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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mardi 31 mars 2020

La cuisine du confinement

Il faut en ce moment faire preuve d'inventivité pour ne pas se laisser abattre. Tout le monde, parait-il, retrouve un grand plaisir à cuisiner.

Pour ma part ce n'est pas nouveau mais comme je ne peux pas sortir faire les courses je suis tributaire de ce que je trouve (ou de ce que l'on m'amène), ce qui conduit à des associations inattendues.

Comme le riz rouge de Camargue (encore un fond de bocal) et du boudin blanc.

Les haricots plats apportent une touche de couleur et vous observerez que la perte est minimale depuis que je sais qu'il est idiot de l'équeuter des deux cotés.

En plus, c'est esthétique car il n'est pas question de sacrifier le visuel.
Pas davantage que le goût. Cette assiette n'est pas copieuse mais le sel à la truffe sublime la viande et les pommes de terre.
Coté dessert je m'étais lancée dans le Wacky Cake. C'était l'occasion ...

lundi 30 mars 2020

Vengeance à temps partiel de Fern Michaels, paru en Poche

Fern Michaels est reconnue à l’échelle planétaire pour ses bestsellers. Ses livres sont traduits en plus de 20 langues et les titres de la série Sisterhood se sont vendus à plus de 16 millions d’exemplaires dans le monde.

Ses romans se sont tous retrouvés au palmarès du New York Times et du USA Today. Le premier de la série, publiée initialement en 2017, est disponible en Poche depuis le 14 mars 2019. Ils se lisent à une vitesse folle ... par un public immense, dont je ne faisais pas encore partie. Cette période du confinement m'a amenée à faire comme on dit feu de tout bois. Et je ne regrette rien.
Dévastée par la mort tragique de sa fille, renversée par un chauffard qui a bénéficié de l’immunité diplomatique, la richissime Myra Rutledge décide de former un cercle secret : le Sisterhood. Ce groupe réunit sept complices partageant une colère noire découlant de préjudices dont elles sont victimes – mari infidèle, collègue sexiste, système judiciaire déficient ou autres aberrations. Liées par leur tragédie personnelle, elles décident de se faire justice elles-mêmes, se découvrant du coup une force intérieure insoupçonnée. Si dans l’adversité certaines s’effondrent, d’autres se relèvent et passent à l’attaque !
L'injustice est une plaie qui sidère ou qui, au contraire, suscite une vocation de justicier, et parfois la fin justifie les moyens. Deux ans après la mort de sa fille Myra décide de passer à l'attaque, ce qui me fait penser au thème d'un roman que j'aurais dû chroniquer depuis longtemps Les portes et les bruits qu'elles font et que je me promets de relire.

A l'inverse du personnage principal de celui ci, la riche américaine va oeuvrer en catimini (et ne sera donc pas condamnée). Et comme elle n'est pas égoïste, et qui plus est richissime (ça aide quand on veut jouer les James Bond) elle va créer un mouvement de solidarité avec d'autres victimes.

C'est parfois farfelu, souvent machiavélique, mais toujours efficace. Je l'ai mentionné plus haut : la fin justifie les moyens.

Le roman est facile à lire, plaisant, car les héroïnes de cette trempe sont plutôt rares mais leur mode de vie est souvent éloigné du notre. C'est l'American Way of Life, à n'en pas douter. Une façon de voyager alors que nous sommes tous bouclés.

Vengeance à temps partiel de Fern Michaels, Mon Poche

dimanche 29 mars 2020

Comment je me suis trouvée à expérimenter un Wacky Cake

J'ai cette recette sous le coude depuis décembre 2018 et je repousse régulièrement sa mise en oeuvre parce que je n'étais pas convaincue d'obtenir un résultat qui vaille le coup. Seulement voilà, nous sommes bouclés et il est assez difficile de trouver (quand on ose sortir faire quelques courses) du beurre, et surtout des oeufs.

Quant au lait, j'ai la chance d'en avoir récupéré de ma voisine mais je ne voudrais pas entamer une bouteille pour quelques centilitres.

Cette recette avait fait le buzz sur Instagram comme sur Pinterest. Il s'agit du Wacky Cake, appelé aussi Depression Cake, parce qu'il a été créé aux Etats-Unis au moment de la Grande Dépression de 1929, lorsque les ingrédients tels que le beurre, le lait ou le chocolat se faisaient rares et chers.

Ce gâteau, moelleux et fondant, a eu un regain de succès auprès des vegan parce qu'il ne réclame pas d'oeufs, mais il a aussi de bonnes qualités, surtout en période de pénurie.

Wacky cela signifie tout de même délirant et j'imagine à cause de la mise en oeuvre et de l'emploi d'un ingrédient inattendu dans un gâteau, le vinaigre d'alcool. Inhabituel pour nous européens, parce que les anglo saxons savent que le vinaigre est un acide qui "active" le bicarbonate (qui n'est rien d'autre que la levure chimique). Le mélange des deux créé du dioxyde de carbone, et ce sont ces petites bulles qui vont permettre de donner un aspect aéré à votre pâte. C'est ce qui fait d'ailleurs merveille pour faire gonfler les pancakes.
Pour ce wacky cake, farfelu mais super simple, vous devrez peser d'abord les ingrédients secs, que vous pouvez superposer dans un seul récipient :

- 210 g de farine
- 24 g de cacao en poudre (amer donc)
- 200 g de sucre
- 1 cuil. à soupe de levure
- 1 bonne pincée de sel

Une fois tout cela intimement mélangé vous ferez trois puits; deux petits et un plus important. Dans les deux premiers vous verserez respectivement 1 cuillère à soupe de vanille liquide et 1 cuillère à soupe de vinaigre blanc. Dans le plus grand 7,5 cl d’huile végétale (plutôt neutre comme tournesol ou pépins de raisin). C'est cette dernière que j'ai choisie.
Puis, 24 cl d'eau sur le tout et mélangez à la maryse bien jusqu'à ce que ce soit lisse.
Vous allez remarquer que la réaction chimique fait buller la préparation.

