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vendredi 5 février 2010

L'homme qui rit au Centre dramatique de la Courneuve

Il y a deux façons de voir un spectacle : avec la raison comme nous le faisons le plus souvent en France, ou avec le cœur à l’instar du public russe. J’étais hier à « bonne école » avec la troupe Kolyada. L’homme qui rit est déroutant pour qui chercherait à comprendre le pourquoi du comment. Il est éblouissant pour celui qui regarde avec sa sensibilité. C'est une oxymore permanente.

La troupe du Centre dramatique de La Courneuve a créé depuis 1974, 30 spectacles qui ont été joués, au total, plus de 1600 fois à La Courneuve, mais aussi dans d’autres villes de France et à l’étranger, devant les publics les plus variés.

Le Centre a choisi cette année de confier la création à Marion Lécrivain, qu’ils avaient connue comme comédienne sur Jean la Chance de Bertolt brecht, en 2008. La jeune femme –qui n’en est pas à sa première mise en scène- a dépouillé l’œuvre de 850 pages du grand Victor Hugo pour en extraire la substantifique moelle qu’elle a traduit en une dizaine de tableaux.

Derrière Victor Hugo écrivain, dramaturge, poète, homme politique, académicien, intellectuel engagé, véritable monument de la littérature française, elle a réussit à faire apparaitre le conteur romantique grâce à un patient travail d’épure.

En résumé :
L’histoire se passe en Angleterre, à la fin du 17e siècle. Gwynplaine est un jeune garçon mutilé puis abandonné par les Comprachicos qui sont des trafiquants d’enfants. Il sauve de la mort Déa, un bébé aveugle. Tous deux sont recueillis par Ursus, un vagabond, bonimenteur et vendeur de remèdes, qui vit dans une roulotte avec son loup Homo. Quinze ans plus tard, ils ont monté une troupe de théâtre et connaissent un grand succès à Londres avec leur pièce Chaos vaincu. Du côté de la cour, Josiane, soeur de la reine Anne, est promise à David Dirry-Moir, fils illégitime tenu pour le seul héritier de Linnaeus Clancharlie, lord mort en exil. Une bouteille jetée à la mer par les Comprachicos quinze ans plus tôt, refait alors surface. Le parchemin qu’elle contient dénonce leur crime et révèle la vérité sur l’identité de Gwynplaine.

Rarement on a vu une scène aussi large, aussi profonde, occupant plus d’espace que celui dévolu au public. Les comédiens sont très proches du public qu’ils regardent les yeux dans les yeux. Trois conteurs surgissent de manière récurrente pour donner leur version des faits dans un élan choral qui installe l’émotion. Le dispositif pourrait être le pont d’un navire, une grève, l’agora antique, une pierre tombale démesurée. C’est toujours le théâtre et un théâtre où lyrisme et émotions sont en résonance avec l’actualité.

Les blessures semblent presque posées sur le visage de Gwynplaine, celui qui est cet Homme qui rit, comme on pose un sourire sur un enfant avant de le pousser à prendre les armes pour combattre dans une guerre que n’est pas la sienne nous dit Marion Lécrivain. Mais n’allez pas croire que la pièce adopte un ton toujours tragique.

On rit aussi. On apprécie les pas de danse. On écoute avec plaisir la chanson que la chanteuse Juliette a composé spécialement. On goute aussi les passages en espagnol, parfaitement maitrisés par des comédiens excellents : Damiène Giraud, Wahid Lamamra, Jean-François Maenner, Jean-Pierre Rouvellat, Camille Pelicier et Antoine Philippot.




Victor Hugo a bien raison de le clamer : Rêver c'est créer. Les images sont magnifiques. Esthétisme et ellipse font bon ménage. La scène du loup caché derrière la couverture bleue est à la fois simple et efficace. Les tableaux s’emboitent et laissent un souvenir surexposé dans nos esprits. C’est un spectacle qui ne laisse pas indifférent.

L'Homme qui rit, au Centre culturel Jean-Houdremont
11, avenue du Général Leclerc 93120 La Courneuve Tél : 01.48.36.11.44.
Représentations à 20 heures 30 du mercredi au dimanche (jeudi 19 heures, dimanche 16 heures 30) jusqu'au dimanche 21 février.
Photos Copyright : Valérie Evrard sauf l'affiche signée Loic Loeiz Hamon

Pour ceux qui craindraient de ne pas se repérer facilement le site du Centre dramatique dispose d'une carte que voici :On pourra suivre le travail de Marion Lécrivain en allant voir le Feydeau qu'elle a créé l'an dernier et qui sera en tournée bientôt. Chat en poche, sera joué les vendredi 21 et samedi 22 mai à 20h30, dimanche 23 mai 2010 à 16h à La Scène Watteau de Nogent-sur-Marne
tél. 01 48 72 94 94, celle-là même où j'avais assisté à la création de la Fin d'une liaison.

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