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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

vendredi 23 février 2024

Pelléas et Mélisande en version opéra de chambre

J’ai peu l’expérience de l’opéra et je ne vais pas en dire très long sur les voix ni sur la musique mais sur ce qui touche au théâtre car ce Pelléas et Mélisande, dont je sais qu’il est un drame lyrique en 5 actes et 12 tableaux, est aussi une pièce de théâtre.

Les auteurs, français ou francophone (n’oublions pas que Maurice Maeterlinck, belge, fut Prix Nobel de littérature en 1911) nous offrent un spectacle écrit en français, ce qui en facilite la compréhension.

Avec des interprètes qui s’expriment même lorsqu’ils n’ont pas de partition. Ainsi le jeune Yniold, le fils de Golaud, traverse souvent la scène. La mère de Golaud et Pelléas est la plus attentive possible. Après l’entracte elle regardera le pianiste, une flûte à la main, comme si elle se trouvait elle-même au concert. Il y a d’autres très beaux moments comme la scène où Arkel, roi d’Allemonde, manipule l’enfant pour lui faire raconter ce qu’il ne faut pas savoir. Le texte mérite souvent qu’on s’y arrête. Nous ne voyons jamais que l’envers des destinées nous préviendra le vieil homme, aveugle au demeurant.

C’est particulièrement émouvant d’assister à cette œuvre sous la coupole du théâtre qu’a dirigé Louis Jouvet pendant dix-sept ans après avoir été directeur de la Comédie des Champs-Elysées de 1925 à 1934 et où il est mort le 16 août 1951.

L’intrigue se déroule au Royaume imaginaire d’Allemonde, gouverné par le vieil Arkel. Après avoir rencontré Mélisande, créature fragile et énigmatique, au cours d’une chasse en forêt, le Prince Golaud l’a épousée sans rien savoir d’elle, puis l’a présentée à son demi-frère Pelléas.
Entre Mélisande et Pelléas, un lien secret s’est d’emblée tissé, fait de regards et de complicité, d’amour peut-être ? Golaud se met à épier Pelléas et Mélisande : il recommande d’abord à son demi-frère d’éviter son épouse, puis ne tarde pas à menacer fermement, dévoré peu à peu par la jalousie. Pelléas et Mélisande finissent par s’avouer leur amour : au moment où ils s’embrassent, Golaud sort son épée et tue Pelléas, laissant Mélisande s’enfuir. En présence d’Arkel et d’un Golaud rongé par les remords, la mystérieuse Mélisande s’éteindra lentement, sans que son mal soit clairement identifié et que Golaud ne parvienne à percer la vérité sur les liens profonds qui l’unissaient à Pelléas.
L’histoire se passe principalement sur la terrasse d’un château, qu’on imagine facilement en ruines, et dont la vue nous est dérobée. J’ai entendu des critiques à propos du fond de scène en contreplaqué, simplement ouvert d’une porte. C’est que le décor est marqué par une économie de moyens qui procure de grands effets. On est dans la suggestion, dans le cerveau de chacun des protagonistes, lesquels font ce qu’ils peuvent pour tenter d’être heureux. Comme un sortilège shakespearien contre lequel ils ne pourront lutter : c’est le dernier soir, il faut que tout finisse. J’ai joué comme un enfant aux pièges de la destinée (Pelléas).

S’agissant des accessoires, on est dans l’épargne. Pas de dorures. Rien d’ostentatoire. Les meubles ont été sortis des réserves de la Fondation de pendant les répétions. Ils sont dépareillés mais qu’importe puisqu’ils sont confortables. Il ne fallut acheter que le fauteuil roulant, chiné aux Puces car il n’aurait pas convenu qu’il soit du dernier cri. L’objet le plus précieux est le piano qui est l’élément essentiel. Il se trouve donc en pleine lumière. Il est tour à tour source de lumière, grotte, lit, table, salle de jeux, nous laissant deviner que Mélissande attend un bébé.

Le choix s’est porté sur la partition piano-chant pour transporter interprètes et auditeurs au coeur de l’œuvre et j’ai trouvé merveilleux de voir les mains du pianiste, Martin Surot, pendant toute la représentation. Que Claude Debussy ait lui-même réalisé la version piano-chant de Pelléas et Mélisande, réhausse l’intérêt de cette partition qui dépasse le cadre d’une simple réduction. Au gré des répétitions et des représentations des premières saisons, Debussy ne cessa de transformer, corriger, remanier son œuvre à maints endroits, imposant un tour de force éditorial pour mettre en conformité les éditions piano-chant avec la partition d’orchestre en mutation…

Il y a vingt ans Moshe Leiser et Patrice Caurier avaient mis en scène cet opéra au Grand Théâtre de Genève. De grands noms faisaient partie de la distribution. Si tous ceux qui l’ont vu conserve intacte l’émotion il était hors de question de reproduire le spectacle à l’identique. Le projet se devait d’être  différent. Voilà pourquoi c’est la version pour piano écrite par Debussy lui-même qui a été choisie, et bien entendu sans orchestre. Ce serait de plus l’occasion de travailler avec une nouvelle génération de chanteur avec l’objectif de faire accéder les spectateurs au plus près de l’essence de l’art lyrique : porter les mots du
poète par la musique.

S‘il est vrai que, selon les paroles de José Van Dam que chanter, c’est parler un peu plus haut alors il serait possible de faire comprendre au public combien cette histoire d’amour, de jalousie, d’oppression et de meurtre est un cocktail rendu explosif par la musique de Debussy. La directions d’acteurs révèle combien tous les personnages sont malades. Physiquement, psychiquement et surtout aveugles, chacun à leur manière.
Voilà pourquoi ce Pelléas et Mélisande est présenté sous la forme d’un opéra de chambre qui parle du désir comme aucun autre. Mélisande n’a pas guéri des traumatismes sans doute sexuels qui l’ont égarée dans la forêt où elle fut cueillie par le Prince Golaud. Sa maladresse à vouloir recomposer une famille est illusoire malgré les invocations multiples à la petite mère … L’enfant est presque le double de Mélisande. Silhouette semblable, longs cheveux qui parfois débordent du bonnet, timbre de voix comparable bien que l'une est soprano, l'autre mezzo-soprano. D’ailleurs le mot enfant revient souvent.

