Je n’ai découvert le roman de Sophie Di Malta que récemment, à la faveur d’un extrait dans la bibliothèque Hors concours.
Il existe sur Netflix une série documentaire sur les meilleurs chefs du monde cuisinant des pâtes. Certains épisodes sont époustouflants car ils expriment la dimension philosophique de ce type de plat. Alors un livre, présenté comme un conte moderne écrit au féminin, résolument cinématographique, aux confins de l’absurde et de la drôlerie, qui plus est un premier roman, mettant en scène une jeune femme chef ne pouvait qu’attirer mon attention.
Un restaurant de pâtes renommé, une critique cinglante et voilà Ingrid Beurkman partie en tornade sur les routes, direction la mer, pour dénicher le saumon parfait qui sublimerait ses lasagnes. Et quitte à mettre le cap sur les embruns, autant chercher son marin de père qui l’a abandonnée à la naissance. Un voyage au long cours, jalonné de personnages hors normes qui confronteront Ingrid à ses fantasmes et à ses démons.
J’ai adoré l’humour de Sophie Di Malta, même lorsqu’elle pousse le curseur à l’extrême. J’ai apprécié le thème de la quête identitaire mais le traitement est devenue très vite d’une telle loufoquerie que j’ai décroché. J’ai poursuivi jusqu’au bout mais sans parvenir à savourer ce roman, articulé en deux parties dont la seconde m’a déçue, peut-être parce que j’en avais compris l’issue.
Dommage, parce que ça avait bien commencé. Ingrid Beurkman faisait l’objet de nombreuses moqueries, en raison d’un nom aussi douteux, qui plus est transmis par un homme qui n’avait pas voulu rester. Marchant dans les traces de sa mère plutôt que dans celles de son marin fantôme de père elle se découvrit, très jeune, une passion pour les pâtes en tout genre : grandes, petites, épaisses, fines. (…) Si bien qu’un jour, elle ouvrit un restaurant : Les pâtes sans nom . Les clients réservaient un mois à l’avance. Le lieu ne désemplissait pas, Ingrid faisait fondre les papilles les plus difficiles. Sa spécialité était la lasagne, large, mais fine, forte et douce, agréable en bouche et fondante. Un jour, un célèbre critique gastronomique écrivit un article élogieux à son propos en se risquant à un reproche :, mademoiselle Beurkman gagnerait en originalité à varier un peu ses lasagnes, en les accommodant par exemple avec du poisson (p. 9).
Voilà donc la jeune demoiselle partie à la recherche du meilleur fretin. Elle se met en quête de pêcher un saumon. Hélas celui-ci la convainc (car il parle) de ne pas le cuisiner. L’amour semble s’être invité entre eux (p. 16).
Face à l'incongruité de la situation, Ingrid exprime des reproches à Dieu, lequel invoque un loupé dans le processus et pourtant se justifie : Ce qui te paraît insurmontable aujourd’hui trouvera tout son sens demain. L’amour se glisse souvent dans des interstices qu’on n’attendait pas. On traverse parfois des déserts, mais ce sont des déserts nécessaires (p. 17).
Ingrid perd son saumon mais se met en route pour en capturer un autre à qui elle se promet de ne pas faire de cadeau. Elle rencontrera Puton, un nain orphelin puis un créancier de son père qui la mettre plus ou moins sur la piste de son paternel, la faisant perdre de vue son objectif de départ. N’ayant pas réussi à lui mettre le grappin dessus à la fin de la première partie Sophie Di Malta en a écrit une deuxième partie, consacrée essentiellement à la quête identitaire tout en demeurant dans un style proche.
Les gens recherchent généralement l’agréable, ils fuient les emmerdes. Vous, vous allez à contre-courant (p. 47). A tel point que je me suis noyée.
Quand je lis un livre, surtout quand l’auteur m’est inconnu, je relève ce qui me touche, un peu à l’instar de la mère d’Ingrid qui lui avait dit un soir : « Mon monde , je le choisis ou je le quitte ». Elle l’avait soigneusement écrit dans un carnet afin de s’en souvenir, comme de nombreuses phrases attrapées au vol tels de précieux trésors à suivre. Bien qu’elle n’en comprenne parfois pas l’essence, mais dont elle sentait l’importance (p. 102).
Cette méthode ne m’a pas pour autant conduite à aimer ce roman mais j’ai grappillé quelques ablettes :
- Il faut des fins pour les recommencements (p. 44).
- Tant qu’on reste un mystère pour l’autre, l’espace est entier pour se connaître (p. 69).
Comme j’aurais aimé vous communiquer un enthousiasme de lecture ! Toujours est-il que j’ai fait une découverte (même deux si je compte l’éditeur) et que je serai attentive à un second roman.
En attendant je vous recommande la lecture d’un roman qui n’est pas une nouveauté mais qui a pour thème le saumon : Taqawan d’Eric Plamondon. Et dans la foulée ma recette de lasagnes au saumon puisque c’est le plat que Ingrid Beurkman ambitionne de réussir et qui m’avait donné envie de lire ce roman.
Née dans une famille où l’art est omniprésent, Sophie Di Malta est très tôt attirée par la littérature et la peinture. Passionnée par la force des mots et la puissance de l’image, elle développe également un goût prononcé pour le cinéma, se forme à l’acting, joue au théâtre, à la télévision, anime des ateliers de théâtre et d’écriture, dessine et chante dans des groupes de musique.
Côté cursus, elle suit des études de Lettres Modernes à la Sorbonne avant de se spécialiser en journalisme, ce qui lui permet d’être journaliste indépendante pour divers médias dans lesquels elle aime mettre à l’honneur les parcours singuliers, les histoires atypiques et les sujets autour de l’identité, des racines et du féminin.
Ingrid Beurkman de Sophie Di Malta, Most Editions, novembre 2023
Lu en format numérique de 124 pages.
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