mardi 30 juillet 2024

Le Viognier 2023 du Domaine Pichon Père & Fils

J’ai eu la chance découvrir le Viognier 2023  IGP Collines Rhodaniennes du Domaine Pichon. Je l’ai apprécié … malgré tout en toute modération.

Ce joli vin 100 % Viognier est issu de parcelles situées sur la rive droite du Rhône, d'un sol granitique à faible pente. Les vendanges sont manuelles, l'élevage est de 6 mois, 30% en fûts et 70% en cuves.

Comme vous pouvez le constater, la robe est brillante, de couleur or, formidablement mise en valeur par la finesse d’un verre à vin blanc Zwiesel de la collection Prizma.

Le nez est fin et mûr, combinant autant les fruits blancs que les jaunes, avec une minéralité contrebalancée par de douces épices douces. La bouche est naturellement fruitée, ample et d’une belle longueur.

C’est pourquoi j’ai immédiatement eu envie de le servir en accompagnement d’une tarte aux mirabelles, fruit de saison qui se fait hélas de plus en plus rare sur nos marchés. Mais je n’ai pas voulu restreindre cette bouteille à la fin du repas.
J’avais prévu du cabillaud à l’aubergine, préparé dans une sauce tomate. Le procédé est ultra simple et rapide, ne générant pratiquement pas de vaisselle puisque la cuisson se fait, sans aucune matière grasse, dans le micro ondes. On coupe une aubergine en petits dés qui fondront presque en 4-5 minutes. On recouvre alors de sauce tomate dans laquelle on place le poisson coupé en morceaux. La cuisson reprend pour une durée semblable. On ajoute avant de servir, un reste de riz déjà cuit et quelques olives vertes (ou noires).
Le Viognier s’est bien accordé avec ce plat méditerranéen. Je le verrais également sur une terrine de saumon aux petits légumes en gelée, ou, en raison de sa rondeur sur une escalope de foie gras poêlée … lorsqu’on sera en période de fêtes. Il convient très bien à la cuisine sucrée-salée et à tous les fruits. Essayez sur du melon. C’est autant original que réussi.
En attendant, il s’est marié avec deux fromages pourtant différents, le Chaource et le Morbier. Et bien entendu avec la tarte que j’annonçais précédemment et dont je vous donne le secret de la réussite. Pour éviter qu’elle jus des fruits ne détrempe la pâte je la saupoudre avant de les disposer et je commence toujours par l’extérieur pour terminer par le centre, ce qui est esthétiquement plus élégant.
La cuisson a été menée 30 minutes à four plus chaud que d’habitude (200°) ce qui a un peu contribué à assécher le fond. Cette tarte "pâte fine" a beaucoup plu.
Le Viognier est un vin véritablement agréable pour sa rondeur et surtout son côté fruité qui est une des caractéristiques de ce cépage. Mais qui s’exprime différemment d’un domaine à un autre. Il y a quelques semaines j’avais servi le Viognier de Saint-Georges d’Ibry IGP vallée de Thongue, avec un minestrone, ce que je ne ferais pas avec celui-ci.

Pour vous en dire plus sur le Domaine Pichon Père & Fils, il vinifie 30 hectares, répartis sur Condrieu, Côte Rôtie, Saint-Joseph blanc et rouge, Cornas, Crozes-Hermitage rouge, Hermitage blanc et rouge et un Côtes-du-rhône rouge. Cette réalité fait de Christophe Pichon un vigneron spécialiste de la rive droite du Rhône et des appellations incontournables et prestigieuses de cette région réputée.

La production de 180 000 bouteilles est vendue au domaine et présente chez des cavistes et dans des restaurants dont de nombreux restaurants étoilés français. Les vins sont également distribués dans plus de 20 pays dans le monde.

SARL Christophe PICHON, 3 Zone Viticole Jassoux Grand Val, 42 410 Chavanay – 04 74 87 06 78
Ouvert toute l'année de 10h à 12h et de 14h à 18h (fermé dimanche et jours fériés).
Boutique en ligne
Couverts de présentation Jean Dubost

dimanche 28 juillet 2024

L’écriture est une île de Lorraine Fouchet

Je n’avais pas lu de roman de Lorraine depuis un moment quand la couverture de L’écriture est une île m’a sauté aux yeux au retour de la mienne d’île, différente de la sienne, puisque je sillonne Oléron quand elle arpente Groix.

Je crois qu’il en est des îles comme des livres. Elles ont en commun de nous isoler du monde pour nous permettre de nous retrouver et peu importe celle de notre coeur.

Mes yeux ont évidemment retrouvé leurs marques dans ce roman, à l’instar du marin qui rentre au port. Le style de Lorraine Fouchet est à la fois particulier et simple. Les mots coulent naturellement et de chapitre en chapitre c’est une forme d’apaisement qui diffuse en nous. Pourtant il y a des tempêtes, des retournements de situation, un peu comme ce qui se passe dans la vraie vie. C'est peut-être parce que l’auteure n’a jamais abandonné la part d’elle-même qui l’avait conduite à exercer d’abord le métier de médecin que ses ouvrages ont quelque chose de l'ordre du "Feel Good" bien que je trouve qu'ils n'appartiennent pas vraiment à cette catégorie.

