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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mardi 27 janvier 2009

Lady in the dark ... avec des musiciens en pleine lumière

J'avais coché ce spectacle dans mon abonnement de la Piscine, influencée probablement inconsciemment par l'époque où, travaillant à Strasbourg, j'avais l'habitude du théâtre brechtien. Mais la mise en scène de Jean Lacornerie n'a absolument rien à voir avec le ton habituel.

J'aurais voulu pouvoir glisser un extrait dans ce billet. Je n'en ai point trouvé. Juste peut-être ce lien avec une critique du site des Trois Coups qui pourra compléter mon point de vue.

J'aurais surtout voulu témoigner de la fougue de la direction musicale de Scott Stroman qui a conduit magistralement l'orchestre des Pays de Savoie. Jusqu'au rappel nous n'avons vu de lui que son dos, ses épaules et ses mains. Il faut dire que j'étais idéalement située au dernier rang, m'assurant une vue plongeante sur la fosse d'orchestre. Ce chef officie sans baguette et se déploie dans une vraie chorégraphie. Ses mains attiraient le regard et c'était merveilleux de les voir donner le ton aux musiciens. On dit de lui que c'est un ancien jazzman et qu'il fut tromboniste. C'est vrai que la musique qui a été jouée ce soir avait des accents très jazzy. La salle entière a adoré Kurt Weill même si Scott Stroman nous a fait chanter qu'on "aime les compositeurs russes".

Lady in the dark a été un succès sur Broadway il y a soixante ans. Aucun metteur en scène français ne s'était encore risqué à la créer en France, tellement on racontait que c’était infaisable. Pourtant Jean Lacornerie a relevé le défi en gardant de l’oeuvre originale le show, la revue, le cirque, l’opérette. Et en nous offrant des costumes et des effets dignes d'un show de David Copperfield.

La trame est relativement simple : Liza Elliot, la rédactrice en chef d’un magazine de mode au titre prometteur "allure", aurait tout pour être heureuse. Mais elle se pose des questions dont les réponses seront décryptées par l'analyse. Resituées dans le contexte de l'époque les séances de psychanalyse devaient étonner le public américain. Aujourd'hui ce sont ses rêves, des fantasmes hauts en couleur, qui nous surprennent davantage : le rêve de glamour, le rêve du mariage et le rêve du cirque ... qui correspondent à trois séquences de l’opéra.

La vie « réelle » est représentée par le théâtre parlé (en français) , et le rêve est représenté par la comédie musicale (en anglais). A écouter les chansons dans leur version originale je me disais que nous rations quelque chose. J'aurais aimé me trouver au cinéma plutôt qu'au théâtre pour bénéficier de sous-titres. Voeu exhausé : une bande-titre s'est mise à défiler sur le haut du rideau de scène. (Soit dit en passant on aurait pu mieux faire comme traduction .... vraiment ....)

Le résultat est joyeux et du bel opéra comme cela est bien vivifiant, jusqu'à "the end, the absolut end" même si cela demeure "spécial" comme je l'ai entendu dire à l'entracte par quelques spectateurs déroutés.

Si j'ai entendu l'héroïne dire "j'étouffais" pour "j'ai tout fait pour comprendre", c'est sans doute un hasard car la psychanalyse n'est que prétexte au spectacle dont le but est de divertir.

Certes Décide-toi ! ne cesse-ton de dire à Liza qui finit par comprendre qu'elle ne doit plus avoir peur d'être celle qu'elle doit être. Il n'y a là rien de bien original. Peer Gynt lui aussi fait la même découverte sans le secours de l'analyse, plus tardivement peut-être.

samedi 24 janvier 2009

le dur, le mou ...

Rien à voir avec la chanson de Pierre Perret. C'est l'intitulé de la "feuille de mission" qui a été lancée en direction d'artistes plasticiens. De multiples réponses ont été sélectionnées, conjuguant l'approche classique et la créativité débridée.

Le tout compose une exposition, modeste en superficie, ambitieuse sur le plan artistique. Dans un lieu (presque) nouveau : l'Orangerie de Verrières-le-Buisson. Démonstration que même les petites communes peuvent voir grand sans ruiner leurs administrés. Belle leçon dont les membres de Futurbulences pourraient s'inspirer. Juxtaposer des termes de sens contraire, cela s'appelle une "oxymore" si on fait de la rhétorique. La publicité raffole de ces formules qui font tourner la tête comme celle-ci : Quelle obscure clarté ! En psychologie, c'est ce qu'on désigne sous la formule "d'alternative truquée", nettement moins positive (exemple qui n'est pas personnel : on pousse son enfant à faire des études mais on sera jaloux de sa réussite) . Mais dans le domaine de l'art c'est toujours gagnant-gagnant.

Habitants de la banlieue sud-ouest, vous disposez de quelques jours pour venir regarder de près et gratuitement des œuvres originales et touchantes, preuves à l'appui :

En regardant cette "Porte close" le spectateur se trouve dans le noir avec comme seul repère un filet de lumière qui pourrait suggérer une fermeture. A quelle distance de la porte se trouve-t-il ? Où se trouvent les murs ? Rien ne l'indique. Est-ce que la porte est simplement fermée ou verrouillée, fermée à clef ? Tous ces éléments peuvent créer des angoisses, ce qui est, selon Gisela Merienne, DUR à vivre.

Ces oppositions dur-mur et doux-mou sont illustrées avec humour par cette même artiste qui a eu l'idée de poser une brique de son jardin sur un parallélépipède de mousse, peinte en trompe-l'oeil. Dans les années 60, ma mère fabriquait la semaine des parpaings (à partir de ciment frais qu'elle coulait dans des moules où elle glissait deux bidons vides pour qu'ils soient creux) que mon père utilisait le week-end-end pour monter une clôture. Si j'en avais conservé un, aurais-je eu l'idée de le recycler en oeuvre d'art ?

Trompe l'oeil encore avec ces sculptures ... en mousse polyester d'Etienne Gros, né à Saint-Dié-des-Vosges. Voici Mousse 2 et Mousse 37, choissies au hasard parmi toutes celles qui sont exposées.

Caroline Escaich a l'humour grinçant. Elle donne à voir des maux, mis en mots :" Je suis ... tu hais", installation avec deux oreillers brodés, témoins d'un attachement conjugal pour le meilleur et surtout pour le pire ...



Autre symbolique avec l'association composée par Nadine Plassat avec un éclat de bombe en acier, du bois de cerisier et de l'albâtre de Saragosse, avec un nom optimiste : Fleur d'espérance !



La céramique aussi a sa place dans l'Orangerie avec cette Pourriture verte de Véronique Airieau.

D'autres ont choisi les techniques mixtes, en référence probable à la tradition de l'art brut. C'est le cas de La Décidée, poupée de Jean-Denis Bonan.

