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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

lundi 30 septembre 2019

Le Prix Gulli 2019 a été décerné au Procope

Le jury du Prix Gulli du Roman 2019 présidé par Michèle Reiser s'est réuni le 25 septembre dernier mais j'ai attendu d'avoir lu quelques-uns des six romans finalistes pour en rendre compte.

Créé en 2012 par la 1ère chaîne de télévision française dédiée à la jeunesse, marque de référence pour toute la famille, le Prix Gulli du Roman est un prix littéraire qui distingue un ouvrage destiné aux 8-13 ans, avec la volonté de promouvoir la lecture et les livres pour les enfants. Les romans sont choisis selon trois critères : posséder qualités littéraires et originalité, être édité entre janvier et septembre de l’année en cours, être écrit en langue française. 

C'est Philippe Besson, le parrain de cette 8ème édition, qui a remis le prix à Sarah Turoche-Dromery, pour son roman Sam de Bergerac édité aux Editions Thierry Magnier. Cette auteure, monteuse pour le cinéma, écrit pour la littérature jeunesse depuis quelques années, elle écrit des histoires courtes entre deux projets.

Un jeune garçon doué en français dépanne son meilleur ami plutôt matheux, incapable d’écrire une lettre d’amour à la jeune fille dont il est amoureux. Sam devient comme Cyrano, la plume de son copain. La supercherie très efficace est découverte. Ce qui donne des idées aux autres élèves de la classe. Et voilà Sam promu malgré lui, écrivain public !

Ce livre sensible, bien construit et bien écrit, est très drôle aussi. Mais ce n'est pas mon préféré. Peut-être parce que l'intrigue est trop convenue pour moi.
J'ai été bien davantage touchée par un autre ouvrage où les mots sont eux aussi au coeur du récit, Les Mots d’Hélio de Nancy Guilbert et Yaël Hassan chez Magnard Jeunesse. Suite à un traumatisme crânien, Hélio, quinze ans, orphelin de père, ne réussit presque plus à communiquer. Sa capacité de réflexion est intacte, mais les mots se sont envolés. Sa mère étant elle-même en état de choc depuis l’accident, l’adolescent est confié à une famille d’accueil, les Dainville, qu’elle avait désignée dans le cas où son fils se retrouverait seul.

Mila et Ruben, les enfants, l’accueillent chacun à leur manière, et pour Bianca, l’employée de maison venue d’Argentine, l’arrivée de ce garçon fait ressurgir de lointains et douloureux souvenirs.

Chaque personnage, à tour de rôle, confie ses doutes et ses espoirs, se livre peu à peu. Et quand le passé fait irruption et libère les vérités enfouies, c’est une nouvelle famille qui se révèle…

J'ai aussi énormément apprécié Les étonnantes aventures du merveilleux et minuscule Benjamin Berlin de Julien Dufresne-Lamy chez Actes Sud Junior. Depuis qu’il a sept ans, Benjamin Berlin sait lire les pensées des gens. Il lui suffit de les toucher pour entrer dans leur tête. En catimini. Il est télépathe ! Un pouvoir de sorcier amusant quand il s’agit de jouer des tours à sa sœur, mais lourd à porter quand il entend des choses qu’il ne devrait pas savoir. Benjamin Berlin a maintenant treize ans (il est toujours aussi petit pour son âge !) et la vie de sa famille, rythmée par les fréquentes mutations du père diplomate, le mène au Japon le plongeant dans un monde nouveau, d’abord indéchiffrable mais tellement fascinant. Il va y faire la rencontre de deux Japonais de son âge, Junji et Kurumi, possédant comme lui un don très spécial.

Trois autres finalistes avaient été remarqués cette année :
- Caviar, poisson star de Justine Jotham chez Poulpe fictions
- L’Enlèwement du "V" dePascal Prévot aux Editions du Rouergue
- Moi Baleine d'Orianne Charpentier chez Gallimard Jeunesse

La remise du Prix a eu lieu au coeur de Saint-Germain des Prés, un quartier littéraire s'il en est, dans les salons du Procope, qui est le plus vieux café de Paris. Les murs sont chargés d’histoire car les plus grands écrivains et intellectuels s'y sont réunis (Rousseau, Diderot, Verlaine et plus tard Jean-Paul Sartre) depuis 1686. Le buste de Voltaire couvait en quelque sorte les lauréats du regard.
De l'autre coté de la rue une plaque signale l'emplacement de ce qui fut l'embryon de la Comédie Française où Molière créa Phèdre et le Médecin malgré lui en 1689.
Je reviendrai dans les semaines qui viennent sur ce restaurant mythique qui est resté -comme on dit- dans son jus, et qui fera l’objet d’un reportage dans le cadre de Une journée à ... qui est une des émissions que je produis et anime sur Needradio.

dimanche 29 septembre 2019

Dans le frigo de Copi mis en scène Clément Poiré

C'est en fait un triptyque, avec Dans le frigo, Macbeth et Les Bonnes. L'enchaînement est mis en scène par Clément Poirée, le directeur de La Tempête.

Les horaires de programmation (parce que j'enchainais avec Vie et mort d'un chien dans l'autre salle) ne m'ont pas permis de voir dans leur entièreté les 4 heures de spectacle, et j'avoue que ce théâtre est trop loin de chez moi, et un peu compliqué d'accès pour que j'y aille deux soirées de suite dans la même semaine. Je n''ai donc assisté qu'à la première partie, Dans le frigo. J'ai été conquise et j'ai vraiment regretté de devoir partir ... même si l'autre spectacle est tout autant excellent.

Car enfin lier Copi, Shakespeare et Genet c'est tout de même tentant de découvrir ce que cela peut donner !

On entre dans la salle dans la pénombre dans le salon d'un appartement qui bientôt semblera hanté. Le temps que nos yeux s'habituent et on remarque, assis en face de l'énorme frigo le personnage (extraordinaire Eddie Chignara), dos au public, pensif, assis de trois quarts, pieds nus sur un tapis de laine hors d'âge, et sans doute hors d'usage aussi. La lumière monte graduellement. On remarque un vieux téléphone.
Être solitaire, triste, perdu dans ses pensées, il s'habille, enfile un peignoir de soie à la place de celui en éponge. Appelle la concierge. Allo, madame Dumontel, je découvre un frigo dans mon salon.

Exilé à Paris dans les années 60, l’auteur et dessinateur franco-argentin Copi était une figure emblématique et déjantée de la scène et de l’affirmation du mouvement gay. Atteint du sida, il se savait déjà condamné en 1983 lorsqu’il écrit Le Frigo. Il disait à propos de cet appareil qu'il est la boîte du prestidigitateur la plus élémentaire quand on n’a pas de moyens.