Je ne classerais pas ce roman parmi ces livres là parce que, selon moi, un livre de ce genre prend le lecteur par la main et lui fait suivre un trajet semé d’embûches qui progressivement vont s’aplanir. Ici, tous les protagonistes vont alternativement rencontrer des soucis et devoir résoudre des difficultés. On n’est pas dans la foulée d’un seul personnage. Il n’est pas question de s’identifier mais, comme toujours, cette auteure s’y entend pour provoquer l’empathie à l’égard de ses personnages. Mais, attention, je ne dirai jamais qu’elle nous donne des leçons. Toujours est-il qu’on se sent mieux en sa compagnie. J’ai lu quelque part qu’elle rassemblait 80 000 lecteurs, ce qui ne m'étonne pas, et j’apprécie ma chance de la connaître personnellement.
Il paraît que toutes les histoires ont déjà été racontées. Alix refuse d’y croire. Elle est romancière et, pour son métier, elle a renoncé au reste. Un jour, elle accepte de partager sa passion lors d’un atelier d’écriture sur l’île de Groix. Si chacun des six participants pensait savoir pourquoi il se lançait dans l’aventure, celle-ci se révèle pleine de surprises. Ensemble, ils vont découvrir que le soleil peut se coucher à l’est, qu’une voix muselée une vie entière sait encore chanter, que l’amour vaut la peine d’être gueulé ou acclamé sur scène, et qu’il n’y a pas d’âge pour pardonner et recommencer. Réunis autour des mots qui les bouleversent, qui les habitent, qui les hantent ou qui les émeuvent, ils vont apprendre qu’écrire, c’est aussi écouter.
On retrouve dans ce roman quelques ingrédients désormais incontournables comme le champagne, dont, à l'inverse d'Amélie Nothomb qui change régulièrement de marque, est toujours un Mercier (p. 216) et qui connaît Lorraine sourira à cette évocation. Elle fera de nouveau intervenir le verrier de Groix, Damien Vanoni, qui depuis quelques romans, créé un objet particulier en lien avec l'intrigue. Cette fois ce sera une plume enfermant un peu du sable de la plage et quelques mots.

La fidélité la caractérise et ce n'est pas un hasard si elle fait par deux fois référence à un certain Grégoire qui ne peut être que Delacourt. Et puis on retrouve une bibliographie, la playlist des morceaux cités, quelques recettes alors qu’elle n’est pas cuisinière mais si fine gourmet et ses meilleures adresses de l’île dont elle est devenue l’ambassadrice d’  honneur. Mon Pote (son adorable chien) passe en un éclair (p. 239). Les lecteurs familiers apprécieront.

J'ai trouvé qu'elle faisait preuve d'astuce en se mettant soi-même sur la scène en endossant le costume de l’écrivaine, sans pour autant jouer la carte de l’autobiographie, si ce n’est qu’elle s’est évidemment inspiré de son expérience récente en tant qu’animatrice d’un atelier d’écriture. Et ce livre contient, mine de rien, tous les (bons) conseils pour écrire, sans pour autant donner de leçon. Il est donc très agréable à lire.

Elle nous offre de jolies réflexions sur la maternité. Et il est vrai que les mères ne sont pas libres, elles s’enchaînèrent à vie par amour (p. 153). Elle en parle avec humilité. Et sans dévoiler l’intrigue, je dois dire qu’elle ne donne pas le beau rôle à son personnage principal. Encore bravo.

Elle y déploie une psychologie très profonde. Un livre qu’on lit est un tapis volant qui transporte, un gros pull qui réchauffe, une épopée dans laquelle sauter à pieds joints et à coeur battant, les yeux écarquillés. Mais lorsqu’on l’écrit, c’est un grand huit dont on ne revient pas indemne. (…). Ecrire ce n’est pas une thérapie, mais ça ébranle les fondements (p. 58). Le personnage d’Alix a raison de pointer la différence entre lire et écrire même si ces deux actions remuent.

Pour appuyer son argumentation sur la nécessité de tailler et élaguer son texte, elle a recours au sketch des oranges de Fernand Raynaud (dont elle a censuré la chute) et j'ai adoré le retrouver (p. 96).

On ne se doute pas combien le Brexit a modifié beaucoup de choses. Je ne suis pas étonnée qu'il ait été fatal à l’activité de brocanteuse d’un duo d’anglaises mère-fille (p. 41). Elle a l’art de distiller des éléments historiques, culturels, des allusions gourmandes. Je l’envie d’avoir pu visiter la maison-musée de Gainsbourg, rue de Verneuil (p. 152).

Le livre aurait pu s’arrêter p. 243 mais Lorraine prolonge, afin de ne pas laisser la curiosité des lecteurs en panne sur une fin ouverte. Et même, à la toute fin, elle lève tous les voiles. Plusieurs histoires d’amour et d’amitié (disons d’affection) s’entrecroisent habilement et sans aucune mièvrerie, nous faisant juste regretter de n'avoir pas fait partie des happy few de cet atelier.

A force d’entendre son refrain Et … et … et … racontez ! on a autant envie de s’y mettre que de programmer un séjour sur Groix.

L’écriture est une île de Lorraine Fouchet, éditions Héloïse d’Ormesson, en librairie depuis le 4 avril 2024

jeudi 18 juillet 2024

Fefanyi, premier album d'Abdoulaye Kouyaté

Si vous vous intéressez à la musique Afrobeat Pop vous allez adorer Fefanyi, le premier album d'Abdoulaye Kouyaté. Et si vous ne connaissez pas encore, c'est l'occasion d'une belle découverte.

Abdoulaye Kouyaté suit la route tracée par son père, Sekou Kouyaté, griot moderne, guitariste respecté et chef d’orchestre de Miriam Makeba, durant ses années d'exil en Guinée.

Avant d'écrire les dix chansons de son premier album, il accompagna des artistes comme Ba Cissoko, Mariama, Jain ou encore Gabi Hartmann.