Venez sans attendre la pâte dans un moule beurré et faire cuire pendant 35 minutes environ (il suffit de planter la pointe d'un couteau pour vérifier la cuisson) à 180°.

Je me suis demandée si le fait d'avoir utilisé autre chose qu'un moule à cake traditionnel avait modifié la texture. Il a sans nul doute cuit plus vite (25 minutes ont suffi) mais le résultat m'a convenu : moelleux, léger, pas trop sucré (je le craignais un peu parce que 200 grammes de sucre me semblait excessif), et surtout pas très riche en matières grasses ...

Bien sûr avec cette base, tout est possible : un glaçage, l'ajout de pépites de chocolat, un nuage de sucre glace (si on ne craint pas du tout de forcer sur l'indice glycémique). Personnellement je l'ai trouvé délicieux avec une quenelle de sorbet fraise-verveine (que par chance j'avais encore dans mon congélateur).

samedi 28 mars 2020

Comme des frères de Claudine Desmarteau

La sortie du livre de Claudine Desmarteau avait été annoncée pour le 4 mars. Comme des frères va souffrir de la fermeture des libraires.

Quelle malchance pour cette auteure qui, après avoir publié plus d’une vingtaine de livres jeunesse, albums illustrés ou romans (au Seuil Jeunesse, Éditions Panama, Éditions Thierry Magnier, Sarbacane, Flammarion et Albin Michel Jeunesse) signe ici son premier roman adulte. Et ce n'est sans doute pas un hasard si ses personnages principaux sont des adolescents.

La bande, la petite meute, se composait de Ryan, Lucas, Kevin, Saïd, Thomas, Idriss, et puis Quentin… Et sa sœur Iris. Lui c'est Raph, enfin Raphaël, fils unique qui aurait dû avoir un frère, mais la vie en décida autrement. Il se définit comme quelqu'un de banal. Je ressemble à tout le monde ou à personne en particulier et c'est très bien. Je suis insipide et je rêve d'être invisible (page 21).

Lalie, qui traverse new York dans le dernier livre d'Eric Pessan souhaiterait elle aussi avoir le don d'invisibilité (dans Tenir debout dans la nuit). Je fais aussitôt l'hypothèse que l'évènement dramatique auquel le garçon fait allusion et qui s'est passé le samedi de ses 16 ans est sans doute comparable à ce qu’a connu la jeune fille.

Ce roman, qui m'a beaucoup fait pensé à La chaleur de Victor Jestin, pose l’éternel problème de la jeunesse quand elle est désoeuvrée et qu'un leader met en route une idée saugrenue qui va mal tourner. Parce que chacun, à sa manière, attend que quelque chose se passe (page 68). La justesse des dialogues est inouïe. On a le sentiment d’être en bas de leur immeuble alors que les conversations montent jusqu'à nos fenêtres ouvertes. La tension est très forte et attise le rôle que les parents peuvent jouer dans ce type de situation en laissant faire.

On peut aussi penser au film La fille au bracelet qui vient de sortir au cinéma.

13-14 ans, ils ont commencé par un truc qu’ils savent être con, cruel, débile mais ils en rigolent (page 71). Ils se comportent comme des Jackass, ces jeunes adultes intrépides qui multipliaient des cascades dangereuses et autres fantaisies sans autre but que de faire rire, dans une émission de télévision américaine, diffusée originellement sur MTV en 1999. Certains de leurs jeux sont minables comme le défi d'avaler un ver de terre (page 172). On devine que d'autres pourraient vite tourner mal.

Evidemment au collège, personne (entendez par-là aucun adulte) ne voulait rien voir, personne ne voulait rien entendre (page 80). Cette liberté dans laquelle se déploie la meute est sournoise. Le lecteur sent le malaise monter d'autant plus que le récit est entrecoupé de chansonnette narquoises…

Un de leurs modèles est maintenant Light Yagami, le personnage principal du manga Death NoteLe niveau de violence monte et lorsqu'il est question d'envie de liquidation avec la citation de personnes ayant réellemtn existé comme Anne Lauvergeon (page 129) j'ai froid dans le dos car je lis ce livre en pleine période d’épidémie de Covid 19, alors que la science-fiction rejoint la réalité.

Raphaël n'est pourtant pas au départ un de ces casse-cous. Il ne s'est jamais senti invincible. Il avoue même être terrorisé en bord de mer, depuis qu'il a vu Les dents de la mer (page 56). Quels dégâts ce film aura faits ! A commencer par les requins, massacrés encore plus depuis.

Au moment où il raconte son récit il a 22 ans, voudrait abolir le passé, même si c'est impossible : je partirais bien en vacances de moi. Sans laisser d’adresse (page 12). La seule chose qui est à sa portée est de se confesser. On apprend que trois personnes lui manquent. On sait déjà que parmi elles figure Éric son professeur de guitare, si motivant. Plus tard (page 106) on comprendra que la mort de son frère, in utéro, est une information capitale. Et j’imagine Iris.

Ce roman a la force d'un coup de poing. Il interroge sur ce qui arrive de beau, comme tomber amoureux, et sur les conséquences "collatérales" mais aussi sur la face sombre de la jeunesse quand elle se sent libre et vivante ... invincible sans doute. Avec évidemment la question de la culpabilité :

Est-ce que c’est ma faute ?
Est-ce que c'est seulement ma faute à moi ? (page 195)

Après un Bac littéraire et des études à l’ESAAD (École supérieure des Arts Appliqués Duperré), Claudine Desmarteau travaille dans plusieurs agences de publicité en tant que Directrice Artistique. Parallèlement, elle commence à dessiner pour la presse (Le Nouvel Observateur, Télérama, Le Monde, Les Inrockuptibles…), et publie son premier album au Seuil Jeunesse en 1999.

