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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

samedi 29 novembre 2014

Quelques règles pour choisir et déguster un champagne

J'ai profité du Salon du blog culinaire pour assister à une master-class sur le champagne dont l’objectif était de faire connaitre la diversité des champagnes.

Geoffrey Orban a commencé par rappeler que la région productrice s’étend sur une zone de 300 km sur 170 comprenant 5 départements, comptant presque 2000 récoltants manipulateurs et 319 crus. On imagine combien les différences de terroirs peuvent produire des vins très différents.

En une heure trente nous n'avons d'ailleurs abordé que les Blancs de Noirs, un vin blanc produit avec du raisin noir. Le terme opposé est le Blanc de blancs : un vin blanc produit avec du raisin blanc. 

En champagne, on utilise alors le pinot noir, le pinot meunier ou les deux en assemblage.

La Champagne se situe à 49 degrés de latitude Nord, donc dans une zone assez fraiche tout au long de l’année, ce qui donnera aux vins un coté élancé en fin de bouche.

Si ce sont des paysans qui font le champagne il faut comprendre que ce sont en fait de "petits jardiniers". En effet il existe 279 917 parcelles et une propriété est composée en moyenne de 12 à 25.

42% des vignes ont plus de trente ans. On peut estimer que ce sont de vieux ceps, qui donneront par contre davantage de précision sur les vins. La région bénéficie d’une influence océanique, qui promettra de belles récoltes, et d’une influence continentale, qui conditionnera des maturations lentes et précises en septembre, surtout s’il fait beau. 

En Champagne, tout est régi par le temps.

vendredi 28 novembre 2014

Part-Time Friends, des chanteurs à plein temps à découvrir urgemment

Vous ne connaissez pas le duo des Part-Time Friends ? Rassurez-vous c'est quasi normal. Sauf si vous habitez dans le XI° arrondissement. Parce qu'ils ont tout de même joué une dizaine de fois au Pop in (105, rue Amelot, 75011 Paris, 01 48 05 56 11), un de ces lieux branchés de la capitale où on peut faire des découvertes.

Ne prétendez pas les avoir vus tout seuls en concert. Ça ne leur est pas encore arrivé. Ce sera au Théâtre des étoiles le 12 Mars 2015. Ce sera leur "premier juste à eux concert" à nous. Ils sont corses, mais ils chantent en anglais. Alors, forcément les spécialistes font des allusions à une vague new-yorkaise folk pop.

Je trouve qu'ils ont l'âme rock. Ils l'affichent sur leurs bras, elle sur le droit, lui sur le gauche ... un croquis de l'Alaska que Pauline et Florent se sont fait tatouer ensemble pour scinder leur amitié à la vie à la mort… au moment de la sortie de leur vinyle "There are No Penguins in Alaska", le 20 Avril  2013 à l’occasion du Disquaire Day. Vous pourrez le trouver chez leur disquaire préféré, Ground Zero au 23, Rue Sainte-Marthe, 75010 Paris, 01 40 03 83 08.

Ces gens du Sud ne perdent pas le Nord. Ils ont l'enthousiasme communicatif. Il faut lire leurs posts sur Facebook, trop joyeux d'être les invités de Pascale Clark sur France Inter jeudi 27 novembre (hier !) de 21h à 23h dans l'émission A'Live, et d'y chanter bien sûr en direct comme le veut la règle de l'émission.

Ils ont signé sur Un Plan Simple, le label de l'ex chanteur de The Servant et leur EP Art Counter sortira le 1er Décembre 2014. Ils ont bien raison d'être hyper fiers d'être salués dans Les Inrockuptibles. Je me doute que ce billet ne les fera pas autant sauter de joie mais il leur fera sûrement plaisir parce que ce qu'ils visent c'est surtout la reconnaissance d'un public toujours plus large et surtout pas limité aux bobos. Avec 10 000 vues en une semaine pour le clip Art Counter ils commencent à être rassurés même s'ils ont du mal à rester sur terre tellement ils en sont heureux.

Je vous le fais écouter sinon vous allez imaginer que j'exagère :



Ils ont tourné sur la plage de Saint-Florent (en Corse !!!!), en live acoustique, ce Road Clip qui leur correspond : C’est pas joué, y’a pas d’artifices, ce n’est pas filmé avec des grosses caméras de cinéma. Juste par Théo Gosselin et Lucas Hauchard, deux types trop cools qui ont accepté de partir avec nous dans un endroit pleins de souvenirs, dans un endroit qui compte, en van des années 80 loué à un type qui en retape à Patrimonio.

Selon Pauline, il n’y a pas d’endroit plus beau et c’est un endroit qui nous tient à cœur à tous les deux. Comme je l'ai écrit plus haut, ils sont tous deux originaires de l’île de Beauté. Pauline vient de Saint-Florent, et Florent de Moriani. Par contre ils n’y ont jamais vécu. 

Cette fragile chanson d’amour transatlantique raconte les liens entre un garçon et une fille qui se retrouvent dans le même bar tous les ans. Le clip est conçu comme un carnet de voyages. Je vous en détache une feuille avec les paroles que vous venez d'entendre.
Théo Gosselin a aussi shooté la pochette sur cette même plage. J'ai eu l'album entre les mains. Il procure un plaisir régressif. D'abord parce que le CD ressemble à s'y méprendre à un de ces bons vieux microsillons qui ont accompagné les années 70 et qu'on peut dénicher chez Ground Zero.

Ensuite parce qu'il est furieusement bien équilibré. Entre Art Counter où la voix pure de Pauline s'accorde à merveille avec les accords de guitare de Florent, Home, Johnny Johnny et Keep on walking notre oreille est joliment chatouillée. C'est nouveau et familier à la fois. Quand je vous dis qu'il y a quelque chose des années 70 chez eux ...