Ma préférence, sur le plan conceptuel, s'attardera sur la Fée du logis, de Gisela Merienne, témoignant qu'après Marcel Duchamp il reste encore des inventions possibles.

Jusqu'au 1er février
l'Orangerie-Espace Tourlière mercredi, vendredi, samedi et dimanche

de 15 h à 19 h, au 66 rue d'Estienne d'Orves
Verrières-le-Buisson

Le but ultime est que vous alliez sur place pour vous forger votre propre opinion, à partir des oeuvres grandeur nature. Si je n'ai pas photographié de réalisations d'Isa Bourland, de Michelle Kruithof et d'Hélène Pouzoullic c'est uniquement parce qu'il me serait impossible de dresser le catalogue complet de l'exposition qui fait la part belle aux femmes, ce qui est assez rare pour le souligner.. Qu'elles n'y voient pas d'autres raisons !

vendredi 23 janvier 2009

Pourquoi que les vaches elles ont des cornes ?

Voici une des questions auxquelles Fernand Raynaud apporte une réponse avec sagacité.

Vous saurez aussi en l'écoutant le risque qu'il y a à seriner aux enfants que 6 et 3 font 9.

Quel que soit son âge on reverra ou on découvrira ce moment d'anthologie qu'on aurait bien envie d'envoyer au ministre de l'Education nationale :




Prêt ? alors cliquez ... que c'est bon de rire !

mercredi 21 janvier 2009

INTERMEDE VACHE (S)

Je suis revenue en Lorraine avec mon bâton de pèlerin et j’ai rencontré trois capitaines.

Telle était la devinette à laquelle j'avais soumis les neurones des lecteurs du blog du Comité régional de Lorraine, Lorraine de coeur, au début de l'année en leur demandant s'ils reconnaissaient cet animal. Ils se sont bien pris au jeu et ont finalement convenu qu'il s'agissait d'une des Trois godelles ...

J'ai dû régulièrement donner des indices. La première phrase en contenait trois à elle seule.

Voici quelques-unes des réponses que j'ai reçues. Il m'a semblé que leur lecture allait vous distraire des tracas journaliers :

- Bonjour ! Je pense avoir reconnu la vache bleue de COMMERCY, non ?
- La crise symbolisée par cet animal est-elle celle de la vache folle ? Ce n’est pas très imaginatif mais pour l’instant je ne vois rien d’autre… A moins que l’on remonte au Veau d’or…
- Le bâton de pèlerin, est-ce sur un lieu de pèlerinage ? Un site religieux ?
- Les trois capitaines est-ce une indication militaire ? Gastronomique ?
- Est ce que cette personne n’avait pas l’intention de bouter les Anglais hors de France? C’est vrai qu’aujourd’hui on est bien content de voir des touristes anglais vider leurs porte-monnaie chez nous mais à cette époque? Pareil, une personne qui entend des voix aujourd’hui est…suspecte, à l’époque on lui donne une armée. Bon, je pensais à la pucelle d’Orléans, Jeanne d’Arc, née à Domrémy qui a rencontré 3 capitaines pour aller se battre contre les Anglais.

J'ai apporté quelques éléments de réponse : Les 3 capitaines ne sont pas des militaires (Commercy est toujours une ville de garnison) mais 3 vaches qui semblent monter la garde. Jeanne d’Arc n’a rien à voir dans cette affaire, même si j’ai moi-même longtemps habité à Orléans. Ne nous égarons pas.

Ces vaches symbolisent effectivement une sorte de crise. Leur auteur a voulu qu’elles aient l’air malades. J’ignore par contre si c’était la maladie de la vache folle (que les vaches anglaises ont terriblement subi elles aussi). Mais ce n’est pas du tout pour cela qu’elles sont bleues.

Alors j'ai reposé la question : où se trouvent-elles exactement à Commercy et pourquoi sont-elles trois ??? Elles n’auraient pas pu être 2 ou 4 mais l’explication n’a aucun rapport avec les paroles de la chanson “En passant par la Lorraine, avec mes sabots, rencontré trois capitaines .. etc ” même si c’est bien cette chanson qui m’a inspirée.
J'ai reçu de nouvelles réponses :
-Elles sont sur un rond-point juste avant une délicieuse boutique-confection de madeleines-salon de thé où nous aimons beaucoup aller le dimanche… Mais nous nous égarons en effet !
-Y’a-t-il un lien avec l’expression “vaches maigres” ? Cela peut-il symboliser une période de carême par exemple ?

Elles sont trois qui montent la garde au milieu du rond-point quand on arrive par l’ouest. Je vous conseille de regarder ces belles vaches dans les yeux. C’est assez troublant. Gardez les mains sur le volant ! Elles ont été installées de manière à ce qu’on ait toujours l’impression d’être poursuivi par l’une d’elles. Vous ne les verrez jamais aussi belles que sur les photos : j’ai gommé les poteaux électriques pour ne pas polluer les images. Mais je n’ai pas retouché les vaches. Ce sont des stars restées authentiques.

Trois parce qu’autrefois il y avait là trois fermes. Maigres parce que les vaches de ces fermes mourraient toutes les unes après les autres. Or la production de lait était très importante économiquement en Meuse. Sans le lait récolté dans ce département nous ne mangerions plus de fromage dit "de Brie" depuis longtemps !
Reste encore à trouver leur nom, le nom de l’artiste, pourquoi elles sont bleues, ce qui n’a rien à voir avec une maladie. Avec en prime l’explication du bâton de pèlerin :

- Est-ce que ce seraient les ancêtres de la vache Milka?…. Parce que du bleu au mauve, il n’y a qu’un pas qu’on franchit allègrement en chaussant ses sabots..
- Sait-on pourquoi les vaches mouraient ? Bleues pour conjurer le mauvais sort ?
- Je dirais que c’est parce que c’est une couleur qui n’existe pas dans la nature. Rejet de la nature à cause de la crise que les fermes ont subie ? Ou tout simplement parce qu’elles sont en polyester ?
- Peut-être que la réponse est à chercher dans la couleur du ciel. Le ciel est toujours bleu en Lorraine (me dit-on avec humour)
- Aux temps reculés, le parc Walygator était en fait un parc habité par des petits hommes bleus, les Schtroumpfs. Est-ce que des habitants de Commercy, en visite dans le parc, n’auraient pas échangé des madeleines de Commercy au Schtroumpf gourmand en échange de vaches sculptées par le Schtroumpf artiste ? Et comme tout le monde le sait, le bleu est la couleur préférée des Schtroumpfs d’où les vaches bleues de Commercy. Non, c’est pas cela?
- Les vaches ne regardent elles pas en direction de la ligne bleue des Vosges ?
Ces trois vaches bleues se nomment en réalité “Les Trois Godelles”. Le mot godelle désigne une vache en pâtois meusien. Commercy les doit à l’artiste Patrick Hervelin, sculpteur lorrain passionné de nature. Le bâton de pèlerin fait allusion à certaines de ses autres sculptures, visibles par exemple lors de l’expo “Bâtons de pèlerins, témoins et apparitions” en 2006 à Nancy.