C'est le cadeau de sa mère pour ses cinquante ans. Mais c'est surtout l'objet par excellence de tous les fantasmes possibles, heureuses ou macabres. Ça pourrait bien être son futur cercueil. Je n’ose pas l’ouvrir. J’ai peur d’y trouver le cadavre de ma mère, confie L., le personnage principal. Il était autrefois mannequin, écrit ses mémoires, se revendique écrivain, mais vivote des avances de son éditeur, heureux de converser avec un ancien amant, un vieil hippie quelque part en Australie.

La salle rit lorsqu'il se plaint d'avoir été violé par son chauffeur, le mari de sa gouvernante. C'est tout le talent du metteur en scène, et du comédien principal que de jouer finement du registre dramatique et de la dérision.

On est persuadé que quelqu'un va surgir de l'appareil. C'est Halloween avant l'heure. Je suis tentée de vous effrayer avec le ballet des soubrettes et les jappements d'un chien marionnette mais il me semble qu'un tel spectacle ne se raconte pas. Il se partage.

Eddie Chignara, au visage de clown blanc, interprète splendidement tous les rôles d'une danse macabre, un mannequin défraichi, sa bonne Goliatha, un détective raté, sa mère insensée,  ... avec audace et panache sans jamais être ridicule.

Et puis les soubrettes sont devenues les sorcières de Macbeth et ont invité les spectateurs à traverser le décor ...

Je suis sortie de cette ambiance surréaliste perdue dans mes pensées, un peu retournée que la représentation soit programmée dans la salle Serreau et pas dans la salle Copi. J'ai brusquement cru me trouver la proie d'un épisode de la caméra invisible car je ne reconnaissais plus le hall. Il avait changé, prenant des tonalités scandinaves tout à fait en accord avec la pièce que j'allais voir ensuite.
Un vrai coup de neuf a soufflé sur La Tempête alors que je me demandais ce que j'avais dans mon frigo.
Dans le frigoMacbeth et Les Bonnes
Textes de Copi, Shakespeare et Genet

Mise en scène Clément Poiré
Avec Bruno Blairet, Eddie Chignara, Pierre Lefebvre-Adrien, Louise Grinberg, Anne-Lise Heimburger, Matthieu Marie, Laurent Menoret et Céline Milliat-Baumgartner
Scénographie Erwan Creff assisté de Caroline Aouin (construction décor Atelier Jipanco)
Lumières Kelig Le Bars assistée de Edith Biscaro
Costumes et marionnettes Hanna Sjödin assistée de Camille Lamy
Du 13 septembre 20 octobre 2019
Voir horaires sur le site du théâtre
Au Théâtre de la Tempête
Cartoucherie - Paris 12 - 01 43 28 36 36

samedi 28 septembre 2019

Le défilé Printemps-Eté 2020 de Alianna Liu pendant la Fashion Week de Paris

Alianna Liu a présenté sa collection de prêt-à-porter Printemps/Eté 2020 cet après-midi pendant la Fashion Week dans un grand hôtel parisien.

Cette jeune créatrice s’est inspirée de ses chats pour créer une collection très poétique comme en témoignent les dégradés de couleur évoquant un arc-en-ciel, provoquant une palette de douces émotions et créant une sensation équilibrée mais dynamique au fur et à mesure de la présentation.

Le signe est parfois discret comme ces empreintes de pattes rouges sur les épaules qui ne sont pas directement reconnaissables.

La femme apparait confiante et indépendante, osant afficher ses émotions.

Les tissus sont majoritairement satinés et lumineux, d'une fluidité exemplaire, pour faire ressortir sa beauté naturelle, sa féminité et sa modernité, avec douceur et grâce, en soulignant une silhouette ambitieuse et inspirante.

Un grand optimiste se dégage de l'ensemble qui ne manque pas d'humour en osant afficher le miaulement de l'animal sur un top ou le dessin un tantinet irrévérencieux d'un squelette sur un buste, en toute logique puisque Alianna Liu voit la silhouette comme l’épine dorsale qui relie le vêtement au corps féminin.
Le visage du chat s'accorde parfaitement avec une abondance de volants, conférant un romantisme et une féminité absolue à la tenue.

vendredi 27 septembre 2019

Le défunt de René de Obaldia au Théâtre La Croisée des Chemins

Le défunt a fait l'objet de deux nominations aux P'tits Molières, comme meilleur spectacle d'humour et comme meilleur auteur vivant (ce qui n'est pas une surprise car René de Obaldia est un immense auteur, et cela depuis très longtemps).

Deux personnes se retrouvent pour évoquer le souvenir d'un homme décédé trois ans auparavant. Qui était Victor ? Qui sont ces personnes qui revendiquent son amour ?

On est dans le théâtre dit de l'absurde alors le metteur en scène Patrick Rouzaud a choisi d'y aller par plusieurs chemins. Ce sont trois registres successifs, et réellement différents de ton, qui nous sont donnés à voir et à entendre en ce moment du texte de René de Obaldia au Théâtre La Croisée des Chemins.

La création a eu lieu l'an dernier avec deux versions. Il est possible que l'effet de surprise était important mais cette reprise avec une troisième version supplémentaire est encore plus savoureuse. Et surtout le doute n'est pas permis à celui qui chercherait une explication raisonnable. Les deux artistes démontrent que toutes les interprétations sont permises.

Le spectateur assis sur la banquette est finalement dans une position comparable à celle de Julie (Mahmoud Ktariou de  Madame de Crampon (Patrick Rouzaud), prêts à écouter les fausses confidences de l'une à l'autre, leur surenchère dans le délire à propos d'un monstre de perversion qui ... n'existe pas. Nous sommes vraiment au théâtre.

En proposant un registre dramatique ou une version burlesque ou encore plus nuancée on a le sentiment que la pièce s'improvise sous nos yeux, qu'elle pourrait finalement prendre encore un autre tournant, tellement l'écriture de l'auteur est riche de sous-entendus.

Il faut saluer les comédiens car c'est sur eux que tout repose puisque le décor et les accessoires n'évoluent pas et que les  modifications de costumes sont légères.  L'essentiel repose sur les échanges de regards, le travail sur les voix, le phrasé.

La pièce ne date pas d'hier. Elle a été créé au Théâtre de Lutèce le 8 juillet 1957 dans une mise en scène de Marc Gentilhomme, avec Denise Bailly (Madame de Crampon) et Ludmila Hols (Julie).



Il m'a semblé que le texte d'origine avait été quelque peu modifié mais que par contre il était rigoureusement identique d'une version à l'autre. L'écriture est savoureuse. L'absurdité ne se décode pas immédiatement mais ira crescendo : Trois ans. Comme le temps passe vite ! dit l'une.
Ce sont les minutes qui sont longues ! répond l'autre.

Plus tard on apprendra que l'ancêtre du dénommé Victor a pris le nom de quelqu'un qui s'est fait guillotiner à sa place. Que ne ferait-on pas pour de l'argent affirme alors Julie avec naturel.

