Il y a tout juste un an j'avais chroniqué Arthus Bayard et les maîtres du temps de Laurent Bettoni. Il publie déjà un nouveau roman, cette fois destiné clairement à un public adulte toujours aux éditions Don Quichotte.
Premier de la classe le jour, bad guy la nuit. Cette dichotomie aurait de quoi rendre schizo n'importe qui. Mais Thomas a tenu bon toutes ces années, convaincu que bientôt plus rien ne l'obligerait au grand écart. Que bientôt il n'aurait plus à composer avec sa part sombre. [...] Il se faisait penser à Superman quand il quitte sa tenue de héros pour revêtir les habits de Clark Kent. Sauf que sa tenue de combat à lui, c'est un jogging de caillera dealer de beuh.
Docteur Jekyll et Mister Hyde ... le sujet n'est pas nouveau. Sauf que cette fois la schizophrénie de Thomas n'est pas mentale mais sociale.
La quatrième de couverture aurait pu être plus explicite. Car ce roman est très abouti, à mi-chemin entre policier et aventure. J'ai retrouvé le style du précédent mais avec cette fois une dimension sociale et une réflexion politique vraiment intéressante sur les valeurs que défend notre société.
L'école de la République promet. L'entreprise dispose. Le stagiaire idéal se fera distancer par Victor, un fils à papa au prénom prédestiné. La désillusion provoquera un bad trip fatal. Thomas pète un câble et le vigile qui pourrait être un pote lui ordonne d'aller se calmer avec une douche ou de fumer un oinj (p. 42).
Le jeune homme confie au lecteur que pour la première fois de sa vie il a des envies de meurtre. Je n'ai pas les mêmes origines que lui et même si mes parents étaient modestes nous ne vivions pas dans un Horizon Lointain Modéré comme ironise le garçon à propos de son HLM. Cependant j'ai vécu une situation similaire et ce me fut naturel de m'identifier à lui.
Ce n'est pas Don't give up chantée par Kate Bush dans les bras de Peter Gabriel qui suffira à apaiser son désarroi et à le convaincre de se limiter à des ambitions réalistes. Sa petite amie Malika ne pèse pas lourd à côté de Bitchy, la geekette qui va accompagner son initiation au Darknet, cette face cachée du web totalement anonyme où se font des ventes d'armes, de médocs, où s'échangent des séquences pédopornographiques mais qui peut aussi être un outil de communication bravant la censure.
Là encore, le meilleur est possible comme le pire. Le roman monte en puissance en ébranlant nos certitudes (ou nos illusions) concernant les valeurs qu'on s'acharne à défendre. La vie ne serait-elle qu'une partie d'échecs qui se termine toujours par un mat ?
Forcément, le questionnement de son ancien prof de sociologie, Louis Archambault, fait mouche : et si c'était la vraie vie qui se trompait ? Si le système marchait sur la tête ? (p. 56)
Laurent Bettoni pose de bonnes questions. Son livre agit comme un coup de poing.
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