Ce ne sont pas leurs tenues vestimentaires qui vont démentir cette impression. Chinées chez Hippy Market (21, rue du Temple, 75004 Paris, 09 62 24 69 09), par Pauline pour être stylée sur scène. Elle y achète tous ses pulls d’antan et est ravie d'y dénicher parfois une ou deux bonnes chemises bien vintage de papy qu'elle offre à Florent.

Ce qu'il faut surtout savoir des Part-Time Friends, c'est que ce sont Florent Biolchini et Pauline Lopez de Ayora.  Amis à temps partiel peut-être, mais chanteurs à plein temps désormais.

Autodidactes complets, ils ont un rapport intuitif aux harmonies comme à la langue de Shakespeare : la pratique de l'anglais coule de source. "Nos influences sont toutes anglophones" explique Florent. 

"Nos textes parlent d'amour, de blessures, de nos espoirs, de nos peurs... tous ces sujets profonds qui comptent, et qu'on essaie d'exprimer avec des mots simples – à commencer par notre amitié, très forte, mais aussi parfois conflictuelle." Cela justifie bien leur nom de scène. "On s'appelle pas les Part-Time Friends pour rien. Avec Florent, on s'engueule mille fois par an".

Leurs chansons fonctionnent selon leur propre analyse comme des petits pansements à l'âme

Dans le respect d'une tradition british en diable, l'EP a été enregistré au Pays de Galles, à Monmouth dans le célèbre studio Monnow Valley. Cette ville compte désormais aussi le tout jeune producteur Tom Manning, aux manettes de cet EP : avec lui, l'entente a été aussi fructueuse qu'immédiate. Ils ont en outre profité des arrangements de Ben Christophers (lequel, au-delà de ses propres albums solo, a permis à Bat for Lashes d'atteindre le succès que l'on sait).

Autour de ce noyau dur, le bassiste britannique Will Taylor et l'ami de longue date et multi-instrumentiste Clément Doumic (Feu ! Chatterton). Tour à tour aérienne, acoustique et abrasive, ou immédiate et sans contrainte, la musique de Part-Time Friends met en lumière un groupe riche de nombreuses facettes et que l'on va beaucoup entendre.
Cet EP "Art Counter" est en pré-commande sur : https://itunes.apple.com/fr/album/art-counter-ep/id931857384

Il sera téléchargeable en intégralité le 1er décembre mais la pré-commande vous permet d'avoir automatiquement notre single.

facebook.com/theparttimefriends
La photo des Part-Time friends est de Théo Gosselin

jeudi 27 novembre 2014

Retour à la Taverne de Ménil

J'y étais allée déjeuner en septembre. Je suis revenue dîner dans cette Taverne du Ménil qui est toujours aussi chaleureuse avec une cuisine aussi délicieuse.

Mais cette fois je me suis attardée à discuter avec les propriétaires.

Deux frères avec leur papa en cuisine.

Une clientèle fidèle d'habitués apprécie l'endroit. Les portions sont généreuses et il est si rare de trouver une vraie cuisine familiale qu'il faut rendre hommage à l'équipe.

En entrée on peut considérer l'assortiment de mezze comme susceptible de rassasier deux personnes. Voici cette fois la version "froide". On remarque l'influence de la cuisine grecque, des feuilles de vigne farcies, selon la recette de la grand-mère. Il y a aussi du caviar d'aubergines, des tomates et oignons, du tarama, du taboulé libanais très riche en herbes, du yaourt.
Il existe son pendant "chaud" avec le Börek, un feuilleté au fromage, le Mücver, beignet de courgette sauce yaourt, le Kanat, manchon de poulet mariné, le Mitit köfte, boulette de boeuf aux herbes.

En plat le choix est large.

Appelé Elinazik, le gigot d'agneau, purée d'aubergine, yaourt à l'ail est fondant à souhait. Une assiette de légumes accompagne tous les plats avec des frites, un dôme de boulgour, de la sauce tomate et des crudités. Le plat a été créé par le cuisinier qui officiait dans le restaurant que la famille possédait alors rue de Paradis en 1988. C'est lui qui l'a appelé ainsi. Il est donc vain de chercher la recette ... elle n'a jamais été publiée.
Incik, c'est une souris d'agneau, aubergines sauce poivron rouge.
Il y a aussi le Hozat, une viande de boeuf haché, sauce poivrons rouges farcie au fromage. La recette est dite "kurde de Turquie" par Adrien (à gauche sur la photo)
En dessert (si vous avez encore faim) le riz au lait à la cannelle est encore une spécialité de la maison.

Kurde, turque, grecque, libanaise, toutes les cuisines ont été revisitées. Les vins sont locaux, parfois surprenants, mais en parfait accord avec les plats. Quoiqu'on prenne, vin ou bière (avec modération) et quoiqu'on choisisse au menu on a l'assurance de manger frais et savoureux. L'été la terrasse est très agréable. En cas de mauvais temps l'ambiance est aussi sympathique en salle.
Pour prolonger l'ambiance lisez le livre de Corine Jamar, On dirait dit une femme couchée sur le dos.

La Taverne de Ménil
100, boulevard de Ménilmontant, 75020 Paris
01 43 66 25 39
Il n'existe pas de site dédié mais une page Facebook
Formule déjeuner en semaine : entrée/plat ou plat/dessert pour 11 euros.

mercredi 26 novembre 2014

Conversation féministe à l'Espace Culturel Vuitton

L'Espace culturel Vuitton organise régulièrement des conversations pour apporter un regard complémentaire aux expositions. Aujourd'hui la rencontre se fait en contrepoint de l'exposition In-Situ dont j'ai rendu compte en septembre, entre Mimi Bastille, artiste, membre fondatrice du collectif "Les Répondeuses", Marie-Laure Susini, psychiatre, auteur de La Mutante (Albin Michel, 2014) et Annabelle Gugnon, critique d'art.

La critique d'art (à gauche sur la photo) a commencé en préambule en lisant un article de journal à propos des combattantes kurdes luttant à Kobane. Ce journal disait en substance que la lutte féministe était loin d’être gagnée et que leur guerre se situait avant tout sur le terrain des idées.