On a le sentiment que l'une surenchérit sur l'autre pour avoir le dernier mot ... Peu importe qui gagne, elle se retrouveront au même endroit et à la même heure le lendemain pour jouer la revanche. C'est absurde. C'est du théâtre. Le coucou s'emballe et le spectateur se réjouit.

Le Défunt de René de Obaldia
Mise en scène de Patrick Rouzaud
Avec Mahmoud Ktari et Patrick Rouzaud
Du 20 septembre au 1er novembre 2019
Les vendredis à 16h 45 ET à 19h 45
Au Théâtre La Croisée des Chemins, 43 rue Mathurin Régnier, 75015 Paris

jeudi 26 septembre 2019

Palace adapté par Jean-Michel Ribes et Jean-Marie Gourio au Théâtre de Paris

Il me semble que Palace est à la télévision ce que Le père Noël est une ordure est au cinéma. On peut le voir et le revoir dix fois et retrouver intacte le même plaisir jubilatoire.

Les représentations ont commencé le 18 septembre au Théâtre de Paris et il ne faut pas vous en priver.

Jean-Michel Ribes et Jean-Marie Gourio ont adapté la série culte pour lui donner un second souffle sur la scène d'un théâtre. C'est réussi parce que ceux qui n'ont pas suivi les épisodes du petit écran ne peuvent pas se douter que cela a existé sous une autre forme.

Certes la caméra permettait de jouer avec les différents plans et  sans doute d'oser des effets spéciaux supplémentaires. Il y avait aussi toute une "politique" d'invités qui ajoutait du piquant. Ce Palace a peut-être glissé vers la comédie musicale mais il a conservé son esprit de folie, d'insolence et d'absurdité. L'humour demeure irrévérencieux. Mais la poésie n'est pas absente, notamment dans la scène du bain vapeur.

On y joue, on y chante et on y danse avec fantaisie, humour et néanmoins rigueur parce que les chorégraphies sont très travaillées. Les costumes sont superbes et multiples (250 ont été nécessaires), les coiffures et maquillages irréprochables et les éclairages à la hauteur de la situation.

Le décor nous semble familier. Tout y est, le double escalier majestueux, la porte à tambour, la réception. Les répliques cultes ont été conservées : Appelez-moi le directeur, Je l'aurai, je l'aurai, Soyez palace chez vous.

Je ne sais pas si celle-ci est d'origine mais elle est bien trouvée : l'avenir, je préférais celui d'avant.

Palace était une série télévisée française humoristique en six épisodes de 90 minutes, créée par Jean-Michel Ribes sur le modèle de l'émission italienne Grand Hotel et produite par Christian Fechner. Elle a été diffusée à partir du 29 octobre 1988 sur Canal+, puis en 1989 sur Antenne 2 et rediffusée régulièrement sur Antenne 2, jusqu'en 1992 sur M6, de 1992 à 1998 sur Monte-Carlo TMC, de 1998 à 2001 puis de 2005 à 2011 sur Comédie !, et sur Paris Première depuis 2011.

L'audience a été énorme et ceux qui l'ont suivi se souviennent forcément avec émotion de Valérie Benguigui, Jean Carmet, Darry Cowl, Jacques François, Philippe Khorsand, Jacqueline Maillan, Marcel Philippot, Claude Piéplu pour ne citer que quelques-uns de ceux qui nous ont quitté, selon la formule consacrée.

Jean-Michel Ribes n'a pas rappelé les comédiens qui auraient pu reprendre leur rôle. Je pense à François Rollin, Valérie Lemercier, Ged Marlon, François Morel, Eva Darlan et même Marie-Pierre Casey. Il a fait appel à des comédiens danseurs qui ne font pas oublier les créateurs des rôles mais qui sont véritablement excellents.

Ils déploient l'énergie qui convient pour faire résonner la folie et le rire sur la scène et témoigner qu'il y a une place pour le non-sens au théâtre pourvu qu'il soit finement interprété.
Je me demande néanmoins après coup (et alors que j'ai passé une très bonne soirée) si la venue d'un invité exceptionnel, différent chaque soir, n'ajouterait pas du piquant. J'aimerais bien que Pierre Arditi, Jean-Marie Bigard, Michel Blanc, Alain Chabat, Christian Clavier, André Dussollier, Roland Giraud, Gérard Lanvin, Chantal Lauby ou Dominique Lavanant surgisse le temps d'une scène pour donner à la soirée un caractère exceptionnel, sans que le public ne soit informé du nom du "guest" du jour.
Les musiques sont bien senties. Notre oreille entend souvent une familiarité avec un air connu. Comme à la toute fin avec Parle plus bas de Dalida. Ce n'est en rien gênant, bien au contraire car cela inscrit la pièce dans l'histoire.

C'était un défi. Il est gagné et il fait du bien car le résultat est joyeux, ce qui n'est pas si fréquent au théâtre.
Palace adapté par Jean-Michel Ribes et Jean-Marie Gourio
Mise en scène Jean-Michel Ribes
Musique Germinal Tenas
Chorégraphie Stéphane Jarny
Décors Patrick Dutertre
Costumes Juliette Chanaud et Patrick Dutertre
Lumières Laurent Béal
Son Virgile Hilaire
Maquillage / Coiffure Maurine Baldassari
Comédiens et Danseurs Salim Bagayoko, Joséphine de Meaux, Salomé Dienis-Meulien, Mikaël Halimi, Magali Lange, Jocelyn Laurent, Philippe Magnan, Karina Marimon, Gwendal Marimoutou, Coline Omasson, Thibaut Orsoni, Simon Parmentier, Christian Pereira, Alexie Ribes, Rodolphe Sand, Emmanuelle Seguin, Anne-Elodie Sorlin, Alexandra Trovato, Eric Verdin, Philippe Vieux, Ben Akl, Armelle Gerbault
Au Théâtre de Paris, 15 rue Blanche - 75009 PARIS
Du mardi au samedi à 20h30
Le dimanche à 15h30 jusqu'au 5 janvier 2020

mercredi 25 septembre 2019

La Boulangerie du Marché d'Arnaud Dumontel

Arnaud Delmontel est une référence depuis 20 ans et n'a cessé d'innover et d'évoluer. Après avoir conquis la Butte Montmartre avec quatre établissements il s'est déplacé pour en ouvrir un cinquième dans un quartier qui a lui aussi l'esprit de village qu'il apprécie tant, le marché Aligre.

Les travaux ont été terminé fin août mais je n'y suis allée que récemment. L'intérieur a subi un beau coup de frais et le laboratoire a été modernisé mais la façade est restée avec ses décorations originales et charmantes, évoquant les Glaneuses de Jean-François Millet. Et c'est lui-même qui a usé d'huile de coude pour leur rendre leur éclat.

Il a choisi de l'appeler tout simplement La Boulangerie du Marché car elle se trouve en bordure de la célèbre halle, au 1 Rue Théophile Roussel.

