difficile. Je me sens plus à l'aise cette année parce que j'ai vu la grande majorité des spectacles nominés, même si je n'ai pas rendu compte de tous sur le blog.

Je m'étonne tout de même que cette liste ne soit pas totalement nouvelle. On remarque que Mardi à Monoprix réitère les mêmes trois nominations que l'an dernier. Pareil pour Thé à la menthe ou t’es citron ? qui resurgit parmi les pièces comiques. La compagnie Louis Brouillard de Joël Pommerat a déjà reçu le Molière des compagnies l'an dernier et le certes excellent Guillaume Gallienne le Molière du jeune talent. Le voilà maintenant nominé pour le second rôle. Je prédis l'an prochain une nomination de meilleur comédien. Quelle ascension ! Il faudrait sans doute que l'association des Molières réfléchisse à une clause permettant de renouveler les listes.

Pourtant le règlement est déjà très précis et cadre bien les nominations. En voici, pour votre information, quelques extraits :

Sont recensés au titre du Théâtre privé : les spectacles produits ou diffusés au moins trente fois dans la période de référence, par les théâtres privés adhérents du Syndicat national des directeurs et tourneurs du théâtre privé ou de l’Association pour le soutien du théâtre privé. Sont recensés au titre du Théâtre public : les spectacles produits ou diffusés au moins vingt fois dans la période de référence par les théâtres nationaux, les centres dramatiques nationaux, les théâtres subventionnés par l’État ou les collectivités territoriales. La période de référence pour la 25° Nuit des Molières s’étend du 1er Avril 2010 au 31 Mars 2011.

Pour les Molières individuels (comédiens, auteur, metteur en scène), les nominations sont au nombre de six : trois pour le secteur privé, trois pour le secteur public. Cette règle de la parité s'applique à toutes les catégories.
En cas de prolongation ou de reprise, un spectacle ayant déjà obtenu un (des) Molière(s) sera mis hors compétition dans la(es) catégorie(s) où il a obtenu un(des) Molière(s) les années précédentes.

Un artiste ayant reçu deux Molières dans la même catégorie doit laisser passer un délai de cinq ans pour être de nouveau éligible dans ladite catégorie. Un artiste ayant reçu trois Molières dans la même catégorie est placé hors concours dans ladite catégorie.

Par exemple, si Patrice Chéreau repart avec un Molière le 17 avril il n'aura plus le droit d'en recevoir à ce titre puisqu'il a déjà été récompensé pour Hamlet en 1989 et pour la Solitude dans les champs de coton en 1996. Il a aussi reçu le Molière du Théâtre public pour "seulement" deux pièces, le Temps et la chambre en 1992 et Phèdre. Ce qui lui laisse la possibilité de repartir (aussi) avec un Molière pour Rêve d'automne ... Restera dans quelques années l'opportunité du Molière d'honneur, comme celui qui sera décerné cette année à Peter Brook.

En attendant que je fasse un billet complémentaire on peut relire ce que j'ai écrit à propos de Henri IV, Le mec de la tombe d’à côté et Mamma mia !

mardi 22 mars 2011

Mamma mia !

(mise à jour 23 mars 2011)
D’où je suis la vue plongeante sur la scène me procure le vertige. Les lignes de vagues qui ondulent sur le rideau de fer me donnent le tournis. L’orchestre démarre sur un pot-pourri des standards célébrissimes d’Abba. Y’a le poids en décibels. Il fait chaud et j’ai mal au cœur. Mamma mia !

Sur scène, les copines de Sophie s’émeuvent de la santé morale de Donna. Elles supposent que le mariage de la jeune fille doit « lui faire péter un plomb », excusez l’expression. Je me sens curieusement très proche de cette maman et je me dis que si ce n’était pas pour faire plaisir à une amie fan de comédie musicale je ne me serais jamais aventurée à Mogador.

Même si cela m’a amusée de me retrouver à 24 heures près dans le décor de l’émission Top chef dont je suis davantage fan que d’Abba, étant donné la double spécialité du blog, culinaire et culturel. Une séquence de l’émission d’hier a été tournée dans le Foyer Opéra si reconnaissable avec ses tableaux de Robert Combas, Jean-Pierre Roc-Roussey, Thierry Bisch, Patrick Boussignac, Hélène Guetary, Raya Sorkine et Marcel Mouly.
J’avais malgré tout sérieusement préparé ma venue en visionnant l’adaptation cinématographique réalisée en 2008 par Phyllida Lloyd avec Pierce Brosnan, Colin Firth (qu’on a vu cette année dans le Discours d’un roi) et Mery Streep, qui campe une mère libérée de tout sauf des allégeances matérielles et qui a le mérite de chanter avec sa voix naturelle.