Il est autant virtuose à la guitare qu'à la kora et c'est aussi un excellent chanteur. On a du mal à comprendre qu'il ait hésité si longtemps à interpréter lui-même les paroles de ses chansons. En effet, il avait prévu d'abord de concocter un album totalement instrumental, avec surtout kora et guitare, mais on est ravi qu'il ait osé franchir le pas, avant d'avoir atteint la cinquantaine.

Il ne s'est pas lancé seul. Il a été soutenu par Gabi Hartman, la chanteuse de jazz au service de laquelle il s’est mis depuis 2015, peu de temps après son arrivée dans la capitale parisienne et que l'on entend chanter sur Douniema (qui signifie le rancunier - piste 2). Ils forment ensemble un très joli duo.

Le titre de l'album est emprunté à Fefanyi (Abdoulaye Kouyaté, Popimane) -piste 6, un mot qui signifie le bienfaiteur. La chanson est écrite dans la tradition des griots (dont les Kouyaté sont issus) qui consiste à chanter les louanges des grands hommes, des généreux bienfaiteurs….

On entend principalement des paroles en soussou (langue de la capitale guinéenne, Conakry) mais on surprend du français sur Douniema (Abdoulaye Kouyaté, Gabi Hartmann, Popimane) - piste 2 et sur On fait quoi ? (Abdoulaye Kouyaté)- piste 7 et Toi tu penses nous on bouge ! (Abdoulaye Kouyaté, Dix) - piste 10, deux titres qui ne manquent pas d'humour et apportent un ton décalé par rapport aux autres titres, davantage inspirés du folklore guinéen.

Yannick Vela et Guy Nsangué l’accompagnent à la basse, Nicolas Grupp à la batterie, Dramane Dembele à la flûte peule, Robbie Marshall au saxophone, Guillaume Latil au violoncelle, Dartagnan Camara au djembé folk, les choeurs de Djene Kouyaté, et comme mentionné précédemment Gabi Hartmann au chant. Et c'est au béninois Patrick Ruffino que la réalisation a été confiée. Abdoulaye Kouyaté le connait depuis une vingtaine d'années, depuis qu'il avait remplacé son père Sekou Kouyaté au sein du mythique Circus Baobab qui a fêté ses cinquante ans d'existence en décembre 2023.

L'ensemble nous fait voyager et donne envie d'apprendre le yolé traditionnel de Guinée pour danser au rythme de cette musique. Cet album est une porte d'entrée facile à qui voudrait découvrir la musique Afrop Pop et saisir quelques leçons de vie guinéennes par exemple avec Saré (tout a un prix - piste 5) ou Inamakana (si tu ne peux pas aider ton prochain, ne l'enfonce pas - piste 9).

Ce projet personnel est caractéristique de la signature de Abdoulaye Kouyaté. On peut avoir la certitude que d'autres albums vont suivre.

Fefanyi de Abdoulaye Kouyaté (Reva Music- Label : Rock' n' Hal)
Avec Abdoulaye Kouyaté (chant, guitare, kora), Yannick Veta (basse), Nicolas Grupp (batterie), Djene Kouyaté (choeurs)
Invités Gabi Hartman (chant sur Douniema), Dramane Popimane Dembélé (flute peule sur Douniema, Fefanyi et Inamakana)
Dans les bacs à partir du 14 juin 2024

lundi 15 juillet 2024

Petites dents, grands crocs de Émilie Guillaumin

Petites dents, grands crocsest un morceau de comptine que je ne connaissais pas. Et si la plupart de ces ritournelles sont amusantes j’ai immédiatement trouvé celle-ci glaçante. Il faut dire que si on a lu la quatrième de couverture on ne s’attend pas à ce que Emilie Guillaumin nous raconte un conte de fées dans son troisième roman.
Sarah Barry, épouse et mère en apparence comblée, a quitté les RH d’une grande entreprise pour s’accorder une année d’écriture. Mais alors qu’elle dispose enfin du temps nécessaire, le piège de la domesticité semble se refermer sur elle. Cela commence par une fatigue inhabituelle, des chutes de cheveux, et puis il y a ces maux de tête lancinants. Quand il n’est pas en voyage d’affaires, son mari la couve, la chahute, la questionne. Entraînant leur fils dans ce manège qui ne tourne plus très rond. À moins que ce ne soit elle qui fantasme ?
L’éditeur a jouté un commentaire dans lequel je repère les mots « noire, vampire, regard sans concession sur le couple et la maternité ». Si j’ajoute que l’auteure a glissé à deux reprises dans le roman que le mariage peut être le siège de toutes les haines vous devinerez combien cette lecture fera frissonner.

Le foyer qui nous est décrit est un lieu où tout le monde se consumerait. Si Sarah n’est pas folle, les éléments sont là pour qu’elle le devienne même si la culpabilité de chaque personnage n’est pas établie. Disons qu’un faisceau d’indices nous fait craindre le pire, y compris de la part de Sarah qui apparaît autant victime que condamnable. Personne ne semble blanc comme neige.

Se déroulent en arrière-fond des attaques informatiques qui permettent au mari de développer son entreprise. Elles correspondent à une préoccupation économique contemporaine et la métaphore du virus amplifie le contexte anxiogène qui est alimenté de multiples façons comme le brasier d’un incendie de forêt par la moindre épine de pin. Les mots grincent et l’angoisse monte d’un cran de chapitre en chapitre à tel point que j’ai cru avoir entre les mains un roman policier.

La jeune femme rêve d’écrire un roman, ambition qui n’est pas si originale que ça, mais qui offre à l’auteure l’occasion de nous livrer sa réflexion sur les difficultés à écrire … tout en semant le doute sur l’existence d’une raison exogène. Sarah croit avoir pris la bonne décision, en sollicitant une année sabbatique pour se donner le temps de mener son projet, pile au moment où sa vie se détraque. Peut-on y voir une relation de cause à effet ou un pur hasard ?

