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lundi 2 juin 2025

Peacock, premier film de Bernhard Wenger

L'AFCAE a encore une fois mis à l'honneur un premier film et c'est une excellente découverte que celui du réalisateur autrichien Bernhard Wenger qui a été projeté ce soir par les salles adhérentes.

Son titre original, Peacock, parle sans doute dans toutes les langues. En français, on connait ce que signifie faire le paon. L'animal est symbole de beauté et de vanité mais on sait tous qu'il ne vole pas très bien et que son cri est affreux, ce qui ne le rend pas très sympathique même si ses plumes sont convoitées … pour orner un chapeau.

Les première minutes sont (volontairement) déroutantes. On comprend mal pourquoi il serait préférable de ne pas éteindre un incendie trop vite. Ni à quoi rime le billet que la femme tente de faire accepter à cet homme qui la raccompagne après un concert qu'ils ont agréablement suivi ensemble.

La révélation est stupéfiante. Nous allons suivre les pérégrinations professionnelles, et par voie de conséquence également personnelles, de Matthias (Albrecht Schuch) dont le travail consiste à être le partenaire idéal, en toutes occasions. Il peut donc aussi bien endosser le costume du parfait petit ami, du fils modèle ou même du sparring-partner pour vous entrainer à rompre avec un mari violent.

Par contre, et c'est là que la situation devient à la fois tragique mais aussi furieusement comique, il ne parvient plus à être lui-même dans sa vie quotidienne.

Bernhard Wenger a puisé l'idée du scénario en 2014 dans les agences pour "louer un ami" qui existe au Japon depuis au moins vingt ans déjà. Il est allé dans ce pays pour rencontrer des employés, et comprendre la raison d'être de ces agences et la manière dont les employés se préparent pour revêtir leurs rôles. Il a été touché par les confidences d'une personne qui est confrontée au dilemme de ne plus savoir qui elle est vraiment.

Ce qui renforce le mystère de la situation c'est que le personnage de Matthias, bien que dérouté, et presque paniqué, ne réagit pas autrement qu'en adoptant une passivité angoissante qui interroge le spectateur. Quel part de responsabilité Matthias a-t-il dans ce qui lui arrive ? Se pourrait-il qu'il ne soit que la victime d'un système perverti ? Et surtout, pourra-t-il rompre le cycle infernal, et si oui comment ?

Peacock est une comédie noire qui frôle le drame existentiel pour nous offrir une réflexion satirique sur les constructions sociales, les rôles qu'on s'acharne à jouer et les identités fabriquées. L'originalité de la mise en scène est renforcée par le fait que les effets comiques ne sont pas générés par les dialogues ou très peu, mais par l'absurdité des situations. Par exemple par la présence d'un énorme chien ou au contraire d'un minuscule animal. Et par la déconnection d'une maison où tout est régi par l'électronique.

Quand sa petite amie Sophia (Julia Franz Richter) lui demande quel vin il veut boire, il répond "comme tu préfères". Ce qui peut passer pour de la politesse sonne la fin pour Sophia :"Tu n’es plus une vraie personne", dit-elle à Matthias avant de le quitter.

On pourra penser à l'humour noir anglais ou à la manière pince-sans-rire que l'on a de s'exprimer dans les pays scandinaves mais sans mettre de coté le sens de la tragédie qui est particulier en Autriche. Si bien que le film prend parfois des allures de thriller quand l'aspect tragique devient effrayant, comme l'est le ronflement des pompes d'alimentation de la piscine.

Matthias va devoir travailler sur lui-même et sur ses problèmes, comme le lui suggère son ami et collègue David (Anton Noori). Mais rien ne semble fonctionner. Comme le paon de l’établissement où Matthias part en retraite, il devra rejeter le perfectionnisme afin de … peut-être … vraiment se trouver.

Matthias ayant parfois l'allure d'un robot, j'ai pensé au film I'm Your Man (Ich bin dein Mensch ou L'Homme idéal au Québec, ou Je suis ton homme). Dans ce film allemand réalisé à partir d'une nouvelle d'Emma Braslavsky par Maria Schrader et sorti en 2021 une scientifique acceptait, dans le cadre d'une expérience, de cohabiter avec un robot humanoïde, entièrement programmé en fonction de son caractère et de ses besoins. Il devait incarner l'époux parfait pour Alma, dont, jusqu'ici, la vie se résumait à la recherche scientifique.

Si la musique originale est composée par Lukas Lauermann, la bande son emploie fort astucieusement Unchained Melody par The Righteous Brothers

Peacock, premier film de Bernhard Wenger
Avec Albrecht Schuch, Julia Franz Richter, Anton Noori …
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Sortie en salles le 18 juin

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