
Ce matin avait ainsi lieu la présentation de quelques ouvrages qui paraîtront à l’automne chez cet éditeur en compagnie de leurs auteurs … car les petits aussi ont droit à leur rentrée littéraire.
Comme le soulignait fort justement Louis Delas, Directeur Général de l'école des loisirs : si les turbulences du monde ont de graves conséquences, le besoin d’histoires des enfants est immuable car le livre leur offre un espace de grâce et de liberté inimitables.
C’est parce que les albums sont un genre pour lequel j’entretiens une passion depuis plus de trente ans que je commence par eux mais je parlerai d’autres ouvrages dans un prochain article.
Nous étions rassemblés au Solaris (25 rue Boyer 75020 Paris), une salle qui a retrouvé son atmosphère années 20 et dont je rappelle l’histoire en fin d’article.

Son obsession est de faire entrer les enfants dans les librairies et ne manque pas d’idées pour les pousser vers les livres. Elle n’a vu pas hésité à payer ses enfants pour qu’ils lisent quand ils avaient 7-8 ans et se félicite aujourd’hui de sa méthode.
Quel bonheur qu’elle ait accepté de repousser ses vacances pour être parmi nous et avec quelle finesse elle a répondu aux questions de Gaëlle Moreno (ci contre) la responsable de la promotion de la lecture chez cet éditeur avant de se soumettre à l’exercice du portrait composé par Maya Michalon, animatrice littéraire mais aussi éditrice à l’Ecole des loisirs.
C’était sans doute la meilleure personne pour le faire quand nous avons appris qu’elle connaît personnellement l’auteure depuis l’âge de 11 ans … première romancière qu'elle rencontra en chair et en chair comme elle le lui rappela avec tendresse.
C'est en chaussant des lunettes aux verres en forme de coeur qu'elle nous a tracé les grandes étapes et les moments les plus drôles du parcours de cette auteure majeure qui a publié plus de 160 livres, tous éditeurs confondus. Je vous renvoie au petit livret Mon écrivain préféré qui lui est consacré.
Ces lunettes sont tout à fait indissociables de Susie qui les a adoptées comme fétiche depuis l'âge de 13 ans, parce qu'en raison d'une très forte myopie il lui a fallu accepter de porter des lunettes qui ne soient pas tristes. On retrouve souvent ce motif du coeur sur les couvertures de ses romans. Elle pense que ça vient peut-être de la Saint-Valentin qui est une immense fête aux Etats-unis depuis l'école primaire, bien davantage que Noël. Tout y est en forme de coeur et dans sa maison Susie tout est en forme de coeur aussi.
Elle se souvient de son bonheur d'aller à l'école, une batte de baseball dans le cartable. A l'école on n'apprenait rien … mais dans la joie dit Maya avec l'accent. Susie confirme que si en France on quitte ses enfants en leur disant "Travaille bien" dans son pays c'est un tout autre discours : "Have fun" qui alimente une injonction au bonheur comme les Dix commandements. Sauf que Be happy a des effets néfastes au final.
Elle admet une gourmandise sans vraie limite, mais elle se justifie en soulignant qu'elle nourrit quelques-uns de ses livres.
Elle a déjà co-écrit avec ses filles et une petite-fille. Elle ambitionne un grand projet de roman avec son petit-fils Sacha qui pourrait s'intituler La retraite à treize ans … à condition que l'enfant arrête d'inventer de nouveaux personnages.
Je vous le conseille : écrivez avec vos enfants, votre mari. Vous entrerez dans leur tête (sous-entendu bien mieux qu'en tentant de leur soutirer des confidences).
Susie s’est enthousiasmée pour Audrey Poussier, autrice-illustratrice invitée pour son album à paraître le 20 août, Le jeu du plus qu’un jour dont elle a découvert l’objet-livre ce matin. Elle a souligné l’efficacité de la mise en scène de l’autrice pour inciter à tourner les pages (et à revenir en arrière) et qui apparaissait moins avec un fichier numérique. Elle a complimenté Audrey, la qualifiant de David Hockney de l’illustration.