Sarah est un personnage complexe envers lequel le lecteur a du mal à se positionner. Le récit étant écrit de son point de vue on ne peut qu’y adhérer, mais, curieusement on a du mal à apprécier si on peut la croire. Quand elle parle du travail qu’elle vient de quitter elle se présente comme ayant été une directrice des ressources humaines exceptionnelle en faisant intervenir un ancien employé dans la conversation. Difficile pour nous d’imaginer qu’elle a été "cette femme là" (p. 143) alors qu’on assiste à sa dégringolade. A fortiori de réprimer l’envie de lui souffler de se secouer et de reprendre les choses en main.

L’écriture est noire, choquante, violente, très imagée. J’ai rarement perçu autant de sensations et d’odeurs au fil des lignes, jusqu’à en avoir moi-même le tournis, me faisant reposer le livre pour quelques heures pour laisser retomber la pression … avant de le reprendre parce que, c’était plus fort que moi, j’étais prête à accompagner Sarah jusqu’au bout de son enfer, quel qu’il soit.

La musique de Petites dents, grands crocs devenait obsédante et ce n’est qu’à la toute fin que j’en ai compris la véritable signification.

Après des études de lettres à la Sorbonne et de criminologie à New York, Émilie Guillaumin a passé deux ans au sein de l’armée de terre française, aventure dont elle a tiré Féminine, puis L’Embuscade, qui a reçu un très bel accueil de la critique et du public.

Petites dents, grands crocs de Émilie Guillaumin, Harper Collins "Traversées", en librairie depuis le 4 janvier 2023

samedi 13 juillet 2024

Le Jeu des 7 familles de Simon, l’école des loisirs récréative

Connaissez-vous la collection l’Ecole des loisirs récréative. Je l’ai découverte par le biais d’un jeu de 7 familles imaginée par la créatrice de Simon le lapin, j’ai nommé Stéphanie Blake.

Les enfants connaissent bien son univers, ce qui leur donne immédiatement envie de tirer sur le ruban pour libérer les cartes contenues dans le coffret.

Les adultes que nous sommes sont des familiers de ce jeu qui est un classique. On peut bien entendu y jouer selon les règles d’usage, que je vais malgré tout rappeler sachant que le gagnant sera celui qui regroupera le plus grand nombre de familles.

Avec Stéphanie Blake, une famille c’est une mère, un père et quatre enfants : Papa, Maman, Simon, Lou, Gaspard et Milou.

Et elle leur a attribué des noms plutôt amusants. Avec elle on s’appelle Réveil, Poux, Love, Super-héros, À la piscine, À la neige et Au loup. Le recto-verso d’une carte spéciale permet de se familiariser avec elles d’un seul coup d’œil.
Une fois les cartes mélangées on en distribue six à chaque joueur en plaçant au milieu de la table celles qui restent et composeront la pioche. Il serait extraordinaire qu’un joueur possède déjà une famille à ce stade.

La conceptrice a pimenté le lancement de la partie en suggérant que celui qui commence sera le joueur ayant réussi à crier « super lapin » le plus fort. Mais rien ne vous empêche de faire comme il convient d’habitude, en laissant cet honneur au plus jeune.

Il est impératif de posséder au moins une carte de la famille que l’on veut compléter. On peut demander alors n’importe quel membre à n’importe qui pourvu de le formuler en indiquant le nom de la famille et celui du personnage. Par exemple : dans la famille Love je veux Gaspard.

Si la chance est au rendez-vous le joueur obtient la carte demandée et peut alors poursuivre en faisant tout de suite une nouvelle requête en s’adressant à  n’importe qui. Sinon, il a une deuxième chance en piochant une carte. Là encore s’il découvre la bonne carte il peut poursuivre. Si ce n’est pas le cas ce sera son voisin de gauche qui prendra la suite.

Pour corser la partie, Stéphanie Blake impose une formule pour signifier qu’on a obtenu la carte demandée (on criera Caca boudin !) ou pas (on criera Patate pourrie !). Vous imaginerez aisément la joie des petits et … les grimaces des adultes qui finiront tout de même par sourire en se pliant à cette règle.

Comme il est d’usage, à chaque fois qu’un joueur rassemble les six membres d’une même famille il l’étale sur la table en donnant son nom d’une voix victorieuse. Par exemple : famille À la neige ! 

On peut, lorsque les enfants sont familiers de ce jeu, ajouter des variantes. Par exemple en donnant à quelques familles un super pouvoir. Celui qui possède la famille Au loup pourra en croquer une, celle de son choix, au moment de son choix (mais une seule) qu’il volera ainsi à un autre joueur.
J’aime beaucoup l’illustration de cette famille qui se déploie dans la campagne pourvu qu’on place les cartes dans un certain ordre.

On pourrait convenir que celui qui rassemble la famille Love devra se lever et faire un bisou à chaque participant. A vous de trouver d’autres gages ou bénéfices …
Et si vous pensez que les bambins sont trop jeunes pour faire une partie « régulière » vous pouvez commencer par la reconnaissance des personnages et l’attribution de leurs noms. Puis suggérer des regroupements : toutes les mamans, tous les papas, tous les Simon … en établissant des comparaisons, en pointant les éléments en commun. Il est envisageable d’utiliser les cartes en mémory pour travailler l’observation et la mémorisation.

