Serge Joncour aurait pu écrire avec Repose-toi sur moi une énième histoire d'amour entre deux êtres que rien ne prédestine à se rencontrer. C'est un des angles du roman mais ce n'est pas ce qui en fait l'intérêt.
Aurore est une styliste reconnue et Ludovic un agriculteur reconverti dans le recouvrement de dettes. Ils n’ont rien en commun si ce n’est un curieux problème : des corbeaux ont élu domicile dans la cour de leur immeuble parisien. Elle en a une peur bleue, alors que son inflammable voisin saurait, lui, comment s’en débarrasser. Pour cette jeune femme, qui tout à la fois l’intimide et le rebute, il va les tuer. Ce premier pas les conduira sur un chemin périlleux qui, de la complicité à l’égarement amoureux, les éloignera peu à peu de leur raisonnable quotidien.
Aurore est une styliste reconnue et Ludovic un agriculteur reconverti dans le recouvrement de dettes. Ils n’ont rien en commun si ce n’est un curieux problème : des corbeaux ont élu domicile dans la cour de leur immeuble parisien. Elle en a une peur bleue, alors que son inflammable voisin saurait, lui, comment s’en débarrasser. Pour cette jeune femme, qui tout à la fois l’intimide et le rebute, il va les tuer. Ce premier pas les conduira sur un chemin périlleux qui, de la complicité à l’égarement amoureux, les éloignera peu à peu de leur raisonnable quotidien.
J'ai pensé au film Partir que Catherine Corsini avait tourné en août 2009, avec Kristin Scott Thomas, Sergi López et Yvan Attal où là aussi une femme plutôt bourgeoise s'éprend d'un homme de condition sociale "inférieure" et n'aura pas peur de "perdre" les biens matériels qu'elle possède.
Comparaison n'est pas raison. Le développement de l'histoire, tout comme sa conclusion, sont sans rapport. Et le personnage du mari n'a rien à voir.
L'auteur parle très bien de l'avant-programme amoureux, quand on est dans l'attente de quelque chose que l'on pense voir arriver mais à propos de laquelle on n'a aucune certitude et dont, par voie de conséquence, les contours sont indéfinis. Je veux parler de cette période, qui parfois se termine abruptement sur cette question inévitable : qu'est-ce que je représente pour toi ?
- Quelque chose, que ... que je n'avais pas prévu, répond Ludovic (p. 230)
Leur rencontre n'a pas de sens. Elle s'installe sur un malentendu. Ludovic veut se montrer conciliant en affirmant que rien ne le gêne. Aurore conclut hâtivement que rien ne l'atteint. Ce qui est très touchant, et très réussi, c'est la manière que Serge Joncour a de nous mettre en relation avec l'un comme avec l'autre en nous montrant comment chacun voit le monde.
Ludovic la considère comme une belle énervée, une brune revêche (p. 59). Mais il ne peut s'empêcher de percevoir en elle une femme sur la défensive, et d'y penser le soir, quand il est à des centaines de kilomètres, dans la ferme familiale près de Saint-Sauveur (et qu'on ne me dise pas que le nom a été choisi par hasard !).
En parallèle de leur rencontre, sur laquelle le lecteur ne parierait pas un centime, Serge Joncour dresse la peinture d'une société foudroyée par la mondialisation et d'un monde rural en perdition où il est très difficile de vivre sur une exploitation de 40 hectares de prairies (p. 26) même en bossant 72 heures par semaine, comme l'actualité s'en fait l'écho ces jours-ci. Ludovic s'est sacrifié pour sa mère, sa soeur, ses neveux, laissant la place à son beau-frère.
Il est devenu employé dans une société de recouvrement d'impayés (on reste dans le même paysage social de gens qui tirent le diable par la queue), sur un marché potentiel de 600 milliards d'euros en France. Il est doué pour la négociation, Ludovic, mais il ne tire pas jouissance de la déveine de ses concitoyens. Il se sent écartelé entre les braves endettés piégés par les crédits et les embrouilleurs qui pourraient payer mais qui s'y refusent (p. 27).
Cet homme est pourtant un roc, physiquement et psychiquement. Sa plus grande qualité est la fiabilité. C'est comme ça qu'il est perçu, comme un homme qui donne du courage, et c'est ce qui attire Aurore, elle qui doute tant d'elle-même quand il s'agit de s'imposer (p. 118) alors qu'elle joue constamment le rôle de la chef, la mère, la femme, la créatrice et l'infirmière auprès de tout un tas de gens.