En 2001, elle quitte le monde de la pub pour se consacrer entièrement à son activité d’auteur-illustratrice, pour la presse et l’édition.

Comme des frères de Claudine Desmarteau, chez l’Iconoclaste, sortie prévue initialement en librairie le 4 mars 2020

vendredi 27 mars 2020

On cuisine le petit épeautre

En ce moment le moindre sachet patientant au fond d'un placard mérite attention. Appelé le "caviar des céréales" en Haute Provence, je savais qu'on pouvait aussi bien consommer cette céréale ancestrale en plat chaud que froid. Le petit épeautre m'intéressait donc pour varier une salade.

Hier j'avais fait tremper les grains de céréales dans un pichet en les recouvrant largement d’eau. Il prend moins de place qu'un saladier sur le plan de travail. On peut changer l'eau régulièrement après l'avoir brassée avec une fourchette pour faire remonter les impuretés.

Ce matin j'ai égoutté et rincé les grains une ultime fois, avant de les mettre dans de l’eau froide à raison d'environ 2 fois le volume des grains en eau.

J'ai porté à ébullition en ajoutant un cube de bouillon de légumes émietté (bio ce serait idéal mais j'épuise d'abord la réserve qui me vient de ma mère), et quelques aromates.

Cette fois ce seront un oignon piqué d’un clou de girofle, une gousse d’ail écrasée, un bouquet garni avec thym, laurier et une branchette de romarin dans l'eau de cuisson pour parfumer.

J'ai laissé mijoter à couvert, à petit feu 45 mn. J'ai salé ... et poivré (ce sont les points noirs qui se remarquent sur la photo) en fin de cuisson.

Une fois le feu arrêté il est conseillé de laisser reposer 10 mn : la graine aura gonflé, sera légèrement crémeuse et il n’y aura pratiquement pas besoin d’égoutter. Juste de retirer le bouquet garni.
Le petit épeautre serait une des céréales parmi les plus vieilles au monde, déjà cultivées au Proche Orient dans l’antiquité. Elle est à faible teneur en gluten (non panifiable) et contient les 8 acides aminés essentiels à notre alimentation, ce qui est rassurant en ce moment. Un peu oublié au XX siècle, il est à nouveau cultivé en Haute-Provence et bénéficie d’une IGP depuis 2010.

mercredi 25 mars 2020

Les éblouis de Sarah Suco

En cette période où nous sommes bouclés à la maison je prends le temps de visionner les films que je n'ai pas eu le temps de voir sur grand écran.

J'avais été bouleversée par le témoignage de la réalisatrice Sarah Suco dans je ne sais plus quelle émission de télévision et Les éblouis figuraient sur ma liste. Je savais qu'il s'agissait de sa propre histoire, dédiée à ses frères et sœurs, et tragique puisqu'elle disait n'avoir jamais revu ses parents depuis plusieurs années.

Quel film important ! Je dirais même nécessaire. Parce que l’embrigadement d’églises au fonctionnement sectaire est une catastrophe et que des personnes faibles, et de "bonne foi" constituent des cibles de choix.

La réalisatrice est bien placée pour en rendre compte. Néanmoins le film se regarde comme une fiction, ce qui participe à sa réussite.

L’introduction est élégante, sur des prouesses acrobatiques de la jeune héroïne, qui se prénomme Camille (prodigieuse Céleste Brunnquell) élève d’une école de cirque. Une petite fête s’annonce pour marquer la fin de l’année. Le papa (Eric Caravaca) n’y voit aucun inconvénient  Mais on remarque d’emblée le malaise de la maman (Camille Cottin) probablement en dépression post-partum mais qui, à ce stade, se retranche derrière le poids des tâches familiales.

Le spectateur ne perçoit pas tout de suite la bascule du plan suivant. La famille entière est fédérée pendant une autre fête, celle qu’organise la paroisse autour d’un repas partagé dont un voisin leur a parlé en les conviant à y participer. Sentez-vous à l’aise promet le patron de l’association, dit le berger (Jean-Pierre Darroussin).

Le couple Lourmel a été attiré en raison de leur intérêt pour la vie associative. Leur bonne volonté est manifeste. Rien ne prédit alors qu’elle va les mener à leur perte. Le père et la mère sont vite intégrés, tandis que l’adolescente, qui est la (jeune) aînée de la fratrie, observe avec circonspection les relations qui se nouent. Il faut dire que l’interdiction de poursuivre les cours de l’école du cirque l’ont bien refroidie. Néanmoins elle a l’habitude de la discipline et obéit aux injonctions parentales.

Confirmation nous est donnée que la situation est louche quand on découvre que la jeune postulante qui garde les enfants demande à Camille de mentir en cachant une de ses erreurs. Il y a là un paradoxe. Et puis, très vite la mère déraille, manipule sa fille, sans mauvaise intention, mais manipule tout de même, alors que le père semble dépassé.

L'institutrice baissera les bras ... et n'alertera pas l'Aide sociale à l'enfance malgré des comportements inquiétants. Car, vu de l'extérieur, et comme le justifie Eric Lourmel (le papa) il n'y a rien à redire : On mène des actions sociales pour les plus démunis du quartier. 

Bien entendu, si on applique un raisonnement rapide, on pourrait admettre qu’il est positif de souhaiter revenir aux valeurs catholiques, surtout dans notre société individualiste. Ce qui est admirablement bien montré, je dirais démontré, c’est la force de caractère et la capacité d’analyse de l’adolescente qui est davantage une jeune adulte qu’une grande enfant.

