Vous avez sans doute deviné, la Fanciulla Del West c'est la Fille du Far West. Cet opéra en trois actes, créé en 1910 au Metropolitan Opera de New York sous la direction de Toscanini serait le premier western spaghetti.
On ne s'attend pas à cela à l'Opéra, fusse-t-il Bastille mais pour moi qui n'y avait jamais mis les pieds je n'allais pas faire la fine bouche. J'ai vu plusieurs représentations d'opéras en plein air, en particulier Madame Butterfly, du même Puccini (1858-1924) et j'étais prête à tenter une aventure radicalement différente.
Je n'ai pas compté le nombre de chanteurs sur la scène. C'était beaucoup, comme toujours à l'opéra. La représentation est donnée en langue italienne. Là encore rien d'original.
La surprise vint des décors, grandioses. On est à mille lieux du minimalisme qui fut à la mode. Chacun des trois actes a provoqué l'étonnement.
Mais le changement le plus significatif concerne la position de la femme. Enfin une pièce où elle s'affirme et qui ne se termine pas par un drame. C'est le triomphe de l'amour qui pour une fois n'est pas maudit. Rien que pour cela cette Fille du Far West mérite de faire son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris.
Le livret a été écrit par Guelfo Civinini et Carlo Zangarini d'après "The Girl of the Golden West de David Belasco qui fut un grand auteur de théâtre (et à qui l'on doit d'ailleurs la pièce Madame Butterfly ...). L'action se situe dans un camp de mineurs au pied des Cloudy Moutains, en Californie, à l'époque de la ruée vers l'or de 1849-1850.
Dans le saloon Polka, les chercheurs d’or pensent à leur mère restée en Italie et Minnie, derrière le bar, leur lit la Bible. L’amour va se présenter à elle sous l’apparence d’un criminel mais la jeune femme, au-delà de l’apparence justement, va voir son bon coeur et la possibilité du bonheur. Après la littérature et en même temps que le cinéma, Puccini donne à l’opéra son premier western, un théâtre des âmes au bout du monde, entre rires et larmes, à la fois exotique et bouleversant.
Nikolaus Lehnhoff s'est emparé de cette histoire pour concevoir une mise en scène facile à décrypter tant elle s'appuie sur les décors de Raimund Bauer.
J'ai pu prendre quelques clichés au moment des saluts. Ils rendent compte du décor du dernier acte. Pour avoir un aperçu des deux précédents, j'ai trouvé un court extrait qui vous donnera une idée de ce que nous avons eu sous les yeux.
Arrive un certain Johnson (qui est en fait le bandit Ramerrez, qui a de nombreux vols à son actif) avec lequel Minnie se sent en confiance car elle l'a connu autrefois. Leur complicité exaspère le shérif qui espère calmer ses nerfs en allant poursuivre le bandit dont la présence lui est signalée dans les alentours.
Les échanges deviennent de plus en plus tendres entre Johnson et Minnie qui l'invite à la retrouver dans sa cabane le soir venu.
Entracte. Changement de décor. L'acte II s'ouvre sur un plateau entièrement recouvert de neige. Des biches sont nonchalamment allongées devant la soit disant cabane, en réalité une Airstream rutilante, dont l'intérieur rose bonbon nous est dévoilé.
Minnie accueille Johnson. Elle lui conte son existence, évoque les joies de sa vie libre en pleine nature. Les deux jeunes gens se déclarent leur amour. Mais le shérif et des mineurs passent prévenir Minnie que Johnson est en fait Ramerrez. Minnie reproche alors à ce dernier de n’être venu au Polka-Bar que pour voler l’or des mineurs. Johnson tente de se justifier en évoquant sa vie misérable. Minnie le chasse de chez elle, mais il reparaît aussitôt, blessé par un coup de feu. La jeune femme le cache dans son grenier. Rance surgit, persuadé qu’il s’est réfugié chez Minnie, ce que confirment des gouttes de sang. Minnie propose alors une partie de poker à Rance : si elle perd, il aura et Johnson, et elle-même. Si elle gagne, Johnson est à elle. Elle joue, triche, et sauve Johnson.
Nouvel entracte. Changement de décor. L'acte III se déroule dans un cimetière de voitures. On entend la traque de Johnson qui est bientôt capturé, et on prépare sa pendaison. Johnson repousse les accusations dont il est l’objet, et demande seulement que l’on cache sa mort à Minnie, pour qu’elle le croie vivant et libre. On va procéder au supplice, quand Minnie surgit en haut des marches d'un escalier, pistolet en main. Elle rappelle aux mineurs tout ce qu’elle a fait pour eux, et les exhorte à la clémence. Ils veulent bien se laisser fléchir. Minnie et Johnson s’éloignent pour une vie nouvelle, laissant les mineurs au proie d'une profonde mélancolie.