A Mogador c'est Claire Guyot qui endosse le rôle et qui assure à 100%. Le travail du traducteur est à saluer parce que le texte français est tout à fait intelligent. Les voix sont excellentes. Le décor fonctionne bien. Les costumes sont colorés. On les croirait importés d'un dressing des années 70.

On peut applaudir le travail. On le fait spontanément et l'excitation des chauffeurs de salle est superflue. Ils sont aussi de très très très très vigilants pisteurs d'appareils photo de toutes tailles ... mais je me suis débrouillée pour ramener des clichés sans photographier le spectacle. Le jeu des comédiens est alerte, avec un bon dosage des temps parlés et chantés. Les chorégraphies sont parfaitement synchrones. La mise en scène est fidèle au film, et pour cause, puisqu'elle est signée par la même personne.

Bref, vous aurez compris que je suis ressortie guillerette du spectacle qui a le mérite de fédérer la satisfaction de tous les âges du public. Certes, l'intrigue est mince : une jeune fille a lu le journal intime (ah la vilaine) de sa mère tenait avant sa naissance (fallait pas le laisser trainer). Elle a compris qu'elle a potentiellement trois pères (sa mère fut une grande amoureuse, mais elle s'est bien calmée depuis) et les a invités tous à son mariage (va y avoir du grabuge) qu'elle va célébrer en grandes pompes (c'est qu'elle est très fleur bleue).

Tout va par trois à tous les âges. Donna a une paire de copines dont le jeu est formidable (Marion Posta et Karen Gluck). Sophie n'est pas en reste. Coté masculin il y a trois papas, et le financé a bien entendu deux copains d'enfance.

Cela commence comme une tragédie grecque dans un décor paradisiaque et insulaire baignant dans le turquoise. Cela se poursuit comme un vaudeville avec moult rebondissements. Cela se termine comme une pièce classique, avec l'union-surprise de la fautive (la mère) alors que la fille renonce à "cette sottise de mariage". Marivaux n'aurait pas fait mieux.

La comédie est alerte. Les tubes s'enchainent avec plusieurs titres en bonus aux rappels qui s'achèvent avec Waterloo.

Brillante victoire qui vaut une nomination Molières dans la catégorie "meilleur spectacle musical" pour cette comédie qui a déjà remporté le Globe de cristal des arts et de la culture dans cette catégorie en février dernier.

Mamma Mia de Benny Andersson et Björn Ulvaeus, mise en scène de Phyllida Lloyd (Théâtre Mogador)
http://www.mamma-mia.fr/

lundi 21 mars 2011

Rencontre avec Gisèle Bienne au Salon du livre de Paris

Ce sont les auteurs de littérature jeunesse que j’ai le moins l’occasion de rencontrer. C’est pourquoi j’ai choisi de profiter du Salon du livre de Paris pour discuter plutôt avec l’une d’elles. Écrire pour un lectorat adolescent quand on le l’est pas m’a toujours semblé un exercice délicat. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai tant apprécié le livre de Carmen Bramly qui, elle, se trouve dans la situation inverse puisque cette jeune fille de quinze ans a écrit un premier roman qui s’adresse davantage à des adultes qu’à des jeunes de son âge, même s’il leur est tout à fait accessible.

Et si le secret c’était justement qu’il n’y a pas d’âge pour apprécier quand c’est de qualité ?
"Il s’agit de la même écriture, même si, lorsque j’écris pour les adolescents, je fais moins de commentaires et je laisse parler les situations. Je pense que les jeunes peuvent tout lire."
Voilà ce qu’en dit Gisèle Bienne qui a publié de nombreux romans pour les jeunes et pour les adultes – notamment "Paysages de l’insomnie" et "Marie-Salope"(aux éditions Climats) – sans noter de grandes différences dans son travail d’écriture. J'avais reçu son dernier livre, On n’est pas des oiseaux, envoyé par l’École des loisirs, et je lui ai avoué que je venais de suspendre la lecture, en raison de son contexte dramatique. Je voulais me détendre avec une lecture que je croyais « facile » et je me suis pris de plein fouet un sujet qui entrait directement en résonance avec ce que je vis actuellement.