Si l’amertume est qualifiée d’enfantine, on observera la difficulté propre à l’enfance à gérer ses émotions. La passion et la jalousie provoquent des débordements en excès. Le roi a beau dire que les mots sont importants, aucun n’aura de vertu thérapeutique.

Une partie du public a lâché le navire à l’entracte, sans doute des cinéphiles pressés d’apprendre les récompenses des César remis dans l’établissement voisin. C’est banal. La grande majorité s’est regroupée, aimantée par la musique. Les chanteurs ont été fort applaudis mais le pianiste eut une ovation, tellement méritée. Il ne m’aura manqué que les rugissements des vagues et le ruissellement de l'eau.
Pelléas et Mélisande
Musique Claude Debussy
Livret Maurice Maeterlinck
Mise en scène Moshe Leiser & Patrice Caurier
Création lumières Christophe Forey
Costumière/habilleuse Sandrine Dubois
Avec Jean-Christophe Lanièce (baryton) dans le rôle de Pelléas, petit-fils d’Arkel 
Marthe Davost (soprano) en Mélisande
Halidou Nombre (baryton-basse) en Golaud, petit-fils d’Arkel et demi-frère de Pelléas 
Cyril Costanzo (basse) Arkel, roi d’Allemonde 
Marie-Laure Garnier (soprano) Geneviève, mère de Golaud et Pelléas 
Cécile Madelin (soprano) Yniold, fils de Golaud 
Pianiste Martin Surot
A l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet
2-4, square de l’Opéra Louis-Jouvet I - 75009 Paris
Du 15 au  25 février 2024 à 16 ou 20 h
Les photos du dossier sont à créditer à Guillaume Castelot.

jeudi 22 février 2024

J’ai testé le bioseau de Mathon

On a tous de bonnes intentions. Trier, oui bien sûr, personne n’est contre. Seulement voilà, c’est souvent compliqué, surtout en appartement où la place est comptée.

S’agissant des papiers et des plastiques on peut, à la rigueur, les stocker dans un placard, dans un grand sac qu’on videra de temps en temps dans la grande poubelle à couvercle jaune. Ce n’est pas lourd et ça ne dégage que peu d’odeurs, en théorie.

On se débarrassera du verre au fur et à mesure. Les déchets végétaux sont autrement plus problématiques à collecter. D’abord ils sont vite volumineux pour peu qu’on fasse beaucoup de cuisine à partir de fruits et légumes frais (on apprécie vite les sacs de légumes congelés qui ne réclament pas d’épluchage et qui du coup n’encombrent pas la poubelle mais c’est un choix alimentaire).

J’avais récupéré, d’une cantine scolaire, un grand seau (en plastique malheureusement) qui avait contenu plusieurs kilos de mayonnaise (ça ne s’invente pas) que régulièrement j’employais pour préparer par exemple une salade de fruits pour 10 personnes qui était facilement transportable sur le lieu d’un pique-nique puisque l’objet avérait un couvercle.

Jusqu’à peu c’est lui que j’avais converti en seau de compostage. Ce n’était pas une solution optimale. Il était de par sa taille encombrant. Les peaux des fruits et des légumes s’y empilaient par couches qui se dégradaient, dégageant une odeur désagréable et attirant des nuées de moucherons minuscules, mais bien présents.

Certes, ce grand contenant me permettait de limiter à une fois par semaine son transvasement dans un des composteurs du jardin partagé du bout de la rue mais les points négatifs étaient plus nombreux que ce maigre avantage. Voilà pourquoi j’ai été intéressée de tester le bioseau de Mathon. Lire bio-seau donc on prononce biosso.
Il n’est pas sans inconvénient même s’il est difficile de les évaluer. Il ne pèse pas très lourd, est relativement modeste (26,5 x 16,2 x 16,9 cm) donc facile à caser sur le plan de travail. Sa stabilité est parfaite et les encoches permettent de le déplacer sans effort. Il est élégant, avec sa coque en bambou, un matériau naturel antibactérien et imputrescible. Le bac est en inox, ainsi que le couvercle, tous deux facilement nettoyables.

L'objectif est de stocker les épluchures et déchets végétaux sans mauvaises odeurs, jusqu’à leur dépôt dans un bac extérieur. Sa taille correspond à une journée de collecte (évidemment plus si on cuisine peu), et doit donc fréquemment être vidé. Le souci est alors de transporter les déchets jusqu’au composteur ou la poubelle dédiée.

Il sera parfait si vous habitez un quartier qui a mis en œuvre la collecte des déchets alimentaires avec des bacs "marrons" dont la collecte est prévue deux fois par semaine. Ils seront bientôt partout, puisqu’on annonce une couverture totale pour 2025. Leur déploiement est progressif et ne touche pas encore mon immeuble. Dommage.
Le bioseau ne s’emploie pas tel quel. Il convient d’avoir de l’habiller d’un sac compostable. Si vous êtes dans une commune qui collecte les déchets alimentaires vous recevrez des sacs gratuits (pour une durée de 6 mois). Vous devrez ensuite en acheter en supermarché. Ils devront semble-t-il être transparents et labellisés "OK Compost Home". Ceci est indispensable pour garantir le bon déroulement de la collecte et du procédé de méthanisation des déchets alimentaires. 

Vous remarquerez sur la photo que j’ai choisi du papier, parce que j’en avais (de récupérables) de la bonne dimension et que n’ayant pas l’intention de stocker longtemps la matière organique je n’avais pas besoin d’une solidité extrême. et surtout, mon domicile n’est pas encore concerné par cette collecte.

J’avais lu sur le site d’une collectivité locale qu’il était conseillé de placer au fond du sac un carré de carton ou une boîte d’œufs, pour absorber d’éventuelles fuites. Je me suis donc découpé plusieurs fonds de carton de la surface idoine.

J’ai placé comme il convient le bioseau à l’air libre (pas dans un placard), à l’abri d’une source de chaleur et facilement accessible. Et surtout, je me suis préparée à le vider régulièrement.

