mercredi 13 août 2025

Refaire l’amour de Xavier de Moulins

Xavier de Moulins est un des auteurs que j’aime lire. Depuis quelques années il s’est concentré sur les affaires familiales. Refaire l’amour est inspiré d’une histoire vraie de féminicide. Une de plus, direz-vous (je pense en particulier au livre éponyme que j’ai lu il y a quelques jours), mais son approche est originale puisqu’elle est faite du point de vue de l’ex-épouse du meurtrier en insistant sur le stress post-traumatique dont elle est victime, notamment parce qu’elle ne peut se résoudre à occulter une culpabilité diffuse.
"Ai-je ma part dans ta chute ? Cette question me hante. Je le crois, Olivier, et ça me tue. Une partie de moi se sent complice de ce que tu as fait.
Dis-moi que je me trompe ! Dis-moi que c’est faux ! Sors-moi de là, nom de Dieu ! Tu me dois bien ça".
Irène vient donc dix-huit mois après les faits, chercher refuge dans la maison où vécurent ses parents et qui à juste titre continue de mériter son surnom de "cabane". Elle est bâtie à l’ombre d’un arbre imposant et protecteur qui monte jusqu’au ciel. Il a été étrangement baptisé Thomas, un prénom qui évoque la réflexion, la quête de vérité et une personnalité ayant de fortes valeurs.

Le roman fait alterner de brefs extraits d’ordonnance judiciaire et des descriptions de l’état dépressif de cette femme qui a recours aux cigarettes, aux anxiolytiques et à l’alcool pour tenter de mettre ses souffrances à distance. On comprend qu’elle devra faire face à deux échéances. La première, qu’on imagine douloureuse, sera l’estimation d’un prix de vente plausible pour cette maison à laquelle elle reste très attachée. La seconde à la retrouvaille avec sa fille programmée le lendemain pour faire connaissance avec son petit-fils. On devine qu’elle appréhende ce moment en raison d’un différend dont on ne connait pas complètement la teneur.

La question de la culpabilité de la survivante est peu habituelle s’agissant d’une ex-épouse qui avait toutes les raisons de ne pas éprouver la moindre empathie à l’égard de sa rivale. L’auteur la justifie par un raisonnement complexe d’où il ressort qu’en se croyant protégée (un mot qui revient régulièrement) auprès de son ex-mari Irène aurait manqué de clairvoyance, et surtout lui aurait trop facilement cédé : il n’aimait pas la contradiction, lui préférait les confrontations, débattre et avoir raison. J’ai fini par me taire (p. 75). Il ajoute qu’elle a conçu de la honte à se taire, parce que se taire, c’est accepter, et accepter, c’est être complice. Le moindre souvenir devient une preuve dans le procès qu’elle mène à charge contre elle-même. Ainsi le fait qu’Olivier adorait tirer à la carabine aurait dû l’alerter.

Xavier de Moulins établit un parallèle avec le film Les choses de la vie, quand le personnage interprété par Michel Piccoli a encore le choix entre deux trajets, soit la route du retour vers son domicile, soit celle qui doit le conduire vers sa maîtresse, Romy Schneider. Il choisit en quelque sorte la mauvaise puisque c’est celle où il aura un accident mortel.

Eloïse le lui fait entrer de force dans le crâne : tu dois en finir avec cette culpabilité de survivante et retrouver ta vie (p. 216). Sur le papier je n’y suis pour rien. Mais dans ma tête, cette chanson-là sonne faux.

Elle se sent victime consentante … et complice (prise en étau dans une sorte de syndrome de Stockholm). Et pourtant elle souhaiterait se libérer et faire ou refaire de nombreuses choses, y compris l’amour (d’où le titre).

J’ai aimé la fin presque ouverte, et plutôt positive, à l’inverse de ce qu’on aurait pu imaginer en lisant que la violence n’éteint jamais sa lumière. Les victimes donnent la vie à d’autres victimes (p. 102).

Les autres critiques de romans de Xavier de moulins sont ici

Refaire l’amour de Xavier de Moulins, Flammarion, en librairie depuis le 5 mars 2025

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