Bien sûr le thème du Diplôme n’est pas très original mais il est traité de main de maître dans le roman éponyme d’Amaury Barthet.
J’avais adoré au cinéma Arrête-moi si tu peux où Steven Spielberg démontrait en 2002 avec quelle facilité on pouvait usurper plusieurs identités, devenir spécialiste en falsification bancaire et même inventeur d’un excellent système de sécurité bancaire. Tout serait affaire de détermination et de talent, évidemment.
Amaury Barthet amène la supercherie sur le terrain de la justice sociale. Comme si les possesseurs d’une qualification obtenue dans une grande école étaient les véritables imposteurs puisque leur mérite se réduit à avoir obtenu le financement de leur cursus.
L’auteur connait bien le sujet. Il a eu en charge pendant plus de 4 ans l’évaluation des grandes écoles et des universités françaises au sein du Haut Conseil de l’Evaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il s’est, depuis, spécialisé en stratégie et pilotage au service d’organismes, toujours dans le domaine de l’enseignement. Son propos est donc admirablement documenté. Mais, et c’est ce qui fait son intérêt, la fiction fonctionne parfaitement.
Les personnages ont chacun des traits de caractères qui ne se révèlent que progressivement si bien que le crédit que le lecteur leur accorde ne sera pas illimité. Nous allons successivement admettre combien la place qu’occupe le diplôme dans la vie des gens est exagérée si bien que nous accepterons que Guillaume donne un coup de pouce au destin de Nadia, une jeune femme issue de l’immigration, ultra brillante mais qui sort de l’université sans avoir pu passer par la case grandes écoles.
Certes, ses études ne l’ont pas préparée à occuper un post important dans une grande entreprise mais elle a lu, sait réfléchir, et en parfaite autodidacte, a toutes les compétences pour traiter les dossiers qui vont lui être confiés une fois qu’elle aura produit le fameux sésame qui lui permettra de faire carrière dans le monde économique et peut-être politique. Car, une fois démarrée, l’ascension sociale n’a de limite que le ciel.
On se délecte de cette revanche sur la vie car on ne sent pas l’imposture puisque Nadia ne prend la place de personne et qu’elle est efficace dans son nouveau poste. On tique un peu sur le comportement de Guillaume qui assume d’être devenu un profiteur mais puisque Nadia n’y trouve rien à redire … pourquoi serait-on moralisateur ?
Une fois calmées ses frustrations de toutes sortes, professionnelles, financières, familiales et sentimentales on pourrait croire que Guillaume va se ranger. C’est sans compter l’ambition d’un troisième personnage qui va prendre une revanche autrement plus diabolique et dont les conséquences vont être terribles. Personne ne sortira indemne de ce qui aurait pu n’être qu’une comédie sentimentale amusante.
Il n’en reste pas moins vrai que le système éducatif français reste malade de l’obsession du diplôme qui est aussi un mensonge puisque certains ne valent rien alors que d’autres déterminent de façon exagérée l’ascension de personnes qui jusqu’à la fin de leur vie (voire au-delà) n’existeront que comme sorties de X en telle année.
Le déterminisme social semble indéboulonnable, à quelques exceptions près, comme ce fut le cas pour mon père qui, sans aucun diplôme, a fait carrière dans une entreprise internationale mais c’était après guerre, dans un contexte de croissance économique et de manque de main d’œuvre permettait à ceux qui avaient une compétence originale de jouer cette carte.
L’enseignement supérieur est polarisé entre les grandes écoles, sélectives et viviers de reproduction des élites, financées majoritairement par l’Etat, qui s’opposent aux universités ouvertes à tous, sous-financées chroniquement, miroir aux alouettes d’une méritocratie à la française qui n’est qu’un leurre. Le système méritait amplement d’être dénoncé bien que rien ne prouve que le roman bouscule l’ordre des choses.
En tout cas Amaury Barthet ne compte pas en rester là, du moins sur le plan de l’écriture, et nous devrions prochainement nous réjouir d’ouvrir un second livre.
Le Diplôme d’Amaury Barthet, Albin Michel, en librairie depuis le 23 août 2023
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