Quelques autres astuces sont vite adoptées comme le réflexe d’évacuer le liquide présent dans les assiettes (jus et sauces) avant de faire glisser les restes dans le bac, en évitant bien entendu tout déchet de viande ou de poisson. Il est préférable de penser à refermer le couvercle après utilisation.

En l’employant rigoureusement, c’est-à-dire en déposant le sac dès qu’il est rempli dans le composteur (ou pour vous dans le bac au couvercle marron, on ne laisse pas de temps au démarrage du processus de dégradation et on évite les mauvaises odeurs comme les moucherons. Si nécessaire, mais ça ne l’est pas toujours car le carton est bigrement efficace, je rince le bac en inox avant de le ré-équiper.
Bien entendu il n’est pas obligatoire de jeter toutes ses épluchures. De nombreuses utilisations sont envisageables pour en récupérer un maximum (bouillon de légumes, chips, eau parfumée, dés d'agrumes confits …). Il m'arrive de publier des recettes sous le label cuisine de la récup.

Et puis ce bac est également multiusages, pouvant à l'occasion servir de poubelle de table (imaginez de mettre des moules au menu) ou de bac "gastro" pour stocker et présenter des préparations culinaires. Voilà, tout est dit. A vous de jouer maintenant.

mercredi 21 février 2024

Un dîner simple de Cécile Tlili

On fait de belles découverts dans les médiathèques. Malgré une tempête médiatique ultra positive, le livre de Cécile Tlili m'avait échappé et c'est par hasard que je suis tombée dessus. Tombée, façon de parler parce que je n'ai pas effectué une chute aussi impressionnante que celle qui illustre la couverture.

La photo de couverture suggère que tout va exploser. Elle a été choisie à bon escient parce que les renversements de situation sont multiples au cours de ce Simple dîner qui sera tout sauf simple, mais le théâtre de bouleversements pour chacun des quatre personnages du roman, deux femmes et deux hommes, et par voie de conséquence pour leurs familles.

Claudia est dans une situation paradoxale, éprouvant colère et détresse : elle voudrait se rendre invisible, et pourtant elle leur en veut terriblement à tous de la rendre invisible (p. 34).  

Elle a passé trois heures à préparer le repas que l'auteure nous résume en un paragraphe qui, par le choix de ses mots, annonce un fiasco malgré les efforts soutenus et la volonté de bien faire. Cécile insiste sur les dommages collatéraux parmi lesquels l’odeur des oignons incrustée sous les ongles est un désagrément que tous ceux qui cuisinent redoutent (p. 8). On va s’apercevoir que l’anodin du quotidien prend une ampleur symbolique.

Claudia s'est donné du mal mais elle n'a pas davantage envie de cette soirée que Johar qui s’accorde une pause sur un banc malgré son retard (p. 14). On apprendra d'elle un peu plus loin qu'elle n’a pas fini de prendre sa revanche sur ses origines. Elle étouffe d’orgueil et passe en un instant de l’ivresse au dégoût. On apprendra plus tard que pendant longtemps, sa colère quant à la soumission de sa mère avait alimenté sa rage de réussir (p. 85). Pour le moment elle ne le sait pas, mais elle est naïve.

Côté masculin, il n’y a pas plus d’enthousiasme. Aucun n’a envie d’être là même si Etienne est à l’initiative de l’invitation parce que son cabinet est à la dérive et qu’il a besoin que Johar, lui confie un contrat car il n’envisage pas de renoncer à son train de vie. Il a choisi Claudia pour compagne parce que sa supériorité sur elle ne serait jamais mise en doute (p. 60). Cette motivation est d'un cynisme qui fait froid dans le dos. Tout comme sa rancoeur qu'il entretient : C'était foutu dès ma naissance pour la gloire professionnelle, de toute façon, je ne suis pas une femme et je ne suis pas arabe (p. 100). Il va faire preuve de suffisance, de mépris et d'une misogynie abyssale 

Rémi, le conjoint de Johar va régulièrement laisser son cerveau s’échapper vers ses propre projets. L'auteure -parce qu’elle est omnisciente- va ainsi déplacer sa caméra d’esprit en esprit, d’un personnage à l’autre pour l’éclairer en gros plan en nous montrant qu’ils ont tous la tête ailleurs. Chacun est traité à égalité. Personne n’est à l’aise et on ne parvient pas à déterminer quel parti nous allons prendre car, c'est bien connu, le lecteur cherche toujours à s'identifier à quelqu'un.

Bien que le nombre de personnages soit plus restreint on retrouve quelque chose de l’ordre de Cuisine et Dépendances, ce film français de Philippe Muyl, adapté de la pièce de théâtre du même titre d'Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacri et sorti en 1993. Comme dans le film, il existe un espace extérieur, en l’occurrence ici le balcon qui constitue un espace de liberté pour permettre un moment de s'affranchir du jeu social. La cuisine joue un rôle comparable. Les paroles échangées restent cependant tout à fait dans la bienséance, ce qui n’empêche pas des sentiments extrêmes qui, la plupart du temps, restent intériorisés.

Chacun des personnages de Cécile Tlili a une idée de ce qu’est l’autre mais il fait erreur. Pas un n'échappe à un enfermement, psychologique et/ou social, dans des schémas de vie et des comportements sociaux qui ne sont pas forcément maîtrisés. Les tensions vont finir par permettre de se révéler aux autres et à ois-même. C’est la fragilité des certitudes humaines qui est disséquée par l’auteure.

Les deux femmes sont singulières et très différentes. Elles se connaissent et ne s’apprécient pas jusque là.  Claudia est une timide maladive, qui a l’habitude de rester en retrait. Johar vient d’une famille modeste immigrée. Elle symbolise une réussite spectaculaire et s’apprête à monter encore plus haut mais le couronnement s’avère une perte. On observe chez elle une attitude de quasi dissociation qui interroge la manière dont sa réussite a provoqué les relations dans son couple et sa famille.

Pour Étienne, qui est avocat, l’argent et la réussite professionnelle sont des marqueurs essentiels. Manigancer ne lui fait pas peur. Rémi est plus modeste, et a évolué socialement grâce à sa femme. S’ils furent un temps complices, elle et lui, la relation s’est asséchée et il est en réflexion sur son couple. Le lecteur déteste ces deux hommes et compatit pourtant.