Simone Veil avait prévenue il y a quarante ans : Il y aura des reculs, attendez-vous y.

Mimi Bastille a commencé avec les Répondeuses dans les années 70. Elle ne s’attendait pas à ce que ce mouvement fasse l’objet d’une œuvre d’Andrea Bowers. C’est une de ses amies qui l’alerta en lui annonçant la nouvelle. J’ai rappliqué avec joie, nous confie-t-elle avec un humour que nous allons apprendre à apprécier.

Les dates-clés des mouvements féministes

En 1970 (le 26 août) une douzaine de militantes anonymes déposent une gerbe sous l’Arc de Triomphe, à la gloire de la Femme du soldat inconnu. Sur leurs banderoles, il est écrit : Il y a plus inconnu que le soldat inconnu : sa femme. Elles sont aussitôt arrêtées par la police, mais dès le lendemain la presse annonce "la naissance du MLF". Le nom a été déposé comme marque commerciale par la Librairie des Femmes.

En 1971 le "manifeste des 343 salopes" qui ont le courage de dire "Je me suis fait avorter". Toutes ne l'avaient pas fait. Beaucoup ont signé par solidarité.

En 1972 c'est le procès de Bobigny.

En 1974 le Président Giscard d'Estaing demande à Simone Veil de présenter la loi sur l'avortement;

En 1975 démarre le mouvement des prostituées.

En 1976 à la Mutualité le meeting pour obtenir la criminalisation du viol qui n'est alors qu'un délit.

Face à la difficulté d'informer un groupe de femmes décide de "faire un répondeur". c'était une idée très neuve à ce moment là. On venait relever es messages. On les notait sur des petits cahiers. Il a fallu financer le répondeur de manière professionnelle. On a créé le groupe des Babouches qui nous faisait vivre à mi-temps. Et on faisait une fête tous les ans à Wagram avec une affiche comme celle qu'Andrea Bowers a reprise.

Carole Roussopoulos fut la première à filmer, avec une caméra video (là encore c'était pionnier), ce qui a permis de conserver un historique extraordinaire au Centre Simone de Beauvoir. Un de se premiers films s'intitulait : où est-ce qu'on se mai ? signifiant bien que les femmes avaient en quelque sorte été oubliées en mai 68. Et pourtant le mouvement féminise prend racine dans les années 1889, à l'initiative de manifestations de femmes. Cela n'empêche qu'Olympe de Gouges a été guillotinée.

On se libérait de la chape de plomb d'un destin obligatoire. C'était toujours amusant, avec des slogans drôles, dans un fort brassage social, à l'inverse d'autres mouvements révolutionnaires. Puis les Répondeuses se sont un peu effilochées comme d'autres dispositifs.

Si les femmes sont souvent en avant-garde les hommes parviennent à reprendre le dessus. Mimi Bastille s'exprime avec le sourire et une forte bonne humeur mais elle a conscience de choquer sans doute Marie-Laure Susini : elle a toutes les raisons de me foudroyer du regard. Nous n'avons pas le même parcours.

La génération de femmes ayant commencé à bénéficier de la contraception a eu la possibilité de travailler. Elles ne se sont plus identifiées à leurs mères et ont demandé l'égalité professionnelle. C'est en pensant à elles qu'elle a écrit la Mutante.

Quand elle terminait ses études Marie-Laure Susini avait remarqué que la psychiatrie n'attirait pas les hommes. Les concours de médecine étant anonymes elle a pu diriger des services. On cherchait alors à sortir de l'exclusions les malades mentaux, les psychotiques criminels. Elle a beaucoup d'intérêt pour les phénomènes de société.

Devenir sujet de sa vie

Tel était l'objectif des femmes selon Mimi Bastille alors que la femme de la Mutante est un objet de la science. la contraception et la loi autorisant l'avortement ont représenté d'énormes progrès; Aujourd'hui il faut reconfirmer la loi. Du coup le choix de la date de cette conversation est peut-être un hasard total dit Annabelle  mais un hasard éclairé.

mais il est hors de question de restreindre la femme à son rôle de mère. Il ne faut pas oublier qu'une femme meurt tous les 2,5 jours du fait de violences conjugales. Et c'est sans compter les violences sociales, le chômage, qui touche plus les femmes que les hommes. Tout cela fait dire à Mimi qu'on avait sans doute des mères qui rêvaient de devenir ce qu'on était en train de faire. Les jeunes ne se rendent pas compte mais la femme n'a eu le droit d'ouvrir un compte bancaire personnel qu'en 1962.

Etre féministe n'est pas synonyme de harpie

Elle souligne qu'il n'y a pas d'héroïsme rétrospectif à avoir mais une joie toujours forte à en parler. La presse a posé un regard déformant sur le mouvement. Les féministes ont été soupçonnées d'être des sorcières alors que les femmes pourraient leur dire "merci".

Que les jeunes oublient tout cela et on pourrait croire que le statut de la femme soit devenu "normal". Pourtant non. Beaucoup de choses sont étouffées comme les viols dans les collèges.

Elle reconnait que le mouvement comptait beaucoup de divorcées, surtout pas que des homosexuelles contrairement à ce qu'on peut supposer. De plus les homos de l'époque n'avaient pas le coté queer que l'on voit aujourd'hui.

Pourquoi les femmes d'aujourd'hui sont-elles différentes ?

Marie-Laure Susini a étudié la question au travers de trois destins de femmes ayant laissé une oeuvre au temps du patriarcat, réussissant à se faire un nom, arrivant à concilier une ambition professionnelle avec une véritable vie d'amoureuse.

Ce fut le cas de George Sand. Elle se vivait au masculin, choisissant des hommes qui ne pouvaient pas contester son autorité. Ils étaient plus jeunes, ou malades ...