Notre échange a été constructif, amical … et j’ai, depuis, repris la lecture du roman.

Gisèle Bienne reconnait que la situation est inédite mais qu’elle a voulu écrire sur un sujet qui lui tenait particulièrement à cœur.
Dans le livre, la mère prend des anti-dépresseurs et finit par dépasser les doses. C’est arrivé à une dame de mon immeuble. Elle luttait contre la dépression comme elle pouvait. Elle se sentait fatiguée sans comprendre. Un jour elle ne s’est pas réveillée. C’est malheureusement aussi simple que cela. On peut vite décrocher de la réalité et sombrer sans s’en rendre compte. C’est un des axes que le livre cherche à pointer.
L’auteur cherche aussi à témoigner de la trop lourde responsabilité que l’on fait porter aux enfants quand on les prend pour confidents. Elle vient d’être sollicitée pour un reportage télévisé concernant ces parents qui croient aimer leurs enfants mais dont le comportement est destructeur.

Une situation qu’elle a vécue quand elle était enfant : ma propre mère m’a dit beaucoup de choses. Cela me rendait importante et à la fin c’était trop.

Elle estime que cela l’aurait aidée alors d’en savoir davantage sur le fonctionnement du domaine du non-dit. Cela lui aurait permis d’apprivoiser les peurs qui s’intensifient et qu’on ne peut pas dire. Beaucoup d’enfants les rencontrent. Et ne savent pas comment faire. Cela donne des situations terribles à vivre, à l'instar de ce à quoi Camille se trouve confrontée : Papa était sa maladie; moi j'étais son médicament et je ne l'ai pas guérie (p.107)

En effet, ce n’est pas parce que Françoise Dolto a dit qu’on devait parler aux enfants, tout leur expliquer qu’il faut tout leur dire. Il me semble que le message de la grande thérapeute a été mal compris. Ce qu’il ne faut effectivement pas cacher aux enfants c’est ce qui les concerne directement. Mais il ne faut pas leur déverser nos soucis d’adulte. Même et surtout s’ils provoquent les confidences.

Les enfants voudront réparer une situation qui dérape, mais ils en sont pourtant incapables. Et on voit, dans le livre, les conséquences entrainées par leurs actes. Ils sont dans la vie, dans l’amour. Leur idéal s’accommode mal de la réalité. Leurs principes de vie ne sont pas cohérents avec ce que la loi permet ou interdit.

Le roman campe deux personnalités d’enfants radicalement différentes, ayant un point de vue divergent sur les évènements sans pour autant mettre en cause la solidité de leur relation. Camille et Mathieu grandissent avec des parents qui ne s'entendent plus et qui ont toujours campé sur leurs positions comme deux chefs de guerre (p. 97).

Une fois passé le cap fatidique de la découverte de la tragédie (le décès de la mère page 49) le livre se lit sans difficulté, traversé par quelques jolies références aviaires : le mode de vie des hirondelle, l'Aigle noir de la chanteuse Barbara, et même l'enseigne du "nid de la pie", boutique de perles bien connue des habitantes de Reims où vit l'auteur.

Elle adore écrire sur le très aventureux et le grave. Plusieurs fois l'ombre de Barbara et de ses chansons traverse les lignes, en particulier page 95 avec Dis-quand reviendras-tu dont la jeune Camille analyse les paroles. L'adolescente fait preuve de maturité tout en gardant sa fraicheur d'enfant: la liberté n'existe pas, elle n'existe ni dans les familles, ni hors des familles. la liberté n'existe que dans ma tête, et dans mes rêves (p.103).

Gisèle Bienne suppose qu’avoir été une fille avec quatre frères lui a forgé le caractère. C’est un d’eux, le plus jeune, gardien de but, qui lui a inspiré le thème du football pour écrire un autre de ses livres, les Champions.

On n'est pas des oiseaux, Gisèle Bienne, collection médium de l'École des loisirs 2011
Site internet : www.giselebienne.com

dimanche 20 mars 2011

Guerre et Vie, ruines et légèreté, article restauré

(Initialement publié le 1er mars le contenu du billet a été supprimé suite à un malentendu. Les hasards de la vie m'ont conduite à rencontrer la responsable de la communication de l'Ecpad. Elle n'a rien vu de choquant dans ce billet, bien au contraire. C'est avec son plein accord que je le remets donc en ligne)

Guerre et Vie, ruines et légèreté, est une exposition photographique de clichés faits par des reporters militaires et qui est proposée par la Maison des Arts d'Antony (92). Le choix qui a été opéré dans le fonds de l'ecpad, l'Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense, est réellement sensationnel d'un point de vue pictural.