La référence au bâton était aussi une allusion à la formule “A bâtons rompus …” par laquelle commence presque tous les billets que je publie sur le blog lorrain.

La couleur bleue existe dans la nature. Et c’est pour une raison liée à la nature que le sculpteur a fait les vaches bleues. Ce n’est pas pour symboliser le ciel, ni la ligne bleue des Vosges. Pour un autre élément qui est très présent en Lorraine, et qui de plus est vital pour tout le monde.
L’eau, surnommée “l’or bleu” ...

Quelques liens pour aller plus loin:
le site du sculpteur : http://hervelin.sculpteur.free.fr
la page blog de Bertaga consacrée aux godelles (page que j’ai découverte depuis) avec une photo magnifique : http://verdun.over-blog.net/article-15319295.htm

Bientôt je publierai le portrait d'une artiste lorraine qui vit dans la Meuse, une des régions les plus pauvres de notre territoire et pourtant une des plus belles aussi. La nature y est encore authentique. D'accord, il y a un peu de vent. Au moins on l'utilise intelligemment à faire tourner les éoliennes ... Et puis Commercy est une petite ville qui possède un joli château, construit par le roi de Pologne, Stanislas, le même auquel Nancy doit sa superbe place. Commercy est aussi célèbre dans le monde entier pour ses madeleines. Et une sculpture de Patrick Hervelin, un rhinocéros, guettait du coin de l'oeil les visiteurs du bureau ovale de Bill Clinton. A quand une godelle sur celui du nouveau président ?

Enfin à tous les passionnés de vaches (je sais qu'il y en a, de nombreux) je recommande un billet sur les vaches vosgiennes, ici ...

lundi 19 janvier 2009

Jean- Pierre Condat expose au Salon de Châtenay-Malabry

Cet artiste chatenaisien a le sourire franc. Sa peinture est dynamique et colorée. Après avoir fait beaucoup d'aquarelles il a désormais fait le choix de l'acrylique qu'il applique avec de larges brosses et des couteaux. Il semble balancer entre abstraction et figuratif. Mais j'ai été prévenue qu'il n'avait pas envie qu'on fasse "du baratin" autour de ses œuvres. Alors je vous propose d'en regarder quelques-unes en toute simplicité.
Un tableau ne vit que par celui qui le regarde. Alors prenez votre temps et venez vous faire votre propre opinion face aux œuvres en taille réelle. C'est ainsi que Georges Siffredi, le député-maire, s'exprimait au cours du vernissage. Les deux hommes partagent un certain sens de l'humour.Quand l'homme politique remercie l'artiste d'avoir restitué l'atmosphère d'un village corse, celui-ci répond qu'il ne se souvient plus de l'endroit. Serait-ce Tassan ? Certainement en tout cas quelque part au sud de l'île ... Jean-Pierre Condat laisse ses tableaux vivre leur vie sans lui. Que celui qu'il a nommé La table rustique devienne La fable mystique dans un catalogue ne le fâche pas. Une telle humilité est plutôt inhabituelle dans le milieu.
Le salon expose plus d'une centaine d'œuvres dont beaucoup ont été conçues spécialement pour l'occasion. Plusieurs prix sont décernés : la médaille du Conseil général à Michel Barrat (reconnaissable à son écharpe rouge), une médaille de bronze à Françoise Combes (en pull rose), d'argent à Philippe Cucq (redingote grise) et l'or à Daniel Lucas.
Le jury a tenu à spécifier qu'un grand nombre d'artistes auraient mérité une mention spéciale mais la liste a été égrenée si vite que je n'ai pas pu tous les noter.

Le ridicule à désigner quelqu'un par un détail vestimentaire fait écho au manque de respect des organisateurs à accrocher les œuvres sans mentionner leurs auteurs. J'ai déjà eu l'occasion d'insister sur ce point. Je sais bien que le but est de vendre le catalogue, mais c'est aussi la meilleure façon de laisser les artistes dans l'ombre. De toute évidence ils étaient "entre eux" le matin du vernissage et ne semblaient pas importunés par cela. Question d'habitude sans doute, y compris pour les 18 lauréats des éditions précédentes dont les initiés reconnaissent les tableaux à ce qu'ils sont marqués d'une pastille verte ...

J'ai bien entendu M. Siffredi affirmer qu'il faut rendre la culture accessible à tous car sinon on trahit son passé. On peut donc espérer raisonnablement que les prochains exposants ne seront plus des anonymes. Et que le catalogue soit digne de ce nom et de son prix !

Philippe Chambaud, président du groupe artistique rêve quant à lui, comme d'autres officiels, d'un bel équipement pour servir d'écrin. Les études techniques pour la future Maison des Arts dans l'ancienne demeure occupée par Voltaire sont lancées.

Pour terminer et en toute naïveté, mon regard s'est attardé sur :

le numéro 61 : Des notes et des mots, d'Elisabeth Hunaut qui m'a fait penser à Arthur et les minimoys, de Luc Besson


le numéro 43 : Bicyclette de Michel Ernstberger, un moyen de transport que j'utilise au quotidien ...



le numéro 36 : les sculptures de Nathalie Duc en métal et bois flotté,
Je remercie les organisateurs de m'avoir gracieusement communiqué les noms de ces trois artistes.

Salon de Chatenay-Malabry , entrée libre dans la Mairie
rue du Docteur le Savoureux - 92290 Chatenay-Malabry
du 10 au 25 janvier de 10h à 12h et de 14h à 18h
fermé le dimanche matin

dimanche 18 janvier 2009

Bain de culture à la Piscine

Samedi 17 janvier, 17 heures, s'ouvrait à la Piscine de Châtenay-Malabry la 1ère université d'hiver du groupe de réflexion Futurbulences. Je ne vais pas me lancer dans l'exercice du commentaire de texte mais tout de même, avouez que lorsqu'on se présente derrière un tel vocabulaire le public convié ait de fortes attentes. Et quand je dis convié ... je ne compte pas les mails reçus pour me décider à venir. J'ai eu le sentiment que le théâtre sonnait les cloches, hurlant "Oyez, oyez, bonnes gens ... "

Les intervenants, chacun fort sympathique individuellement, et éminent spécialiste de son domaine, nous firent sur scène la démonstration cinglante de ce qu'ils dénonçaient : après avoir longuement discouru entre eux d'un bout à l'autre d'une longue table, s'être fort poliment transmis le bâton de parole en ne nous donnant à voir que leur profil, ils se sont souvenus du lieu où ils se trouvaient, que nous étions là, dans l'ombre peut-être, mais là tout de même.

