vendredi 9 mai 2025

Qui êtes-vous Andrée Turcy ? Superbe hommage inédit de Jean-Christophe Born

Il y a des "petites" pépites qui se jouent à Paris dans une ombre qui mériterait un grand coup de soleil. 

Qui êtes-vous Andrée Turcy ? est programmé dans le petit (mais sympathique) théâtre du Guichet, rue du Maine à Montparnasse où on se sent, d’emblée, invité dans le salon d’une dame du siècle passé.

Une sellette accueillera bientôt le pot de fleurs que le journaliste apportera en hommage à sa chanteuse préférée. Un bouquet de fleurs aurait été périssable et inapproprié puisque cette grande dame de la chanson réaliste des années trente est devenue éternelle.

Et pourtant nous sommes nombreux à ne pas la connaître. Nous sommes trop jeunes pour en avoir entendu parler. On pourrait même croire le personnage appartenir à la fiction mais elle va formidablement prendre vie parce qu’elle est incarnée admirablement par Guillemette Lefèvre. A tel point que que nous serons surpris de devoir la quitter une heure plus tard. Le temps aura passé très vite. Il n’y a pas un spectateur qui me contredira.

Nous prenons donc place dans ce salon, de l’autre coté de la petite table où attendent une carafe d’eau et deux jolis verres comme ceux qui étaient en vogue dans les années 50. Au mur se dresse un très joli meuble vestiaire porte-manteau en noyer.

Une bande-son nous met dans l’ambiance pendant notre installation, nous faisant entendre une série d’interviews de personnes qui "la connaissent depuis l’Alcazar", la décrivant comme une fille très jolie, à la beauté piquante, ayant de l’allure, vedette emblématique du Cabanon dans les années 1922-24 et qui a beaucoup été regrettée". On apprend que la merveilleuse Andrée serait partie en Algérie brutalement où elle aurait fait salle comble à Mascara. On devine que c’était une très bonne artiste, fortement applaudie.
Le journaliste (d’époque lui aussi) arrive, et est invité à se défaire (accrocher son manteau). Sa venue réjouit la dame mais la première question la plonge dans l’expectative : Qui suis-je ? Eh bé … La voilà en peine de résumer sa carrière. Nous avons le temps et nous prendrons celui de la découvrir.

Ses parents étaient marchands de coquillages. Née en 1891, elle partit pour Paris à 2 ans pour entrer à l’école, ce qui n’était pas banal pour l’époque. La capitale ne lui fit pas perdre son charmant accent, qu’elle conserva même en chantant. Elle n'avait que 16 ans et demi quand elle démarra au casino de Montmartre. Plus tard elle évoquera avec nostalgie les ballets russes, son remplacement de Mimi Pinson …

Andrée porte une jupe toute simple, s'enroule dans un châle sur un chemisier très joli et élégant. A son poignet je remarque un bracelet charmant orné de petites pierres brillantes d'inspiration Artdéco.
L'interviewer sort des photos de son attaché-case. Elles réjouissent la chanteuse et nous les découvrons en même temps qu’elle puisqu’elles sont projetées sur le mur du fond. Je précise que toutes sont de véritables clichés d’époque. Elle les commente en continuant à ponctuer ses souvenirs de "eh bé" (comme on le fait avec naturel dans le sud de la France) pour dire sa surprise, faisant oublier qu’on est au théâtre, et encourageant son interlocuteur à poursuivre l’entretien. Elle commente, ponctue parce que "Ça la fait souvenir".
Les questions permettent de revenir sur les moments marquants de sa vie : sa vocation, ses débuts, ses collaborations, ses tournées en France, en Belgique, à St. Pétersbourg, au Maroc, en Tunisie ainsi que sa période passée en Algérie comme directrice du grand Casino d’Alger et ce travail acharné sept mois minimum par an sans s’arrêter un jour.

Le spectacle est un superbe hommage qui fait revenir au premier plan cette très grande dame de la chanson française dont j’ignorais l’existence. Nous sommes nombreux dans ce cas, forcément. Qui a connu personnellement les vedettes des années 1930 ? Il n’y a que Maurice Chevalier dont on pourrait citer le nom. 

Andrée l'a d’ailleurs côtoyé et la comédienne qui l’incarne en chante un morceau, a capella et sans micro en compagnie de Jean-Christophe, parfait dans le rôle du journaliste qui ne peut cacher son admiration. Leur duo est charmant. On s'amuse de les voir trinquer à l’anisette (boisson à laquelle elle a dédié une chanson) et au bonheur, une fois, puis deux et on rit qu'elle s'avoue un peu paf.

On les écoute avec attention tout au long d’un spectacle presque conçu comme une immersion si bien qu’à la fin on s’étonnera que ce soit déjà fini.

L’enchaînement des anecdotes, des confessions, des morceaux musicaux, des rétrospectives se déroule sans un temps mort, avec juste ce qu’il faut d’évocations d’une époque qui est terminée mais qui a laissé son empreinte. Guillemette Lefèvre est une excellente interprète, la seule que je connaisse à être capable de pousser la chansonnette "avé l’assent" de Marseille. Elle ressuscite incroyablement son aïeule en lui donnant un coup de jeune sans dénaturer une façon de chanter qui donne les frissons. Mon homme a été écrite en 1920 pour Mistinguett. Edith Piaf a repris cette chanson en 1940, Juliette Gréco en 1963 et Mireille Mathieu en 1987 mais de toutes ces interprétations celle de Guillemette est la meilleure. Comme elle est touchante à saluer comme si elle était encore en scène !

Plusieurs fois elle quitte son fauteuil et s’approche du public qu’elle salue comme si elle était encore devant un "véritable" public. Il faut dire que nous jouons le jeu et chantons de concert avec elle lorsque c'est facile. Et nous sommes heureux qu'elle nous gratifie aux rappels de "Dites moi ça en marseillais".

J’aurais en charge une programmation théâtrale en région je retiendrais ce spectacle sans aucune hésitation. Et tout autant si je devais organiser quelques soirées privées un peu originales -de type cabaret- pour un comité d’entreprise ou un grand groupe désireux de surprendre ses salariés ou ses prospects.
Qui êtes-vous Andrée Turcy ? de Jean-Christophe Born et Mireille Doering 
Avec Guillemette Lefèvre et Jean-Christophe Born
Costumes Mireille Doering
Au Guichet Montparnasse -15 rue du Maine - 75014 Paris
Du 11 avril 2025 au 25 mai 2025
Les vendredi et samedi - 20H30 
Les dimanche à 16h30
Le spectacle sera aussi joué le 18 mai à La paillote, Centre d'art à Orléans, Quai de Prague, 45100 Orléans - 07 82 46 75 58
Et le 7 juin au Théâtre du Quai - 5 Rue Léon Couturat - 10000 Troyes

La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de © Karo Cottier que je remercie

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire