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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

dimanche 18 janvier 2009

Bain de culture à la Piscine

Samedi 17 janvier, 17 heures, s'ouvrait à la Piscine de Châtenay-Malabry la 1ère université d'hiver du groupe de réflexion Futurbulences. Je ne vais pas me lancer dans l'exercice du commentaire de texte mais tout de même, avouez que lorsqu'on se présente derrière un tel vocabulaire le public convié ait de fortes attentes. Et quand je dis convié ... je ne compte pas les mails reçus pour me décider à venir. J'ai eu le sentiment que le théâtre sonnait les cloches, hurlant "Oyez, oyez, bonnes gens ... "

Les intervenants, chacun fort sympathique individuellement, et éminent spécialiste de son domaine, nous firent sur scène la démonstration cinglante de ce qu'ils dénonçaient : après avoir longuement discouru entre eux d'un bout à l'autre d'une longue table, s'être fort poliment transmis le bâton de parole en ne nous donnant à voir que leur profil, ils se sont souvenus du lieu où ils se trouvaient, que nous étions là, dans l'ombre peut-être, mais là tout de même.

Ils nous avaient posé par courrier électronique une série de questions passionnantes :
On ne sait plus si la Joconde est aussi importante que Jeff Koons. Relire Victor Hugo ou ne pas manquer le dernier épisode de Desperate Housewives. Picasso ? Une marque de voiture. Vinci ? Des parkings. Le patron de Mc Donald's devient directeur des musées en Italie. Quel avenir pour la culture en France ? (...) Comment rémunérer la création à l'âge du tout gratuit ? (...) Qu'ont à nous dire les industries culturelles ?

Je pensais que nous échangerions leurs réponses et les nôtres. Quel beau billet en perspective pour le blog !

J'ignore toujours qui est Jeff Koons. J'ai plus urgent à faire que de suivre les aventures des Desperate Housewives que je regarderai en DVD le jour où je serai vraiment désappointée. Je roule à bicyclette en appliquant le précepte de Julos Beaucarne qui avait bien raison de prétendre dès 1975 que la révolution passera par le vélo, camarade. Et ce n'est pas Marcel Duchamp qui l'aurait contredit. Que le patron de Mc Donald's œuvre dans des musées ne me choque pas davantage que de savoir que Picassiette était gardien du cimetière de Chartres. L'allusion au tout gratuit m'interroge sur la prestation d'hier après-midi. J'ose espérer que nous étions tous des bénévoles dans la salle.

Démarrer sur la lettre de mission du président Sarkozy à la ministre Albanel pouvait être un point de départ constructif. Encore que ce soit un discours codé dont personne n'est dupe. Ce qui aurait été novateur aurait été de répartir le public en 10 groupes, sous la houlette chacun d'un des 10 orateurs, avec mission de récrire un paragraphe.

Nous en aurions ensuite discuté, peaufinant le style, et l'un d'entre nous aurait déposé la missive à la présidence de la république, à moins de la publier en page 1,2 ou 3 du journal le Monde (puisque nous avons tous compris que c'est entre ses lignes que la culture débat de son avenir).

A ce stade, de deux choses l'une, ou l'on estime que les débats qui ne servent à rien ont leur place en France et on garde ce cap (mais alors cessez de vous étonner de la colère des barbares que votre regard provoque). Ou l'on est sincèrement persuadé d'avoir chacun notre rôle à jouer en tant qu'acteur du changement et on refait ... non pas le match, non pas le monde, mais la 1ère université d'hiver du groupe de réflexion Futurbulences.

Laissez tomber les calculs d'arrière-garde. Pourquoi être si jaloux du succès de Bienvenue chez les Chtis (dont vous avez, pardonnez-moi, largement fait une inutile pub) ? Pour une fois que ce n'est pas un film violent et américain qui remporte la palme du public ! Si l'on avait demandé à tous ceux qui avaient vu le film de quitter la salle serait-il resté ne serait-ce qu'un débatteur ?

