
Je l'ai vu au cinéma. Il m'a enthousiasmée et j'ai alors décidé de visionner le court-métrage éponyme qui avait précédé (et qui était la première oeuvre d'Amélie Bonnin) et pour lequel elle avait reçu le César du meilleur court-métrage de fiction en 2023.
Le passage du court au long s'est fait sur l'incitation des producteurs et parce que Dimitri Lucas, qui en est co-auteur, a eu l'idée du décor avec la photo d'un relais routier. Il sera baptisé L’Escale. Le duo pourra se lancer tous les deux dans l'écriture.
Etant une femme et travaillant dans un magazine féministe (La Déferlante) Amélie a pris conscience de l'intérêt de renverser le propos et de donner cette fois le rôle moteur à une femme, en l'occurrence Juliette Armanet (qui interprétait déjà l’héroïne du court métrage, mais en rôle secondaire). Par contre elle ne s’appelle plus Caroline mais Cécile.
Elle a conservé aussi l’essentiel de la distribution. Bastien Bouillon (il était Julien, il est maintenant Raphaël), François Rollin (Gérard, le père). Lorette Cravetta n’est plus la mère. C’est Dominique Blanc de la Comédie Française qui endosse ce rôle et ce n’est plus Martine mais Fanfan.
Le scénario se concentrait sur Julien qui venait de publier son premier roman. Père en devenir, il revenait en Normandie aider ses parents à déménager depuis que son père avait décidé de prendre sa retraite. En faisant les courses au supermarché, il croisait Caroline, une amie d’enfance, enceinte également, caissière dans le supermarché. Ils se retrouvaient le soir même pour une escapade à la piscine municipale. Les non-dits de l’époque allaient s’exprimer.
Dans la version longue Cécile devient le personnage central et c’est elle qui est en quelque sorte une célébrité puisqu’elle est une ex-candidate de Top chef s'apprêtant à ouvrir un restaurant haut de gamme. Le choix de cette télé-réalité très populaire, mais respectable, donne une certaine modernité au film.
Pour ce qui est des scènes de cuisine on voit tout de suite que Juliette Armanet n’a pas été doublée. Les plans séquences ne mentent pas et elle a les bons gestes sans en faire trop. C’est très agréable. J’ai même chopé une de ses astuces : le petit morceau d’éponge pour essuyer l’assiette avant de l’envoyer au client. Même si les scènes sont assez sobres elles sont justes. L’association lotte-shizo est effectivement très tendance. J’adore d’ailleurs cette plante aromatique que je cultive depuis trois ans.
Raphaèl est marié, père de famille et Cécile est heureuse dans son couple. Ce n’est pas pour autant qu’on oublie un amour de jeunesse, surtout quand tout n’a pas été dit entre les protagonistes.
Le père ne prend pas sa retraite mais il doit ralentir suite à un troisième infarctus, ce qui donne une dimension immédiatement émouvante car il a du mal à lâcher prise. Le couple qu’il forme avec Fanfan, son alter ego en salle, est touchant de tendresse même si elle n’est pas suffisamment dite, du moins au début. François Rollin excelle dans ce rôle où il déploie toutes les facettes de son art de l’interprétation avec malice.
Amélie Bonnin a gardé le principe du carnet dans lequel il a noté les expressions de son enfant et qu’il ressort régulièrement. L’effet comique est toujours percutant.
Vous le savez sans doute, c’est un film musical (ce qui était déjà marqué dans le court-métrage), flirtant à peine avec la comédie musicale mais restant prudemment en deçà. Si bien que chaque chanson arrive totalement à bon escient, aussi pertinemment qu’un dialogue, nous rappelant, qui plus est, des souvenirs personnels. Et comme aucune n’est interprétée dans son entièreté on n’est jamais lassé.
On sent que tout a été interprété en live sur le plateau, par les comédiens, y compris par François Rollin et Dominique Blanc qui, certes sont un peu en dehors de leur zone de confort mais si naturels, si charmants. Ça apporte vraiment un plus.
On entend donc des airs plus ou moins célèbres, plus ou moins anciens :
Alors on danse (Stromae)
Mourir sur scène (Dalida) dont les paroles Viens mais ne viens pas quand je serai seul / Je veux choisir ma mort aussi / Mourir sur scène correspondent parfaitement à la situation du père qui ne veut pas lâcher son restaurant
Le Loir & Cher (Michel Delpech)
Pour que tu m’aimes encore (Céline Dion)
Sensualité (Axelle Red)
Je l’aime à mourir (Francis Cabrel)
Paroles, paroles (Dalida & Alain Delon)
Je suis de celles (Bénabar)
Ces soirées-là (Yannick)
Le Loir & Cher (Michel Delpech)
Pour que tu m’aimes encore (Céline Dion)
Sensualité (Axelle Red)
Je l’aime à mourir (Francis Cabrel)
Paroles, paroles (Dalida & Alain Delon)
Je suis de celles (Bénabar)
Ces soirées-là (Yannick)
Cécile ma fille (Claude Nougaro) qui est un des moments les plus émouvants, justifiant au demeurant le choix du prénom de l’héroïne
Femme Like U (K.Maro), si amusant dans le rythme qui a été choisi, nous faisant redécouvrir ce tube
Et bien entendu Partir un jour (2Be3) La mise en scène est simple mais efficace. Rien que la façon dont Cécile chipe un morceau de sucre à son père pour le tremper dans le café dit autant qu’un long dialogue.
Il aurait pu s’intituler Comment se dire adieu car l’essentiel des interrogations des personnages est d’accepter que la vie se poursuivent en dehors d’eux, que ce soit du fait d’une séparation amoureuse, du travail qui exige un déplacement, ou de l’état de santé. Mais il va plus loin en montrant que partir c’est aussi grandir et que la liberté se gagne à ce prix, y compris par rapport à la maternité qui est de plus en plus choisie.
Néanmoins, comme on l’entend à la fin, il suffit pas de quitter les choses pour que les choses vous quittent … et cette réflexion participe à la beauté des sentiments.
Si vous voulez visionner le court métrage, c’est encore possible ici. Vous constaterez notamment combien les comédiens se sont épanouis depuis. Une chose est sûre, nous reverrons bientôt Juliette Armanet sur grand écran.
Partir un jour, premier film d'Amélie Bonnin
Scénario Amélie Bonnin et Dimitri Lucas
Avec Cécile Juliette Armanet (Cécile), Bastien Bouillon (Raphaël), François Rollin (Gérard, le père), Dominique Blanc de la Comédie Française (Fanfan, la mère), Tewfik Jallab (Sofiane), Mhamed Arezki (Heddy), Pierre-Antoine Billon (Richard), Amandine Dewasmes (Nathalie) …
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