
Je n’en ai que davantage apprécié les mises en garde et les accents féministes. Les discussions acharnées entre la reine et Hans Christian Andersen (1805-1875) m’ont réjouie. J’ai bien entendu appris beaucoup sur cet auteur dont on connaît peu la vie en France. J’ai mieux compris le sens caché des intrigues qu'il raconte dans des histoires qui l’ont rendu célèbre. J’ai adoré la modernité avec laquelle Florence Hinckel fait revivre le conte.
Il était une fois, il y a très longtemps, un vieux roi qui dirigeait cruellement l'île de Margelonne. Il a été une fois, au dix-neuvième siècle, Hans Andersen, le grand auteur de contes danois, qui raconta cette histoire, Les Cygnes sauvages. Il est une fois, aujourd'hui, Florence Hinckel qui revisite les personnages de ce conte. Et ils ont bien des choses à nous apprendre, des combats à inspirer, et des manières critiques et intelligentes de lire ce qui nous parvient du passé.

Les cygnes sauvages contiennent tout le contexte incestuel, en particulier l'injonction au silence, la dissociation et le refuge onirique. Le roman appelle une autre lecture, cette fois contemporaine, celle de Triste tigre de Neige Sinno publié chez P.O.L. à la rentrée littéraire 2023.
J’ai apprécié aussi à la fin, comme une sorte de bonus après l'épilogue, le texte enrichi de rimes internes de ce qui est présenté comme étant Le brasier (p. 317 et suivantes).
Et puis il y a, en filigrane, une analyse du genre littéraire. Le conte doit-il se terminer bien comme le suggère l’expression conte de fées ? Doit-il comporter des faits cruels pour mieux mettre en garde où sont-ce là des péripéties horribles inventées par les conteuses pour mieux captiver leur auditoire ?
La fée est-elle une magicienne ou une sorcière ? On verra en tout cas qu’elle accorde foi à l’adage : ce que femme veut dieu le veut. Et elle brosse son portrait avec originalité quand elle entreprend une discussion animée avec Andersen (p. 256-57).
Initialement intitulée Les trois sorcières, le livre est devenu Le brasier, un nom sciemment choisi en opposition au bûcher destiné à brûler les sorcières (p. 289). L'illustration de la couverture, conçue par Ilya Haharev, est splendide, en clin d'œil aux militantes ukrainiennes pour les droits des femmes qui portaient toujours des couronnes de fleurs. L'illustratrice a ajouté une plume qui s'en échappe.
Les personnages dialoguent avec l'auteur et à travers les époques, ce qui est particulièrement original … et efficace. Un auteur a-t-il conscience qu’il est en son pouvoir d’agir sur l’avenir (p. 259) ? Florence sans doute oui.
Une douceur n'annule pas une brutalité. Voilà une vérité que femmes et filles devraient se tatouer dans le cerveau (p. 245). Cette phrase n’échappera à aucun lecteur. D’ailleurs l’auteure nous l’avait donnée au cours d’une matinée organisée par son éditeur sur le thème des femmes et des enfants.
L’école des loisirs est féministe. On le savait depuis longtemps. On en a régulièrement des preuves. Ce n’est pas un hasard si elle publie aussi des auteures comme Flore Vesco qui transpose très finement les contes que l’on pense anodins.
Ce sont deux autrices dont les lectures sont essentielles aux adolescentes. L’une comme l’autre insiste régulièrement sur le pouvoir du "non".
Le brasier de Le brasier de Florence Hinckel, Ecole des loisirs, Ecole des loisirs, collection Medium, en librairie depuis février 2025
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