jeudi 6 juin 2024

Marcello Mio de Christophe Honoré

Christophe Honoré invente avec Marcello Mio un nouveau genre cinématographique, la bio-fiction. J’aurais eu un peu de mal à dire en fin de projection si j’ai aimé un peu, beaucoup ou finalement pas du tout. Bref, je suis partagée.
C’est l’histoire d’une femme qui s’appelle Chiara. Elle est actrice, elle est la fille de Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve et le temps d’un été, chahutée dans sa propre vie, elle se raconte qu’elle devrait plutôt vivre la vie de son père.
Elle s’habille désormais comme lui, parle comme lui, respire comme lui et elle le fait avec une telle force qu’autour d’elle, les autres finissent par y croire et se mettent à l’appeler « Marcello ».
C’est le septième long métrage dans lequel le réalisateur fait jouer Chiara Mastroiani. Des liens se sont noués entre eux en toute logique. Lui proposer un tel sujet n’est donc pas si "tordu". L’idée est intéressante, bien traitée, bien jouée, mais je me suis lassée à plusieurs moments. Le scénario aurait pu être traité avec davantage de vivacité car le film s’étire sur deux heures; ou alors il aurait fallu profiter de cette durée pour pousser le raisonnement plus loin en ce qui concerne le poids ou la force de l'héritage, la nostalgie, le deuil impossible et le manque …

Franchement, la motivation avouée par Chiara d’endosser le costume (non pas de son père, vous noterez au passage qu’elle l’emprunte à un de ses ex-compagnons) est un peu faible : ça me rend heureuse.

Même si on adopte le point de vue de Chiara, l’objectif principal de Christophe Honoré était sans doute de rendre hommage au grand acteur, Marcello Mastroianni (1924-1996), grand amour de Catherine, père de Chiara. A l’exception de Hugh Skinner (Colin), c’est très malin que chacun joue son propre rôle (y compris Chiara en se glissant dans la peau de son père), et même Stefania Sandrelli (elle joua avec Marcello dans Divorce à l'italienne en 1961, et avec Catherine Pourvu que ce soit une fille de Mario Monicelli en 1986)jusqu’à Fabrice Luchini, si bien que la fiction prend des allures de documentaire à certains moments.

On ressent du plaisir à les entendre tous en italien et -plus étonnant- on ne se sent ni exclu ni en position de voyeurisme, ce qui n’était pas gagné puisqu’ils sont dans un entre-soi insensé. Catherine Deneuve est formidable de naturel, tout comme Nicole Garcia qui est, je crois, une pièce rapportée dans cette histoire de famille rassemblant la mère et la fille, la femme et le père de sa fille, en présence d’un autre ex qui ne semble jamais jaloux de rien, tourné en grande partie dans l’appartement de Chiara ou de Catherine, en tout cas en bordure de la place Saint-Sulpice qui est l'épicentre du fief du clan. Car c’est bien ce qu’on découvre, une affaire de clan.

Il y a de beaux moments, et joyeux avec ça, en particulier une partie de hand-ball sur une plage qui sera un moment d’anthologie. Et plus tard l'interprétation par Catherine Deneuve d'un air original composé par Alex Beaupain.

A l'inverse, était-il nécessaire de ressusciter la traversée de la fontaine de Trévi, surtout après avoir placé en séquence d'introduction un tournage pseudo publicitaire dans celle de la place Saint-Sulpice par une photographe autoritaire (Marlène Saldana) houspillant Chiara désorientée mais de bonne volonté.

Au-delà de Mastroianni que Christophe Honoré a connu, c'est aussi un hommage, mais plus discret, à Fellini qui nous est offert. Egalement, par ricochet, aux acteurs et on comprend assez vite que l'idée de départ était aussi de témoigner du mode de vie des comédiens entre les tournages. Du coup, incarner son père se trouve relégué au second plan. Au final l'épisode dans l'eau de Saint-Sulpice devient plus essentiel que celui dans celle de Trévi, qui se trouve alors être le remake de la première, nous perturbant sur le faux et le vrai.

A tel point que ce qu'on croit être une exagération n'est que la pure vérité et que ce qui semble logique est une invention. Le thème est plutôt à la mode à Cannes cette année et il est central dans Le deuxième acte. Luchini a effectivement coiffé pendant dix ans la mère de Melvin Poupaud alors que Catherine ne fait jamais répéter Chiara.

Le vrai sujet du film est peut-être, comme le dit le réalisateur, est un mode d'emploi pour transformer sa vie en comédie quand on en fait (aussi) métier.

Marcello Mio de Christophe Honoré
Avec Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Fabrice Luchini, Nicole Garcia, Benjamin Biolay, Melvil Poupaud, Hugh Skinner, et avec la participation de Stefania Sandrelli dans son propre rôle
Festival de Cannes 2024 - Compétition Officielle
En salles depuis le 21 mai 2024

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