Ils nous avaient posé par courrier électronique une série de questions passionnantes :
On ne sait plus si la Joconde est aussi importante que Jeff Koons. Relire Victor Hugo ou ne pas manquer le dernier épisode de Desperate Housewives. Picasso ? Une marque de voiture. Vinci ? Des parkings. Le patron de Mc Donald's devient directeur des musées en Italie. Quel avenir pour la culture en France ? (...) Comment rémunérer la création à l'âge du tout gratuit ? (...) Qu'ont à nous dire les industries culturelles ?

Je pensais que nous échangerions leurs réponses et les nôtres. Quel beau billet en perspective pour le blog !

J'ignore toujours qui est Jeff Koons. J'ai plus urgent à faire que de suivre les aventures des Desperate Housewives que je regarderai en DVD le jour où je serai vraiment désappointée. Je roule à bicyclette en appliquant le précepte de Julos Beaucarne qui avait bien raison de prétendre dès 1975 que la révolution passera par le vélo, camarade. Et ce n'est pas Marcel Duchamp qui l'aurait contredit. Que le patron de Mc Donald's œuvre dans des musées ne me choque pas davantage que de savoir que Picassiette était gardien du cimetière de Chartres. L'allusion au tout gratuit m'interroge sur la prestation d'hier après-midi. J'ose espérer que nous étions tous des bénévoles dans la salle.

Démarrer sur la lettre de mission du président Sarkozy à la ministre Albanel pouvait être un point de départ constructif. Encore que ce soit un discours codé dont personne n'est dupe. Ce qui aurait été novateur aurait été de répartir le public en 10 groupes, sous la houlette chacun d'un des 10 orateurs, avec mission de récrire un paragraphe.

Nous en aurions ensuite discuté, peaufinant le style, et l'un d'entre nous aurait déposé la missive à la présidence de la république, à moins de la publier en page 1,2 ou 3 du journal le Monde (puisque nous avons tous compris que c'est entre ses lignes que la culture débat de son avenir).

A ce stade, de deux choses l'une, ou l'on estime que les débats qui ne servent à rien ont leur place en France et on garde ce cap (mais alors cessez de vous étonner de la colère des barbares que votre regard provoque). Ou l'on est sincèrement persuadé d'avoir chacun notre rôle à jouer en tant qu'acteur du changement et on refait ... non pas le match, non pas le monde, mais la 1ère université d'hiver du groupe de réflexion Futurbulences.

Laissez tomber les calculs d'arrière-garde. Pourquoi être si jaloux du succès de Bienvenue chez les Chtis (dont vous avez, pardonnez-moi, largement fait une inutile pub) ? Pour une fois que ce n'est pas un film violent et américain qui remporte la palme du public ! Si l'on avait demandé à tous ceux qui avaient vu le film de quitter la salle serait-il resté ne serait-ce qu'un débatteur ?

L’art permet de nouer des liens, de mettre en relation des faits, des évènements, de créer des étincelles, de provoquer de nouvelles pensées. La culture est le ciment qui unit des personnes destinées à vivre ensemble. Et ce n’est pas en consommant davantage d’art que l’on « reboisera l’âme humaine », selon la formule du poète. Croire que la culture puisse éloigner la barbarie n’est peut-être ni plus ni moins fantasmatique que de penser qu’au nom de l’une ou l’autre des religions il soit légitime pour les uns de prendre les armes contre les autres. L’avenir de la culture n’obéit sans doute pas à la prescription d’un catalogue de recettes mais j’entends les bombes continuer leurs dégâts et je me dis qu’il n’est pas de minuscule petite idée qui ne soit devenue vitale.
J'ai vu certains d'entre vous prendre des notes. Sans nul doute que d'excellentes pistes ont été consignées. Voici tout de même, pêle-mêle, quelques suggestions qui se sont murmurées dans la salle ou qui me sont venues ensuite :

INSTAURER DES REPÈRES SIMPLES COMME DES RENDEZ-VOUS :

- l'ouverture des bibliothèques le dimanche, à l'instar des musées,
- l'ouverture des bibliothèques et des musées en nocturne, une fois par mois ?, une fois par semaine ?
- harmoniser les jours de fermeture des musées et des bibliothèques (pour les musées, les mardis, pour les bibliothèques les lundis)
- étendre la gratuité de tous les musées (publics ou privés) chaque premier dimanche du mois, ne serait-ce qu'en contre-partie des subventions accordées, qui sont tout de même toujours de l'argent public.
Ce ne sont pas des idées très neuves, mais encore peu appliquées, malgré quelques expériences (comme celle de la médiathèque d'Antony dont je rendais compte le 9 janvier dernier)


BOUSCULER DES IDÉES REÇUES :

- lancer les soldes des livres invendus avant leur envoi au pilon,
- autoriser l'accès aux livres épuisés au public des bibliothèques,
- brader les sièges vacants 5 minutes avant le début des spectacles (une bonne vingtaine de places sont encore restées inoccupées hier soir et j'en compte toujours, même pour les spectacles affichant "complet". Il devrait bien y avoir un moyen technique pour améliorer cela)
- inventer les chèques-théâtres, sur le modèle des chèques-lire ou des ticket-restau,
- supprimer alcool et petits fours des vernissages. (Quelle économie!) Et inviter tout le monde ! Et systématiquement une classe de collège.


RÉFLÉCHIR SUR DE VRAIES QUESTIONS :

- art et développement durable,
- art et argent,
- réduire la TVA sur les produits culturels. "Il n'y a aucune raison que la TVA ne soit pas à 5,5% sur les disques, sur la musique et sur la vidéo qui sont des produits culturels". Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Nicolas Sarkozy le 13 janvier lors de ses vœux à la culture.
- imaginer de petites formes (théâtre ou concert d'appartement) quitte à faire moins de grandes créations (le théâtre Firmin Gémier en avait déjà proposé)


ÉTABLIR D'AUTRES STATISTIQUES :

- arrêter de mesurer le succès d'un livre au nombre d'exemplaires vendus. Ajoutons le nombre d'emprunts en bibliothèque. Commençons par une ville-test où les libraires s'associeraient avec la bibliothèque municipale pour faire ces additions. L'informatique devrait facilement permettre cela.
- instaurer un quota d'emploi des subventions en direction de nouveaux publics,
-recenser les expériences de médiation culturelle pour les exporter dans d'autres lieux, d'autres secteurs. A ce titre ce qui est déjà fait en direction des enseignants par les musées des Arts décoratifs, du Quai Branly, de Pompidou, d'Orsay (qui organisent des visites commentées avant l'ouverture des expositions) est assez remarquable et mériterait d'être systématisé.
Le travail de nombre de chargé de relations publiques l'est tout autant. Il faut avoir croisé le regard d'un groupe d'adultes autistes dans les coulisses d'un cirque pour en être convaincu. Ce qui se fait à Antony est sur ce point exemplaire.