On retrouve un plaisir identique à plonger dans le passé à celui que nous avait procuré Sabine Weiss il y a deux ans. Et ceux qui ont admiré les autochromes bretons au musée Albert Kahn seront surpris par la qualité de ceux qui sont exposés à Antony. A n'en pas douter, le Service des Armées a eu des moyens techniques très importants ...

Représenter la guerre n'est pas l'apanage du XX° siècle. La peinture d'histoire a toujours joué un rôle fondamental pour exalter la bravoure. La valeur esthétique l'emportait sur la fonction informative en raison du media et du geste du peintre. Mais avec l'arrivée des tanks sur les champs de bataille, les explosions d'obus et autres nouveautés il n'était plus possible de représenter les scènes de la même façon. La photographie venait d'être inventée (1839) et l'outil semble adéquat pour enregistrer instantanément des moments historiques.

Le choix qui a été fait se concentre sur des scènes qui se sont déroulées avant ou après l'acte guerrier sans aucune référence à la violence et au feu de l'action. La volonté est de signaler que la photo, de par son cadrage, la lumière, véhicule des émotions et manipule la réalité. Elle a pleinement participé à la propagande.

Les auteurs sont exclusivement des reporters militaires appartenant à la section photographique ou cinématographique des armées créée en 1915 pour contrecarrer l'endoctrinement allemand intensif. Il s'agissait de montrer ce que la vie militaire quotidienne avait de paisible aussi bien dans les casernes que dans les hôpitaux.

C'est particulièrement frappant avec les photos noir et blanc faites au cours de la seconde guerre mondiale. Le photographe établit des cadres serrés, avec ici un gros plan sur des billets de banque, là sur un chasseur alpin murmurant à l'oreille de sa mule. Le format carré renforce le sentiment de complicité et d'intimité entre l'homme et l'animal. Et quand on fixe une patrouille elle est en contrejour derrière un tissu qui flotte au vent comme si c'était par jeu qu'elle se trouve là.

Tous les clichés relativisent la situation et montre la ténacité de l'armée. On va jusqu'à immortaliser des moments joyeux, festifs, avec ces "soldats déguisés en danseuses lors d'une représentation théâtrale" (cliché pris le 15 octobre 1939 à Mercy-le-Haut), cet autre en Père Noël, celui-là avec son chien dans la posture de la publicité pour la Voix de son maitre. On se croirait en vacances, bien loin des souvenirs que nous ont racontés nos familles.

Si le noir et blanc a été retenu pour la seconde guerre mondiale, c'est en couleur qu'on nous met la première sous les yeux. Quatre grands photoreporters (Jean-Baptiste Tournassoud, Fernand Cuville, Pierre-Joseph-Paul Castelnau et Albert Samama-Chikli) offrent aux lecteurs de l’époque une vision humaniste et un autre regard sur le monde.

Les tirages ont été obtenus à partir d'autochromes d'époque, une technique industrielle qui est en fait l'ancêtre de la diapositive. Le procédé a été breveté le 17 décembre 1903 par les frères Auguste et Louis Lumière. Ce sont des millions de grains de fécule de pomme de terre teints en rouge (orange), vert et bleu (violet), fixés par de la résine. Les interstices entre les grains sont comblés par de la poudre de carbone très fine (noir de fumée). Ce filtre est scellé par une laque qui le protège pendant les opérations de développement de la surface sensible qui a été déposée sur le tout.

Les tirages ont intentionnellement été pratiqués en grand format. Regardés de près ils laissent apparaitre distinctement les séries de points, un peu à la manière d'un tableau de Seurat ou de Signac. Il est émouvant de constater combien le rouge garance des pantalons de nos soldats étaient des cibles faciles pour l'ennemi. Ils étaient moins repérables quand leurs tenues sont passées au bleu horizon.
Le pointillisme n'est pas la seule références à la peinture. On ressent une parenté avec le déjeuner sur l'herbe de Manet au second plan de cette photo (Débarbouillage des soldats du 152° Régiment d'Infanterie près d'un point d'eau, date indéterminée), ce qui témoigne qu'il existait une certaine rivalité à l'époque entre la peinture et la photographie.

