dimanche 18 mai 2025

La Piscine de Roubaix, #2 exposition temporaire Pool Dance d'Elsa Sahal

Présentées au rez-de-chaussée et au premier étage dans l’écrin des cabines de la Piscine de Roubaix, (cf article précédent) les sculptures décomplexées d’Elsa Sahal, artiste céramiste, née en 1975, regroupées sous la dénomination Pool Dance entrent en résonance avec l’exposition Rodin / Bourdelle. Corps à corps (que je n'ai pas eu le temps de visiter).

Diplômée de l’Ecole des Beaux-arts de Paris, elle s’initie aux côtés de Georges Jeanclos (1933-1997) au modelage de la terre puis fréquente l’atelier du sculpteur suédois Erik Dietman (1937-2002) qui lui enseigne que l’art peut mêler humour et liberté d’expression.

Artiste confirmée, Elsa Sahal incarne le renouveau de la sculpture en céramique. En choisissant de se consacrer à cette technique, matériau idéal pour qui aime les métamorphoses, le thème du corps revient avec constance dans son parcours créatif. Dans cette exploration intime et organique de l’anatomie des deux sexes, fesses, jambes, seins multiples, formes érectiles et phalliques sont autant d’excroissances disjointes qui associent dans une grande liberté figurative des éléments tournés aux parties modelées.

Dès que nous pénétrons dans l'espace, et avant d'apercevoir le bassin on remarque l'installation de l'artiste avec, au premier plan de la première photo, Leda Floridaska, 2015, Grès émaillé, 77 x 55 x 35 cm.

Connue pour ses sculptures en céramique aux formes organiques, Sahal réinterprète le corps humain dans des créations audacieuses et colorées et s'amuse du cadre et du contexte en jouant avec les mots Pool/Pole mais aussi des esquisses de Rodin pour créer des sculptures qui célèbrent le corps féminin avec audace et humour.
J’ai adopté la terre tout de suite parce que c’est un matériau domestique, non autoritaire ; je n’aime pas la virtuosité technique, la séduction qu’elle exerce, la fascination de la maîtrise, qui freine la liberté. Le corps est inséparable de ce matériau. Comme si la terre était déjà du corps.
Son œuvre, souvent qualifiée de féminine et ludique, trouve un écho particulier dans le cadre unique du musée, puisqu'il s'agit d'une ancienne piscine municipale où le corps se montrait. Les visiteurs seront invités naturellement à déambuler parmi des installations évoquant un ballet aquatique, où les lignes fluides des sculptures dialoguent avec les bassins et mosaïques du lieu.
Les poses ont quelque chose de lascif et les torsions sont bien là, dynamiques, renversant les œuvres les codes de la représentation.

Avançons dans ce rez-de-chaussée à la beauté saisissante. Une de ses sculptures, Fontaine, y a pris place au bout du grand bassin comme on peut l'entrevoir sur la photo ci-dessous. Elle a été réalisée en 2012, en céramique, autour d'un système hydraulique et mesure 290 x 120 x 60 cm.
L’artiste aime le travail de la terre, le côté laborieux et physique de ce matériau. Cette technique traditionnelle lui permet de multiples métamorphoses autour des thématiques du corps et du genre qui reviennent avec constance dans son parcours créatif. Elsa Sahal sculpte avec une grande liberté figurative des corps morcelés et hybrides assumant leur puissance érotique. 

L’histoire de la sculpture du XX° siècle a toujours nourri le travail d’Elsa Sahal. Initiée en 2015, la série des Pole Dance s’inspire des mouvements des adeptes de cette discipline aérienne autour d’une barre, mais aussi de l’observation des esquisses du sculpteur Auguste Rodin (1840-1917). Entre 1903 et 1912, ce dernier réalise en effet une série de quatorze dessins et modelages en terre cuite de la danseuse et acrobate espagnole Alda Moreno.

Dans ce dialogue entre le présent et le passé, les formes de Sahal évoluent dans l’espace tels des acrobates en mouvement. Le parcours se poursuit à l'étage par la série des Maillots de bain.
Vintage Swimsuit, 2016 en faïence et cheveux synthétiques, 60 x 35 x 12 cm

On aperçoit, sur le mur, derrière, Portrait de vénitienne, vers 1923-24, huile sur toile d'André Maire (1898-1984). Et c'est ce dialogue incessant qui fait une des spécificités de ce musée, que j'apprécie et que je souligne aussi dans l'article sur l'exposition Sens Dessus Dessous.

Les oeuvres d'Elsa Sahal ne sont pas aisées à décrypter sans s'appuyer sur ses paroles. Contrainte par la taille celle qui est photographiée ci-dessous est constituée de plusieurs fragments assemblés comme un puzzle. L'artiste, qui est constamment fascinée par le mouvement, restitue, en se concentrant sur l'émaillage, toutes les circonvolutions de l'eau avec des bleus, des verts et des gris. A l'image d'Ophélie dérivant au fil de l'eau, algues, cordes, branchages et éponges ondulent comme un paysage.
J'avais envie de mêler le motif de l'eau à celui de la chevelure. Il y a des sortes de filaments, comme des cordes ou des boyaux. (…) L'émail vient paradoxalement relier les pièces entre elles. Il rejoue la pièce : dans son mouvement, dans sa polychromie, il évoque la terre que je modèle gorgée d'eau.
Pool Dance d'Elsa Sahal
Du 1er mars au 1er juin 2025
Commissariat : Karine Lacquemant, conservatrice des collections arts-appliqués
Scénographie : EricandMarie réalisée grâce au généreux concours des peintures Tollens
A La Piscine – Musée d’art et d’industrie André Diligent
23 rue de l'Espérance - 59100 Roubaix
Fermé le lundi et plusieurs jours fériés
Cette exposition étant présentée dans les espaces dédiés aux collections permanentes, elle est accessible gratuitement chaque premier dimanche du mois.

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