Rien n’est anodin. Et surtout pas cette chanson mélancolique, entonnée en chœur pour fédérer et souder les membres de l'association (qui a des allures de secte), et plutôt jolie, qui revient régulièrement :

mardi 24 mars 2020

Quelques salades toutes simples

Voici des exemples de salades toutes simples mais diablement bonnes faites avec les moyens du bord.

Avec des pointes d'asperges (soldées chez mon marchand de légumes) et des copeaux de fromage de type parmesan, une vinaigrette relevée et quelques brins de roquette hachés.

J'apprécie beaucoup les rondelles de radis qui apportent du croquant, de grosses olives fourrées d'une amande (et coupées en quatre) qui ajoutent une note d'acidité, le gingembre frais râpé qui agira comme un poivre.

Le secret de la réussite est dans la sauce, que je prépare d'avance en sous dosant l'huile de manière à ajouter au dernier moment un complément en variant les types d'huile.

Beaucoup d'entre vous sont convaincus par l'ajout d'un filet de vinaigre balsamique. Savez-vous que quelques gouttes d'huile de sésame ont un effet magique, sur n'importe quel plat d'ailleurs ? Incomparable

lundi 23 mars 2020

Une vie et des poussières de Valérie Clo

Quel concours de circonstances que de lire Une vie et des poussières alors que la France entière est recluse et que l'on sent la mort rôder autour de nous. Valérie Clo dédie le roman à nos aînés, aux soignants des EHPAD, à ceux qui avec cœur œuvrent dans l’ombre.

Je l'avais reçu il y un mois et je ne l'avais pas encore ouvert. Sa sortie en librairie était annoncée pour le 5 mars et j'avais un peu de retard dans mes lectures.

Il est probable que si je n'appréciais pas autant cette auteure pour la délicatesse de sa plume et pour sa capacité à analyser subtilement des sentiments sous une approche légère je n'aurais pas eu la force de le lire aujourd'hui alors que, la connaissant, je l'ai ouvert avec confiance.

Après la dédicace qui est un premier uppercut, voici, page suivante, une citation d’une chanson de Jean Ferrat :

Faut il pleurer, faut-il en rire [ ... ]
Je n’ai pas le cœur à le dire.
On ne voit pas le temps passer.

Le chanteur en avait écrit les paroles et la musique. Ce titre, On ne voit pas le temps passer, sorti en décembre 1965 (disque Barclay) prend tout son sens aujourd'hui.

C’est une histoire rapportée par Delphine, aide-soignante dans un EHPAD, qui s’est occupé de Mathilde pendant deux ans et qui en rangeant ses affaires après son décès a retrouvé un carnet dans lequel la vieille dame raconte la dernière année de sa vie, entremêlée de souvenirs, dans une forme porche du journal.

Le récit commence par cette petite remarque anodine, mais si caractéristique, consistant à substituer l’expression "maison de retraite" à celui de EHPAD. Le mot a une sonorité détestable et l'annonce quotidienne du nombre de morts en fin de journée ne le rend pas davantage sympathique.

Mathilde précise qu’elle ne perd pas la tête, juste que quelquefois elle oublie des petites choses… Et puis elle a fait une chute. Sa fille Rose l'a convaincue d'intégrer un EPHAD et tout s'est enchainé.

Chaque chapitre est bref, de deux-trois pages maximum, faisant entrer le lecteur dans la vie de Mathilde comme à bord d'une deux chevaux qui cahote. On fait connaissance avec Chantal l'amnésique, Marcel, le chanteur au répertoire infinie et Jeannot, un monsieur très bien, mais laid comme un pou, ... ouf l'auteure nous épargne le cliché du prince charmant. Il faut dire qu'elle a le chic pour capter des instants de vie avec tendresse et les transformer.

Qui sait, quand on regarde des objets, ce qu’ils peuvent recéler comme secrets. Pour moi, il (L’harmonica) représente plus qu’un instrument de musique, c’est une vraie boîte à souvenirs. À l’intérieur il y a des centaines d’images et de sons, la gentillesse de ma sœur, son intelligence mais aussi toutes ses peurs. Dans la nuit, parfois, je l’entends, il libère dans la pièce ce qu’il a dans le ventre. C’est comme si l’âme de Louise se mélangeait à la lumière de la lune (page 78).

Voilà que je pense à l'harmonica de ma maman, disparu avec nombre d'autres objets dans la liquidation des meubles après son décès. Comme j'aimerai pouvoir en jouer ces jours-ci, à 20 heures, ce qui serait plus optimiste que des claquements de cuillère en bois sur un fond de casserole.

Il m’est arrivé souvent d’être surprise par l’étrangeté de la vie, par sa capacité à être à la fois incroyablement solide et fragile. Pouvant résister aux pires intempéries et, dans le même temps, être capable de s’évanouir en un souffle. Une frontière mince comme une feuille de papier. Et maintenant que je suis ici, cette sensation est décuplée. Là où la mort est une chronique annoncée, la vie peut s’accrocher pendant des semaines et faire mentir tous les pronostics. Et là où elle n’est pas attendue, elle peut se mettre à table sans vergogne (page 84).

Cet extrait est complètement représentatif de l’esprit du livre présenté comme un roman. Il me fait penser à ces jardins en jachère dans lesquels soudain pousse un cerisier ou à cette touffe de pensées surgie de nulle part dans une jardinière abandonnée sur le rebord de la fenêtre d'une chambre où je n'allais plus. Mais si une graine a pu être portée par le vent au troisième étage ... alors ce virus si léger doit planer bien haut dans le ciel. Chaque signe est interprétable positivement ou négativement, selon notre humeur.
On apprend que la fille de Mathilde est arrivée avec un magnétophone pour enregistrer "ma voix avant que je décanille. Elle voudrait que je lui raconte mon enfance qui, d’après elle, est loin d’être banale. Elle a dans l’idée d’écrire un livre, un genre de témoignage pour les générations futures, pour qu’ils n’oublient jamais que le pire a existé".

