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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

samedi 26 décembre 2020

Orléans de Yann Moix

Orléans a fait polémique. On ne s'en étonnera pas. Tout ce que publie ou dit Yann Moix est provocation.

J'avais beaucoup aimé, mais c'était il y a bien longtemps, en 2002, la biographie qu'il avait faite de Claude François. Il me semble que c'est la raison qui me pousse régulièrement à tenter de lire un autre de ses ouvrages.

Connaissant bien cette ville, où j'ai moi-même passé une partie de mon adolescence et mes premières années de jeune adulte, j'ai eu envie de me faire ma propre opinion. J'espérais probablement aussi retrouver quels souvenirs à la faveur de la description d'un quartier.

Sur ce point, j'aurais mieux fait de re-visionner le film d'Anne Le Ny, On a failli être amies, qu'elle a tourné dans la ville johannique.

Pour tout dire je ne courais pas un grand risque puisque je m'apprêtais à l'emprunter en bibliothèque. J'ai malgré tout par acquis de conscience lu un paragraphe au hasard, puis un autre ailleurs, et encore un troisième quelques pages plus loin. Ce livre m'est, comme on dit, tombé des mains.

Le style est tellement travaillé qu'il ne laisse aucune place à l'émotion alors que c'est sans nul doute ce que l'auteur a cherché à diffuser, et qui pour moi est rédhibitoire à susciter la moindre empathie. Je vous donne un exemple : La gifle, comme son avatar lexical, était maritime et aérienne ; il y entrait un je en sais quoi de voltige salée.
L'éditeur, quant à lui, ne minore pas la louange, et c'est son rôle : Qui a lu l’œuvre publiée de Yann Moix sait déjà qu’il est prisonnier d’un passé qu’il vénère alors qu’il y fut lacéré, humilité, fracassé. Mais ce cauchemar intime de l’enfance ne faisait l’objet que d’allusions fugaces ou était traité sur un mode burlesque alors qu’il constitue ici le cœur du roman et qu’il est restitué dans toute sa nudité.
Pour la première fois, l’auteur raconte l’obscurité ininterrompue de l’enfance,  en deux grandes parties (dedans/dehors) où les mêmes années sont revisitées en autant de brefs chapitres (scandés par les changements de classe, de la maternelle à la classe de mathématiques spéciales).
Dedans  : entre les murs de la maison familiale.
Dehors  : l’école, les amis, les amours.
Roman de l’enfance qui raconte le cosmos inhabitable où l’auteur a habité, où il habite encore, et qui l’habitera jusqu’à sa mort, car d’Orléans, capitale de ses plaies, il ne pourra jamais s’échapper.
Un texte habité, d’une poésie et d’une beauté rares, où chaque paysage, chaque odeur, chaque mot,   semble avoir été fixé par des capteurs de sensibilité saturés de malheur, dans ce présentéisme des enfants martyrs. Aucun pathos ici, aucune plainte, mais une profonde et puissante mélancolie qui est le chant des grands traumatisés.
Je suis repartie avec un autre témoignage, celui que Vanessa Springora nous offre dans Le consentement. Je vous dirai bientôt mon ressenti mais il sera sans nul doute bien plus positif. Son écriture est juste magnifique de pureté. Je sais déjà que je vais énormément l'apprécier.

Orléans de Yann Moix, Grasset, en librairie depuis le 21 août 2019

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