Il y privilégie comme à son habitude depuis 2016 des farines 100% biologiques et françaises, provenant des Moulins Viron qu'il emploie dans une large gamme de pains spéciaux qu'il réalise avec du levain naturel, ce qui permet d'avoir un produit plus digeste tout en garantissant beaucoup d'arômes.
Mais il a aussi pour l'occasion décidé de créer un nouveau pain de partage (puisqu'il est vendu à la coupe), le pain des copains, un nom évident puisque le copain est celui avec qui on consomme son pain. Il a composé un assemblage de farines de grand épeautre, blé de tradition et sarrasin, légèrement pétri et longuement fermenté. Il révèle des arômes de fruits secs et des notes un peu crémeuses. J'adore la croute caramélisée et croustillante.
Malgré ma gourmandise j'ai réussi à le conserver quelques jours parce que je voulais vérifier sa tenue, et elle est parfaite.

mardi 24 septembre 2019

Zarzavatdjian un nom à coucher dehors

Voilà un spectacle bien ficelé au Mélo d'Amélie dans lequel la comédienne Corinne Zarzavatdjian prend prétexte de porter un nom difficile à prononcer, comme ça s'éternue dit-elle, à coucher dehors comme disaient nos parents, pour en fait raconter sa vie. Avec évidemment beaucoup d'humour, allant jusqu'à pointer et railler les coutumes de la communauté arménienne dont elle est originaire.

Sans oublier les avantages d'un nom qui vaut tout de même 43 points au Scrabble.

Elle a écrit le texte qu'elle interprète seule en scène, très seule même, puisque je ne pense pas qu'il y ait plus qu'une chaise comme élément de décor. et pourtant elle parvient à convoquer toute la famille et nombre d'arméniens célèbres comme Cher, Aznavour, Michel Legrand, Grégory Peck, Sylvie Vartan, Henri Verneuil ... et même Nefertiti, rien de moins.

De sa naissance ... sous Z ... à son mariage… le parcours de Corinne Zarzavatdjian s'avère riche en péripéties, en rencontres, semé d’embûches et de situations comiques où les décalages culturels sont présentés comme une véritable richesse si bien que tout le monde prend plaisir à la découvrir pour ceux qui ne la connaitraient pas, et à mieux la comprendre pour ceux qui ont déjà une idée de son parcours.

Corinne Zarzavatdjian, s'écrit comme ça se prononce, mais rassurez-vous la comédienne épellera les lettres en les regroupant et vous finirez par mémoriser la combinaison. 

On se reconnait parfois dans ses descriptions sociales, si on appartient à la même génération, celle des jupes plissées bleu marine montées sur élastique pour que ça fasse du profit. On faisait du développement durable sans le savoir. En plus elle danse bien et occupe largement la scène.

Comme quoi porter un nom compliqué peut s'avérer être une chance, ou du moins un atout.

Zarzavatdjian un nom à coucher dehors
De et avec Corinne Zarzavatdjian
Mise en scène par Thierry Beccaro
Tous les samedis à 17h30 à partir du 14 septembre et jusqu’au 28 décembre 2019
Au Mélo d'Amélie - 4 rue Marie Stuart - 75002 Paris

lundi 23 septembre 2019

Oeuvres sur papier de Palézieux (1919-2012) à la Fondation Custodia

La Fondation Custodia a décidé de rendre hommage à l’artiste suisse Gérard de Palézieux, cent ans après sa naissance  avec un accrochage centré sur son œuvre graphique, en parallèle d'une grande exposition présentant l'oeuvre de Tholen au premier étage.

L’exposition déploie plus d’une centaine d’œuvres sur papier dans les techniques privilégiées par Palézieux : l’estampe, le dessin, le lavis et l’aquarelle afin de prendre la mesure de la cohérence de son œuvre, au gré des thèmes favoris traités par l’artiste : le paysage, le portrait et la nature morte.

Né en 1919 à Vevey en Suisse, Gérard de Palézieux a eu l’opportunité de suivre ses études à Florence entre 1939 et 1943 pour se former à la source de la Renaissance italienne et acquérir de solides connaissances techniques. De retour en Suisse, il s’installe près de Sierre en Valais, dans une petite maison au milieu des vignes qu’il habitera jusqu’à sa mort.
Dès 1947, il se passionne pour l’art de la gravure à l’eau-forte dont il interrogera sans relâche les secrets et collectionnera plus tard les grands exemples du passé. Les dessins, gravures et aquarelles de Palézieux sont liés aux œuvres des artistes d’autrefois.

dimanche 22 septembre 2019

Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma

Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma, est un des grands films de la rentrée.

La réalisatrice revisite en quelque sorte le mythe d'Orphée qui devient celui d'Eurydice.

En effet, l'émotion naît dès le premier regard échangé entre Héloise (Adèle Haenel) et Marianne (Noémie Merlant). Une grande passion se développera entre les deux femmes. Mais Héloise ne sera pas détournée de son destin. Elle épousera celui que sa mère a choisi. Marianne la reverra beaucoup plus tard, fugitivement, lors d'un concert des 4 Saisons de Vivaldi.

Céline Sciamma, que j'ai rencontrée à l'occasion d'une projection particulière au Sélect d'Antony (92) explique que la musique de l'Eté de Vivaldi a été le point de départ du film qu'elle a écrit et fera l'objet d'un très long plan séquence à la toute fin.

On aurait pu s'attendre à ce qu'elle obtienne le Grand Prix au Festival de Cannes parce que la réalisation relève du grand art mais c'est le Prix du scénario que le jury lui décerna.

L'histoire se déroule sur une période de dix ans, de 1770 à 1780, donc juste avant que les femmes acquièrent de nouveaux droits pendant la Révolution, qu'elles perdront au XIX° siècle et sous l’influence de Napoléon. Car, il faut le savoir, il n’y a pas de progrès linéaire du Droit des femmes.

Si l'intimité du cœur des hommes est dans tous les livres, l’intimité du cœur des femmes était jusqu'à maintenant très absent de la littérature comme du cinéma. Céline Sciamma leur redonne de la mémoire, et retransmet leur histoire. Et bien que le scénario ait été imaginé avant l’affaire Weinstein, Céline Sciamma l’ayant écrit après, elle l'a inscrit très consciemment dans ce nouveau contexte en portant bien entendu une parole politique.

On n'a retenu que quelques noms comme Artemisia Gentileschi ou Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842), laquelle est considérée comme une grande portraitiste de son temps, puisqu'on la compare à Quentin de La Tour ou à Jean-Baptiste Greuze. Mais le XVIII° siècle a connu beaucoup de femmes excellentes peintres, rendant tout à fait crédible l'arrivée de Marianne quelque part dans un château breton, pour exécuter le portait d'Héloise, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. L'artiste est prévenue qu'Héloïse refuse de poser, espérant ainsi échapper au mariage que sa mère veut organiser avec un riche milanais. Marianne accepte de la peindre en secret en jouant le rôle d'une dame de compagnie.
Le thème interroge bien entendu sur la fonction du portrait. Quand peut-on estimer l'avoir achevé ? Doit-il être exemplaire ou contenir des défauts, correspondre à un moment de gloire ou évoquer le morbide annonçant que le sujet disparaîtra avant l’œuvre, être le reflet d’aujourd’hui ou d’un moment qui n’existera plus ...