Tous ces documents sont en parfait état de conservation et d'une qualité technique irréprochable quand on songe qu'il fallait un long temps de pose. Rien d'étonnant à ce que certains personnages soient moins nets que d'autres. L'image n'est cependant pas figée. La longueur était relative: une à quelques secondes seulement. Le seul regret réside dans le fait qu'on ne pouvait pas faire d'instantané surtout parce que le matériel était très lourd et que par voie de conséquence tout est mis en scène. Sur de nombreux clichés on devine l'ombre portée du trépied et du photographe, comme sur celle-ci, faite en 1917, après l'effondrement du pont de Pasly, près de Soissons, dans l'Aisne.

Il se dégage aussi un certain romantisme, du fait des couleurs un peu fanées et du contraste des couleurs, comme parfois avec des coquelicots sur le bord de la tranchée.

Les colonies ne sont pas oubliées. Le zouave est méritant comme l'attestent ses médailles. On voit aussi les spahis algériens, ce qui confère à la collection une fonction également documentaire.
On célèbre le patriotisme qui doit avoir une valeur d'exemple pour les enfants. On représente un attroupement de petits assistant à une remise de médailles. Le message est clair : la vie continue, les civils supportent bien la situation, la pénurie n'existe pas, les occupations s'enchainent avec sérénité. Aujourd'hui nous ne sommes pas abusés par ces étalages de produits de luxe.
L'enseigne Au paradis des ménagères est un argument publicitaire. Les réclames sont partout placardées. On remarque que ce sont des femmes et des vieillards qui exercent les métiers des rues et assurent le quotidien. Forcément : les hommes jeunes sont au front. Et on note l'impact des tirs sur les façades des habitations.

L'essentiel du choix établi pour cette exposition montre des vues de Reims, de la Lorraine et de la région de l'Aisne. Quand les photos témoignent clairement des dégâts des bombardements c'est toujours avec un cadrage artistique qui transcende en quelque sorte la violence subie. Les berges de la Meuse, photographiées à Verdun en 1917 (on reconnait la cathédrale toujours debout sur le second cliché) exposent des ruines d'habitations et des boutiques de nettoyage et de teinture détruites par les bombes dans une mise en scène quasi-surréaliste :



















Même lorsque ce sont des ruines qui sont montrées, la composition obéit à un jeu de lignes qui sublime la destruction. Le paysage peut aller jusqu'à suggérer un tableau abstrait ou une estampe. L'organisation de la photo d'une ferme détruite (1917) rappelle les peintures romantiques de Caspar David Friedrich, le chef de file de ce mouvement, alors que les couleurs font penser à Courbet.
Il faut que l'œil s'attarde pour percevoir la signature de la guerre sur la gauche de la photo qui n'est pas un paysage hollandais mais la ville lorraine de Pont-à-Mousson.
Étonnante aussi cette photographie de la gare de Tergnier dans l'Aisne, faite le 17 décembre 1917, dévastée, alors que les quais et la voie ferrée semblent intacts.

Sur d'autres la disposition des colonnes et des voutes d'une église effondrée rappelle les paysages de ruines d'Hubert Robert à la mode au XIX° siècle comme la Vue imaginaire de la Grande galerie du Louvre en ruines (1796) ou l'Église de la Sorbonne en ruines peinte en 1800. Le fonds clair met le second plan en relief, invitant à projeter le regard au loin.

Vision romantique encore sur un soldat cheminant avec son âne sur un chemin enneigé bordé de sapins d'une vallée vosgienne.

La démonstration est flagrante : la photographie peut être aussi picturale qu'une peinture mais elle aiguise davantage le regard. Les sentiments s'en trouvent enrichis. Ingres avait bien raison : la photographie c'est mieux qu'un dessin mais il ne faut pas le dire ...

Guerre et Vie, Ruines et Légèreté, jusqu'au 30 avril 2011 à la Maison des Arts, 20 rue Velpeau, 92160 Antony, Entrée face au RER, 01 40 96 31 50. Ouverte les mardi, jeudi et vendredi de 12 h à 19 h, le mercredi de 10h à 19 h, le samedi de 11h à 19 h et le dimanche de 14h à 19 h. Elle est fermée le lundi.

Les photos que j'ai faites le soir du vernissage ont rarement pu être faites de face parce que le verre protecteur réfléchissait la lumière ou se comportait comme un miroir. Mon souhait est de vous inciter à aller sur place voir les clichés dans leur configuration réelle.

J'ajoute que mes clichés sont publiés avec l'accord de la responsable de la communication de l'Ecpad que je remercie de sa confiance.

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