Du fait d’une série d’incidents, que je ne raconterai pas, la mer lisse deviendra houleuse et les deux femmes vont se rapprocher, nous offrant une belle réflexion sur la sororité.

Le goût, l’odorat, tout fait sensation au fil des pages et cela nous place au coeur de l’action. Ce simple dîner ne le sera pas. Il sera le théâtre de pensées et d’enjeux complexes autour de la question de la place, de la réussite, de la maternité, des origines et du respect de la filiation, mais aussi de sa liberté d’action et de la capacité à accepter la tristesse inattendue.

Il est amusant de constater qu’être enfermé physiquement peut permettre une libération. Le huis clos se déroule sans coups d’éclat. Ça se joue à has bruit, mezzo voce.

Ce premier roman est d’une grande efficacité. J’ai cependant une frustration, celle de ne pas connaitre la recette de ce curry qui semble si merveilleux.

Cécile Tlili a cofondé une école alternative pour les enfants neuro-atypiques.

Un dîner simple de Cécile Tlili, chez Calmann-Lévy, en librairie depuis le 23 août 2023 

mardi 20 février 2024

Quelques ronds-points en Charente-Maritime

Nous pestons tous après les ronds-points parce qu'ils nous ralentissent systématiquement. S'ils sont si nombreux c'est parce qu'ils sont moins coûteux et plus efficaces pour réduire les risques d'accidents que des feux tricolores.

Leur inventeur est l'architecte urbaniste Eugène Henard (1849-1923) qui imagina ce dispositif pour  la place de l'Etoile en 1906, avec à l'origine, la volonté de limiter les accidents hippomobiles (l'automobile n'était alors que très peu utilisée).

Ce dispositif a un énorme succès et la France compterait 50 000 ronds-points, qui sont tous loin d'être autour d'un aussi beau monument que l'Arc de Triomphe. J'ai l'impression, mais je peux me tromper, qu'ils sont particulièrement soignés en Charente-Maritime même si j'en ai vu de remarquables ailleurs, comme les Trois godelles à l'entrée de Commercy (Meuse).

En tout cas, je suis surprise par la beauté de ceux que j'emprunte pour arriver à Oléron. Peut-être parce qu'on les doit majoritairement à l'imagination d'un ancien ouvrier de l’usine Renault de Sandouville, devenu pilote de course, designer, puis sculpteur d’enseignes publicitaires… Il s'appelle Jean-Luc Plé et depuis son arrivée en 1998 en Charente-maritime il y déploie l'art giratoire avec la volonté que ses oeuvres profitent à tout le monde.

En contournant la main de Ronsard, à Surgères, je sais que la fin du voyage est proche. Les célèbres vers s'y déploient : Vivez si m'en croyez, n'attendez à demain, Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

On le connait surtout pour le poème commençant par Mignonne, allons voir si la rose, écrit en juillet 1545   pour Cassadre, le premier grand amour de sa vie. Ce sera ensuite Marie et la dernière sera Hélène de Fonsèque (née au château familial de Surgères en 1546), qui lui résistera jusqu'au bout. Cette vertueuse jeune femme fut dame d'honneur de Catherine de Médicis au palais du Louvre où elle croisa Pierre qui en tomba fou amoureux malgré leur trente ans d'écart d'âge.

Elle avait perdu son fiancé à la guerre et resta insensible aux sonnets du poète qui l'aima pendant 7 ans d'une passion platonique. Il en conçu de la racoleur, lui faisant écrire en 1578 : Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, assise auprès du feu, devisant et filant, direz, chantez mes vers en vous émerveillant : Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle. […] Je serai sous la terre, et, fantôme sans os, Par les ombres myrteux je prendrai mon repos. Vous serez au foyer une vieille accroupie, Regrettant mon amour et votre fier dédain. Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain : Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie

Hélène ne s’est jamais mariée et s'éteignit, effectivement bien vieille à Surgères à l'âge de 72 ans, trente-trois ans après son admirateur.
En arrivant à Marennes c'est un bateau de pêche que j'admire. Ensuite, à Bourcefranc-le-Chapus ce sont  le Moulin de la Plataine puis la réplique du Fort Louvois, qui sont deux créations de Jacky Bureau.
Lors de mon prochain séjour sur île j'essaierai de faire un cliché ,des trois petites cabanes colorées à la Chevalerie et du banc de sardines sous la vigne de Saint-Pierre-d'Oléron, que l'on doit aussi à Jean-Luc Plé qui signe au mois 21 oeuvres sur les 40 giratoires que compte la Charente-Maritime. Si vous en avez l'occasion ne manquez pas ses plus fameuses réalisations, les transats de Saint-Georges-de-Didonne, les tonneaux d'Archiac, le petit garçon qui tire un bateau à Marennes, l'impressionnante cagouille sur laitue vert fluo à Lorignac, et l'huitre géante qui se trouve à L'Eguille-sur-Seudre.

N'allez pas croire cependant que c'est le département qui compte le plus de ronds-points, loin de là. Ce seraient La Vendée, la Loire-Atlantique (avec plus de 3 075 ronds-points), les Landes, les Pyrénées-Orientales et la Mayenne.

lundi 19 février 2024

Thalasso à Saint-Trojan-les-Bains

Si vous êtes adeptes de thalasso vous trouverez tous les soins qui vous feront envie dans l'établissement Novotel de Saint-Trojan-les-Bains (17), situé à la pointe de l'île, mais vite accessible depuis le pont (dépourvu de péage) qui relie l'île au continent.

Si vous n'avez pas l'habitude des vertus marines, l'équipe saura vous mettre en confiance pour que vous passiez d'excellents moments. 

La qualité d'une chaine se mesure à la résistance du maillon le plus faible. Ici tout est également parfait. Je  ne cherchais pas la fausse note et je n'en ai remarqué aucune.

L'accueil est sympathique. On sent immédiatement que tout sera entrepris pour qu'on soit à l'aise, sans en faire trop non plus.