Il y aurait, il y aura sans doute d'autres choses à inventer mais voilà, vous m'avez invitée à un bain de culture à la Piscine et je me suis jetée à l'eau. J'espère ne pas vous avoir trop éclaboussés. Ce n'était pas mon intention. Pour être totalement honnête, je vous accorde le grand mérite d'avoir lancé le débat. Avec un nom comme Futurbulences pas étonnant d'occasionner des turbulences. Ce n'est pas si grave d'exploser en vol ... vos compétences vous permettront un bel amerrissage.

Alors si l'esprit vous en dit, écrivons ensemble cette lettre qui pourrait commencer ainsi :
Monsieur le président, nous faisons une lettre que vous lirez peut-être, si vous avez le temps ...

mercredi 14 janvier 2009

Mise au point sur Sabine Weiss

La maison des Arts d'Antony (92) expose pour deux mois des photographies de Janine Niepce et de Sabine Weiss. Des œuvres en noir et blanc célébrant la condition féminine pour la première et les enfants pour la seconde.

La sélection est remarquable. Les commentaires de Thu Huong Ta Thi, conseillère artistique, sont toujours aussi précieux pour saisir l'essentiel. Était-il pensable que je sorte mon appareil photo pour vous donner une idée de ce qui nous était donné à voir ? Sauf que Sabine Weiss a surgi et qu'elle m'a entrainée dans le tourbillon de ses souvenirs avec douceur, force et persuasion.

Difficile d'avoir des complexes à côté d'une telle personnalité. Alors faisons simple. Comme elle. Puisqu'elle m'a donné son accord pour que je prenne des clichés j'en ai pris, en essayant à la fois de ne pas "trop" les rater tout en montrant qu'il ne s'agissait pas de copier son art mais d'en donner à voir un petit morceau.

Le bonheur se lisait sur son visage. Elle était sincèrement heureuse de redécouvrir en grand format des images qui sont de la taille d'un timbre-poste sur les planches contact qu'elle s'attelle à mettre en ordre. Le classement de ses archives lui prend le plus clair de son temps. Alors c'est avec plaisir qu'elle évoque les moments qui encadrent tel ou tel cliché.

Là c'était un magazine américain qui m'avait commandé un reportage sur la manière de vivre des petits français. Les pochettes surprise n'existaient pas aux USA. Nous sommes en 1968. sur la plage de Deauville. Le cornet et la pochette se font visuellement écho, comme les rayures des petits pulls, les deux paires de sandales dont on voit que la fillette a enfilé la gauche en toute hâte.

- Ce garçon là, il a pris le téléphone et s'est mis à hurler dedans. Une vraie colère. C'était pour le catalogue de tricot Korrigan. Je l'ai revu adulte. Il m'a dit qu'il n'avait pas changé de caractère.

- Et cette petite fille ?

- Oh, ce n'est pas du tout un portrait fait dans le studio d'Harcourt. Encore une" simple" photo de mode.

Elle sourit quand je lui fais remarquer qu'elle m'évoque les Ménines de Vélasquez. Elle se défend d'avoir joué excessivement avec les éclairages.
- La lumière elle est là, et on fait avec quand on est photographe. J'ai jamais recherché une certaine lumière, mais quelque chose qui m'étonne et me touche.

Un visiteur la félicite pour avoir photographié Manitas de Plata en lui disant qu'il a vécu le même moment à Séville.
-Oh, non, c'est la petite danseuse qui m'intéressait. C'est bien plus tard que j'ai su qu'il était là.

Thu Huong Ta Thi l'écoute avec inquiétude. C'est elle qui, sans indication préalable, a disposé les cadres, en cherchant à faire dialoguer les photos entre elles.
-J'aime beaucoup votre accrochage, lui confie Sabine Weiss qui semble revivre des instants de ses nombreux voyages.
- Cette petite fille couchée sur l'arbre ... je ne sais plus si l'arbre penchait sans elle.
- Ce petit garçon qui regarde la statue par en-dessous, c'était un enfant d'artiste.
On la complimente sur ce cliché où une grappe d'enfants est perchée au sommet d'un arbre. Elle sourit. J'aime beaucoup jouer avec les gosses, leur lancer des défis du type : - Chiche que vous êtes pas cap de grimper en haut ! Mais mes photos n'ont pas toutes une histoire. Certaines, c'est des moments. J'aime être n'importe où et faire de la photo.
Regardant cet enfant jouant au cerceau avec une petite roue qu'il pousse avec un bâton elle murmure : Partout les enfants jouaient comme cela. Après un temps d'arrêt elle poursuit : Maintenant ils jouent plus. Ils regardent la télévision.

Ses préférés restent les anonymes et les mendiants. Un enfant mineur la bouleverse toujours autant.
De Sabine Weiss on connait de superbes clichés qui ont été repris par Reporters sans frontières. Ce visage a fait le tour du monde. En couverture du livre "100 photos pour la liberté de la presse".

La misère et l'injustice la révoltent. Elle me raconte comment elle a patiemment "apprivoisé" des enfants d'un squatt parisien du boulevard Vincent-Auriol avant d'arriver à les photographier. Hélas des promoteurs lorgnaient le terrain en s'impatientant. L'immeuble fut ravagé par un incendie qui emporta 17 vies humaines en août 2005. L'hypothèse d'un court-circuit fut écartée : il n'y avait ni circuit électrique ni câblage à cet endroit. Une enquête pour "crime flagrant" fut ouverte mais ne donna rien. Un nouvel immeuble fut construit. Depuis, la photographe ne manque pas une occasion de dénoncer la cupidité et la malhonnêteté du procédé.