L’art permet de nouer des liens, de mettre en relation des faits, des évènements, de créer des étincelles, de provoquer de nouvelles pensées. La culture est le ciment qui unit des personnes destinées à vivre ensemble. Et ce n’est pas en consommant davantage d’art que l’on « reboisera l’âme humaine », selon la formule du poète. Croire que la culture puisse éloigner la barbarie n’est peut-être ni plus ni moins fantasmatique que de penser qu’au nom de l’une ou l’autre des religions il soit légitime pour les uns de prendre les armes contre les autres. L’avenir de la culture n’obéit sans doute pas à la prescription d’un catalogue de recettes mais j’entends les bombes continuer leurs dégâts et je me dis qu’il n’est pas de minuscule petite idée qui ne soit devenue vitale.
J'ai vu certains d'entre vous prendre des notes. Sans nul doute que d'excellentes pistes ont été consignées. Voici tout de même, pêle-mêle, quelques suggestions qui se sont murmurées dans la salle ou qui me sont venues ensuite :

INSTAURER DES REPÈRES SIMPLES COMME DES RENDEZ-VOUS :

- l'ouverture des bibliothèques le dimanche, à l'instar des musées,
- l'ouverture des bibliothèques et des musées en nocturne, une fois par mois ?, une fois par semaine ?
- harmoniser les jours de fermeture des musées et des bibliothèques (pour les musées, les mardis, pour les bibliothèques les lundis)
- étendre la gratuité de tous les musées (publics ou privés) chaque premier dimanche du mois, ne serait-ce qu'en contre-partie des subventions accordées, qui sont tout de même toujours de l'argent public.
Ce ne sont pas des idées très neuves, mais encore peu appliquées, malgré quelques expériences (comme celle de la médiathèque d'Antony dont je rendais compte le 9 janvier dernier)


BOUSCULER DES IDÉES REÇUES :

- lancer les soldes des livres invendus avant leur envoi au pilon,
- autoriser l'accès aux livres épuisés au public des bibliothèques,
- brader les sièges vacants 5 minutes avant le début des spectacles (une bonne vingtaine de places sont encore restées inoccupées hier soir et j'en compte toujours, même pour les spectacles affichant "complet". Il devrait bien y avoir un moyen technique pour améliorer cela)
- inventer les chèques-théâtres, sur le modèle des chèques-lire ou des ticket-restau,
- supprimer alcool et petits fours des vernissages. (Quelle économie!) Et inviter tout le monde ! Et systématiquement une classe de collège.


RÉFLÉCHIR SUR DE VRAIES QUESTIONS :

- art et développement durable,
- art et argent,
- réduire la TVA sur les produits culturels. "Il n'y a aucune raison que la TVA ne soit pas à 5,5% sur les disques, sur la musique et sur la vidéo qui sont des produits culturels". Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Nicolas Sarkozy le 13 janvier lors de ses vœux à la culture.
- imaginer de petites formes (théâtre ou concert d'appartement) quitte à faire moins de grandes créations (le théâtre Firmin Gémier en avait déjà proposé)


ÉTABLIR D'AUTRES STATISTIQUES :

- arrêter de mesurer le succès d'un livre au nombre d'exemplaires vendus. Ajoutons le nombre d'emprunts en bibliothèque. Commençons par une ville-test où les libraires s'associeraient avec la bibliothèque municipale pour faire ces additions. L'informatique devrait facilement permettre cela.
- instaurer un quota d'emploi des subventions en direction de nouveaux publics,
-recenser les expériences de médiation culturelle pour les exporter dans d'autres lieux, d'autres secteurs. A ce titre ce qui est déjà fait en direction des enseignants par les musées des Arts décoratifs, du Quai Branly, de Pompidou, d'Orsay (qui organisent des visites commentées avant l'ouverture des expositions) est assez remarquable et mériterait d'être systématisé.
Le travail de nombre de chargé de relations publiques l'est tout autant. Il faut avoir croisé le regard d'un groupe d'adultes autistes dans les coulisses d'un cirque pour en être convaincu. Ce qui se fait à Antony est sur ce point exemplaire.

Il y aurait, il y aura sans doute d'autres choses à inventer mais voilà, vous m'avez invitée à un bain de culture à la Piscine et je me suis jetée à l'eau. J'espère ne pas vous avoir trop éclaboussés. Ce n'était pas mon intention. Pour être totalement honnête, je vous accorde le grand mérite d'avoir lancé le débat. Avec un nom comme Futurbulences pas étonnant d'occasionner des turbulences. Ce n'est pas si grave d'exploser en vol ... vos compétences vous permettront un bel amerrissage.

Alors si l'esprit vous en dit, écrivons ensemble cette lettre qui pourrait commencer ainsi :
Monsieur le président, nous faisons une lettre que vous lirez peut-être, si vous avez le temps ...

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