On vous remettra un sac avec un peignoir épais (qui n'est pas blanc, mais d'une jolie couleur taupe, et j'avoue que j'aime beaucoup ne pas ressembler à une curiste, donc ça me va très bien), des claquettes en jonc, ce qui, là encore est plus élégant que les mules en éponge imprimées au nom de l'hôtel, et un gobelet (qui n'est pas en carton) pour vous inciter à boire régulièrement une infusion à l'arôme naturel de pamplemousse, en accès libre, dans le couloir des soins. Il est recommandé de la boire trois fois par jour pour faciliter la digestion, grâce aux vertus du romarin, de la verveine, des graines de fenouil.
Comme il est agréable que tout l'espace bénéficie de la lumière naturelle ! J'adore les fauteuils de plexiglass vintage qui égaient le hall. C'est un plaisir d'y attendre d'être appelée pour un premier soin. Mais je comprendrais que vous préfériez vous allonger et lire un chapitre de votre livre en cours. C'est tout à fait envisageable dans les demi-sofas de cuir blanc, avec les jambes en position surélevée.
Quoique vous ayez retenu, je parie que vous suivrez le conseil de démarrer avec un gommage dont vous aurez choisi le parfum parmi plusieurs propositions à base de cristaux, soit de sucre, soit de sels, qui sont les deux procédés qui permettent d'exfolier les cellules mortes.
Votre peau sera ainsi préparée à recevoir les bienfaits de l'eau de mer. D'une façon générale, la thalassothérapie a trois effets positifs :
- la pénétration des sels minéraux et d'oligo-éléments dans l'organisme,
- une fonction de drainage lymphatique puisque les massages se feront systématiquement des pieds vers le coeur,
- une diminution de l'effort physique en raison de l'effet de portance de l'eau qui fait qu'on ne pèse que 10% de son poids. On en devine tout l'intérêt dans les exercices de rééducation entrepris pour soulager les articulations en cas de surcharge pondérale. Faire de l'aquabike a un effet très positif sur les genoux en milieu aquatique,
- une fonction anti-stress facilitant le lâcher-prise.

dimanche 18 février 2024

La fête du mimosa de Saint-Trojan-les-Bains (17)

C'est la première année que je peux suivre le défilé de la Fête du Mimosa de Saint-Trojan-les-Bains (17) sur l'île d'Oléron. Elle a eu lieu ce dimanche 18 février 2024 au terme de deux jours de festivité qui ont attiré les habitants et les touristes en grand nombre.

Il y a eu l’avant-veille un concert gratuit de la Philharmonique Oléronaise en l’église de Saint-Trojan-les-Bains et d’une brocante  / vide-grenier dans les rues du village.

Les animations ont commencé en fin de matinée dans les rues du centre-ville mais le point d’orgue était le Grand Corso Fleuri composé d’une vingtaine de tracteurs  et de chars décorés par du mimosa en fleurs, de bandas et de troupes costumées;

Le cortège s’est ébranlé à 14 h boulevard Pierre Wiehn en direction de la rue de la République, a poursuivi rue du Port et s’est engagé boulevard de la Plage jusqu’à la salle des fêtes où des musiques et des danses folkloriques ont clôturé l’après-midi tandis qu’une fête foraine se déroulait tout le week-end place du Maréchal Leclerc.
La longueur du parcours se justifie par l’attente de 20 000 à 40 000 personnes, malgré une météo capricieuse. Je n’ai supporté que le vent et un petit crachin mais ceux qui sont arrivés tardivement ont carrément dû sortir le parapluie. J’admire la persévérance des milliers de personnes qui se groupaient en bordure de route et des participants qui ont tant travaillé à préparer leurs chars et qui marchaient en costume fragile ou pire, les bras et jambes nus.

On vient de loin, de toute de toute la Charente-Maritime, la Vienne, les Deux-Sèvres, ou de Charente, et il faut s’organiser pour stationner loin de la zone de défilé, car la route principale est fermée à la circulation par sécurité plusieurs heures avant le début de la manifestation. Il n’est pas commode d’accéder, même à bicyclette. Il faut dire que la Cavalcade du Mimosa est une institution très populaire qui, théoriquement marque la fin de l’hiver depuis … sa création en 1959.

Quand j’en parle autour de moi, loin d’Oléron, la surprise est systématique. Les gens pensent que le mimosa ne pousse que sur la côte méditerranéenne. Certes, cet arbre n’a pas toujours existé sur l’île mais il y fleurit et embaume la région depuis plus de 150 ans et il en est devenu un des symboles forts.

Le mimosa appartient au genre des Acacias qui comprend environ 1200 espèces d'arbres ou d'arbustes. La plupart des variétés de mimosas que nous cultivons en Europe ont été importées dans les années 1820 du sud de l'Australie par des botanistes anglais. Il n'est arrivé sur le littoral méditerranéen qu'en 1864 d'où il fut expédié dans toutes les grandes villes de France et d'Europe.

C'est ainsi qu'il arriva à peine plus de trente ans plus tard sur Oléron. C'est à Nicolas Martin (1840-1922), savoyard de naissance, et sa femme Gertrude née Testard (Saint-Trojanaise de souche), que l'on doit l'introduction des premiers plants de mimosa à Saint-Trojan, en automne 1892.

Le couple arrivait de Cannes où il avait fait carrière dans le même établissement hôtelier : lui en tant que cocher, elle comme femme de chambre. Ils ramenèrent des plants pour embellir la villa L'Hermitage, qu'ils venaient d'acquérir. Ils se développèrent vite grâce au microclimat de Saint-Trojan les Bains, avec au moins 3 heures quotidiennes de soleil et des sols assez pauvre et surtout bien drainés voire secs.

Fort de cette réussite, Nicolas Martin implanta d'autres pieds au centre du village et orna sa seconde maison, rue Omer Charlet, qu'il appela "Les mimosas". La commune lui rendit hommage en 1952 en baptisant de son nom une rue située quartier des Gaules, où avait été créé (dans les années 1931-1932), la plus grande mimoseraie de Saint-Trojan-les-bains, sur les terrains de la Société Immobilière de la Pointe de Manson dont Jules Vinsous, architecte, était directeur. Depuis cette zone a été urbanisée.