Je parie que vous aurez ensuite envie de découvrir le Jeu de bataille de la terrible Cornebidouille, imaginé d'après l'univers de Pierre Betrand (l’auteur) et de Magali Bonniol (l’illustratrice) qui a réjoui deux générations depuis 2003 et  le Mistigri de la princesse coquette (d'après l'univers de Christine Naumann-Villemin et Marianne Barcilon). Ces trois jeux de cartes sont au prix unique de 8, 90 €. Mais il en existe d’autres, puzzles, cahiers de dessin … qui tous s’inspirent, évidemment, d’albums ayant connu un grand succès.

Les parisiens pourront aussi prendre rendez-vous à La maison des histoires qui se trouve au fond de la librairie Chantelivre, rue de Sèvres. On y joue dans les décors grandeur nature de tous les succès de la littérature jeunesse, à commencer par la cuisine de Cornebidouille.

Stephanie Blake est née en 1968 à Northfield dans le Minnesota et vit aujourd’hui à Paris. Autodidacte, elle a été une grande lectrice de A.A Milne, d'Astrid Lindgren, du Docteur Seuss et de Tomi Ungerer, sans oublier les "nursery rhymes".

Depuis la parution en 2002 de Caca boudin, Simon, le lapin de ses histoires, a pris sa place parmi les héros préférés des enfants. Elle dédramatise avec humour le quotidien à travers cet alter ego facétieux.

Jeu des 7 familles de Simon, jeu, l’Ecole des loisirs récréative, à partir de 4 ans
Disponible depuis le 24 avril 2024

mercredi 10 juillet 2024

Son odeur après la pluie de Cédric Sapin-Dufour

C’est toujours un peu bizarre de lire, un an après sa sortie, un immense succès de librairie et d’estime comme le fut Son odeur après la pluie. On est allégé de la pression de la découverte mais on s’interroge tout de même sur la puissance éventuelle de son ressenti. Aura-t-on le même avis que "tout" le monde ?

Je ne vais pas faire durer le suspense. La réponse est oui. Surtout pour les qualités littéraires de ce premier livre, qui se dévore comme un roman, malgré l’évidente part autobiographique.

Et pourtant ce n’était pas gagné d’avance parce que, tout en respectant les quatre pattes, je n’ai jamais souhaité en acquérir un. Il m’est déjà difficile de trouver une bonne âme pour prendre soin de mes plantes pendant mes absences, alors imaginez la responsabilité s’il s’agissait d’un animal !

Et puis je pense que le lien a été endommagé irrémédiablement quand, enfant, j’ai bondi de joie alors que mon père ramenait un chiot blotti dans son blouson de cuir à la maison et que maman se l’ait approprié. J’ai perdu le combat par KO ce jour-là. Je n’ai presque pas conservé de souvenir de cette chienne qui était pourtant adorable. Nous n’avons sans doute jamais créé de relations et je me sens être tout le contraire de Cédric Sapin-Dufour.

Tout comme je suis loin de les leçons de de François Schuiten qui, avec le magnifique roman graphique Jim, composé de 126 pages, uniquement en noir et blanc, dédiée un superbe hommage à tous ceux qui ont perdu un chien (chez Rue de Sèvres).

J’avais, pour toutes ces raisons, des doutes à me laisser convaincre par ce que j’avais deviné être un amour  passionnel entre un homme et son chien. C’était sans compter l’immensité de la qualité d’écriture de l’auteur que j’aurais juré être maître de conférence de littérature avant de comprendre qu’il était professeur de sports (ce qui n’est pas du tout une discipline mineure, évidemment). J’ai appris dans ce roman d’une grande richesse lexicale énormément de termes dont j’ignorais l’existence. Cet homme a le goût des mots justes pour analyser les relations, qu’elles soient entretenues avec des animaux ou des humains.

Puisqu’il faut parler vrai on saura comment il a donné à son bouvier le nom, puisqu’il n’est pas question de prénom pour un animal (p. 50) d’Ubac sans nous faire d’explication de texte ni psychologiser à propos du choix du versant ombragé de la montagne.

Tout propriétaire de chien fait preuve "d’audace d’aimer" (p. 25) puisque son bonheur est tributaire d’une date de péremption non négociable avec la chronobiologie. Le lecteur est mis en garde contre l’utopie : on a beau l’aimer d’un sentiment imarcescible, l’animal est loin d’être éternel (p. 23), autrement dit si notre sentiment ne fanera pas, le chien est mortel, et son espérance de vie est réduite car il paraît que « rares sont les bouviers à deux chiffres ». Dépasser l’âge de 13 ans fut donc un record pour le sien. Piètre succès néanmoins et les larmes seront au rendez-vous page 237 lorsqu’il faudra bien se résoudre à aborder la phase terminale. Mais avant, vous aurez traversé de très belles pages. A commencer par le prologue de Jean-Paul Dubois qui est superbe.

Cédric Sapin-Dufour évite brillamment deux écueils. Celui d’un excès de sentimentalisme qu’on aurait pu craindre avec le titre. Son odeur après la pluie apparaît très tôt (p. 54) et ce n’est pas le souvenir persistant d’un animal décédé. Et celui de la bêtification. Aucune scène n’est puérile. Rien n’est médiocre pour tenter de nous faire comprendre ce qu’est l’amour des chiens, improbable affinité qui dépasse et relie tous les incompatibles de cette terre (p. 108). Il sait faire preuve d’humour en se moquant de lui-même : j’ignore pourquoi nous nous évertuons à parler aux chiens. Sans doute chacun de nous rêve-t-il en secret d’être le premier homme sur terre à qui le sien répondra (p. 73), et même de son chien dont il décrit la volonté de sauver d’un accident un gastéropode qui voulait traverser la route (p. 118).