Je me fais la réflexion que le pire existe toujours. Le raconter n’empêche pas le traumatisme de se répéter. Parce que effectivement, comme l’écrit le personnage de Mathilde un peu plus tard : avec le temps, on s’y habitue, on finit par accepter l’incompréhensible et parfois même l’intolérable (page 86).

Je m'amuse de constater que Rose "remuerait ciel et terre" (page 88) pour retrouver les affaires de ses grands-parents sans doute vendues et dispersées après la guerre alors qu’elle se plaint que sa mère a accumulé trop de choses. On n'est pas un paradoxe près.

Mathilde, elle, n’a guère envie de secouer de vieux souvenirs enfouis. Elle ne veut pas se représenter ce que ses parents ont pu vivre en déportation. On la comprend. Néanmoins une question simple, qu’elle ne s’est jamais posée jusque là, va la tarauder : pourquoi sa mère n’est-elle pas restée avec ses enfants dans le Midi alors qu’ils avaient réussi à passer la frontière, qu’ils étaient en zone libre et que son père avait déjà été arrêté ?

A cette question cruciale, Mathilde ne trouvera que d’autres questions en guise d’hypothèses. Évidemment on est particulièrement touché par les remarques de Mathilde à propos de la condition financière économique des soignants : il faut qu’ils se réveillent et nous inventent un nouveau monde (page 124). Le pronom "ils" désignent la jeunesse mais on se dit que ce serait utile que tout le monde s'y mette.

Page 187, nous sommes rendus presque un an plus tard. Mathilde voit sa fille vieillir… Et Jeannot, Marcel, Chantal et les autres qui sont ses compagnons de fortune ou d'infortune, à vous de dire. Elle sait combien son corps a vieilli mais son cœur a gardé le goût de l’amour et des grands sentiments.

Mathilde évoque aussi parfois son mari, Paul. Elle raconte la difficulté à être enceinte de Maryline (son prénom at-il été modifié de Delphine en Maryline à l’intérieur du roman ?) et nous verrons comment elle envisage de l'aider à passer un cap difficile. La vieille dame est aussi capable de lever le pouce pour exprimer son enthousiasme.

Elle ne connaît pas Claude Lelouch mais elle fait elle aussi allusion à "la dernière ligne droite" (page 228) dont il est question dans Nos plus belles années.

Ce roman est un hommage touchant et sensible au personnel soignant qui, même en l’absence d’une épidémie, fait des miracles.

Valérie Clo vit à Meudon. Depuis plusieurs années, elle est art-thérapeute et intervient auprès de publics en grandes difficultés. Une vie et des poussières est le quatrième livre qu'elle publie chez Buchet Chastel. Les précédentes sont chroniques ici.
Une vie et des poussières de Valérie Clo, chez Buchet Chastel, en librairie le 5 mars 2020

dimanche 22 mars 2020

Lasagnes du pauvre

Certains se souviennent sans doute de la voix de Yolaine de la Bigne, chroniqueuse de "Quelle époque épique" ... Je ne sais trop comment qualifier mieux la période que nous traversons.

Toujours est-il que je me débrouille avec les moyens du bord pour préparer à manger sans aller faire de courses et je parie que ma version des lasagnes plairaient à cette femme devenue végétarienne.

Nous sommes, je crois, tous contaminés par une fièvre, non pas acheteuse, mais rangeuse. J'ai donc entrepris de dresser l'inventaires de les placards.

J'ai ainsi retrouvé une boite, entamée, de lasagnes sèches, achetées pour trois fois rien, il y  plusieurs années et ayant dépassé la DLC depuis un temps fou. Ces pâtes me semblant parfaitement conservées, et intactes, je décidai donc de les cuisiner, avec un reste de chou-fleur-pommes de terre-tomates qui ne devait pas dater d'hier et qui se trouvait au fond de mon (pourtant minuscule ) congélateur. Je disposais aussi de chapelure Mon Fournil qui elle aussi n'était pas de la première jeunesse.

Le tout n'allait pas rassasier une famille entière mais pouvait suffire pour deux repas individuels. En effet en ce début de confinement dont on ignore la longueur j'estimais préférable de faire "durer" mes réserves et j'avais entrepris de diviser par deux les portions habituelles.
J'ai ressorti pour l'occasion le mini four hérité de maman pour gagner du temps sur la cuisson et dépenser moins d'énergie vue sa petitesse.
J'avais précuit les feuilles de lasagnes à l'eau bouillante car je n'allais pas faire de béchamel pour imbiber la pâte. J'ai ensuite alterné avec les légumes dans un petit plat et saupoudré de chapelure.
L'affaire fut conclue en trente minutes.
Et ma foi, avec un des pots de riz au lait, et une tisane, ce fut un diner très acceptable.
Couverts Jean Dubost.

vendredi 20 mars 2020

Le mystère Henri Pick de Rémi Bezançon, d'après David Foenkinos,

Je suis sortie ce matin et ça m’a fait un bien fou. Je suis allée jusqu’en Bretagne, tout au bout de la presqu’île de Crozon dans le Finistère … à la découverte du Mystère Henri Pick.

Voilà une histoire qui devrait ravir toute l’équipe des 68 et c’est une chance de disposer de la Médiathèque numérique pour pouvoir visionner ce film qui date de 2019 mais qui n’a rien perdu de son pouvoir. Il joue très habilement sur le réel et la fiction.

L’histoire commence par le dépit de Frédéric Koska (Bastien Bouillon), le romancier et petit ami de l'éditrice Daphné Despéro (Alice Isaaz), alors qu’il apprend que son premier roman partira au pilon. On a beau lui dire qu’il connaîtra une sorte de réincarnation en se transformant en papier recyclé pour de futurs romans, sa déception est immense.