Une fois le tableau réalisé, Marianne exige de dire la vérité à son modèle avant de partir. Le film bascule alors.
Ce qui est magistral dans la démonstration que fait Céline Sciamma c'est le fait qu’il n’y ait pas de personnages masculins. Juste un homme au début qu’on revoit à la fin, comme si un cycle s'était accompli.

Son parti-pris permet de filmer des femmes en sujets plutôt que comme des objets. En cela ce quatrième film marque une étape. Peut-être parce qu’il vient combler un manque, et une attente.

On se souvient de Tomboy, récompensé à Berlin en 2011. Mais avec Portrait de la jeune fille en feu, la réalisatrice est encore plus émouvante. L'histoire d’amour qu'elle propose au spectateur est une relation parfaitement égalitaire, sans aucune domination, ni de genre, ni de position sociale, ou même intellectuelle.

Céline Sciamma s'est donc inévitablement posé les questions du peintre : le format, le cadre, et la lumière.... Elle a travaillé avec Claire Mathon qui est sa chef opératrice et qui assure le cadre comme la lumière. Le tournage ayant eu lieu près de Melun dans un château abandonné depuis 40 ans, resté totalement dans son jus, il a fallu tout éclairer depuis l’extérieur, à travers les fenêtres. Le résultat est à la hauteur des efforts.

Les scènes d'extérieur sont elles aussi comparables à des tableaux. Par exemple quand Héloise (Adèle Haenel) contemple la mer depuis la plage dans une posture qui évoque Le Voyageur contemplant une mer de nuages (en allemand : Der Wanderer über dem Nebelmeer) qui est un tableau du peintre romantique allemand Caspar David Friedrich.

On se souviendra longtemps d'une scène pivot qui évoque le quotidien d’une fête entre femmes et qui bascule dans la sorcellerie. Elle est soulignée par une musique, inspirée de chants bretons, composée spécialement pour le film par Jean-Baptiste de Laubier et Arthur Simonini, sur des paroles en latin, écrites par la réalisatrice à partir de la phrase de Nietzsche : Plus nous nous élevons plus nous semblons petits à ceux qui ne savent pas voler. C'est un moment d'émotion intense parce que le chant s'élève a capella, et en canon, soutenu par des frappés de mains. Il vient de sortir sur tous les sites de streaming et va sans doute être un grand succès.
Portrait de la jeune fille en feu, rend visibles les invisibles, y compris les femmes dites ordinaires, comme la servante Sophie (Luàna Bajrami) dont on partage tous les aspects de la vie quotidienne, les repas bien sûr, les distractions aussi (formidable partie de cartes) et les gros soucis comme l'obligation de devoir avorter. On verra combien la solidarité s'exerce entre toutes ces femmes. Et on notera au passage qu'avorter ne signifie pas qu'on n'aime pas les enfants.

En conclusion voici un film féminin et féministe, qui filme davantage le désir que l’amour et qui pourra plaire à tout le monde. Je ne vous donnerai qu'un échange de répliques :
- J’ai un nouveau sentiment, le regret.
- Ne regrette pas. Souviens-toi.

Portrait de la jeune fille en feu est sorti sur les écrans depuis le 18 septembre 2019.
Ecrit et réalisé par Céline Sciamma
Avec notamment Noémie Merlant, Adèle Haenel, Luàna Bajrami
Il est en ce moment à l'affiche du Cinéma Le Rex de Chatenay et du Sélect de la Ville d'Antony

samedi 21 septembre 2019

Les mutations de Jorge Comensal aux Escales

J'avais beaucoup de questions pour Jorge Comensal que j'ai eu la joie de rencontrer à Paris, lors d'une soirée organisée par Les Escales. Je l'ai laissé profiter des invités, me réservant pour le moment où nous allions enregistrer un Entre Voix sur Needradio. Je n'ai même pas sacrifié à la mode du selfie, en me disant que j'aurais tout le loisir de prendre une photo au studio.

Malheureusement un mail de son éditrice m'informait hier soir que nous n'enregistrerions pas lundi matin. Mes interrogations resteront donc sans réponse. Et sur le fond, et sur la forme, et même aussi sur ses choix musicaux, que j'avais particulièrement explorés pour construire le canevas de  l'interview.
A cinquante ans, Ramón, avocat brillant et patriache conservateur, découvre qu’il est atteint d’une forme rare de cancer. Son seul espoir de guérison : une amputation de la langue. Une tragédie pour celui dont la verve faisait le succès professionnel. Autour de lui gravitent sa femme Carmela et ses deux ados - plus intéressés par le karaoké et la masturbation que par leur réussite scolaire - et enfin Elodia, la dévote et dévouée employée de maison, convaincue qu’un miracle est encore possible.Mais qui pourrra réellement l’aider à traverser cette épreuve ? Teresa, sa psy amatrice de petits gâteaux au cannabis ? Benito, son perroquet blasphémateur et fidèle confident? Ou bien les représentants de la médecine conventionnelle, persuadés d’accéder à la gloire grâce au cas unique de Ramón ?Perdu dans les méandres de la maladie et accablé par les dettes, le chef de famille est bien décidé à concocter un plan pour se sortir de cette impasse dignement.
Né à Mexico en 1987, Jorge Comensal a été membre de la Fondation pour la littérature mexicaine et du Fonds national pour la culture et les arts. Il collabore à de nombreux magazines. Son éditeur américain est une des plus prestigieuses maisons des Etats-Unis, Farrar, Straus & Giroux, ce qui est particulièrement rare pour un auteur mexicain. Après sa sortie aux Etats-Unis ce premier roman sera édité en Allemagne et en Italie.

Il me semble que malgré la qualité de sa construction, ce roman méritait d'être en quelque sorte contextualisé car le tragi-comique qui fait l'essence de la culture mexicaine n'est pas une évidence pour des français. Beaucoup de mes amis grands lecteurs ne l'ont pas apprécié à sa juste valeur parce qu'ils n'ont pas non plus les clés pour comprendre le mode de vie mexicain. Un grand nombre d'incohérences apparaissent ainsi au fil d'un texte pourtant parfaitement traduit par.

Il est vrai qu'on ne peut pas multiplier les notes de bas de page, mais tout de même ... Voilà pourquoi, plutôt que d'analyser le roman (ce que des journalistes plus spécialisés que moi ont évidemment fait) j'ai choisi de poser un regard sur ce qu'il a de typiquement mexicain.

vendredi 20 septembre 2019

Willem Bastiaan Tholen, un impressionniste néerlandais à la Fondation Custodia

Relativement peu connu de nos jours par rapport à ses contemporains, Willem Bastiaan Tholen eu toutefois durant son vivant beaucoup de succès dans son propre pays, les Pays-Bas, comme à l'étranger, notamment en Grande-Bretagne et au Canada.