Gabrielle Chanel a incarné l'image de la femme émancipée par la guerre, quittant le corset. Elle a obtenu de son protecteur, Boy Capel, de mettre des fonds dans son entreprise plutôt que de l'entretenir.

Margaret Mitchell appartenait à la meilleure société d'Atlanta. Elle est expulsée de son monde lors d'un bal de charité en 1920 parce qu'elle a dansé une danse apache de cabaret. Elle vivra la passion, sera une femme battue, se mariera. Elle témoigne de la possibilité de se tenir à distance du fantasme de soumission pour en faire une oeuvre, Autant en emporte le vent.

La réussite arrive au prix d'un grand courage, d'insoumission, de rébellion. N'empêche que Mimi Bastille souligne que Marie Curie a reçu deux fois le Prix Nobel mais n'a jamais eu le droit de vote de sa vie. Son aventure avec Paul Langevin a fait scandale.

Une scission autour de la PMA

La Procréation Médicalement Assistée est dénoncée par les féministes. La Gestation Pour Autrui encore plus. Vendre le corps de femmes les scandalise. L'institution du mariage ne leur convient pas. Elles auraient préféré ne pas revendiquer le mariage pour tous.

Pour Marie-Laure Susini il convient de dissocier la procréation de la sexualité. Un enfant nait de la volonté de la mère. Cette autorité est considérable. Toute la société est en train de changer à ce propos.

Lisbeth Salander, l'héroïne de Millenium, est une guerrière. Les jeunes s'habillent comme elle, s'identifiant à un personnage qui n'a plus besoin des hommes.

Elles portent les mêmes jeans que les garçons, apprennent le tir à l'arc et plus la danse ou le piano.

A 35-36 ans elles deviennent des mères qui travaillent. Aux yeux de la psychiatre l'idéal est Marissa Mayer, la PDG de Yahoo qui pose enceinte, prête à accoucher. Elle met en avant son bébé sans montrer le père dans les bureaux de son entreprise. On peut quand même se demander si les femmes ne feraient pas davantage couple avec leur enfant qu'avec leur mari. Ce sont des Vierges à l'Enfant Jésus.

Mimi Bastille est manifestement sur une longueur d'onde différente. En 68 le mouvement féministe demandait des crèches et remettait en question la position des hommes, eux aussi prisonniers, mais d'une image de virilité. On est loin de l'image du matriarcat qui concerne les milieux très favorisés.

Déjà en 1970 elles étaient contre l'excision, se faisaient agresser à cause de leur position mais c'était avant la recrudescence des religions.

Faut-il une famille et des enfants pour être une femme épanouie ?

La psychiatre contourne la question en affirmant qu'on n'a pas à cacher son enfant. Mimi Bastille  souligne combien la planète est trop peuplée et s'érige contre ce modèle semblant dire : rassurez-nous, elle a quand même des enfants.

On ne luttait pas "contre" les hommes mais "pour" les femmes

Les hommes ont tout à gagner à avoir des compagnes libres. Elle regrette qu'on ait toujours besoin de dire qu'il y a un homme dans le coup. 

La psychiatre convient qu'il faut rester vigilante sur le retour de la religion qui va donner bien du travail aux féministes. La contraception et le droit à l'IVG ne sont pas forcément des acquis définitifs. Les religions régulent les interdits et les féministes ont encore (hélas) de beaux jours devant elles. Elle pense que le jour où les hommes disposeront de la contraception il y aura un rééquilibre.

Mimi Bastille s'inscrit en contre. Quand on a trouvé la pilule pour hommes on a focalisé sur les effets secondaires. Comme si la pilule n'avait pas d'effets secondaires pour les femmes ! il faut tout de même savoir que les hommes disposent d'un arsenal mais peu acceptent d'être opérés. Alors que les femmes oui.

La psychiatre est surprise que les jeunes femmes ne traitent plus les hommes comme leurs ainées. elles ont beaucoup d'exigence vis à vis d'elles-mêmes et de leurs partenaires. Il est difficile de les détacher de ces représentations idéales qui circulent sur les réseaux sociaux autour de l'amant exceptionnel, le working dad, gentil aussi ...

A coté de cette image idyllique Mimi Bastille souligne l'existence des tournantes dans les collèges, du machisme, de la permanence de comportements archaïques. On vit dans un monde très contrasté. On ne dit jamais d'un homme qu'il est autoritaire ... mais d'une femme ...

Une juriste intervient pour livrer une statistique. Certes le travail ménager masculin a augmenté mais il n'est que de 10minutes par jour en moyenne.

On observe la répétition des schémas de 10 ans en 10 ans. La femme n'est pas très forte en ce qui concerne le droit pour les femmes.

Un contexte européen favorable

Les associations de femmes allemandes n'ont rien obtenu. Elles s'arrêtent au premier enfant. Elles aimeraient s'appuyer sur l'expérience française. les acquis sont fragiles pourtant. Mimi Bastille voit une faille dans les nouveaux horaires des écoles. C'est une façon très subtile de ramener les femmes à la maison.
L'exposition In Situ se poursuit. Je suis retournée dans le Salon de Médiation pour constater qu'un nouveau collage était proposé aux visiteurs, toujours invités à ajouter un morceau de tissu pour faire avancer l'oeuvre collective.

Espace culturel Louis Vuitton, 60 rue de Bassano, 75008 Paris, 01 53 57 52 03
Site internet: http://www.louisvuitton-espaceculturel.com/
Ouvert du lundi au samedi, de 12h à 19h Le dimanche, de 11h à 19h
Accès libre

mardi 25 novembre 2014

Connaissez-vous la bière de Noël ?

On connait la bière de printemps, peut-être parce qu'elle est présentée au mois de mars au Salon de l'Agriculture, qui est une bière de fermentation haute ambrée et peu alcoolisée (4, 5 à 5, 5°). Mais la bière dite de Noël dont on commence à parler de plus en plus n'est pas une nouveauté.