Il ne nous épargne pas les mésaventures médicales qui touchent les animaux dont la vie est loin d’être une promenade facile. J’ignorais la dangerosité des tiques, sans doute surtout pour ceux qui ont le poil long et qui vivent quasi exclusivement en pleine nature.

Comme il a raison de rendre un vibrant hommage à ces professionnels spécialistes de tout, faisant chacun ce qu’une cohorte de dix médecins peinerait à honorer, au milieu de patients infoutus de dire où ils ont mal  (p. 163).

S’il forme avec Ubac ce qu’il désigne lui-même par le terme de dyade (p. 137) son amour pour ses chiens (car il en a plusieurs en même temps) n’est pas exclusif et c’est aussi ce qui est beau. Il est partagé avec sa compagne, Mathilde, qu’il associe à leur histoire et qui a toute sa place.

Cédric Sapin-Dufour se révèle être un homme de convictions et de tempérament, tout autant que de bienveillance. On rage d’ailleurs de comprendre qu’il s’est fait virer de son habitat par des propriétaires détestant probablement les chiens. Il ne s’étend pas sur le sujet mais ce qui nous est confié est une vraie honte.

J’encourage les éventuels réticents à lire ce roman pour comprendre ce que peut être un essentiel inutile (p. 35). Je ne raconterai pas l’histoire mais je voudrais citer une des très belles phrases du livre, qui n’est pas la dernière : je n’avais pas tout à fait fini de t’aimer (p. 239). 

Son odeur après la pluie de Cédric Sapin-Dufour, collection La Bleue, Stock, en librairie depuis le 29 mars 2023
Prix littéraire 30 Millions d'Amis (communément appelé le Goncourt des animaux).
Prix de la Centrale Canine et Prix Terre de France 2023
Prix du meilleur auteur de l'année aux Trophées de l'édition organisés le 25 mars 2024 par le magazine Livres Hehdo

dimanche 7 juillet 2024

Après un Gris voici un Blanc des Coteaux du Vendômois, celui du domaine du Four à Chaux

Après le Gris 100% pineau d’Aunis j’ai poursuivi mon exploration des vins des Coteaux du Vendômois avec un Blanc. Cette fois c’est le cépage Chenin, lointain cousin du Savagnin jurassien si particulièrement aromatique et que j’ai tant.

C’est sans doute pour cela que ce vin peut se déguster (aussi) avec une tranche de melon alors qu’on ne parierait pas sur un tel accord a priori. Essayez et vous me direz …

Selon sa teneur en sucre, le Chenin est vinifié, selon les terroirs, en vin tranquille, effervescent (méthode traditionnelle ou crémant) ou encore en vins secs ou liquoreux. Il donne par exemple le délicieux Bonnezeaux. On le retrouve, en assemblage avec le Chardonnay et le Mauzac, dans l’AOP de la Blanquette de Limoux.

Le domaine du Four à Chaux, à Thoré-la-Rochette, opte pour une vinification traditionnelle avec fermentation en cuve inox à 18°C. Après 15 jours de fermentation, le vin est laissé sur lies jusqu'à sa mise en bouteille au printemps. Les vignes sont installées sur un sol d’argile et de silex. Voilà pourquoi ses accents minéraux évoquent la pierre tendre de tuffeau des caves troglodytes si caractéristiques du Vendômois. Une acidité bien présente -mais sans excès- procure une fraicheur bienfaisante tempérée par une belle structure et une rondeur très agréable.
La robe est joliment dorée et le nez développe des arômes de fleurs flanches et de fruits secs.

Etant en ce moment au bord de la mer j’aurais pu le servir avec un plateau de fruits de mer, de simples crevettes grises ou un poisson grillé. Il est vrai que le maquereau est un délice quand il est cuit au barbecue.
J’ai pensé qu’il apporterait une note de vivacité à une assiette de sushis et le résultat a été très apprécié. Ses caractéristiques organoleptiques permettent de le garder sur la table pour le fromage, surtout si c’est une tomme de montagne d’été, faite avec le lait de vaches qui ont brouté des fleurs sauvages. La note de miel de ce Chenin répondra au goût beurré du fromage et au levain d’un pain de campagne.
La bouteille n’ayant pas été terminée, nous l’avons appréciée encore une fois le soir avec une spécialité charentaise, le rillon, sur une tranche de pain grillé. L’alliance du gras et du minéral de ce Blanc des Coteaux du Vendômois autorise de nombreux accords.
Coteaux du Vendômois, Domaine du Four à Chaux, 2023
Appellation Coteaux du Vendômois controlé
EARL Dominique Norguet - Propriétaire récoltant à Berger - 41100 Thoré-la-Rochette

vendredi 5 juillet 2024

Poussière blonde de Tatiana de Rosnay

Tatiana de Rosnay a eu bien raison de se saisir du prétexte de la démolition de l’hôtel où séjourna Marilyn Monroe pendant une partie du tournage des Désaxés pour en faire le cadre de Poussière blonde.

Elle a imaginé un scénario qui lui permet de nous parler avec beaucoup de sensibilité de cette actrice à la vie malheureuse en la montrant sous un angle qui est parfois très positif. Elle devient sous sa plume le bon ange d’une autre femme qui, grâce à son intervention, aura le cran de « déployer ses ailes ».