Sabine Weiss est attentive au discours de l'adjointe au maire, chargée de la culture. Patiemment elle en corrige les inexactitudes de sa biographie, ne cherchant nullement à embellir la réalité.
Je n'étais pas scolaire. J'ai fui l'école pour aller avec une amie au festival de musique de Lucerne ... à bicyclette (comment faire autrement, c'était la guerre). Et puis j'ai bifurqué. J'ai travaillé au pair dans une très bonne famille. On m'avait surnommée "la petite abeille" parce que je travaillais tout le temps.
Elle raconte en toute simplicité ses débuts dans la vie active, très active, témoignant tout à la fois d'un caractère bien trempé, extrêmement volontaire et très modeste à la fois. La photographie est devenue son métier parce qu'elle estimait en toute humilité s'y connaître un peu. La suite de ses confidences va rester entre nous parce qu'elles pourraient être mal comprises. Cette française née à "G'nèv" est devenue parisienne dans l'âme. On est loin du long portrait académique que l'on peut lire d'elle dans Wikipédia et auquel je vous renvoie malgré tout pour les grandes étapes. Mais écoutons sa version :
Je n'ai eu aucun maître. Pas plus Doisneau qu'un autre. Excusez-moi de le dire, mais c'est la vérité. Je suis arrivée sans un sou à Paris en 1946. C'était une époque formidable. On mangeait dans des petits bistrots pour trois fois rien. On se logeait dans des hôtels de la rue Bonaparte devenus aujourd'hui hors de prix. J'ai travaillé avec le photographe de mode, Willy Maywald, un allemand réfugié en Suisse pendant la guerre. J'en ai connu alors des mannequins ... Un jour j'ai montré des photos au grand magazine Vogue. Un petit bonhomme dans le fond de la pièce a marmonné "celle-là, elle a tout compris". C'était Doisneau mais je ne savais pas qui c'était. J'ai été engagée sur le champ, pour six pages par mois. C'était énorme. Après nous sommes devenus amis, naturellement.
Elle convient qu'elle a fait beaucoup de tout, énormément de bébés, des natures mortes, beaucoup de choses de la rue aussi, des musiciens, de la mode, de la pub. Qu'il fallait bien faire bouillir la marmite. Moi qui n'aime que les choses simples, j'ai beaucoup travaillé pour des revues sophistiquées ... Elle était sous contrat dans plusieurs agences et chacune lui avait collé une étiquette différente. Il n'y a que le reportage de guerre qui lui a échappé. J'aurais pas pu, dit-elle en riant et en faisant mine de trembler.

A ceux qui lui demandent si elle regrette l'âge de l'argentique elle exprime son enthousiasme pour le numérique : J'adore ! Çà calcule la profondeur, la mise au point, le temps de pause. Et puis c'est très léger. Avec mon grand âge c'est un avantage. Elle ne se prive pas de dire que "dans le temps" certains films étaient de mauvaise qualité, qu'on faisait souvent des erreurs avec ce type de pellicule, qu'elle se souvient de séances photo avec Maria Callas où elle a "tout doublé" par sécurité. Elle n'exprime aucune nostalgie. Le plus important c'est le sujet, le hasard, le regard. Avec le numérique les gens qui voient bien feront des choses très bonnes.

Elle a utilisé de multiples appareils sans avoir de véritable préférence. On comprend bien que pour elle c'est le résultat qui compte. On lui demande ce que deviendront ses oeuvres.
-Lartigue a tout donné. C'est trop risqué... Pour finir dans des caves ... Ma fille s'y est intéressée. Moins maintenant ... Je ne sais pas ... la famille, c'est compliqué ...

Une ombre passe. Et puis le ton redevient espiègle. Sabine a même des talents de comédienne. Il faut l'entendre parler de ses assistantes. J'aime trop être seule et j'aime bien faire tout moi-même. Mais il y a eu des années où j'avais tellement de travail que j'ai engagé des assistantes. J'ai du me séparer de la première, elle avait trop d'enfants. La troisième était trop bavarde. Je me sauvais quand elle arrivait. Et je l'entendais continuer à parler toute seule, à haute voix, se lamentant que la patronne voulait qu'elle se taise. Elle n'arrêtait jamais.

Elle a été beaucoup exposée. Très tôt, dès 1950, dans des lieux prestigieux comme le Museum of Modern Art de New York (MOMA) ou l'Art Institute de Chicago. Elle ne se rend alors à aucun vernissage mais elle garde les cartons d'invitation comme des reliques. Sans doute a-t-elle été étonnée d'être autant célébrée alors que son mari, le peintre Hugh Weiss l'était (un peu) moins.

Jusqu'au 25 janvier elle expose aussi à la Maison européenne de la photographie, et jusqu'au 22 mars 2009 au Musée de Pontoise (95) les visages de la musique classique.

Les photos auxquelles je fais référence dans cet article sont visibles à la Maison des Arts d'Antony, Parc Bourdeau, 20 rue Velpeau, tel 01 40 96 31 50, du jeudi au vendredi de 12 à 19 heures, le samedi de 11 à 19 et le dimanche de 14 à 19 heures.

Cette exposition partage un très grand nombre de photos avec le superbe ouvrage que Jean Vautrin a consacré à Sabine Weiss aux éditions de La Martinière en 2003, à commencer par la couverture. Le portrait qu'il a brossé d'elle est un des plus beaux qu'on puisse écrire. J'ajouterai que pour moi c'est un peu l'Agnès Varda du monde photographique.

C'est malheureusement un livre "épuisé" que vous aurez peut-être la chance de dénicher dans une bibliothèque ...

mardi 13 janvier 2009

Happy hours dans les musées !

Nicolas Sarkozy a annoncé aujourd'hui que l'accès des Musées et Bâtiments nationaux serait désormais gratuit pour les moins de 25 ans et les enseignants à partir du 4 avril. Une promesse qui provoque la colère d'autres publics. J'entendais ce matin sur "une radio périphérique" la plainte de personnes âgées : Mais que fait-on pour nous ? Les cartes "senior" auraient-elles disparu en même temps que la publicité le soir à la télévision publique ? Méfions-nous de ces effets d'annonce qui divisent les publics.

Rappelons d'abord que l'accès à tous les musées nationaux est libre depuis très longtemps pour tout le monde chaque premier dimanche du mois. Répétez-le autour de vous à l'envie. Ne préférez-vous pas ce mot de liberté à celui de gratuité ?

L'album de photos familial est ponctué de ces visites dominicales qui ont jalonné l'enfance de mes "petits". On se disait à chaque fois : qu'est-ce qu'on risque ? Si les enfants n'accrochent pas nous rentrerons sans regret. Et nous votions à chaque fois sur le chemin du retour le nom de l'étape suivante : la basilique de Saint-Denis, le sommet de l'Arc de Triomphe, la prison de la Conciergerie, la galerie des glaces du Château de Versailles, les jardins du musée Rodin ... Où ne sommes-nous pas allés ?

Les fonds des collections des musées de la ville de Paris sont, je crois, eux aussi gratuits. Un très grand nombre d'expositions publiques ou privées sont libres d'accès un peu partout en banlieue et en région. Chaque commune organise régulièrement des accrochages (certes plus ou moins réussis, mais c'est déjà çà ..). Bref, point n'est besoin d'être parisien pour accéder à l'art.

Il y a aussi les Journées du Patrimoine, les Nuits des Musées, la Fête de la Science. Ce ne sont pas les occasions qui manquent !