On brassait autrefois les bières au rythme des récoltes. Afin d'écluser leur reste de matières premières pour pouvoir accueillir la nouvelle récolte, les brasseries du nord de l'Europe utilisaient toutes les réserves d'orge et de houblon restant dans les greniers pour confectionner en octobre (elle était au Moyne-âge appelée bière d'octobre) une bière destinée à être consommée à la fin de l'année.

C'était une bière de type ale, forte et dense, puisque riche en matières premières. Elle était traditionnellement offerte aux employés et aux bons clients en guise d'étrennes. Les contraintes de conservation et de transport ont aujourd'hui disparu, mais cette tradition a donné lieu au commerce d'une bière de saison disponible uniquement pendant le mois de décembre. On l'appelle bière de Noël et j'ai eu l'occasion de goûter l'Affligem Christmas.

Sa palette aromatique est forte au nez, avec des notes d'épices, de miel et de fruits secs qui s'accordent parfaitement avec l'esprit festif. Sa robe est translucide avec des reflets de caramel roux. Elle est ronde et généreuse. Son amertume est marquée mais elle n'est pas dérangeante parce qu'elle génère une sensation de fraîcheur. C'est une bière brune titrant 6, 7° d'alcool. A consommer donc avec modération.

Les gourmands pourront l'associer avec originalité avec quelques chocolat ou des marrons glacés. L'accompagnement sera différent en fonction du moment de la journée. Pour ma part, je l'ai appréciée avec un sandwhich épicé : un pain aux céréales, des lamelles d'un fromage au wasabi du Moulin des délices, de fines tranches de betterave Crapaudine, une chiffonnade de jambon, une poignée de mesclun. 

Affligem est une marque de bières de caractère qui prend ses racines dans les Flandres belges en 1074. On m'a raconté que l'on doit l'activité brassicole à six brigands de grands chemins, graciés par la Couronne de Belgique, qui ont décidé de se repentir et revêtir la robe monacale. Ensemble, ils posent les premières pierres de l’abbaye qui allait devenir l’une des plus puissantes de la région des Flandres : l’abbaye d’Affligem.

Leur vie monastique est alors rythmée par les prières, mais aussi par la culture de leurs jardins pour subvenir à leurs besoins. Ainsi naquit leur activité brassicole, perpétuée durant près de sept siècles, qui devint le symbole de leur hospitalité et de leur savoir-faire.

Leur monastère sera partiellement détruit par les révolutionnaires français. Les moines sont expulsés et dépossédés de leurs terres. En 1841, sous l’impulsion de l’un de ses survivants, Dom Veremundus d’Haens, les autorités ecclésiastiques permettent la restauration canonique de l’abbaye. L’abbé, qui avait précieusement conservé la recette, parvient à relancer l’activité brassicole.

Une nouvelle fois contraints de quitter les lieux pendant la Seconde Guerre mondiale, les moines ne retrouveront l’abbaye et une brasserie complètement détruite qu’en 1947. Ils décident alors de confier la fabrication de leur bière à des brasseurs laïques. En élaborant la Formula Antiqua Renovata en 1950, le FrèreTobias adapte la recette originelle aux techniques modernes de brassage pour en permettre la transmission à des brasseurs indépendants.

Depuis 1970, le brassage s’effectue à la brasserie Affligem à Opwick, village voisin de l’abbaye. L’abbaye, quant à elle, continue d’abriter une communauté active de 17 moines, régie par le père abbé, Dom Rik de Wit. Propriétaires de la marque, les moines exercent à ce titre un droit de regard sur l’ensemble des actions de la marque Affligem.

Outre la bière de Noël on peut varier avec Affligem Blonde aux reflets d’or et de cuivre. C'est une bière blonde, ronde et complexe. Ses saveurs intenses, fraîches et subtilement fruitées, allient des notes d’agrumes, de fleurs d’acacia, de miel et de pain d’épices. Elle est longue en bouche, donnant l’occasion de profiter de son équilibre doux-amer.

La "Prima Melior" était le brassin d’exception de l’abbaye. Brassée avec une quantité d’eau moins importante pour une quantité d’orge plus importante, sa consommation était exclusivement réservée au père abbé. C’est cette Prima Melior qui porte aujourd’hui le nom d’Affligem Tripel.

D’un blond doré soutenu, lumineux et nuancé de roux, c'est une bière ronde et charpentée, aux fines bulles et à la mousse généreuse. Elle délivre des saveurs confites et épicées exhalées par un long processus d’élaboration. Plus corsée que les bières d’abbaye traditionnelles, elle titre 8, 5 °. Elle est longue en bouche, soutenue par une amertume dominante.

Quant à la Cuvée Florem, c'est le résultat de la quintessence du savoir-faire de la brasserie Affligem. Son élaboration s’est faite pendant près de deux ans pour créer cette bière qui révèle un bouquet riche et raffiné. Un harmonieux mélange de saveurs florales houblonnées, complétées par des notes muscatées discrètes et acidulées, dans la plus grande lignée des bières de l’abbaye d’Affligem.

D’un blond cuivré avec des reflets dorés et une belle transparence, elle est lumineuse et brillante. Sa complexité immédiate sur le floral pourrait s’apparenter aux senteurs des fleurs de sureau et à l’herbe coupée. Elle s’accompagne de notes d’agrumes avec une légère odeur de fermentation de fruits et d’épices. L’attaque en bouche est douce, très légèrement sucrée avec une pointe d’acidité. L’amertume discrète favorise une impression de fraîcheur douce.

C'est dire combien le consommateur dispose d'un large choix. Mais attention la bière de Noël ne sera pas disponible plus d'un mois !

Quelques mots à propos des attributs de la marque, qui ont été remaniés cette année. La nouvelle bouteille est élancée et élégante, pour mieux mettre en avant les symboles d’Affligem, gravés sur son col : la date de création de l’abbaye, le blason organisé autour de l’épée de St Paul, ancien soldat converti au christianisme, et la paire de clés de St Pierre. L’une est en or céleste et l’autre en argent terrestre. Elles permettent d’ouvrir les portes du paradis.