Interviewée par Morgane Vasta, Audrey a confié que l’ouvrage a réclamé deux ans d’exploration et de recherche. Il est, à l’instar de Trois chatons dans la nuit, illustré à la peinture à l’huile … après avoir employé l’aquarelle et les encres pendant vingt ans. Le changement de médium a réduit le nombre de dessins préparatoires. Le point de départ du livre fut un imagier pour célébrer le plaisir de peindre des objets du quotidien porteurs d’une forte charge affective. C’est devenu un jeu semblable à celui auquel elle jouait avec le catalogue de la Redoute : tu dois choisir un seul article par page.
Le jeu du plus qu’un jour fait dialoguer deux enfants qui construisent les règles au fur et à mesure. Ils apprivoisent ainsi la disparition de la présence avec un côté vivant et joyeux qui contrebalance la tristesse de prochain départ.
Chaque illustration fonctionne comme une matière morte dans un musée mais qui aurait une âme. Susie nous a fait remarquer que dans son enfance (et dans la nôtre aussi si nous sommes peu ou prou de la même génération) on ne prenait pas des photos à tour de bras si bien que nos chambres défilent mentalement dans notre tête à la lecture de cet album. est comme l'a conseillé si justement la grand-mère de Gaëlle à sa petite fille, tes meilleures photos sont celles que tu as dans la tête.
On pourra transposer le principe dans une cabane, au marché, dans un magasin, à l’école. J’ai adoré cet album qui a restauré mes propres souvenirs d’enfance. Mes grands-parents n’avaient aps beaucoup d’argent et nous faisions du lèche-vitrines le dimanche, mon grand-père et moi, quand les boutiques étaient fermées. Nous ne dépensions rien mais nous revenions riches de tout ce qu’on avait retenu l’un pour l’autre dans chaque magasin. La règle était de se limiter à un objet, un seul … et le choix pouvait durer plusieurs minutes. Ce n’était même pas frustrant tant il est vrai que le rêve est un emprunt fait au bonheur.
Christelle Renault, nous fit ensuite la lecture (délicieuse) d'un album de Delphine Bournay, à paraitre le 10 septembre prochain. Le chaperon le loup et la dessinatrice joue sur la taille du personnage pour nous raconter cette histoire si célèbre en la ponctuant d'un dialogue impertinent dans lequel les personnages du conte deviennent insupportables en réclamant des gros plans ou encore un cadrage spécial. Evidemment la dessinatrice se révolte … et nous avons bien ri.
Melina Mokhtari, éditrice de la collection Loulou, nous a ensuite présenté un monument de tendresse, L'histoire de Petit loup de Sylvie Neeman, avec des illustrations de Plumapi, à paraître le 3 septembre dans lequel il y est question de l’écoute silencieuse et d’amour parental.
Ce soir, au moment de se coucher, Maman Loup ne prend pas de livre pour lire une histoire à Petit Loup mais raconte l'histoire d'un petit loup qui traverse un champs de blé, qui grignote quelques baies, qui a plongé dans une rivière avant de rentrer à la maison. Cette histoire plaît à Petit Loup parce que cela lui rappelle beaucoup la belle journée qu'il a passée (et qu'il ne voulait pas raconter, comme souvent avec les petits enfants au retour de l'école).
L'éditrice nous a rappelé les mots magnifiques d'Evelio Cabrejo-Parra : Le premier livre d’un enfant c’est le visage de sa mère. Quand on connait un peu le propos de ce psycholinguiste on sait que si le bébé est bon entendant, il s’accroche à la voix, à celle de ceux qui l’entourent et combien les récits créent un espace psychique. D'où l'impérieuse nécessiter de parler aux bébés et de ne pas attendre qu'ils vieillissent pour leur lire des histoires.
C’est ensuite Olivier Tallec que Morgane Vasta passa à la question pour En attendant les barbares. Une sorte d’album que je perçois comme beckettien mais adapté aux enfants dont … nous attendrons la parution le 17 septembre.
Il avait envoyé à la médiatrice des planches préparatoires qu'il a commentées et qui nous fait entrer de plein fouet dans son univers et son travail, ce qui rend passionnantes des matinées comme celle-ci.
L'auteur s'est inspiré du poète grec Constantin Cavafy qui publia En attendant les barbares dans un livre de Poèmes publié dans la collection Poésie/Gallimard (1978). Il permet de travailler sur le thème de la guerre sans en parler directement et de jouer la peur, l'attente, à l'occasion de chacun des épisodes de la vie quotidienne. Jusqu'à la phrase finale : Mais alors, qu'allons-nous devenir sans les Barbares ?