C'est vrai que le prix est un frein. Mais il y a pire : c'est la queue qu'il faut faire pour acheter le billet. Pour avoir eu la chance de séjourner quelque temps à Washington je vous assure que c'est un bonheur de pouvoir "librement" entrer dans un musée pour 15-20 minutes, en fin d'après-midi ou à l'heure du déjeuner, comme on ferait quelques pas dans un jardin.

Il parait qu'en Australie aussi les musées sont gratuits. Mais que leur accès est par contre hors de prix en Russie. Arrêtez de discutailler de ce qu'il faut faire pour déscotcher les gens de leur poste de télévision. Et ouvrez donc les portes des musées ! La perspective de la gratuité pour les enseignants et les moins de 25 ans est déjà un progrès, même s'il faudrait élargir l'accès à tous les publics, car la culture est l'affaire de tout le monde.

Faites des nocturnes ! Jouez les prolongations ! Pourquoi ne pas instaurer un rendez-vous régulier et simple à mémoriser : musées et bibliothèques ouverts et gratuits tous les mardis jusqu'à 21 heures sur tout le territoire continental et outre-mer ? Comme ce serait simple de mémoriser une telle information !
Bien entendu cette disposition ne pourrait pas s'appliquer aux expositions temporaires (dont je crois savoir que financièrement parlant elles se portent très bien). Mais celles-ci ne pourraient-elles pas s'ouvrir sur de nouveaux publics par le biais de réductions exceptionnelles ? Je dois subir l'influence des soldes sans doute. Quant au secteur du livre quand la braderie précédera-t-elle le pilon ? Et qu'on n'invoque pas le prétexte de la concurrence pour ne pas bouger. Ce sont les navets qui dégoutent du cinéma ... Rien d'autre.

Ouvres, ouvrez, mesdames, messieurs , les portes des musées ... !


La première photo a été prise lors de l'exposition Louise Bourgeois au centre Pompidou
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dimanche 11 janvier 2009

Sport et écologie, amis ou ennemis ?

Les valeurs sportives me laissent souvent dubitatives. J'ai du mal à comprendre l'engouement pour la compétition. Je regarde très peu les évènements sportifs même si j'ai beaucoup de respect pour le courage et la détermination de leurs participants. Je ne serais d'ailleurs pas capable de faire le tiers du quart de leurs prouesses.

J'ai tout de même appris les déboires tragiques de plusieurs concurrents du Vendée Globe (dont j'ai longtemps cru qu'il s'agissait du Vent des Globes, ce qui témoigne de mon incompétence). Je suis admirative de leur courage. Et je leur souhaite bien du bon vent (ce qui est tout le contraire d'une injure, faut-il le préciser pour les lecteurs qui seraient aussi naïfs que je le fus).

A entendre ma famille proche pester contre le Paris-Dakar je me dis qu'il est temps de réagir. C'est vrai qu'il est insolent de célébrer ce gaspillage de pétrole et de vies humaines. A quoi rime le développement de la mécanique alors que l'industrie automobile n'a pas fait son virage technologique vers l'énergie électrique ? Va-ton encore longtemps interdire les bio-carburants pour satisfaire les lobbys pétroliers ? On nous a promis du changement. Où se niche-t-il ?

On dépense aussi des milliers d'euros (ou dizaines, ou centaines ...) pour chauffer une pelouse, deux semaines durant, sous une bâche de 2 hectares et demi, pour espérer maintenir la programmation d'un match de football en nocturne, au moment où il fait le plus froid. Quelle ineptie quand il suffirait de jouer à 15 heures de l'après-midi ! Il parait que la prise de vue serait moins "télégénique". Je n'y crois pas, comme disent les ados, parce qu'alors comment ils ont fait pour filmer les Jeux Olympiques en plein jour ? Quand je vous dirai qu'en plus le match n'a pas été joué, le terrain étant trop dur ... Les supporters étaient heureux d'avoir fait le déplacement !

Continuons le Vendée Globe qui magnifie deux vertus : le développement durable, avec le recours à l'énergie éolienne, évidemment, et la solidarité. Quand un navigateur démâte, ce sont deux autres qui quittent la course, laissant de côté l'envie de gagner. Passant sans hésiter de la position de concurrents, à celle de coéquipiers.

Quel contraste avec le Dakar ! On meurt dans sa voiture et personne ne s'arrête. Pourquoi poursuivre cette débauche alors qu'il n'est même plus certain que des spectateurs s'y intéressent. Quel triste record reste-t-il à battre ? Pourquoi ne pas arrêter, tout simplement !

Mais allez donc au cinéma ou mettez-vous à la lecture !

samedi 10 janvier 2009

En attendant d'aller voir les plages d'Agnès ... petite leçon sur le bonheur

Agnès Varda vient sortir un nouveau film où elle nous montre les plages qu'elle a foulées. On me dit qu'il est merveilleux. Je veux bien le croire.



J'adore en particulier cette interview qu'elle a donnée sur Allociné autour de ce long-métrage. Les citations qu'elle fait de Prévert, les jeux de mots avec un coquillage, sa manière bien particulière de raconter les gens, tout cela me touche parce que je sors d'un atelier d'écriture où l'on m'a offert ... le même coquillage, en me demandant d'écrire un texte sur une rencontre. Je me suis laissée emporter par les Déferlantes, le beau roman de Claudie Galley, publié aux éditions du Rouergue en 2008, dont l'intrigue est située au cap de la Hague. La présence de Prévert y est naturelle : il a vécu dans la toute proche petite bourgade d'Omonville.

Connaissez-vous ce très court poème intitulé Le paysage changeur ?

De deux choses lune
l'autre c'est le soleil


Agnès Varda a 80 ans. Et cela fait immensément plaisir de constater qu'on peut à cet âge afficher un dynamisme que beaucoup n'ont même pas eu plus jeunes. J'avais l'impression que le syndrome Alzheimer était inéluctable. Quel soulagement !

Mon engouement pour elle ne date pas d'hier. Témoin ce billet que j'ai rédigé sur un autre de ses films, au tout début du blog. Un très beau film encore.

Le bonheur est le premier long-métrage tourné en couleurs en 1964 par Agnès Varda. Je l’avais découvert grâce à sa sortie en DVD. Je ne l’ai pas regardé avec l’œil scandalisé des spectateurs du moment qui ont déploré que le sujet (l’adultère) y soit traité avec bienveillance.


40 ans plus tard, j’y vois une fresque sociale, un témoignage sur une époque, révolue, ou perdue, qui appartient désormais à l’Histoire et à mon propre passé.


Parce que c’est toute mon enfance que je retrouve avec les bruits familiers des tendres années : le cliquetis de la machine à coudre, le ronronnement des voitures, le hurlement de la dégauchisseuse de l’atelier de mon père, le gling-gling du téléphone.


