jeudi 5 juin 2025

Happy Apocalypse de Jean-Christophe Dollé

Comme le dit Perle dans la bande-annonce de Happy Apocalypse tout n’est affaire que classification et il faut être nommé pour exister. Et la spectatrice que je suis a bien du mal à nommer ce spectacle qui se qualifie simplement  de "théâtre contemporain".

Après "E-génération", que j'avais vu au théâtre Victor Hugo dans le cadre du festival Virtuel.Hom(e), "Mangez le si vous voulez", "Téléphone-moi ", "Je vole… et le reste je le dirai aux ombres", "Allosaurus", "Le hasard merveilleux... Jean-Christophe Dollé présente cette nouvelle pièce qu’il a mise en scène avec Clotilde Morgiève.

Bien sûr on peut estimer que c'est un conte musical électro-pop, une protopie, qui questionne la place de l’humain, une ode à la fragilité où le burlesque, la poésie, l’astrophysique et la métaphysique se croisent dans un tourbillon psychédélique autour de 6 comédiens et 3 musiciens en live qui font vivre des personnages fantasques et quelques animaux pour donner à l’humanité une chance de se réinventer.

Bref c’est un spectacle hybride, donc pleinement cohérent avec le propos consistant à tisser une trame théâtrale à partir de Perle, au prénom clairement choisi sans hasard, résultat du croisement entre une femme et un Varan de Komodo. Elle serait le premier enfant hybride de l’histoire de l’humanité mais beaucoup d’autres humains à tête d’animal vont peupler la scène comme le suggère la photo qui ouvre cet article.

Le titre est autant une oxymore qu'une allitération sachant qu'apocalypse signifie "révélation" en grec. A l'inverse de la plupart des spectacles, celui-ci doit, me semble-t-il, être regardé pour ce qu'il est, sans trop réfléchir, à part deux-trois interrogations évidentes, à propos de ce qui détermine le monstre (où là encore l'étymologie est essentielle puisqu'il est ce qu'on montre), et de tout ce qui alimente l’éco-anxiété grandissante à mesure que l'on souligne les effets de la pollution, du capitalisme et de la croissance exponentielle, du réchauffement climatique et la dégradation de notre planète parallèlement à l'injonction à être heureux.

Au lieu de nous effrayer davantage, les créateurs de ce spectacle invitent les spectateurs à vivre en leur compagnie une folle fête, irrévérencieuse et transgressive.

Pour mieux y parvenir, outre un jeu très fin, mené par une formidable bande d'acteurs (capables d'endosser plusieurs rôles et de danser … et on imagine combien Aurélie Mouilhade a dû les faire répéter). Marie Hervé a imaginé un décor déstructuré, composé de cases sans cesse repositionnées dans un théâtre de théâtre de manipulations (bravo à la technique !) façon puzzle vertical ou tetrix dans une ambiance surréaliste et des couleurs pop et illustrant le théorème selon lequel le vide est une illusion.

L'ensemble baigne dans des tonalités de bleu intersidéral (Simon Demeslayqui parfois est difficile à supporter mais qui permet de focaliser le regard sur certains endroits. La musique, interprétée en live remplit une fonction essentielle. Les trois musiciens (parfois acteurs) sont totalement intégrés dans la progression de l'histoire : le claviériste Noé Dollé, le guitariste et bassiste Laurent Guillet et le batteur percussionniste Pierre Martin-Bànos.

La musique a spécialement été composée pour l'occasion, avec de multiples sources d'inspiration allant de Radio Head à Eminem en passant par Ben Mazué. On reconnaitra aussi le morceau Superman, de .1. Elle emprunte un chemin conduisant du chaos vers l’harmonie et s'il est vrai qu’elle adoucit les moeurs la technologie devrait adoucir l'existence.

Il faudrait sans doute pour cela arrêter de se poser des questions hautement existentielles comme Si tu m'oublies est-ce que j'existe moins ?

Qu’ajouter si ce n’est qu’on rit (aussi) régulièrement … 

Je conseille à ceux qui voudrait en savoir plus sur la genèse d'Happy apocalypse à consulter le dossier de la compagnie qui foisonne de références bibliographiques, iconographiques et musicales extrêmement recherchées. 
Happy Apocalypse de Jean-Christophe Dollé
Mise en scène : Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé
Assistés de : Madeleine Fourtune
Avec : Jean-Christophe Dollé, Clotilde Morgiève, Sol Espeche, Yann De Monterno, Géraldine Roguez, Noé Dollé, Rodrigo Viana, Pierre Martin, Simon Demeslay et la voix de Solenn Denis​
Scénographie et costumes : Marie Hervé
Création lumières, création machinerie plateau, régie générale : Simon Demeslay
Mise en son : Georges Hubert
Musiques : Jean-Christophe Dollé, Noé Dollé, Laurent Guillet et Georges Hubert
Chorégraphie : Aurélie Mouilhade
Couture : Julia Brochier
Perruques : Julie Poulain
Masques : Olga Reis
Coach vocal : Amélia Donnier
Assistanat régie générale : Lili Dollé​
Au Théâtre des Gémeaux Parisiens
Du 4 au 11 juin à 21h sauf le dimanche 8 juin à 17h
Relâche mardi 10 juin
Sera au Théâtre 11 pendant le festival d'Avignon du 5 au 24 juillet à 22h35
À partir de 13 ans
La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de © Alessandro Gallo

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