Nous séjournons dans le Nevada dont on découvre les grands espaces et ces chevaux, les mustangs, dont j’ignorais qu’ils avaient fait l’objet d’un odieux trafic. Les mots pour décrire leur massacre sont horribles (p. 103) et l’auteure est engagée en faveur de la protection de la nature. Nous vivons aussi dans Reno, la ville qui s’est rendue célèbre pour son casino et la facilité à y divorcer avant d’être détrônée par sa voisine, Las Vegas. Nous arpentons le Mapes jusqu’à la Sky Room (verrière panoramique) qui était l’endroit à la mode au coucher du soleil (p. 23) et que les préservasionnistes n’ont pas réussi à sauver. Il fut dynamité le 30 janvier 2000 à huit heures du matin devant une foule de spectateurs ne comprenant pas comment un tel lieu pouvait voler en éclats et ne laisser que de la poussière (p. 24) et des volutes de poussière dorée (p. 281).

La poussière est partout. Elle accompagnera la chute de l’immeuble, comme le galop des chevaux. Dans sa dimension métaphorique elle est aussi bien sûr le souvenir de la plus célèbre des actrices blondes. Enfin, comme dit en exergue, c’est un hommage à Une page d’amour d’Emile Zola quand, ce jour-là, dans le ciel pâle, le soleil mettait une poussière de lumière blonde.

Si quelques semaines plus tôt elle avait loué le Bungalow 21 (qui fit l’objet de la pièce de théâtre éponyme que j’ai vue en octobre 2023) le cadre est cette fois la Suite 614 de l’hôtel. Les deux histoires s’enchaînent. On découvre un nouvel épisode de la romance entre Yves Montand et la star américaine, manifestement très amoureuse, et comblée de faire la connaissance avec la jeune Frenchie qui assure le ménage de son appartement, partage son intimité, et qui va lui traduire son ultime lettre d’amour à l’acteur (p. 96).

On suivra aussi une très jolie scène de comédie dans laquelle Marilyn se grimera en Zelda Zonk pour approcher Marcelle, la mère de Pauline nostalgique du salon de coiffure parisien de la rue Bréa qu’elle laissa derrière elle pour retrouver son fiancé américain (p. 212-213).

Peu importe la vérité absolue à propos de Marilyn et de sa joyeuse clique (p. 206), même si elle doit être peu ou prou exacte (l’auteure recense ses sources dans une longue bibliographie à la fin de l’ouvrage). On connait l’essentiel de la vie de cette actrice minée par l’impossibilité de devenir mère (elle souffrait d’endométriose, maladie peu diagnostiquée à l’époque), sombrant chaque jour davantage dans l’intoxication médicamenteuse et alcoolique. On sait tous à peu près ce qui s’est passé et malgré le titre, les véritables héroïnes ce sont ces femmes passionnées par le sauvetage des mustangs et qui parviennent à devenir maîtresses de leur destinée.

Je suis une actrice habituée à endosser des rôles. La personne extraordinaire, c’est vous (Pauline). Sauf que vous ne le savez pas (p. 217). En plaçant cette affirmation dans la bouche de Marilyn il ne fait pas de doute que Tatiana de Rosnay éprouve une grande tendresse à son égard.

L’écriture est marquée aussi par les récentes déclarations entendues dans le monde du spectacle. Il s’ensuit des portraits masculins au vitriol pour ceux qui abusent de leur supériorité qui contrastent avec ceux qui se comportent en gentlemen, en particulier le père de Pauline. Tatiana de Rosnay est clairement féministe à travers les paroles attribuées à la star américaine mettant en garde Pauline contre les hommes se comportant mal avec les jeunes femmes (…). Il fallait apprendre à leur tenir tête, elle devait s’affirmer, même si ce n’était pas facile, c'était la seule façon de faire. Elle en savait quelque chose (p. 201).

Son engagement va plus loin en pointant la jalousie mal placée des femmes entre elles. Comme cette collègue qui persifle à propos d’un court instant de gloire, cette histoire avec Mrs Miller (p. 255).

Tatiana de Rosnay est l'autrice de nombreux romans, dont Elle s'appelait Sarah, Manderley for ever, Nous irons mieux demain... Certains de ces ouvrages ont fait l'objet d'une adaptation cinématographique, comme par exemple celle, excellente, de Moka

Poussière blonde de Tatiana de Rosnay, Albin Michel, en librairie depuis le 7 février 2024

mercredi 3 juillet 2024

Le Saveurs d’été Gris 2023 de Denis Noury s’accorde avec une poule au pot d’été

C’est la star montante chaque été. Le rosé a de plus en plus de succès. Mais il a aussi ses détracteurs qui lui reprochent de faire mal à la tête et de n’être pas toujours vendangé selon les règles. Et pourtant, comme il est agréable de déguster -en toute modération- une telle bouteille quand il s’agit d’une belle appellation.

Et si on choisissait un gris ? A l’œil, c’est un rosé très clair, si bien qu’on confond souvent rosé et gris, qu’on appelait autrefois œil-de-perdrix parce que sa couleur est celle de l’iris de l’oiseau. C’était poétique.

La spécificité de ce vin ne se limite pas à son coloris. Il est le résultat d’une vinification particulière. D’abord il provient d’un cépage rouge (raisin à la peau noire et à la chair claire), mais -si on veut simplifier- travaillé comme un blanc.

Et de tous les Gris, le pineau d’Aunis occupe une place particulière. C’est un cépage à forte identité, authentique et représentatif du vignoble des Coteaux du Vendômois où il est installé depuis le V° siècle. L’AOP s’étend sur 125 hectares, répartis sur 28 communes dans le pays des boucles du Loir, entre Vendôme et Montoire, en comprenant, outre le Gris, des Blancs et des Rouges dont je parlerai à l’occasion d’une autre publication.

On décrivait autrefois le pineau d’Aunis comme une variété de vigne sauvage, rouge à raisins noirs, qui s’enroulait autour des branchages des arbres. Elle fut domestiquée par les moines en Anjou et en Touraine et n’est aujourd’hui cultivée que dans cette région - mis à part quelques communes de la Vallée du Cher. Parfois surnommé Chenin rouge, cette variété a été supplantée en Anjou par le Cabernet franc.