Avec Olivier (dont le papa était militaire) les enfants sont autant lecteurs que personnages … et invités à jouer … ou à imaginer un grand pique-nique.
Décalage, ironie et humour sont encore présents dans le dernier album dont je vais parler ici Johnny Fêtard de Colas Gutman, illustré par Magali Le Huche (et dont une image ouvrait cet article), qui sortira le 29 septembre. Voilà un livre dont Susie aurait aimé avoir eu elle-même l'idée.
C'est Maya Michalon qui interviewa Colas; il nous rappela avoir fait Ave cla même illustratrice Les sales gosses il y a trois ans. On sait combien cet auteur est attaché aux anti-héros. Il se trouve, et ce n'est pas le seul enfant, qu'il aimait pas qu'on fête ses anniversaires. Il pointe d'ailleurs la surenchère parentale pour faire de ce jour un moment extraordinaire, répondant à leur manière à la contrainte américaine Be happy dont il était question plus haut.
Alors, tout naturellement il a créé un même (très attachant) qui prend le contrepied de ce qu'on dit et fait. L'illustratrice est parvenue très habilement à entrer dans la danse et amené l'auteur à modifier le texte afin d'éviter qu'il ne se trouve en position d'hyperbole avec ses illustrations.
Je rappelle que l’Ecole des loisirs va disposer sous peu de non pas une mais deux Maison des histoires (je décris la première ici) qui ouvrira le 9 juillet prochain au 9 cité de la Roquette. Les enfants pourront par exemple enfiler une cape de Superlapin et rejoindre Simon, Gaspard et leurs copains pour sauver le monde des attaques du terrible Professeur Wolf dans un jeu de balles ébouriffant qui culminera à 5 mètres de hauteur. Les plus petits pourront aussi s’amuser avec des balles magnétiques, des jeux de disparition ou d’équilibre dans l’air. Le décor (dont j’ai vu une maquette) sera psychédélique, et il y aura des déguisements et des défis pour tous les âges… dans l’univers culte de chaque auteur, revisité en version immersive.
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A propos du Solaris où se déroulait la matinée …
Abandonnée pendant près de 20 ans, cette ancienne majestueuse salle de spectacle des années 20, attenante à La Bellevilloise, a finalement pu être restaurée.
Le bâtiment a été construit en 1927 pour servir d'extension de la Maison du Peuple de la coopérative ouvrière de La Bellevilloise. Des installations frigorifiques étaient installées dans les sous-sols. Le rez-de-chaussée abritait un garage pour la remise et l’entretien des véhicules de la coopérative. Des bureaux et une bibliothèque occupaient le premier étage.
Enfin, la Salle Lénine – d’une capacité de 500 places – accueillait au dernier étage des soirées musicales (autour des œuvres de Satie, Ravel, Debussy…) et des projections de films soviétiques (comme Le Cuirassé Potemkine …). L'endroit es devenu un cinéma public, le Bellevillois, au début des années 30, puis fut repris jusqu'en 1956 par des exploitants indépendants sous le nom "Les étoiles" puis le "Stella". Il fut ensuite utilisé comme cantine d’entreprise, avant d’être l'école de théâtre de Niels Arestrup… et de tomber dans l’oubli pendant près de 20 ans.
Par chance un homme est tombé amoureux de l’endroit en 2010 et a fini, après des années de négociation, à pouvoir le rénover et le rouvrir en mars 2023. Depuis, Julien Courtois fait revivre cet héritage artistique où j’ai eu l’occasion de venir récemment pour des évènements culinaires (c’est là que se sont déroulées les épreuves du Prix Plaisir) ou littéraires comme la présentation de la prochaine rentrée littéraire de l’Ecole des loisirs.
Le Solaris est aujourd’hui un espace de 380 m2 situé au deuxième étage du batiment et qui se compose d’une entrée avec bar, d’une salle principale d’une capacité de 200 places avec une scène et de larges baies vitrées (occultables), d’un balcon aux rambardes de fer forgé, d’une terrasse, d’une loge et d’une cuisine. Il se loue pour des tournages, réceptions et événements.
Le Solaris - 25 Rue Boyer, 75020 Paris - 01 46 36 05 06
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