Parallèlement le monde de l'édition encense un roman, Les dernières heures d’une histoire d’amour, qui semble sorti de nulle part, qu'une jeune éditrice aurait découvert dans la salle des livres refusés qui se trouve dans la médiathèque de Crozon, tellement reconnaissable avec ses jardinières et ses boiseries bleu turquoise que je suis sûre de l’avoir vue dans un autre film, mais lequel ?

Le critique littéraire Jean-Michel Rouche (Fabrice Luchini), sorte de double de François Busnel, entreprend de mener l'enquête sur cette histoire abracadabrante : le best-seller n’a pas pu être conçu par un pizzaïolo breton, décédé deux ans plus tôt, et dont la veuve affirme qu'il n'a jamais écrit autre chose que ses listes de courses. Le journaliste est persuadé d'une imposture et entend la résoudre avec l'aide inattendue de la fille de l'énigmatique Henri Pick.

J’avais deviné le mystère dès le début, mais je n’en tire pas gloire, et surtout je voudrais dire que j’ai énormément apprécié cette enquête. Je ne résiste tout de même pas à vous dire que la caméra nous révèle la vérité dans un miroir, par jeu ou hasard ...

Les noms des personnages, Daphné Despero, Inès de Crécy, Frédéric Oscar, Jean-Michel Rouche… autant de patronymes qui me font penser à des personnes réelles, mais peu importe. Le port de Terenez et Les villes de Landévennec, Crozon et Camaret-sur-Mer ont servi de décors aux pérégrinations des personnages que j'ai énormément appréciées alors que les Français sont dans l'obligation de rester bouclés à la maison.

Jean-Michel Rouche affectionne le bar du Bristol où il commande plusieurs fois, un Papa Doble, qui est le surnom que les barmen havanais avaient donné à Ernest Hemingway, dont le goût pour l'alcool était de notoriété publique.

L'écrivain a largement contribué à populariser le Daiquiri et le Mojito. Il a inventé le Death in the Afternoon (Mort dans l'après-midi) à base d'absinthe et de champagne. Pendant un séjour à Paris, il aurait demandé au barman du Ritz d'imaginer un breuvage inodore pour tromper la vigilance de sa femme Mary Welsh, horrifiée de sa propension à boire. Ainsi serait né le sanglant Bloody Mary, à base de vodka et de jus de tomate.

Le Papa Doble est une déclinaison du Daiquiri, avec une plus forte teneur en rhum et l’absence de sucre. En voici la recettes, à consommer avec modération :

6 cl de rhum blanc (de préférence Cubain, comme le ron Añejo Blanco Legendario au profil fruité et floral, ou le ron Silver Dry de Varadero aux notes subtilement herbacées et de canne à sucre)
1,5 cl de Masquarin
1,5 cl de citron vert
3 cl de jus de pamplemousse (si possible fraichement pressé)
1 cerise au Masquarin

Réservez votre verre type Martini dans le réfrigérateur pour qu’il soit bien frais.
Frappez tous les ingrédients dans un shaker rempli préalablement de glaçons. Filtrez et versez dans le verre.
Décorez d’une rondelle de citron et ajoutez la cerise. 

Le Mystère Henri Pick est tiré du livre du même nom de David Foenkinos, un auteur déjà adapté au cinéma avec La DélicatesseLes Souvenirs et Je vais mieux, mais qui, cette fois ne signe pas le scénario (pas davantage que son frère). Rémi Bezançon a été séduit par le genre hybride de l'enquête littéraire et par l'idée de changer d'univers après avoir livré des longs métrages introspectifs. Avec Vanessa Portal, co-scénariste régulière de ses films, il a choisi de placer le personnage du critique littéraire Jean-Michel Rouche au coeur de l'intrigue en changeant le point de vue de la narration qui, à l'origine était une oeuvre chorale.

Rémi Bezançon a envisagé l'enquête comme un MacGuffin, c'est-à-dire un prétexte (qui prend souvent la forme d'un objet mystérieux) à développer le scénario. Ce concept, associé à Alfred Hitchcock qui ne l'a pas inventé mais popularisé, a notamment été utilisé dans Les 39 marches (dont on voit un extrait dans le film), La Mort aux troussesEn quatrième vitesse, Pulp Fiction ou encore Mission : Impossible III.

Ce procédé permet de revenir constamment au thème principal, l’inconstante frontière entre fiction et réalité. A ce propos, et c'est sans doute un clin d'oeil, la patronne de Daphné indique à l'auteur à la fin que maintenant que les droits du livre ont été vendus, les scénaristes vont pouvoir en faire ce qu'ils veulent...

Les allusions au monde littéraire sont multiples. Comme l'affirme un personnage : on se retrouve toujours dans un livre, d’une façon ou d’une autre. Et méditons plus que jamais cette phrase d'Alexandre Pouchkine (in Eugène Onéguine) : Et le bonheur était si proche, si possible.

Fabrice Luchini a été envisagé pour le rôle de Jean-Michel Rouche dès la lecture du roman par Rémi Bezançon. Le comédien a recommandé Camille Cottin avec laquelle il avait joué dans un épisode de Dix pour Cent. Il se trouve que l'actrice avait déjà tourné avec Bezançon dans Nos futurs. Leurs retrouvailles n'ont pas dû être difficiles. Hasard de  la vie, Fabrice Luchini a déjà tourné dans un film où il était question de livres, L’arbre, le maire et la Médiathèque, d'Eric Rohmer. Il y jouait un instituteur féru de littérature mais opposé à la construction d'une bibliothèque qui entraînait l'abattage d'une arbre centenaire.