En ai-je passé des heures à tourner d’un pied sur l’autre pendant que la couturière ajustait un ourlet, à attendre que l’opératrice mette en relation (c’est comme cela qu’elle disait) ma grand-mère avec mes parents … pour leur dire quoi ? que leur fille reprenait des couleurs au bon air de la campagne, qu’elle s’était couronnée les genoux en tombant dans l’allée, et pour convenir enfin du jour où ils viendraient déjeuner et la reprendre …


Des heures aussi à désherber, à trier les petits cailloux, à regarder les légumes pousser dans des jardins qui depuis ont été rayés de la carte.


Je voudrais pouvoir écrire comme Verlaine : rien n’a changé, j’ai tout revu … mais il ne reste plus rien de tout cela !


Sauf dans le film d’Agnès Varda. Tout y est, intact : les coiffures, les vêtements, l’architecture, la décoration, le poste (comme on surnommait la télévision). C’est mieux qu’une reconstitution puisque c’était vraiment comme cela. C’est pas du décor.


On y voit une banlieue qui est encore l’excroissance de la province. La camionnette est immatriculée 75, ce qui ne signifiait alors pas seulement Paris, mais le département de la Seine. Les 91, 92, 93 et autres n’étaient même pas dans l’imagination…


On roule en Peugeot 403, en Dauphine ou déjà en 4L (Renault avait adjoint le L pour signifier Luxe, ce qui parait maintenant dérisoire) et surtout en 2CV Citroën. Qui n’a jamais fait de périple en deux pattes, comme on la surnommait, ne sait pas ce que s’ébrouer signifie en langage automobile. Les enfants sont assis sur les genoux. On ne boucle pas sa ceinture. On fume des Gitane comme un pompier. Il est normal de nouer un fichu (on ne dit ni foulard ni voile …) sur la tête.


Tous ces gestes choquent aujourd’hui bien davantage que la liberté sexuelle du personnage principal. Les valeurs se sont renversées. Je ne juge pas. Je constate que chaque époque a ses valeurs et ses priorités. Cela relativise bien des certitudes.


On s’entraide en famille, entre copains d’atelier. La voisine garde le petit dernier et le rend à ses parents par-dessus la clôture.


Il faut aller aux PTT pour téléphoner (depuis leur séparation c’est Banque Postale et Orange). Les numéros sont encore à deux chiffres. Impossible d’avoir une conversation intime. Tout le bureau de Poste profite des dialogues. On écrit des télégrammes. On y apprend l’histoire de France en collant le timbre de Jean le Bon sur son courrier.


Les petits enfants mangent la purée maison, bien calés sur de hautes chaises de bois en faisant rouler les billes rouges et bleues d’un boulier. Ils sont couchés dans des lits de bois verni dont les hauts montants les protègent de chutes inopportunes. Ils sortent de l’école avec leur tablier. Je réalise ma chance, comparativement aux enfants de la communale du film : je pouvais laisser le mien au portemanteau et quitter la classe en robe.


On mange sur place, ce qu’on a apporté dans sa « gamelle ». On célèbre au rosé la Saint-Jean avec les collègues. On a le sens de la fête, sur la grand place pour le bal du samedi soir. Ou dans le jardin, autour des grandes tablées. Les petites filles et leurs mamans portent des cerises en guise de pendants d’oreilles. Les oiseaux surpeuplent les buissons et distraient l’assemblée de leurs trilles.


On peut photographier le cortège de la mariée en pleine rue sans risquer de perturber la circulation. On achète sa viande dans une Boucherie de confiance (sic).


On vit simplement. On fait soi-même la pâte à tarte. On asperge le linge d’eau froide pour mieux le repasser. On désigne le prêt-à-porter sous l’appellation confection. Si on n’y trouve pas ce qui convient on n’hésitera pas à demander à une couturière « à domicile » de copier un modèle relevé dans Elle. On porte du sur-mesure. Des dos nus, du vichy. Des pulls irlandais tricotés main, couleur moutarde (une des couleurs de la mode printemps-été 2008 !). Tout cela en se situant à des années-lumière de la société de consommation.


On fait sa toilette dans l’évier de la cuisine. L’eau chaude – quand on a la chance d’en avoir - est produite « à la demande » par un chauffe-eau qui ronfle au gaz. On se rase en marcel, un débardeur en coton blanc, préfiguration du tee-shirt actuel, mais sans manches bien sûr. Le miroir trois faces pend à un clou et se balance au-dessus des boites de conserve. On remonte le ressort du réveil au moment d’aller se coucher et on n’oublie pas de tourner le bouton de la lumière.


Je retrouve ces petits gestes qui seraient anodins s’ils n’étaient devenus des images d’archives. Comme bientôt le seront ces herbes folles et fleuries qui ondoient dans le bois de Verrières où nos héros vont faire la sieste. Pour bien connaître l’endroit il me semble que les fleurs y sont chaque année de moins en moins sauvages.


On trouve aussi dans le film des indices de ce que la société va aduler puis rejeter, et reprendre ensuite. Le menuisier découpe aussi bien des planches de bois que des plaques de formica. Les posters de Brigitte Bardot et de Sylvie Vartan investissent les murs. La musique yé-yé est dans toutes les oreilles. Les pères bricolent des garages-station service pour Noël en cachette des enfants en préfiguration du do it youself tellement tendance today. Les gens vont travailler à bicyclette. Les premières barres d’immeubles collectifs s’allongent dans les champs, faisant reculer les jardins ouvriers.


Et puis, il y a les acteurs. Qui ne le sont pas tous. Parce que le Bonheur, c’est encore une autre « vraie » vie, celle de ce couple formidable que Jean-Claude Drouot forme avec sa femme Claire. Elle joue bien me direz-vous. Parce que justement : elle ne joue pas ! Elle est épatante de naturel avec juste ce qu’il faut de retenue. Comme le sont leurs enfants Olivier et Sandrine.


Jean-Claude Drouot, c’est peut-être encore pour vous Thierry la Fronde. C’est pour moi un autre héros, le metteur en scène et interprète de Cyrano de Bergerac avec qui j’ai eu le plaisir de travailler en 1985. Et voilà que cela me fait tout drôle de le voir si jeune à l’écran.

Ce qui m'étonne aussi, c’est la difficulté de Jean-Claude Drouot à recomposer la réalité à son retour à Fontenay-aux-Roses, sur les lieux du tournage. Alors que pour moi qui ne connais cette ville que depuis quelques années rien n’y a changé.


Moquez-vous donc ! Les choses n’existent que selon la perception qu’on en a …

Le poète écrivait "Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite !"
Il est aujourd'hui sur un écran. Regardez vite !


Pour en savoir plus sur le film, c'est ici
et sur Agnès Varda

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