Il y a des spectacles dont on attend beaucoup en sachant qu’il est impossible qu’ils nous déçoivent, ce qui ne veux pas dire qu’ils ne nous surprendront pas.
C’est tout à fait le cas de L’extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt, qui m’a réjouie encore plus que prévu. Il fera date, c’est certain.
Les compliments se bousculent et je les formulerai dans l’ordre dans lequel ils me viennent. Géraldine Martineau nous offre des trouvailles de mise en scène, et je n’en citerai qu’une, la première à nous surprendre avec ces masques des religieuses du pensionnat évoquant d’immenses hosties.
Elle ne se contente pas de placer deux musiciens sur la scène, Bastien Dollinger au piano et à la clarinette et Florence Hennequin au violoncelle. Ils sont régulièrement associés au jeu des comédiens et il arrive que le fils de Sarah joue lui-même du piano. S’il ne fallait retenir qu’un mot ce serait "fluidité" tant les scènes s’enchaînent sans qu’on repère de fracture de l’une à l’autre alors que pourtant les années passent. Chaque déplacement, chaque action, chaque réplique sont justifiés et à la bonne place.
Estelle Meyer est une interprète d'exception et c’est aussi un enchantement lorsqu'elle interprète les chansons qu'elle a spécialement co-écrites. Ce genre d'intervention est si souvent plaqué sur tant d’autres spectacles. On aimerait qu'elle nous en redonne une après les saluts, mais il faudrait peut-être la rappeler 17 fois comme le fut Sarah.
Retenez en tout cas le nom de cette comédienne qui n’a pas fini de nous surprendre et qui se glisse avec flamboyance et sensibilité dans les costumes d'une femme qu’on connaissait mal et sur laquelle on avait associé des clichés.
La direction d’acteurs est sans faille. La plupart des comédiens interprètent plusieurs rôles et c’est à peine si on distingue qu’ils ne sont pas une trentaine. Il me faut pour être honnête tous les citer : Marie-Christine Letort, Isabelle Gardien, Blanche Leleu, Priscilla Bescond, Adrien Melin, Sylvain Dieuaide et Antoine Cholet.
Je n’ai pas envie de multiplier davantage les compliments. Je deviendrais suspecte alors que tout ce que je vous souhaite c’est de découvrir par vous-même ce chef d’œuvre. Je parie qu’il restera longtemps à l’affiche mais qui sait … ne tardez pas. Vous vous priveriez de bonheur, non mais … quand même ! Car telle était la devise de cette grande dame, intelligente, frondeuse, courageuse, actrice capable d'interpréter des rôles féminins comme masculins, osant réclamer l'égalité des salaires, capable de quitter par deux fois la Comédie Française, première en de multiples points et notamment en tant que star internationale, et femme de coeur aussi puisque malgré l'amputation d'une jambe en 1915, elle effectuera des tournées aux États-Unis afin d'inciter le pays à entrer en guerre. Elle n'hésitera pas davantage à se produire sur le front pour soutenir le moral des troupes.
Soyez attentif aussi à ce théâtre du Palais-Royal qui rappelle certaines de ses extravagances dans une alcôve de l'escalier :
Tout est formidable dans ce spectacle. Y compris l’affiche, de Pierre et le Loup, tout à fait dans l’esprit de celles qu’Alfons Mucha réalisa pour l’actrice et qui valurent la célébrité à ce peintre et dessinateur d’origine tchèque.
L’Extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt
Texte et mise en scène Géraldine Martineau
Avec Estelle Meyer, Marie-Christine Letort, Isabelle Gardien, Blanche Leleu, Priscilla Bescond, Adrien Melin, Sylvain Dieuaide, Antoine Cholet, Florence Hennequin, Bastien Dollinger
Scénographie Salma Bordes
Lumière et vidéo Bertrand Couderc
Costumes Cindy Lombardi
Composition musicale Simon Dalmais, Estelle Meyer
Chant Estelle Meyer
Chorégraphie Caroline Marcade
Perruques et maquillages Judith Scotto
Collaboration artistique Sylvain Dieuaide
Au Théâtre du Palais-Royal, 38, rue de Montpensier - 75001 Paris
du 27 août au 31 décembre 2024 (et on espère plus encore)
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