On les retrouve en gravure sur le pied du nouveau calice. Plus statutaire par sa forme échancrée et ses finitions, ce verre permet une dégustation optimale, à la hauteur des brassins de qualité que propose Affligem.

Le tout est représenté sur fond bleu, couleur officielle de la confrérie des moines bénédictins.

La devise de l'abbaye, Felix Concordia, "Être heureux dans la paix", symbolise l’engagement des moines autour d’un travail patient et en commun de la terre et du brassage. Elle fait lien avec la philosophie de brassage de l’abbaye : harmonie, complexité et authenticité.

lundi 24 novembre 2014

Pourquoi tu n'as rien dit grand-père ? de Sylvie Kienast dans la Maison de Thé George Cannon

Ça a été très dur quand je l’ai fait et pendant les six mois qui ont suivi. Le personnage m’a bouffée, nous a confié Sylvie Kienast ce soir. Mais je pense avoir libéré mon père, … et mes enfants aussi sans doute.

Elle livre un récit de famille, l’histoire d’un grand-père prisonnier durant la seconde guerre mondiale, dans un récit empreint de philosophie, de psychologie, d’amour et de vérité, parlant de comportements humains, du poids de l’enfance, du sens de la responsabilité et du devoir de mémoire, sous forme de dialogues. En s’appuyant sur ses archives, l’auteur a livré, disséqué et immortalisé la vie de ceux qui ont vécu cette situation trouble, en l'occurrence celle de la collaboration, afin que leur mémoire ne s’efface pas. 

Soit on croit à cette histoire, soit on n’y croit pas. On prend le train ou pas. Mais tout le monde est unanime sur la question : aucun prisonnier ne pouvait parler de ce qu’il avait vécu. On ne les aurait pas cru. Ce qui s’était passé dans les camps de concentration était alors purement et simplement "inénarrable".

Il fallait une dose de générosité extraordinaire pour penser aux autres dans les camps. Parce que l’urgence était d’abord se sauver, soi.

Passionnée de cuisine et d’écriture, Sylvie Kienast a suivi une formation de trois ans à Aleph Écriture. Son livre Y a quoi dans mon frigo (2013, La Martinière), titre éponyme du blog qu’elle a créé sous le nom de Sylvie Kitchen, s'inscrivait dans le domaine culinaire. Je l'ai beaucoup apprécié. En 2012 paraissait Textes et Prétextes où une fille s'adressait à son père. Son nouveau livre, Pourquoi tu n’as rien dit grand-père ? est paru aux Éditions Edilivre.

La présentation du livre, encore une interrogation, a eu lieu il y a quelques jours autour d’un thé George Cannon dans un endroit que j'aime particulièrement La Maison de Thé George Cannon – L’Essence du Thé au 12 rue Notre Dame des Champs 75006 - PARIS.

Olivier Scala était là ce soir et ce fut l'occasion de reprendre une conversation que nous avions eue ensemble. A quelques jours de Noël je n'ai pas résisté à lui demander quels étaient selon lui les plus beaux thés de la boutique. Il a sélectionné trois crus Grandes Origines.
D’abord un Yunnan Dian Hong, un thé rouge oxydé de Chine de très belle origine. C’est un thé très charpenté, fort et rigoureux tout en restant très doux. Il exhale des notes de tabac blond, de moka.

D'une magnifique couleur ambrée ce thé me fait retrouver le parfum le plus enfoui dans ma mémoire olfactive. On conseille de le boire en milieu de matinée. Il doit infuser 5' dans une eau idéalement à 95°. On peut en faire 3 infusions successives.

En deuxième, un Darjeeling, qui est un thé d’altitude en provenance d’un jardin. Surprenant par ses notes de pêche blanche c'est par excellence le thé d'après-midi.
Enfin un Gyokuru Asahi, un thé vert, fragile, qui doit être conservé au réfrigérateur et qui est un très grand crû, un des meilleurs du Japon. Cette fois je suis surprise par des notes plus iodées, presque de légumes verts. Certains diront des arômes d'épinard et d'embruns.

Comme il faut l'infuser avec une eau (filtrée) entre 50 et 65 ° pendant 1 à 2 minutes on devine que le breuvage ne sera pas brûlant. J'ai donc en quelque sorte "réchauffé" le mazagran avec de l'eau chaude pendant l'infusion. Inutile de sucrer : ce thé se distingue par sa couleur vert foncée et son arôme corsé sucréC'est vert et à peine citronné. Très surprenant pour qui n'est pas initié, ce breuvage est un vrai trésor avec peu d'amertume, une très belle longueur fraiche en bouche qui justifie son nom japonais signifiant noble goutte de rosée.
Au contraire de la plupart des autres thés, qui sont des thés de lumière, le gyokuro est un thé d'ombre, ce qui lui confère sa typicité. Ses feuilles sont couvertes 3 semaines avant son unique récolte en avril pour empêcher le rayonnement direct du soleil sur les feuillesLes théiers se développent alors moins vite, la teneur en chlorophylle des feuilles augmente et le taux de tanins baisse. Ce thé est riche en théanine et pauvre en tanins, ce qui lui confère un goût très doux et umami. Sa force en théine en fait un substitut du café. On le boira le matin. C'est lui qui célèbre l'arrivée du printemps au Japon. 
Cher ? Cela se discute. Car on peut infuser 3 fois. Olivier conseille de faire plusieurs infusions en augmentant la température de l’eau et baissant le temps d’infusion.

Olivier en profite pour insister sur la manière de préparer le thé, qu’il provienne d’un grand jardin ou qu’il soit plus « courant » il faut le réussir, et pour cela respecter scrupuleusement les indications de température et de durée d’infusion.
Olivier Scala est réputé aussi pour ses mélanges non parfumés. Par exemple l'English Breakfast qui existe en vrac comme en sachet mousseline. Il est composé de thés noirs de Ceylan, Inde et Kenya, tous des grandes origines.