Denis Noury effectue un pressurage direct sans macération pour élaborer son Saveurs d’été Gris, 100 % Pineau d’Aunis, AOP Coteaux du Vendômois. C’est ce procédé qui donne au vin sa couleur si particulière. La robe rosée extrêmement claire, quasi « nude » avec des reflets argentés. Ensuite, avec le jus obtenu, le vigneron procède à sa vinification, laquelle est quasiment identique à celle du vin blanc. Son temps de fermentation avant sa mise en bouteille est très court, à peine quelques heures.

C’est parce qu’il résulte d’un cépage rouge que ce gris est équilibré autour d’arômes complexes qui évoquent des fruits très sucrés comme la poire ou la mirabelle. La bouche est ample et fondue, à la fois croquante et finement poivrée et pimentée en finale.

On le marie facilement avec de la charcuterie, des grillades, du poulet aux épices, de la lotte au poivre vert, des recettes asiatiques ou orientales mais aussi avec des coquillages. du camembert et du Pont-l’Évêque. qui se caractérise par un nez intense floral (pivoine) et fruité. 
J’ai choisi de le servir avec une sorte de poule au pot. En fait j’ai cuit dans un bouillon un poulet entier avec des carottes et du céleri branche. Il a été effiloché au moment de servir, et placé dans le bouillon avec tous les épices que j’aime : persil, ciboulette, menthe, fenouil et quelques lamelles de champignon cru. Ce plat est très agréable par une soirée d’été un peu fraîche.

La puissance aromatique de ce gris, bien supérieure à ce qu’on observe le plus souvent avec un rosé, et sa surprenante longueur en bouche, répondait parfaitement aux multiples saveurs du plat qui a été accompagné d’un riz blanc.
Outre sa qualité, son petit prix en fait un vin appréciable lors des repas simples entre amis puisque le prix TTC départ cave est de 5 euros, en vente directe. Denis Noury est un jeune viticulteur du Vendômois, qui réalise des vins de qualité. Il vend 70 % de sa production en direct, soit dans ses caves du Loir-et-Cher, soit dans les nombreux salons auxquels il participe.

Denis Noury Saveurs d'Eté Gris 2023 - 100 % Pineau d’Aunis - AOC Coteaux du Vendômois
Les Caves Baudet - 41800 Houssay - +33 (0)2 54 85 36 04 - nourydenis@hotmail.fr 

lundi 1 juillet 2024

L'atelier des lumières

Je ne peux pas prétendre avoir fait une découverte en visitant L’atelier des Lumières puisque l’endroit existe depuis déjà 6 années à Paris mais j’avais à coeur d’en parler car c’est une expérience à faire, d’autant qu’en proposant au spectateur trois films successifs (avec un billet unique), celui-ci fera une triple découverte, à chaque fois dans une atmosphère différente.

Il en existe aujourd’hui 9 de par le monde, dont 3 en France (avec une programmation différente) et je ne parlerai ici que du premier dont je donnerai l’histoire du bâtiment et de sa transformation en toute fin d’article afin de ne pas en ralentir la lecture.

L’enchaînement est permanent. Un compteur indique l’horaire au-dessus de la porte. On peut donc, au choix, attendre dans le hall le début de la projection suivante ou entrer et les suivre en boucle dans l’ordre dans lequel elles se présentent. En tout cas, comptez bien une heure trente pour tout découvrir tranquillement.
Le système de projection est proche de la magie. C’est assez envoûtant de se trouver au coeur des pyramides de l’Egypte antique ou dans le grand salon d’un collectionneur de peintures impressionnistes. Nous sommes dans une quasi pénombre, si bien qu’on oublie le cadre initial qui, par moments, se laisse deviner, en particulier quand on s’approche d’un mur latéral, encore percé d’une immense porte double ou du mur du fond sur lequel s’appuie un four de briques, ou qu’on monte l’escalier sous lequel sont stockés des bidons. Et puis il y a quelques anciennes bobines de câbles, celles qui font fureur comme table d’appoint et qui là, servent de sièges.
Le public est extrêmement attentif, ne mitraillant pas les projections avec leur portable (à l’inverse de ce qu’on constate en général dans les musées). On oublie les structures métalliques qui, par contre, apparaîtront nettement sur les photos. 
L’absence de commentaires rend le moment très agréable, à l’opposé de la leçon. On profite des images sans chercher à mémoriser des données historiques ou artistiques. On apprécie la beauté à l’état pur et on accueille des sensations, visuelles et auditives car les play-lists sont partie prenante de la performance (et accessibles ensuite par Internet).

On commence par déambuler. C’est logique, on voudrait ne manquer aucune image. Certains continuent à marcher, allant au devant des nouvelles projections. D’autres ont pris le parti d’observer depuis un endroit particulier. Il sera impossible de tout voir et cette option est assez satisfaisante une fois que nos yeux se sont adaptés à l’endroit. Il faut un peu de prudence car le sol est parfois un peu irrégulier et la transformation du paysage intègre celle du sol qui parfois tournoie, provoquant la sensation que nos pieds avancent sur une surface instable alors que les murs deviennent des parois coulissantes.
Le programme actuel satisfera les amateurs de géographie et d’histoire, d’art et de peinture, de nature comme de science-fiction. Autrement dit un très large public, de surcroît international puisqu’il n’est pas nécessaire de traduire des informations.

Si on suit l’ordre hiérarchique on enchaînera L’Égypte des pharaons puis Les Orientalistes et enfin Foreign Nature :