La création d'une nouvelle mimoseraie fut décidée, sur un terrain communal situé dans le quartier des Bris, à la suite du gel qui sévit sur 3 années consécutives (1985 à 1987) afin de redonner au mimosa la place qu'il occupait dans la cité et pour disposer des fleurs nécessaires à l'organisation de la Fête du Mimosa.

80 pieds furent plantés en mars 1990, afin d'obtenir une floraison échelonnée du 15 Janvier au 15 Mars. De nouveaux plants furent rajoutés en 1995, portant à 110 le nombre de pieds de mimosas. Des plantations diverses : saules, peupliers, érables, vergnes prunus y ont été adjointes pour la protection des mimosas contre les vents du nord et d'est, mais aussi pour éviter que le terrain reste nu en cas de grand gel, en attendant la repousse. Les arbres sont surveillés en raison de leur sensibilité à la cochenille australienne (Icerya Purchasi) et de son prédateur, la coccinelle (Novius cardinalis), australienne elle aussi.

Il existe plusieurs variétés intéressantes comme Le Gaulois, Le Mirandole, ou encore Rêve d'or, enfin le Mimosa des quatre saisons (Acacia retinodes), qui fleurit deux fois par an, une fois en hiver et une fois en automne. Mais c'est surtout la variété mimosa d'hiver (Acacia dealbata), qui est un hybride, que l'on trouve sur Oléron.

Cette Mimosacée est vivace, fleurit de Décembre à Mars et peut monter jusqu'à 10 mètres de haut (30m dans sa contrée d'origine en Australie). Il se plante et se rempote au printemps et automne. Ses fleurs sont jaunes, parfumées (utilisées pour les parfums). Son feuillage est persistant du vert au bleu, ce qui est un atout supplémentaire. Il est rustique mais supporte mal des températures en dessous de 10°C. Sa croissance est rapide, de 30 à 60 cm par an et il est conseillé de le tailler après floraison en ne coupant que les rameaux ayant fleuri. Symbole fort de la culture Saint-Trojanaise, la fleur de mimosa représente la magnificence, l'élégance, la simplicité, la tendresse et l'amitié. Elle évoque la lumière et l'espoir, même dans les moments les plus sombres de l'histoire. C'est pour cette raison que, depuis 1946, et malgré une apparente fragilité, le mimosa est l'emblème de la journée de la femme.

Pour sa 65ᵉ édition, la fête a repris un format classique, après deux ans sans festivités à cause de la crise sanitaire et une version allégée l'an passé. La participation active des diverses associations locales a joué, comme par le passé, un rôle moteur dans la réussite de la fête. Certaines conçoivent des chars, décorent les chars loués, réalisent des déguisements et le jour J, tous les bénévoles animent avec bonne humeur le corso fleuri. Ce fut l'occasion de mettre en valeur le patrimoine local, notamment gastronomique, comme l'oignon Saint-Turjan dont j'ai déjà parlé dans cet article.
Les peluches étaient bien présentes pour réjouir les enfants ainsi que les clowns.

samedi 17 février 2024

Anna adopte un chat d’Evelyne Dress

Je sais combien Evelyne Dress est une amie des chats. Elle leur a consacré un livre entier, il y a deux ans, sobrement intitulé Mes chats. En revanche, j’ignorais qu’elle avait le projet d’écrire pour les enfants sur ce même thème.

Le titre, "Anna adopte un chat", révèle quasiment l’issue de l’histoire. Il est probable que les attentes diffèrent en littérature générale et en littérature jeunesse.

Toujours est-il que j’ai d’abord estimé que la maman d’Anna était bien inconséquente en proposant à sa fille de garder un chat pour rendre service alors que la fois précédente ça s’était mal terminée. Une telle maladresse m’étonnait de la part d’Evelyne dont je connais la délicatesse et dont la silhouette, croquée par Maurice Antunes, rappelait la sienne dans le rôle de la maman d’Anna.

J’ai vite deviné pourquoi la maman d'Anna avait pareillement agi et j’ai beaucoup apprécié. L’espiègle gamine a quelque chose de Fifi Brindacier, en plus touchant, et on aimerait nous aussi être adoptés au sein de cette famille aimante, par des parents fort sympathiques.

J’espère que ce pas de côté dans l’univers de la littérature jeunesse est le premier d’une série. J’ai envie de connaître la suite de l’aventure, puisque j’ai cru comprendre que le chat avait des progrès à faire, notamment en calcul.

Le lecteur pourrait aussi souhaiter connaître les professions du père et de la mère. Comment Anna réagirait-elle à l’annonce d’un déménagement, de l’arrivée d’un frère, de l’accident d’un proche … Il y a tant de thèmes à investiguer …

Annoncé pour la tranche d’âge 3-8 ans cet album a de quoi inspirer une conduite empathique à bien des parents.Il m’a permis de découvrir Grrr. Art Editions qui est une maison que je ne connaissais pas malgré un quart de siècle d’existence et un catalogue riche de 250 titres dont le credo est de parler autant à la tête qu’au coeur en ne s’interdisant pas de jouer avec les mots.

Anna adopte un chat d’Evelyne Dress, illustré par Maurice Antunes, chez Grrr…art Editions, en librairie le 25 février 2024

vendredi 16 février 2024

Le douzième "Fauteuil d’artiste" de la Scala par Bertrand Lavier

Après celui de Prune Noury, place à un nouveau "Fauteuil d’artiste" dans le hall de la Scala - Paris.

C'est un artiste français plutôt clivant qui a été choisi pour réaliser ce douzième élément, avec, on l'imagine, pour seule contrainte de respecter la couleur bleue qui domine dans cette salle de spectacle.

Bertrand Lavier est resté dans l'insolence en détournant une assise grand siècle pour servir de support à un des sièges sur lesquels on peut s'asseoir dans la grande salle.

Par ce geste il est fidèle à ce qu'on a déjà vu de lui : un réfrigérateur posé sur un coffre-fort, un piano repeint, une Alfa Romeo écrasée, une montgolfière, un pylône électrique tronqué, un nounours sur un socle…

Cet artiste interroge toujours l'art avec humour pour nous amener à réfléchir à ce que c'est qu’une sculpture, une peinture, un objet d’art,et plus globalement sur notre civilisation post-industrielle où la production en série, y compris des objets de valeur, est devenue une banalité, laissant peu de place à la nouveauté.