Il a beaucoup vendu de son vivant. Cette rétrospective, organisée avec le Dordrechts Museum, est l'occasion de découvrir le talent de Tholen dont les œuvres n'ont encore jamais été exposées en France où il n'est pas du tout connu.

Prolifique, Tholen s'essaya à des sujets très divers. Premier peintre à découvrir le village isolé de Giethoorn avec ses canaux et ponts à partir de 1880, il s'y rendit régulièrement, accompagné parfois de son maître Paul Joseph Constantin Gabriël (1828-1903), un peintre de l'école de La Haye. Plus tard, en 1901, il fait construire un bateau afin de sillonner les mers intérieures qu'il baptisa l'Eudia sur lequel il navigua jusqu'à la mort de sa première femme en 1918. Tholen peignit les bateaux du golfe du Zuiderzee ou encore les villes et les villages de pêcheurs aux alentours. 

Il a été d'abord influencé par l'Ecole de la Haye et les peintres de la génération précédente, comme eux le furent par l'Ecole de Barbizon et les Impressionnistes. L'artiste suivit néanmoins son propre chemin. On le découvre soucieux de rendre fidèlement la nature et la lumière tout en osant des compositions originales. Ses paysages et ses marines sont les plus célèbres mais le cadrage de ses intérieurs surprendra l'oeil du visiteur.

Le peintre était aussi graveur, aquarelleur et a fait de nombreux dessins. Une salle de la Fondation est consacrée à ses portraits et une autre est dédiée aux marines.

Il s'est remarié en mai 1919 avec une femme issue de la noblesse, qui l'introduisit dans les hautes sphères. Il fera entre autres le portrait de la reine.

Cette exposition présente pour la première fois ses oeuvres en France. Elle est exceptionnelle comme en témoignent quelques-uns des tableaux sur lequels je me suis attardée.

jeudi 19 septembre 2019

Ursula Burke expose A False Dawn (Un faux espoir) au Centre Culturel Irlandais

Je ne connaissais pas le Centre Culturel Irlandais qui se trouve derrière le Panthéon, ... au 5 rue des Irlandais … Sa programmation culturelle et le nombre impressionnants d’activités qu’il propose m'ont séduite.

Pour commencer je voudrais attirer votre attention sur l’exposition présentée en ce moment en accès libre et jusqu’au 27 octobre. 

Elle s’intitule A False Dawn (Un faux espoir) et présente les oeuvres d’une assez jeune artiste irlandaise, Ursula Burke, que j’ai eu la chance de rencontrer et qui dénonce les abus de pouvoir dans de nombreux domaines de la société occidentale et des systèmes politiques, à commencer bien entendu par son pays, l'Irlande.

Ursula Burke a conçu une exposition qu'elle a voulu immersive et qui combine de manière inédite le dessin, la broderie et la sculpture en porcelaine. Tout est présenté dans une seule immense pièce dont les murs ont été peints spécialement, avec sur trois cotés et de haut en bas des coulures de peinture.

On dirait la photocopie de la photocopie d’un original dont les couleurs se seraient fondues en une seule. C'est la sixième fois qu'elle réalise ce dispositif, initialement peint en noir et blanc, mais l’artiste a choisi cette fois le bleu de Prusse et le résultat est vraiment intéressant. Cette couleur évoque aussi bien un cataclysme de l’ordre de l’inondation qu’un désespoir qui aurait provoqué des flots de larmes.

Le principe du mural est plutôt "naturel" à l'artiste qui a l'habitude d'en voir partout en Irlande du Nord aussi bien à l'initiative des unionistes comme des opposants. Cette oeuvre-ci sera aussi temporaire que les précédentes.
La pièce majeure occupe le quatrième mur, qui est celui qui fait face à l’entrée. Elle y revisite la Villa Livia, une fresque romaine située au musée du Palazzo Massimo à Rome. C'était à l'origine une chambre semi-souterraine, probablement pour les banquets d'été grâce à sa fraîcheur, dans la Villa suburbaine de Livia Drusilla, épouse d'Auguste (près de la Prima Porta). L'oeuvre originale, datée des années 30-20 avant J.-C., révèle un jardin verdoyant, intemporel et exotique, et présente sous son meilleur jour une grande variété de plantes et d'oiseaux, dont pins, chênes, grenades, myrtes, lauriers roses, dattiers, arbousiers, lauriers, buis, cyprès, lierre et de nombreuses fleurs : coquelicots, chrysanthèmes, camomille ... Le résultat fait penser à des scènes de toiles de Jouy, en raison de son monochromisme, de la finesse des détails, et de l’univers bucolique et végétal. L'emploi de la bichromie apporte cependant une note dramatique. Le résultat demeure foisonnant mais la tristesse domine sur l’exubérance.

mercredi 18 septembre 2019

Pompiers de Jean-Benoît Patricot

Je ne savais pas que je pouvais ne pas vouloir.

Au départ, ce qu'on appelle un "fait divers" lu par Jean-Benoît Patricot dans un journal en 2001, puis oublié, repris des années plus tard, déjà monté au Théâtre du Balcon au festival d'Avignon en 2016.

Un pompier peu scrupuleux abuse de la faiblesse d’une jeune femme pour assouvir ses désirs. Il finit par la transformer en objet sexuel qu’il partage volontiers avec ses collègues. La jeune femme en parle à une assistante sociale qui, horrifiée, dénonce le crime. La pièce commence quand les deux protagonistes se trouvent face à face avant le jugement alors qu'ils ne devraient pas communiquer ensemble.

Au tout début il ne fait aucun doute qu'il a abusé honteusement d'elle. Il est haïssable. La magie de la direction d'acteurs est de faire en sorte qu'elle ne soit pas si faible qu'elle en a l'air, ou du moins que la confrontation lui permette -à elle- de comprendre ce qui s'est joué entre eux. Jusqu'à traduire plus fermement ce qui n'était qu'une défense (Je ne savais pas que je pouvais ne pas vouloir) en une véritable affirmation : je ne savais pas que je pouvais dire non.

Evidemment le texte prend une force supplémentaire depuis le mouvement #metoo et toutes les dénonciations de violence faites aux femmes. Il faut l'écouter attentivement. Car les personnages n'ont pas d'identité. Ce sont "un homme" et "une fille", autrement dit cela pourrait être n'importe qui, et cela fait peur. L'intention de l'auteur est de donner du poids aux mots. Par exemple quand il cherche à minimiser leur relation : Tu m’as donné du plaisir, elle réplique : Tu m’as donnée… C’est tout.

