lundi 1 septembre 2025

Mon gâteau préféré, un film de Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha

Je voulais voir Mon gâteau préféré réalisé par couple de cinéastes iraniens Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha, dont c’est le second long-métrage, mais j’avais loupé son passage au cinéma et je l’ai vu grâce à la vidéo.

Ce film aborde plusieurs sujets sensibles, à commencer par le mode de vie en Iran aujourd'hui et notamment la privation de liberté du fait de la crainte constante qu’un voisin malveillant ou jaloux ne dénonce à la police un comportement inapproprié selon les lois du pays. Et aussi la solitude affective, le vieillissement, le besoin de réalisation de soi et l'amour chez les seniors. Avec parfois quelques clins d’œil à la situation des femmes dans ce pays : Nous voulions raconter la réalité de nos vies, c'est-à-dire ces choses interdites comme chanter, danser, ne pas porter le hijab à la maison, ce que personne ne fait chez soi " avait déclaré Maryam Moghaddam.

Il met en scène Mahin, une septuagénaire qui, bravant tous les interdits, décide de bousculer sa solitude car elle vit seule à Téhéran, de rompre sa routine et de réveiller sa vie amoureuse en provoquant une rencontre avec un chauffeur de taxi.

En résumé, il s’agit d’un hymne à l’émancipation féminine derrière une mise en scène apparemment inoffensive. On pouvait parier que le régime répressif du pays ne le tolérerait pas. De fait, le couple de réalisateurs a été assignés en justice en Iran, ce qui n’a pas empêché, on s’en doute, que leur film soit sélectionné en compétition dans plusieurs festivals avant de sortir dans de nombreux pays à travers le monde, et notamment à Berlin où leurs comédiens principaux, Esmael Mehrabi et Lily Farhadpour présentent leur photo le soir de la première du film (image Getty).
A noter que le duo avait déjà eu des soucis avec le régime iranien. Leur premier long métrage, Le Pardon, sorti en salles en 2021, racontait l’histoire d’une erreur judiciaire et d’une femme dont la vie est tragiquement bouleversée quand son mari est condamné à mort et qu’elle se retrouve seule avec leur fille à élever. Cette œuvre déjà engagée, était un des premiers films mettant en scène un homme du régime qui, soudain, n’y croit plus. On imagine le coup de tonnerre qu’il a provoqué. Maryam et Behtash ont eu à subir un procès qui a duré très longtemps. Ils ont fini par s’en sortir. Mais aujourd’hui, ils vivent dans l’attente d’un nouveau jugement pour Mon gâteau préféré.

Et pourtant celui-ci est plus léger malgré un fond qui reste grave. Mais il prend d’abord la forme d’une apparente comédie romantique autour de cette femme et de ses amies. Ne pas vouloir finir sa vie seul(e) est un sujet finalement universel et non tendancieux. C’est un paravent pour montrer, de façon presque documentaire, le poids du quotidien en Iran, particulièrement dans les rues et avec le voisinage. On ne se sent jamais tranquille même chez soi, risquant par exemple à tout moment une dénonciation pour tapage si on écoute de la musique un peu fort. Et la fin n’est pas celle à laquelle on s’attendrait s’il s’agissait d’un film américain …

Il faut savoir que le financement d’un film dans un tel pays suppose une grande confiance de la part des producteurs, en l’occurrence publics et privés, très majoritairement européens. Le tournage de Mon gâteau préféré a eu lieu pendant les grandes manifestations dénonçant les violences exercées contre les femmes par les autorités, après la mort de Mahsa Amini, en septembre 2022. Cet évènement était au coeur des Graines du figuier sauvage comme il avait auparavant été le point de départ du livre Badjens.

On peut comprendre aisément que si les scènes tournées en intérieur n’ont pas trop posé de problème celles qui ont été filmées en extérieur, et donc nécessitant une autorisation, ont mis la puce à l’oreille aux autorités qui ont confisqué les rushes (mais dont une copie se trouvait déjà en sécurité en France). une première partie de la post-production avait été engagée avec les réalisateurs mais après le raid, étant assignés à résidence dans leur pays, tout a dû être achevé à distance, ce qui n’était pas simple s’agissant des plans-séquences qui sont longs, et cela a demandé une année de travail.

Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha ont été condamnés depuis par un tribunal révolutionnaire de Téhéran au motif que leur film a été considéré comme une violation des strictes lois iraniennes sur la censure. Dans les scènes intérieures, l'actrice principale Lili Farhadpour ne porte pas de voile. Les deux réalisateurs ont donc été accusés pour "propagande contre le régime" de Téhéran et "obscénité", avec trouble de l'opinion publique. La décision a été rendue le 1er mars 2025 annonçant une condamnation de 14 mois de prison avec sursis et à la confiscation de leur matériel de tournage. Ils ont également été inculpés pour la projection "illégale" du long-métrage, sans autorisation de distribution des autorités iraniennes.

Le tribunal iranien a également condamné le producteur de Mon gâteau préféré, Gholamreza Mousavi, à la même peine que les réalisateurs, à laquelle a été ajoutée une amende de 400 millions de rials iraniens (8 240 euros).

Lors d’un entretien, Mohammad Rasoulof, le réalisateur des Graines du figuier sauvage, s’est exprimé sur la situation de ses deux confrères en attirant l’attention sur le fait que "cette atmosphère sera à l'origine d'une série de nouveaux problèmes, car dans le monde actuel, il n'est pas possible de contrôler le contenu, comme le fait le régime iranien. Il en résultera une répression de plus en plus forte et de nouveaux actes de subversion."

Mon gâteau préféré
Réalisation et scénario : Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha
Avec Lily Farhadpour et Esmaeel Mehrabi …
Prix du jury œcuménique et prix de la critique internationale à la 74e Berlinale
Grand Prix du jury au Festival du film romantique de Cabourg en 2024.
Sortie le 5 février 2025

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