Les rôles principaux sont tenus par la soprano suédoise Nina Stemme, à la voix puissante et charnelle, le baryton Claudio Sgura est le shérif Jack Rance et le ténor Marco Berti Dick Johnson. Dans la fosse, le chef italien Carlo Rizzi alors que le Chef de Choeur est Patrick Marie Aubert.
Je ne suis pas spécialiste pour me hasarder à des commentaires sur les voix, la musique et les interprétations. Mon oreille ouverte aux entractes n'a entendu que des compliments.
Le cadre étonnant n'est pas fortuit. Nous passons des entrailles de la terre, métaphore de l'enfer où les mineurs travaillent, à un espace romantique (la cabane de Minnie) propice à l'éclosion des sentiments. L'empilement des voitures peut être vu comme l'accumulation des biens matériels alors que l'escalier symboliserait le divin, la pureté des sentiments des amants et le bonheur, la valeur de la rédemption.
Chaque acte est ponctué de jolis effets. Ce sont des images du krach boursier en surimpression sur le décor au tout début. Les traiders semblent lever leurs bras comme s'ils étaient les chefs d'orchestre de la tragédie. Des vues de gratte ciel évoquent le quartier des affaires de la Défense.
L'univers de la comédie musicale n'est jamais loin. On pourra penser un instant à la guerre des gangs de West Side Story ou à Elvis Presley quand surgit un cow-boy de blanc vêtu dans un costume pourvu de longues franges. La verdure du pays natal contrastera d'autant plus.
Les détails sont appuyés. Le drapeau américain flotte sur la cabane. La télévision y crachote un soap quelconque.
Il y a bien quelques exagérations de mise en scène. Je ne suis pas sure qu'il ait été utile de faire rugir plusieurs fois le lion de la Métro Goldwyn Mayer au-dessus de l'escalier. un clin d'oeil aurait suffit. La pluie de billets verts qui volète sur le rideau de scène n'est pas davantage nécessaire que le plan final sur ces 20 $ où s'affirme la devise américaine : In God we trust. Doit-on y voir le contrepied à la mise en garde comme quoi l'argent en fait pas le bonheur ou une allégorie à la pluie de grains de riz qui porte chance aux futurs mariés ?
Tout cela ne pénalise pas le travail de mise en scène ni le final où la rousse flamboyante triomphe du machisme ambiant.
On quitte l'opéra Bastille en emportant avec soi de très belles images. J'encourage tous les publics, connaisseurs, amateurs ou néophytes à tenter l'expérience. Mon seul regret fut de redescendre sous terre ensuite pour prendre le métro en ayant le sentiment de rejoindre les catacombes.
J'ai pu prendre quelques clichés au moment des saluts. Ils rendent compte du décor du dernier acte. Pour avoir un aperçu des deux précédents, j'ai trouvé un court extrait qui vous donnera une idée de ce que nous avons eu sous les yeux.
L'acte I nous entraine dans un monde souterrain. Le Polka-Bar est sombre. Les mineurs y jouent aux cartes et boivent pour vaincre l’ennui et la nostalgie du pays natal. Ils sont tous plus ou moins amoureux de la patronne, Minnie, une jeune femme au caractère bien trempé. En particulier le shérif Jack Rance que Minnie repousse parce qu'elle rêve du vrai et grand amour, à l'image de celui qu'elle a vu s'épanouir entre ses parents.
Arrive un certain Johnson (qui est en fait le bandit Ramerrez, qui a de nombreux vols à son actif) avec lequel Minnie se sent en confiance car elle l'a connu autrefois. Leur complicité exaspère le shérif qui espère calmer ses nerfs en allant poursuivre le bandit dont la présence lui est signalée dans les alentours.
Les échanges deviennent de plus en plus tendres entre Johnson et Minnie qui l'invite à la retrouver dans sa cabane le soir venu.
Entracte. Changement de décor. L'acte II s'ouvre sur un plateau entièrement recouvert de neige. Des biches sont nonchalamment allongées devant la soit disant cabane, en réalité une Airstream rutilante, dont l'intérieur rose bonbon nous est dévoilé.
Minnie accueille Johnson. Elle lui conte son existence, évoque les joies de sa vie libre en pleine nature. Les deux jeunes gens se déclarent leur amour. Mais le shérif et des mineurs passent prévenir Minnie que Johnson est en fait Ramerrez. Minnie reproche alors à ce dernier de n’être venu au Polka-Bar que pour voler l’or des mineurs. Johnson tente de se justifier en évoquant sa vie misérable. Minnie le chasse de chez elle, mais il reparaît aussitôt, blessé par un coup de feu. La jeune femme le cache dans son grenier. Rance surgit, persuadé qu’il s’est réfugié chez Minnie, ce que confirment des gouttes de sang. Minnie propose alors une partie de poker à Rance : si elle perd, il aura et Johnson, et elle-même. Si elle gagne, Johnson est à elle. Elle joue, triche, et sauve Johnson.
Nouvel entracte. Changement de décor. L'acte III se déroule dans un cimetière de voitures. On entend la traque de Johnson qui est bientôt capturé, et on prépare sa pendaison. Johnson repousse les accusations dont il est l’objet, et demande seulement que l’on cache sa mort à Minnie, pour qu’elle le croie vivant et libre. On va procéder au supplice, quand Minnie surgit en haut des marches d'un escalier, pistolet en main. Elle rappelle aux mineurs tout ce qu’elle a fait pour eux, et les exhorte à la clémence. Ils veulent bien se laisser fléchir. Minnie et Johnson s’éloignent pour une vie nouvelle, laissant les mineurs au proie d'une profonde mélancolie.
Les rôles principaux sont tenus par la soprano suédoise Nina Stemme, à la voix puissante et charnelle, le baryton Claudio Sgura est le shérif Jack Rance et le ténor Marco Berti Dick Johnson. Dans la fosse, le chef italien Carlo Rizzi alors que le Chef de Choeur est Patrick Marie Aubert.
Je ne suis pas spécialiste pour me hasarder à des commentaires sur les voix, la musique et les interprétations. Mon oreille ouverte aux entractes n'a entendu que des compliments.
Le cadre étonnant n'est pas fortuit. Nous passons des entrailles de la terre, métaphore de l'enfer où les mineurs travaillent, à un espace romantique (la cabane de Minnie) propice à l'éclosion des sentiments. L'empilement des voitures peut être vu comme l'accumulation des biens matériels alors que l'escalier symboliserait le divin, la pureté des sentiments des amants et le bonheur, la valeur de la rédemption.
Chaque acte est ponctué de jolis effets. Ce sont des images du krach boursier en surimpression sur le décor au tout début. Les traiders semblent lever leurs bras comme s'ils étaient les chefs d'orchestre de la tragédie. Des vues de gratte ciel évoquent le quartier des affaires de la Défense.
L'univers de la comédie musicale n'est jamais loin. On pourra penser un instant à la guerre des gangs de West Side Story ou à Elvis Presley quand surgit un cow-boy de blanc vêtu dans un costume pourvu de longues franges. La verdure du pays natal contrastera d'autant plus.
Les détails sont appuyés. Le drapeau américain flotte sur la cabane. La télévision y crachote un soap quelconque.
Il y a bien quelques exagérations de mise en scène. Je ne suis pas sure qu'il ait été utile de faire rugir plusieurs fois le lion de la Métro Goldwyn Mayer au-dessus de l'escalier. un clin d'oeil aurait suffit. La pluie de billets verts qui volète sur le rideau de scène n'est pas davantage nécessaire que le plan final sur ces 20 $ où s'affirme la devise américaine : In God we trust. Doit-on y voir le contrepied à la mise en garde comme quoi l'argent en fait pas le bonheur ou une allégorie à la pluie de grains de riz qui porte chance aux futurs mariés ?
Tout cela ne pénalise pas le travail de mise en scène ni le final où la rousse flamboyante triomphe du machisme ambiant.
On quitte l'opéra Bastille en emportant avec soi de très belles images. J'encourage tous les publics, connaisseurs, amateurs ou néophytes à tenter l'expérience. Mon seul regret fut de redescendre sous terre ensuite pour prendre le métro en ayant le sentiment de rejoindre les catacombes.
La Fanciulla Del West de Puccini à l'Opéra Bastille jusqu'au 28 février 2014
Bravo, c'est un papier sérieux et qui vaut par la prise de risque car enfin son auteur ose s'exprimer en toute subjectivité.Et il en ressort quelques envolées étonnantes: par exemple ce contraste entre l'empilement des grosses limousines américaines qui ne sont pas seulement nos "chevaux du XXI°s" mais aussi la banale "vie matérielle" vouée à l'abandon et à la casse et l'escalier géant, qui voudrait aller jusqu"au ciel comme nos grandes cathédrales, et qui serait la métaphore des sentiments plus nobles de l'homme, de ses aspirations au bien et au beau qui finalement triomphent dans cet opéra
RépondreSupprimerIl faudrait évoquer la splendeur intimiste de la musique de Puccini,et les choeurs des voix d'hommes...., La dernière est vendredi prochain, courrez y en confiance