On pourrait multiplier ces moments où elle prend le dessus, intellectuellement, elle que l'on dit simplette. Parce que ses sentiments sont purs. Elle a tant besoin d'amour qu'elle pourrait faire n'importe quoi si elle pense qu'on va l'aimer.

Elle se souvient de toute leur histoire, numérotée jusqu'à 21. Et l'homme n'aura grâce de rien. Il pense parvenir à la faire fléchir mais à la fin le spectateur pourrait penser que l'inverse s'est produit.

Elle sait bien que pour être aimée il faut dire oui. Alors elle n'a pas osé (se) refuser. C'est pourtant en affirmant non que peut-être elle sera aimée. Mais avant cela il faudra qu'il ait mal pour ce qu'il a fait, nous sommes bien d'accord.

La mise en scène de Catherine Schaub est si simple qu'on ne la voit pas. Elle est au service du texte, de ce qui est dit et surtout de ce qui est suggéré. Est-ce que les mêmes mots ont le même sens pour chacun ? Est-ce dire oui que ne pas dire non ? C'est du très grand théâtre, servi par deux comédiens exceptionnels, Géraldine Martineau et Antoine Cholet. On sort de la salle extrêmement secoué.

Je rappellerai que Géraldine Martineau était déjà extraordinaire dans Dormir cent ans de Pauline Bureau (Molière du spectacle jeune public 2017) et que je l'ai énormément appréciée aussi cet été dans Déglutis ça ira mieux d’Andréa Bescond et Éric Metayer. On espère que la pièce sera jouée bientôt sur une scène parisienne. C'est encore elle qui avait signé la très sensible mise en scène de La Mort de Tintagiles de Maurice Maeterlinck à la Tempête en 2017.
Pompiers de Jean-Benoît Patricot
Mise en scène de Catherine Schaub
Avec Antoine Cholet et Géraldine Martineau
Scénographie : Florent Guyot
Lumières de Thierry Morin
Costumes de Julia Allègre
Du 10 septembre au 13 octobre 2019
Du mardi au dimanche à 18 h 30
Relâche les lundi, le 15 septembre et le 1er octobre
Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt - 75008 Paris

mardi 17 septembre 2019

L'affranchie de Pauline Moingeon Vallès

J'aurais voulu voir L'affranchie pendant le festival d'Avignon mais mes horaires de travail n'étaient pas compatibles avec celui du spectacle qui, hasard de la programmation, était à l'affiche à la rentrée au Théâtre de Nesle.

L’Affranchie est l’histoire vraie d’une renaissance, celle d'Alice Albert. A 4 ans, Alice perd sa mère. Elle est alors adoptée par une femme qui a aussi élevé Vincent, ce frère d’adoption avec qui Alice partage un amour fusionnel. A 13 ans, elle tombe enceinte. Elle qui depuis toujours écoute le monde de tout son corps va être internée par cette mère qui n’a jamais su appréhender les singularités d’Alice et qui craint maintenant les préjugés. Aujourd’hui, Alice à 36 ans. Elle recouvre sa liberté et donne rendez-vous à son fils, Nim, qu’elle n’a pas revu depuis leur séparation quand il avait un an. C’est dans l’attente de ce fils qu'Alice se livre à nous et nous offre la parole libératrice et lumineuse d'une femme qui s'éveille. Enfin.

C'est un monologue, mais Pauline Moingeon Vallès, qui en est aussi l'auteure, parvient à faire vivre tous les personnages. Quand elle dit qu'elle a commencé à écrire comme un grand courant d'air le spectateur s'interroge - et je crois qu'il a raison : est-ce l'auteure ou l'interprète qui s'adresse à lui ?

Comme elle est touchante de s'appliquer à suivre l'injonction du philosophe Alain : c'est un devoir envers les autres que d'être heureux. Comme le chemin fut long. On ne peut qu'être touché par l'hypersensibilité qui se dégage du texte et de son interprétation.

Les références aux entretiens cliniques s'enchainent et témoignent d'un passé ponctué d'épisodes difficiles à vivre, même s'il est vrai que la mélancolie c'est le bonheur d'être triste (Victor Hugo). 

La bande-son est choisie avec soin, entre l'Ave Maria interprété par Nana Mouskouri, Sound of Silence de Simon et Garkunkel et J't'Emmène Au Vent de Louise Attaque, le sujet de Pauline Moingeon-Vallès est bien éternel, et pas le moins du monde artificiel. Elle a écrit son texte à partir de témoignages et elle termine avec une chanson qui révèle un autre de ses talents.

Beaucoup d'autres spectacles traitent de la résilience. Celui-ci est particulièrement juste et émouvant. Saluons aussi la mise en scène de Elise Touchon-Ferreira.
Le spectacle a été créé par la Compagnie Z.U.T. (Zineb Urban Théâtre), codirigée par Pauline Moingeon Vallès et Élise Touchon Ferreira, et qui s’installe à Montreuil (93) en 2015. Elle prend alors une nouvelle orientation pour œuvrer en priorité auprès d’un public de quartier en proposant des ateliers artistiques, éducatifs et culturels. ZUT souhaite multiplier les liens avec des structures porteuses de projets autour de l'aide sociale à l'enfance, des structures artistiques qui souhaiteraient développer des ateliers d'écriture autour de sujets sensibles.
C'est peut-être un détail mais la comédienne avait réalisé des cookies à l'intention du public le soir d cela dernière représentation, témoignant de sa sensibilité. et de son sens du partage.

L'Affranchie
De et avec Pauline Moingeon Vallès
Mise en scène de Élise Touchon Ferreira
Le 6 et le 10 septembre 2019 à 19 heures
Au Festival 7.8.9 du Théâtre de Nesle
8 rue de Nesle - 75006 Paris

lundi 16 septembre 2019

La vie scolaire de Grand Corps Malade et Mehdi Idir

J'attendais beaucoup de La vie scolaire, parce que c'était le second film de Grand Corps Malade et de Mehdi Idir et que toute la presse avait crié au génie.

Egalement parce que j'avais vraiment apprécié Patients. Seulement voilà, je ne suis pas autant enthousiaste que je l'aurais voulu, (sans pour autant être déçue, loin de là). En toute logique parce que je connais le sujet de l'intérieur et cela fausse ma perception.

Il faut admettre que le duo, et particulièrement Mehdi Idir qui raconte ici son histoire, soit libre de nous livrer son ressenti sans chercher à être exhaustif sur une année de la vie d'un établissement scolaire de banlieue.

D'ailleurs il s'est permis, et je lui donne raison, de filmer une scène d'apprentissage de la flute alors que cet enseignement n'est plus au programme. Il en gardait un souvenir particulier qu'il voulait partager et c'est bien son droit.
Ceci étant les comédiens, professionnels ou non, sont tous formidables. On ne s'ennuie pas une seconde et l'ensemble est assez juste. Il y a beaucoup de messages directs et indirects à décrypter, ce qui fait que le résultat est riche.