On remarque Alice Isaaz et Bastien Bouillon et des comédiens venus du théâtre (Josiane Stoléru, Vincent Winterhalter, Florence Muller, l’humoriste Marc Fraize). Notons également la participation d'Hanna Schygulla, égérie de Fassbinder.

Le mystère Henri Pick de Rémi Bezançon
D'après l'oeuvre de David Foenkinos, scénario de Rémi Bezançon et Vanessa Portal
Avec Fabrice Luchini (Jean-Michel Rouche), Camille Cottin (Joséphine Pick), Alice Isaaz (Daphné Despero), Bastien Bouillon (Fred Koskas) ...

jeudi 19 mars 2020

Granola ou muesli maison

Cela faisait longtemps que je rêvais de faire mon propre Granola ou muesli maison. Comme il est interdit de sortir de chez soi la période est propice aux essais, pourvu qu'on ait ce qu'il faut dans les placards. Or, les miens regorgent de paquets que je me promets d'utiliser depuis longtemps sans le faire.

J'ai profité d'avoir un poulet à rôtir pour glisser une plaque en dessous, en bénéficiant si je puis dire d'une source de chaleur gratuite.

Voici la recette que j'ai expérimentée après en avoir compilé plusieurs.

Dans un saladier mélanger 300 g de flocons d’avoine avec deux cuillères à soupe d’huile d’olive (mais l’huile de pépins de raisin convient très bien) quatre cuillères à soupe de sirop d’agave (ou du miel ou du sirop d’érable) et 15 cl de jus de pomme ou d’orange.

Ajoutez 150 g d'oléagineux (amandes–noisettes–noix grossièrement écrasées), et des épices (cannelle et mahaleb).
Versez sur une plaque ou sur une feuille d’exopat et ajoutez alors des noisettes et des amandes entières (facultatif).
Cuire 20 minutes à 170 degrés en mélangeant au bout de 10 minutes, prolonger la cuisson si on préfère un résultat plus doré.
Une fois refroidi ajouter une poignée de fruits secs. Entreposer dans un bocal en verre hermétique.

On pourra le consommer sur du fromage blanc, une compote de pomme ... en évitant de le grignoter à la petite cuillère directement dans le pot tellement c'est bon.

mercredi 18 mars 2020

Tenir debout dans la nuit d’Éric Pessan

De livres en livres, Éric Pessan démontre avec constance ses qualités d’écrivain urbain humaniste. J’entends par urbain le fait qu’il excelle dans la description des quartiers.

Dans Tenir debout dans la nuit, il nous fait traverser New York comme si on y était. Ses descriptions sont précises. Sans doute parce qu'il travaille toujours avec des sources documentaires et des témoignages.

Je connais la ville et c’est exactement ça, en peu de mots. J'ai eu le sentiment d'y revenir, même si j'ai appris un nouveau terme, pet-sitter, consistant à prendre soin, contre rémunération, d'un animal de compagnie comme d'un enfant (page 61).

Mais pour vous mettre en condition, je vous conseille de suivre la recommandation de l'auteur en écoutant New York, chantée en 2008 par Cat Power. Ou, plus récent, 2014, Dirty Boulevard de Lou Reed.

Dans ce dernier roman, Eric Pessan décrit la déambulation nocturne d'une jeune fille paumée dans Manhattan. Sa honte de s’être laissée piéger en n’ayant rien vu venir. Les fidèles de cet auteur auront remarqué que ce n’est pas la première fois qu'il nous raconte l’histoire d’un adolescent tout seul dans la nuit. Dans la forêt de Hokaïdo relatait la survie d'un jeune japonais, abandonné brutalement par ses parents, en début de soirée, en pleine nature.

New York, Lalie n’y est jamais allée. Elle n’a même jamais osé en rêver. C’est trop beau, trop loin, trop cher. Alors, quand Piotr lui propose de l’y accompagner, elle est prête à tout pour saisir cette chance.

A tout ? Non. Car il y a des choses qu’on ne peut accepter. Des contreparties qu’on ne peut pas donner.

Et maintenant la voici dans la rue, face aux regards de travers et aux mille dangers de la nuit, avec une seule obsession : rester éveillée. Résister. Tenir debout.
Tenir debout, l’expression est lâchée dès les premières lignes. Et arrive tout de suite la colère… (page 7) : contre moi qui me suis fourrée toute seule dans un piège terrible (le fameux elle l’a bien cherché). Cette colère qui imprègne cette phrase très longue, la plus longue de tout le roman, qui se déverse comme un tsunami. Parfois, on ne peut que fuir ... ce qui ne signifie pas manquer d'énergie et on comprendra que pour Eric Pessan la rage est un carburant (page 103).

mardi 17 mars 2020

Sauf que c’étaient des enfants de Gabrielle Tuloup chez Philippe Rey

J’ai lu Sauf que c’étaient des enfants de Gabrielle Tuloup alors que j’étais confinée. J'ai eu la "chance" de le recevoir avant que la France ne soit paralysée. J'étais impatiente de le découvrir car, étant sorti début janvier, il avait déjà une belle réputation.

Ayant alors des soucis de santé j’ai voulu utiliser la dictée de manière à enregistrer mes notes de lecture sur l'Ipad. Tout semblait parfait, même si, évidemment, il fallait corriger abondamment et régulièrement parce que le logiciel de reconnaissance vocale traduisait mes paroles de manière très souvent fantaisiste.

J’étais assez contente de moi de n’avoir pas cédé à la paresse et d’être parvenue à travailler alors qu’autour de moi on craquait de plus en plus quand, au moment de transférer le texte sur le blog, l’entièreté des paragraphes avait disparu. Ce n’est pas tragique mais rageant tout de même.