Il estime qu’il y a bien une quarantaine de "best-sellers" parmi les quelque mille références de thés de sa maison et dont il propose trois cents dans la boutique de la rue Notre Dame des Champs.
S’il fallait établir un palmarès parmi les mélanges parfumés ce serait Secret Tibétain qui arriverait en tête. Il vient d’être sélectionné par Guerlain pour accompagner le dessert de Guy Martin, la Petite robe noire. C'est un mélange de thés noirs de Chine et de Ceylan. On remarque nettement des notes de vanille, de bergamote et d'épices.
La Moukère de Sidi Kaouki arriverait juste après. Ce sont des thés verts de Chine et des thés de Chineà la rose, enrichis de pétales de rose, d'arômes de menthe et de fleur d’oranger qui embaume le miel alors qu’il n’en contient pas. Un régal en accompagnement d'une tranche de pain d'épices d'Eric Kayser.
Plus récemment, Paris est une fête affirme son succès avec ses arômes de champagne et de nectarine. Et bien entendu des nouveautés conçues spécialement pour les fêtes de fin d'année ou pour la Saint-Valentin.

La maison Georges Cannon est une boutique, mais aussi un salon de thé, où l’on peut accompagner la boisson par une délicieuse pâtisserie de Sadaharu Aoki.
Les murs offrent un espace d'exposition. La dernière en date rassemblait des photographies de Clément Ledermann intitulée Pu'er : Portrait d'une famille.
C'est à ce photographe que l'on doit aussi les jolis coussins si particuliers qui garnissent les banquettes, encore des feuilles de thé, mais en très gros plan.
C’est encore un lieu où se pratique la cérémonie du thé, Cha No Yu, un samedi par mois, dans un espace qui mesure idéalement 4 tatamis et demi. La cérémonie est très esthétique, un peu austère mais magnifique. Elle est organisée pour un maximum de cinq personnes, parce que 5 est le chiffre magique du point de vue japonais.

C’est aussi un espace beauté de soins shiatsu. Olivier Scala aurait voulu qu'on utilise des produits à base de thé mais pour le moment cela reste un rêve. Les lotions et crèmes sont néanmoins toutes bio et les mains et le savoir-faire de Claudine Montazeni font merveille.

Thés Georges Cannon, 12 rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris, tel 01 53 63 05 43
Plus de renseignements sur le site.
Et pour relire le précédent article consacré à la maison Georges Cannon c'est .

dimanche 23 novembre 2014

Il faut faire saigner la peinture, biographie de Niki de Saint Phalle par Elisabeth Reynaud

Elisabeth Reynaud retrace à l’occasion de la rétrospective au Grand Palais jusqu'au 2 février 2015, l’incroyable destin de Niki de Saint Phalle.

Difficile de trouver un plus bel exemple de résilience. Cette artiste a toujours eu pleinement conscience des angoisses qui s'agitaient en elle. Mais pour ne pas sombrer dans la folie, elle est parvenue, selon ses propres mots "à apprivoiser mes monstres, à jongler avec eux."

On pourra dire que c'est le propre du génie créatif. On pourra aussi s'inspirer de ce récit de vie pour adapter la philosophie à soi-même car nous avons tous, plus ou moins, quelques monstres à dompter.

Niki révèle dans un livre dédié à sa fille Laura, intitulé "Mon Secret", la blessure dont elle ne guérira jamais tout à fait, l'inceste paternel, qui la rendra sauvage, excessive, déterminée, comme une espèce non pas de vengeance mais de revanche. C'est l'analyse que fait Elisabeth Reynaud qui l'a très bien connue et un des intérêts de son livre est de faire le portrait sans concession de la femme derrière l'artiste qui disait vouloir "faire saigner la  peinture".

Agnès de Saint Phalle est née à Neuilly-sur-Seine en 1930. Elevée à New York, la future Niki y débute comme mannequin avant d’élaborer avec détermination une œuvre protéiforme, radicale, d’une grande vitalité. Qui ne connait pas ses célèbres Nanas, le Jardin des Tarots, la Fontaine Stravinsky… ?

Depuis les premiers collages, en passant par les fléchettes et les Tirs, peintures iconoclastes et violentes de ses débuts, jusqu’aux sculptures monumentales issues de la collaboration avec son mari Jean Tinguely, Niki de Saint Phalle n’aura cessé d’explorer les méandres de son inconscient. Elle puise aussi ses influences dans les oeuvres de peintres tels que Picasso, Matisse, Dubuffet, le Douanier Rousseau et de sculpteurs comme le Facteur Cheval ou Gaudi en particulier qui lui inspirera le Jardin des Tarots en Toscane.

On suit les épisodes de sa vie comme une succession de rebondissements ponctués de longs moments de silence qu'elle utilise comme une stratégie de survie (p. 32). La vie et la mort l'auront fascinée (à commencer par celle de sa grand-mère, mais il y eut aussi le suicide de sa soeur, l'accident cardiaque de son père  et d'autres suivront). Les serpents également. Les courbes l'apaiseront. Les couleurs donneront de l'énergie à cette artiste hyperactive.

La lecture souligne que sa vie aura néanmoins été ponctuée de moments très drôles, excitants et dangereux.

En particulier dans le domaine de sa vie privée où elle joua une partition d'enfants terribles avec Jean Tinguely qui affirma qu'elle fut le plus grand sculpteur de notre époque.

Elle est décédée à San Diego, 2002 après avoir enduré une maladie très éprouvante, consécutive à l'emploi des matières chimiques pour consolider ses sculptures.

Ancienne collaboratrice de la galerie Artcurial, Elisabeth Reynaud est l’auteur de biographies de femmes exceptionnelles. Depuis 2008, elle préside le prix Bel Ami. Elle vit à Paris, mais ne reste jamais longtemps sans voyager en Inde ou en Afrique.