Le titre est polysémique. Il faut avoir un enfant scolarisé dans le second degré ou être "du métier" pour savoir ce que ce terme désigne. La vie maternelle, la vie primaire, la vie universitaire n'existent pas... le travail effectué sous ce label de "vie scolaire" est assuré par les enseignants, ou n'est pas fait.

Pour résumer on peut dire que le ou la conseiller(e) principal(e) d’éducation (CPE) exerce des responsabilités éducatives dans un collège, un lycée ou un lycée professionnel. Il/elle organise le service et contrôle les activités des personnels chargés des tâches de surveillance (autrement dit les pions). Ils sont associés aux personnels enseignants pour assurer le suivi individuel des élèves et procéder à leur évaluation. En collaboration avec les personnels enseignants et d'orientation, ils contribuent à conseiller les élèves dans le choix de leur projet d'orientation.

Il/elle a pour mission d'assurer des relations de confiance avec les familles ou les représentants légaux des élèves, et de contribuer à la qualité du climat scolaire.  Le CPE est donc un interlocuteur privilégié pour les parents d'élèves (signalement des absences et des problèmes liés au comportement, élaboration du projet personnel de l'élève, suivi de la scolarité au sens large...). Il/elle participe à la définition des besoins en matière de gestion de flux d'élèves durant le temps hors classe, élabore la grille des postes permettant une surveillance optimale et conseille le chef d'établissement sur les questions relatives à la sécurité des élèves. Bref le/la CPE est en contact avec tout le monde, adultes et élèves, à l'intérieur comme à l'extérieur du collège. rien d'étonnant à ce que cette personne ait mille choses à faire au même moment.
C'est un poste-clé et il était malin de montrer le quotidien d'un collège depuis ce poste d'observation. La comédienne qui incarne Samia (Zita Hanrot) est remarquable.

Samia est une jeune CPE que l'on dit novice, débarquant de son Ardèche natale dans un collège réputé difficile de la ville de Saint-Denis. Elle y découvre les problèmes récurrents de discipline, la réalité sociale pesant sur le quartier, mais aussi l'incroyable vitalité et l'humour, tant des élèves que de son équipe de surveillants. La jeune femme s'adapte et prend bientôt plaisir à canaliser la fougue des plus perturbateurs. Sa situation personnelle compliquée la rapproche naturellement de Yanis, un ado qui semble renoncer à toute ambition en se cachant derrière son insolence. Elle a flairé son potentiel et va investir toute son énergie à le détourner d'un échec scolaire annoncé et tenter de l'amener à se projeter dans un avenir meilleur. Sa vie a elle changera aussi radicalement.

Si les missions de l’École restent identiques sur l'ensemble du territoire national pourtant la réalité du travail quotidien dépend beaucoup du contexte et de l'historique local, de la composition sociologique des publics accueillis, de la typologie de l'établissement, des moyens (ressources) dont il dispose, ainsi que de la politique et des priorités impulsées par le chef d'établissement.

En cela le choix de l'établissement par les réalisateurs n'est pas anodin. Et le rôle d'interface de la CPE est tout à fait mis en avant. Il m'a semblé que le scénario était très représentatif d'une certaine réalité qu'il faudrait plus de deux heures pour en montrer tous les aspects. 
La vie scolaire demeure un film et pas un documentaire de plus sur les banlieues. Quiconque a travaillé dans le milieu scolaire aura entendu cette petite phrase : individuellement, ils ne sont pas méchants. Le script a été construit de moments vécus ou observés, ou nourris d’anecdotes qui ont été racontées à l'équipe. Il y a un savant cocktail de général et de particulier, de drame et de comédie. C'est ce qui fait la réussite du film.

C'est très malin de commencer par une séquence de cacophonie où le spectateur met un moment à réaliser que les chahuteurs sont ... des enseignants. Le sujet de l'emploi du temps est effectivement une de leurs préoccupations majeures (plus que celui des élèves). Et bien entendu la question des limites, de la nature des sanctions. Quant à la remise des copies, on ne pouvait pas échapper au cliché classique. Par contre le bouchon est poussé très loin dans les scènes de sport.

Il y a plus grave, et le film ne fait pas l'impasse sur le coté social, ni sur la posture de l'échec. L'élève qui pense : et si je ne valais pas mieux que ça n'est pas rare, et cette réflexion soulève l'immense question de la motivation. Comment alors les aider à ne pas gaspiller leur vie ? La chanson de Stevie Wonder Pastime Paradise arrive à point nommé pour que le spectateur s'interroge.

dimanche 15 septembre 2019

Fourmi, un film de Julien Rappeneau

Après Hors normes je voudrais attirer votre attention sur un film qui s'inscrit aussi dans le thème de l’enfance du 18 ème Festival Paysages de Cinéastes de Châtenay-Malabry.

Cette fois c’est le jeune Théo qui endosse la cape de Zorro pour tirer son père, son club de foot, son copain et même l’assistante sociale vers le haut. Théo est petit, mais à l’instar de la fourmi il est solidaire et joue collectif.

François Damiens y est exceptionnel dans le rôle du papa et surtout ce gamin (Maleaume  Paquin) qui sait aussi bien faire l’acteur que jouer comme un grand du ballon rond. Il a la passion pour le football depuis l'âge de sept ans, ce qui lui permet d'avoir un jeu naturel. De plus le réalisateur savait que Maleaume avait déjà une belle expérience du cinéma puisqu'il venait d'interpréter le rôle-titre de Rémi sans famillele film réalisé par Antoine Blossier avec Daniel Auteuil.

André Dussolier campe un entraîneur qui se raccroche aux paroles de grands footballeurs, citant par exemple Pelé : celui qui pense que la victoire ne compte pas ne gagnera jamais rien.
Quelques personnages secondaires sont savoureux comme le niveau de l'entraineur qui n'est guère plus compétent en football qu'en pâtisserie.
Théo aimerait redonner de l’espoir à son père, Laurent, un grand gaillard solitaire et désabusé par la vie, que la séparation et le chômage ont fait basculer dans l'alcoolisme.
L’occasion se présente quand le garçon est sur le point d’être recruté par un grand club de foot anglais. Finalement non sélectionné car jugé trop petit, Fourmi n’a pas le cœur d’imposer une déception de plus à son père. Il se lance alors dans un mensonge qui va rapidement le dépasser… Il ne sera pas le seul à mentir ...

Ce film de Julien Rappeneau est la brillante démonstration que le mensonge peut être un emprunt fait au bonheur, surtout quand on n’en parle à "personne". Julien Rappeneau est un scénariste français. Il est le fils du réalisateur Jean-Paul Rappeneau, le neveu de la réalisatrice de télévision Élisabeth Rappeneau, et le frère du compositeur Martin Rappeneau.

Fourmi est encore à l’affiche du Rex comme du Sélect de la Ville d’Antony jusqu’au 17 septembre.

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