Alors Aurore se jette dans une relation réglée par le hasard et l'envie (p. 228), somme toute guidée par la confiance qu'il lui inspire.
Il y a des sujets où n'y a pas trop de mots pour faire comprendre l'âpreté de la situation. Alors Serge Joncour ne craint pas les longues phrases qui peuvent s'étendre jusque sur une demi-page comme le souffle d'une plainte, à l'instar de la grande marée qui laissera une poudre de sédiments. Son lexique ne s'embarrasse alors pas de métaphores elliptiques. Il accouche des images fortes. Ainsi la famille (p. 58) c'est comme un jardin, si on n'y fout pas les pieds, ça se met à pousser à tire-larigot, ça meurt d'abandon.
Il est aussi capable d'images quasi subliminales. Par exemple avec ces deux corbeaux (de malheur) que Ludovic va liquider et qui apparaissent comme la représentation de deux personnages malfaisants, Fabian, l'associé d'Aurore et Kobzham, son sous-traitant malhonnête.
Serge Joncour a pratiqué différents métiers avant de se lancer dans l'écriture (publicité, maître nageur). Il publie son premier roman, Vu, en 1998 au Dilettante. Puis, il a obtenu le Prix France Télévisions en 2003 pour U.V. (adapté au cinéma en 2007 sous le même titre U.V.). En l'an 2005, il a reçu le Prix de l'Humour noir Xavier Forneret pour son livre L'Idole, qui fait, en août 2012, l'objet d'une adaptation cinématographique réalisée par Xavier Giannoli. Le film, intitulé Superstar, met en scène Kad Merad et Cécile de France. Il s'agit de l'histoire d'un homme qui devient célèbre sans savoir pourquoi. Le film est présenté en compétition officielle à la Mostra de Venise 2012.
Il a écrit le scénario du film Elle s'appelait Sarah, d'après le roman du même titre en version française de Tatiana de Rosnay, avec Kristin Scott Thomas, sorti au second semestre 2010. Il est aussi, avec Jacques Jouet, Hervé Le Tellier, Gérard Mordillat et bien d'autres artistes et écrivains, l’un des protagonistes de l'émission de radio Des Papous dans la tête de France Culture.
Repose-toi sur moi est un livre qu'on n'oublie pas. La promesse de la quatrième de couverture est tenue brillamment. Dans ce roman de l’amour et du désordre, en faisant entrer en collision le monde contemporain et l’univers intime, l'auteur met en scène nos aspirations contraires, la ville et la campagne, la solidarité et l’égoïsme, dans un contexte de dérèglement général de la société où, finalement, aimer pourrait être la dernière façon de résister.
Comparaison n'est pas raison. Le développement de l'histoire, tout comme sa conclusion, sont sans rapport. Et le personnage du mari n'a rien à voir.
L'auteur parle très bien de l'avant-programme amoureux, quand on est dans l'attente de quelque chose que l'on pense voir arriver mais à propos de laquelle on n'a aucune certitude et dont, par voie de conséquence, les contours sont indéfinis. Je veux parler de cette période, qui parfois se termine abruptement sur cette question inévitable : qu'est-ce que je représente pour toi ?
- Quelque chose, que ... que je n'avais pas prévu, répond Ludovic (p. 230)
Leur rencontre n'a pas de sens. Elle s'installe sur un malentendu. Ludovic veut se montrer conciliant en affirmant que rien ne le gêne. Aurore conclut hâtivement que rien ne l'atteint. Ce qui est très touchant, et très réussi, c'est la manière que Serge Joncour a de nous mettre en relation avec l'un comme avec l'autre en nous montrant comment chacun voit le monde.
Ludovic la considère comme une belle énervée, une brune revêche (p. 59). Mais il ne peut s'empêcher de percevoir en elle une femme sur la défensive, et d'y penser le soir, quand il est à des centaines de kilomètres, dans la ferme familiale près de Saint-Sauveur (et qu'on ne me dise pas que le nom a été choisi par hasard !).
En parallèle de leur rencontre, sur laquelle le lecteur ne parierait pas un centime, Serge Joncour dresse la peinture d'une société foudroyée par la mondialisation et d'un monde rural en perdition où il est très difficile de vivre sur une exploitation de 40 hectares de prairies (p. 26) même en bossant 72 heures par semaine, comme l'actualité s'en fait l'écho ces jours-ci. Ludovic s'est sacrifié pour sa mère, sa soeur, ses neveux, laissant la place à son beau-frère.