Né en 1949 en Bourgogne, celui qui se destinait au métier d’horticulteur a construit, depuis un demi-siècle, une œuvre dont les ressorts poétiques sont la greffe, l’hybridation. Il n'a de cesse de remettre en cause les bases du modernisme en proposant, avec un grand sens de l’esthétique, de réagencer l’existant.

jeudi 15 février 2024

Mille Hivers de Renaud de Chamaray

J'ai entendu beaucoup de bien à propos de Mille Hivers de Renaud de Chamaray. Ce premier roman a été distingué par plusieurs récompenses mais, par honnêteté, je dirai que je n'ai pas réussi à entrer dans cette histoire.

Je suis même allée jusqu'à lire le dernier chapitre en me disant que, peut-être, il m'encourageait à reprendre au début. Mais non.
Sur une île privée, dans le golfe de Gascogne, Dorothée et Tortu assistent à un étrange spectacle : au lendemain d’une tempête qui les a coupés du reste du monde, un iceberg s’est échoué sur le rivage. Elle, fille unique du propriétaire, venue au chevet de son père mourant, veut se faire l’écho de ce phénomène hors norme ; lui, colosse fragile et gardien solitaire de l’île, s’inquiète de pouvoir préserver la quiétude de cette terre devenue sanctuaire. Mais c’est ailleurs que se déroulera la trame d’une histoire dont ils ne perçoivent alors que les contours. Suivront trois jours suspendus où chacun d’eux verra ses certitudes être ébranlées et son passé refaire surface. Roman de la recherche intime, Mille Hivers est une fable contemporaine qui questionne nos choix et la place que nous tentons d’occuper dans le monde.
Il y a peut-être une offre trop conséquente de romans traitant des préoccupations écologiques. On finit par se lasser même si on reste conscient de la gravité du problème. A vous de vous faire votre propre opinion.

Mille Hivers de Renaud de Chamaray, édité par Le mot et le reste, en librairie depuis le 28 août 2023

Liste des livres sélectionnés pour le Prix des Lecteurs d'Antony :

mercredi 14 février 2024

Le blog a 16 ans révolus

J’aime beaucoup le rez-de-chaussée du musée Carnavalet dont les enseignes anciennes nous rappellent combien elles étaient utiles pour orienter la clientèle, surtout en l’absence de numérotation des immeubles. Les analphabètes n’avaient nul besoin de demander leur chemin. 

Les temps ont bien changé, quoique si je me lance sur le sujet je dirais que l’attribution de noms aux rues et places n’étant pas toujours assorti de la pose de plaques au bon endroit ( comme c’est agaçant !!!!) nous avons la chance que des applications nous guident à partir de nos smartphones.

Quant à la lecture, il semblerait que globalement nous n’aurions pas fait de progrès. Je devrais sans doute écrire plus court mais autant j’adore cette contrainte quand je publie sur les réseaux sociaux autant j’apprécie de pouvoir dire "tout" ce que j'ai à dire quand je m’exprime ici. Je tiens à ce que vous -lecteurs- soyez parfaitement au fait de ce que vous trouverez dans votre assiette avant de pousser la porte du restaurant que je recommande. Que vous sachiez si a priori vous serez attiré par tel livre, film ou pièce de théâtre. Et que vous n’ayez pas de mauvaise surprise en vous lançant dans la réalisation d’une de mes recettes. Je soigne ma renommée.
Chaque 13 février est prétexte à un bilan que j’essaie de formuler chaque année avec une approche différente. Cette fois j’insisterai sur quelques chiffres :
  • Plus de 4400 chroniques publiées
  • Quelque 400 encore à l’état de brouillon, dont certains ne seront jamais publiés (notamment les livres qui me sont tombés des mains et les spectacles décevants dont il est inutile que je dise du mal). Et puis je ne publie pas toutes mes pensées. Je renonce souvent à traiter les sujets polémiques après avoir malgré tout passé du temps à les analyser.
  • Avec plus d’un millier de critiques de spectacles et autant consacrées à des livres on peut considérer que chacun de ces domaines occupe un quart de l’espace.
  • Il y a grosso modo 2 articles sur 3 qui concernent un thème culturel et 1 sur 5 un sujet culinaire. 
Un espace reste disponible pour aborder des sujets moins convenus comme je l’ai fait sur la Crète ou le département de la Mayenne l’été dernier. J’aime avoir l’opportunité de parler d’une région en abordant plusieurs thèmes.

L’écoresponsabilité me tient à cœur et j’aimerais faire vivre une rubrique régulière donnant des trucs et astuces en matière de "cuisine de ls récup". Ce n’est encore que peau de chagrin car cela exige une grande mobilisation et une forte organisation mais le projet est en work in progress selon l’expression consacrée.

Je remarque qu’avec seulement 16 coups de cœur en douze mois on ne peut pas me reprocher d’abuser du label. Je reste prompte à l’enthousiasme et au partage, un peu moins malgré tout, parce que l’ambiance devient de plus en plus morose, même si je ne suis pas blasée.

On me demande souvent des statistiques. Alors en voici. Je constate que je vais voir une centaine de spectacles par an, et que je lis autant de livres dont un tiers de premiers romans. Que je vois en moyenne une exposition par mois, et deux films dans une salle de cinéma. Mais, comme toujours, ce ne sont que des chiffres qui traduisent maladroitement la réalité puisque, en période de festival, je peux voir trois ou quatre films au cours d’une même journée.

Malgré l’immensité du travail, car je le fais comme une professionnelle ( à l’instar d’un sportif qui ne fait pas de différence entre les types de compétition) j’ai toujours beaucoup de satisfactions, d'échanges positifs, instructifs, enrichissants (si je puis dire car je me méfie de ce mot puisque je ne gagne pas un centime).

Pourtant les modes de communication ont changé depuis la pandémie. Les budgets se sont resserrés. Les lancements de produits et de marques ne s’accompagnent plus de fêtes grandioses, ce qui a pour avantage d’avoir évincé les pique-assiettes. La dérive est que certaines agences privilégient tant le distanciel qu’à les entendre on serait bienvenus de reprendre mot pour mot leurs communiqués de presse et leurs photos officielles. Je ne tomberai jamais dans ce travers et tiendrai le cap : ne parler que de ce que j’ai vu, lu, entendu et testé personnellement.