Il faut faire saigner la peinture, biographie de Niki de Saint Phalle par Elisabeth Reynaud, chez Ecriture, 2014

samedi 22 novembre 2014

La nouvelle carte du Saperlipopette !

Lundi dernier je vous racontais l'inauguration du Saperlipopette! le restaurant de Norbert Tarayre, ... enfin presque. Nono s'en est expliqué sans tourner autour du pot sur les magazines télé : "Je suis juste consultant. J'établis la carte, je forme et dirige ma brigade, mais le restaurant ne m'appartient pas. En gros, j'ouvre un restaurant éphémère. Pendant un an, je suis en cuisine. Et ensuite, on verra".

Le propriétaire est Akim Gaouaoui que j'ai retrouvé le lendemain de la fête. impossible de croire que le dernier invité était parti à 5 heures du matin.

Tout est rentré dans l’ordre. La Tour Eiffel a réintégré l’intérieur et chaque table est à sa place. Seul le menu n’est pas imprimé. Et pour cause l’équipe a décidé à l’aube de lancer la nouvelle carte.

Du coup ce sont les amis qui s’y collent, appliqués, et qui le recopient à la craie sur les grandes ardoises.

Akim est à pied d’œuvre et sa femme Marie assure elle aussi. Je leur demande leur secret. Il parait que c’est juste l’adrénaline. Le propriétaire fait le service en rythmant la musique, véritablement heureux. Il faut dire qu’une vraie foule se presse pour le déjeuner. Je vous conseille donc de réserver.

Cette enseigne de 170 couverts appartient au nouveau genre "bistronomique", du gastronomique à des prix abordables. Quelques entrées, quelques plats et trois desserts constituent la carte qui sera modifiée tous les 15 jours environ. Les plats, composés de produits frais et de qualité, sont travaillés sur place. 
Je remarque cette fois la tenue des serveuses, que porte aussi Marie, en pantalon de cuir noir, boots, chemise blanche et gilet de fourrure noire très stylé, signé par Oakwood.
Une foule de détails me sautent aux yeux : dehors les oliviers arborent des fruits très murs; la boite aux lettre bleue donne envie d’écrire des cartes postales de vacances; la place a davantage encore qu’hier soir des allures de Disneyland.
Ces lampes, toutes différents, qui sont posées sur les tables n’ont pas été achetées dans un célèbre entrepôt scandinave, Elles viennent, tout simplement, d’en face, de Nox, comme les moutons et le fauteuil des toilettes. D’autres articles ont été acquis dans la boutique d’à coté, Mon cadeau préféré.
Akim a déniché l’énorme cerise de l’escalier pendant le Salon Maison et Objets. On peut la trouver en version mini chez Nox.
La sommelière et la pâtissière ne sont pas là mais les deux chefs, Yoanne et Kévin, sont fidèles au poste.
Comme la cuisine est ouverte il est tentant de monter les féliciter. Kevin est conscient du challenge : "C’est le coup de feu, on a très peu dormi et on lance la nouvelle carte. Si on passe ce cap là on passera tout."

Une cliente surgit, tend la tête sous le passe-plat et commence à entreprendre le chef avec ses allergies à l’œuf et au gluten. Elle l'interroge sur la composition des entrées. Très vite il lui propose du sur mesure : "Je vais vous faire une petite tombée d’épinards, deux, trois coquilles Saint-Jacques, sauce vierge, quelques légumes croquants. Vous direz au serveur que c’est une entrée spéciale."

Un cri résonne : en direct 3 cotes de veau rosées. Les plats surgissent. L’animation est à son comble. Le ballet des serveurs est incessant. Malgré le rush chacun demeure vigilant : y a pas de bon, on part pas !

Je suis aux premières loges pour découvrir cette nouvelle carte. Voici les entrées :
Foie gras chutney pommes betteraves
Velouté de potiron St Jacques roties éclats de châtaigne
Saumon (belle hauteur pour une entrée) crémeux et sommités de choux fleur
On enchaine avec les plats comme la cote de veau et la cote de boeuf.
Il y a aussi le Magret de canard mousseline de céleri à la vanille dont ils m'avaient parlé le soir de l'inauguration
Poitrine de port braisée, carottes, pommes de terre, soja, oignons, champignons
Daurade, risotto, parmesan, roquette
Comme dessert, outre le baba au rhum, crème double vanille, brunoise d'ananas, il y a un formidable Entremet Gianduja : Entremet biscuit, feuillantine pralinée, dacquoise noisette, mousse légère au Gianduja entre chaque couche, montage en cage puis découpe.
Et un éclair au carambar
La terrasse est vaste. Elle offre un espace sécurisé pour les familles qui se laisseront tenter par le manège à l’ancienne.

J’avais de Puteaux une image stéréotypée de béton glacial. J’ai découvert une ambiance de village et j’envie les habitants de bénéficier de si jolies boutiques, à deux pas du marché, des jardins partagés et du théâtre.

Je comprends que Akim ait eu un coup de cœur pour cet endroit. Il en a fait un lieu contemporain sans concéder à la chaleur qui est nécessaire en région parisienne.

Comptez environ 50 € hors boissons à la carte. Menu "Miam Miam" avec libre choix sur toute la carte à 42 € (60 € avec un accord mets et vins). Menus "Miam" à 35 € autour des mets à choisir parmi les étoiles de la carte, et "Miam Express" au déjeuner et en semaine à 26 € pour un plat plus un dessert choisi  pour vous par le chef.

Et quand je dis "carte" je devrais annoncer "gazette" car le menu est sous une forme très originale de magazine.
Avis aux amateurs de glamour : relisez le billet consacré à l'inauguration.

Restaurant Saperlipopette!  Ouvert tous les jours, Accueil continu de midi à 23h
25 rue Mars et Roty ou 9 place du Théâtre,  Puteaux, 01 41 37 00 00
Métro La Défense

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