Il est devenu employé dans une société de recouvrement d'impayés (on reste dans le même paysage social de gens qui tirent le diable par la queue), sur un marché potentiel de 600 milliards d'euros en France. Il est doué pour la négociation, Ludovic, mais il ne tire pas jouissance de la déveine de ses concitoyens. Il se sent écartelé entre les braves endettés piégés par les crédits et les embrouilleurs qui pourraient payer mais qui s'y refusent (p. 27).
Cet homme est pourtant un roc, physiquement et psychiquement. Sa plus grande qualité est la fiabilité. C'est comme ça qu'il est perçu, comme un homme qui donne du courage, et c'est ce qui attire Aurore, elle qui doute tant d'elle-même quand il s'agit de s'imposer (p. 118) alors qu'elle joue constamment le rôle de la chef, la mère, la femme, la créatrice et l'infirmière auprès de tout un tas de gens.
Alors Aurore se jette dans une relation réglée par le hasard et l'envie (p. 228), somme toute guidée par la confiance qu'il lui inspire.
Il y a des sujets où n'y a pas trop de mots pour faire comprendre l'âpreté de la situation. Alors Serge Joncour ne craint pas les longues phrases qui peuvent s'étendre jusque sur une demi-page comme le souffle d'une plainte, à l'instar de la grande marée qui laissera une poudre de sédiments. Son lexique ne s'embarrasse alors pas de métaphores elliptiques. Il accouche des images fortes. Ainsi la famille (p. 58) c'est comme un jardin, si on n'y fout pas les pieds, ça se met à pousser à tire-larigot, ça meurt d'abandon.
Il est aussi capable d'images quasi subliminales. Par exemple avec ces deux corbeaux (de malheur) que Ludovic va liquider et qui apparaissent comme la représentation de deux personnages malfaisants, Fabian, l'associé d'Aurore et Kobzham, son sous-traitant malhonnête.
Serge Joncour a pratiqué différents métiers avant de se lancer dans l'écriture (publicité, maître nageur). Il publie son premier roman, Vu, en 1998 au Dilettante. Puis, il a obtenu le Prix France Télévisions en 2003 pour U.V. (adapté au cinéma en 2007 sous le même titre U.V.). En l'an 2005, il a reçu le Prix de l'Humour noir Xavier Forneret pour son livre L'Idole, qui fait, en août 2012, l'objet d'une adaptation cinématographique réalisée par Xavier Giannoli. Le film, intitulé Superstar, met en scène Kad Merad et Cécile de France. Il s'agit de l'histoire d'un homme qui devient célèbre sans savoir pourquoi. Le film est présenté en compétition officielle à la Mostra de Venise 2012.
Il a écrit le scénario du film Elle s'appelait Sarah, d'après le roman du même titre en version française de Tatiana de Rosnay, avec Kristin Scott Thomas, sorti au second semestre 2010. Il est aussi, avec Jacques Jouet, Hervé Le Tellier, Gérard Mordillat et bien d'autres artistes et écrivains, l’un des protagonistes de l'émission de radio Des Papous dans la tête de France Culture.
Repose-toi sur moi est un livre qu'on n'oublie pas. La promesse de la quatrième de couverture est tenue brillamment. Dans ce roman de l’amour et du désordre, en faisant entrer en collision le monde contemporain et l’univers intime, l'auteur met en scène nos aspirations contraires, la ville et la campagne, la solidarité et l’égoïsme, dans un contexte de dérèglement général de la société où, finalement, aimer pourrait être la dernière façon de résister.
Repose-toi sur moi de Serge Joncour, Flammarion, en librairie le 17 août 2016
A obtenu le Prix Interallié
3 commentaires:
Je ne vois pas comment résister à ce roman...!
Ne resistez pas. Precipitez vous. Comme presque toute l oeuvre de s.Joncour on tombe sous le charme conjoint des protagonistes dont les faiblesses et les qualités sont si finement decrites et les propos quelques fois quasi sentencieux au sens positif sur l Homme moderne et sa place dans un monde décalé.
Ce roman qui enflamme, laisse une trace indélébile, je l'ai chroniqué sur Babelio, sous le pseudo: NinaChevalier.
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