Un bilan ne serait pas sincère s’il n’abordait que du positif. Il fallait bien que ça arrive un jour, un couac de force intergalactique me fâcha avec une marque dont j'avais jusque là une excellente image. Suite à un échange téléphonique, j'avais envoyé un mail donnant des liens vers des articles pour prouver combien je m'intéressais à leurs produits. On m'a répondu avec mépris, dans une formulation insultante, comme si j'avais fait une prospection commerciale et que je vendais des prestations. Me voilà vaccinée de vouloir rendre service à une entreprise (française, ancienne, et dont je ne dirai jamais un mot).

Ces douze derniers mois ont été marqués par plusieurs moments formidables, et d'autres s'annoncent déjà pour les semaines à venir.
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Article illustré par deux photos prises au musée Carnavalet. La première est une plaque de libraire en métal peint de la fin du XIX° sur laquelle on lit À l’enseigne du livre rouge et de la plume blanche. La seconde est une enseigne en tôle de fer peinte d’un commerce non identifié (entre 1800 et 1804), marqué de l’inscription À la bonne renommée.

mardi 13 février 2024

Wine Paris & Vinexpo Paris février 2024

(mise à jour mars 2024)
Cette nouvelle édition affirme Winexpo comme le premier grand rendez-vous de l’année, avec 36 334 visiteurs venus de 42 pays différents en 2023. Ils seront 41 250 visiteurs (dont 35% d’internationaux hors France) venus de 50 pays cette année. Côté exposants, leur nombre passe de 3300 à 4000. Il y aura même eu un off avec 200 établissements offrant expériences singulières et soirées spéciales. 

Certes, le monde du vin et des spiritueux doit affronter moults soucis à commencer par le dérèglement climatique. Les vagues de chaleur peuvent entraîner une maturation précoce des raisins causant une teneur en sucre trop élevée et une acidité insuffisante. L’excès de pluie provoquera des maladies fongiques et à l’inverse le manque de précipitations impliquera un stress hydrique affectant la quantité récoltée. D’autres aléas sont à craindre. Les viticulteurs élaborent donc des modifications dans leurs pratiques, un autre choix de cépages et le recours à des technologies de gestion des risques. 

Sur le plan géopolitique, ce sont le Brexit, les droits de douane punitifs, diverses contraintes économiques et des changements de législation (par exemple seuls les producteurs russes auront le droit au mot champagne pour désigner un vin à bulles).

Ajoutons les contraintes de durabilité, de réduction de l’empreinte carbone, les exigences de RSE (un exemple appliqué au salon avec la récupération de 5000 litres de liquides des crachoirs et des bouteilles entamées pour être distillés et rentrer dans la composition de biocarburant).

Enfin les nouvelles attentes des consommateurs sont parfois diamétralement opposées. On observe  une tendance hédoniste de super premium (je l'ai constatée avec les whiskys)et un souhait de No/Low (certes pas par tous) signifiant abstinence et/ou modération dont 44% des personnes se déclarant auraient entre 18 et 25 ans. Partout dans le monde on demande des vins moins alcoolisés et on remarque le développement de nouveaux concepts de bars sans alcool.

On m’en a proposé plusieurs ces derniers temps (comme Savage qui s'apprête à lancer trois saveurs différentes, destinées à l'heure de l'apéritif et des tapas) mais je n’y avais pas encore perçu un vrai mouvement. Citons en France Le Petit Béret et French Bloom que j'ai découvert au moment des fêtes de Noël dans un grand magasin et qui m'a étonnée par la finesse de ses bulles.

Le métier de sobrelier équivalent du sommelier mais dans le monde du sans alcool est en plein essor. Je dois prochainement en rencontrer un qui s'est spécialisé dans la création de cocktails inspirés par de célèbres compositions.
L’Italie le plus vieux pays producteur de vins au monde et compte 400 cépages autorisés en appellation. Quoiqu’ayant perdu sa place de premier producteur de vin il était invité d'honneur. Les vins du nouveau monde progressent, notamment ceux de Nouvelle-Zélande, d’Australie … et de l’Etat de Virginie dont c’est la première participation.

Le marché des spiritueux explose, ce qui profite notamment au mezcal, à la tequila et au saké. Je n’ai pas testé, faute de temps (et aussi par raison) l’infinité Bar qui tout le long de ses 40 mètres accueille 20 bars à cocktails de renom avec l’ambition de proposer 60 créations de haute volée.

Le présent article fera le point sur les stands que j'ai visités en spiritueux, en vins, puis de quelques producteurs internationaux, américains et mexicains. Evidemment ce n'est qu'une infime partie du salon et chaque dégustation eut lieu en toute modération. Une journée à Vinexpo ne permet déjà pas de voir tous les exposants que j'avais prévu de visiter. Mais j'ai fait de nouvelles découvertes et c'est l'essentiel dans une manifestation comme celle-là. Voici donc ce que j'ai retenu de cette édition de février 2024.
Commençons par les Hauts-de-France chez T.O.S. Distillerie dont l'héritage du savoir-faire des brasseurs a conduit l'équipe a concevoir des spiritueux en s'engageant dans la vie de leur région dont ils privilégient les approvisionnements locaux pour confectionner leurs produits.

Ils ont distillé leur premier whisky en novembre 2017 sous le nom d'Artesia, un orge pur malt élevé majoritairement en barriques de bourbon de première utilisation qui lui confèrent des arômes de vanille et de pain toasté.

Quatre autres composent aujourd'hui la gamme, 100% orge, orge maltée ou seigle, veillis en barrique de bourbon, de porto ou même de sherry.
 
C'est le Whisky Artesia, Fût Noir Char #3, qui a ma préférence. Après un vieillissement initial en fûts de bourbon, il subit une seconde maturation en fûts de chêne américain. Ces fûts sont soumis à un brûlage intense, atteignant un niveau d'intensité 3, conférant au whisky une finale intense de vanille caramélisée.

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