Pardon à l’auteure. Je vais faire de mon mieux pour rattraper le coup mais, comme disait Bourvil à Louis de Funès, dans une scène désormais d'anthologie : C'est une catastrophe. Elle va marcher beaucoup moins bien maintenant, forcément.

Ce roman s'organise en trois partie, la première commençant par sauf, la deuxième également, et la troisième par sauve. De cette troisième partie je ne raconterai rien si ce n’est qu’elle est essentielle et qu’elle apporte un éclairage aux précédentes. Et la dédicace, pour ma petite Maman "sainte sentinelle et gardienne" de ses enfants, prend toute sa valeur quand on la relit après avoir refermé le roman.

J'ai énormément aimé ce livre. Je regrette juste, et ce n’est pas la première fois que je le dis, de ne pas disposer d’un album pour écouter chacun des morceaux que Gabrielle Tuloup cite en début de chapitre. J'en écoute plusieurs en boucle, très souvent (comme La boxeuse amoureuse) mais j'ai découvert Agnès Bilh que je ne connaissais pas.

A cet égard l’éditeur aurait pu, a minima, faire figurer la liste à la fin. La voici donc pour ceux que ça intéressent de façon à ce qu’ils se préparent : L’océan, Dominique A. Le drapeau, Mano solo. La mélancolie, Léo Ferré. La nuit je mens, Alain Bashung. Parce que, Serge Gainsbourg. La boxeuse amoureuse, Arthur H. Le soleil noir, Barbara. Viol au vent, Agnès Bilh.

Ils sont huit garçons, élèves du collège André-Breton de Stains (Ne cherchez pas à vérifier, il n’y a pas d'établissement de ce nom dans cette ville où les collèges portent celui de Barbara et de Pablo Neruda) reconnus formellement par la jeune Fatima pour viol en réunion, dont un élève de cinquième.

Leur interpellation fait exploser le quotidien de chacun des adultes qui entourent les enfants. En quoi sont-ils, eux aussi, responsables ? Il y a les parents, le principal, les surveillants, et une professeure de français, Emma, dont la réaction extrêmement vive surprend tout le monde.

Tandis que l’événement ravive en elle des souvenirs douloureux, Emma s’interroge : face à ce qu’a subi Fatima, a-t-elle seulement le droit de se sentir victime ? Car il est des zones grises où la violence ne dit pas toujours son nom…

Ludovic Lusnel, le chef d’établissement, comprend que l’enfance de chacun de ses élèves se termine aujourd’hui, plus rien ne sera comme avant (page 28).

Ce sont les surveillants qui recevront l’ordre d’aller les chercher en classe. Voilà les élèves en garde à vue. L’entrée de ceux qui appartiennent aux forces de l’ordre dans un établissement scolaire est toujours quelque chose de mal accepté, même lorsque les policiers arrivent pour faire de la prévention en terme de violence ou interviennent dans le cadre des plans Vigipirate.

Les surveillants sont ulcérés d’avoir dû faire cela et expriment leur colère : vous faites votre travail, on fait le nôtre. Chacun fait sa part pour que le bahut tourne. Mais là, franchement, ce que vous avez fait, c’est dégueulasse (page 44). Ils considèrent les élèves comme leurs petits frères et ils pressentent d’avoir, par cet acte, perdu la confiance des gamins. Effectivement cela peut sembler paradoxal mais il n’est pas possible d’avoir une bonne influence sur des enfants, et cela vaut aussi pour des parents maltraitants, en utilisant uniquement des menaces et en faisant juste des rappels à la loi. Parfois il faut intervenir "plus haut", par exemple auprès de l'Aide Sociale à l'Enfance mais gare au personnel enseignant qui s'y risque (je sais bien que c'est de son devoir mais il est préférable que ce soit le médecin scolaire qui fasse le signalement) si ensuite le service social n'agit pas. Les enfants sont alors encore davantage en danger et plus personne, à l'intérieur de l'école, ne peut les soutenir, en raison du sentiment de trahison ressenti par la famille.

Admettons que plus tard le principal obtienne son changement de poste, les surveillants eux précisément, resteront ici, et personne n'aura oublié ce qu'ils ont fait. 

Emma Servin, l'enseignante qui les a suivis depuis quatre ans, sera choquée de n'avoir même pas pu leur dire au-revoir (page 153). Qui sait s'ils réapparaitront un jour ... Et pourtant elle est particulièrement clairvoyante, sachant pertinemment que dans les films les monstres se transforment en prince charmant. Dans la vraie vie, c’est l’inverse, exactement l’inverse (page 73). Et on pensera évidemment au livre La vraie vie d’Adeline Dieudonné.

Les surveillants, l’assistante sociale, chacun fait ce qu’il peut mais la menace d’une "mauvaise réputation" peut conduire n’importe quelle adolescente à se fourvoyer, et ici à accepter malgré elle de suivre un garçon sans imaginer que la situation va dégénérer. Car il arrive qu’on n’identifie pas immédiatement son bourreau (page 143).


On observe, à l'instar du film Acusada (qui a inspiré Stéphane Demoustier pour La fille au bracelet) une hypersexualisation de l’environnement qui contraste avec la puissance du déni, à la fois chez les victimes mais aussi chez les agresseurs. Il faut rappeler que le viol est un crime et que, même si on est mineur, quand on prétend à une sexualité d’adulte, on peut être jugé comme tel (page 77).

Moins de 2 % des viols aboutissent à une condamnation en cour d’assises. Quel courage il aura fallu à Fatima et à sa maman pour défier la loi du silence ! On voit bien que l'opinion est partagée. Ainsi Camélia, une bonne élève au demeurant, donnera son avis à sa professeure d’arts plastiques, Elise Poincet franchement c’est à elle qu’il faudrait en vouloir. (…) J’aimerais vraiment pas être à sa place mais elle n’est pas toute blanche non plus, vous savez (…) Il fallait pas qu’elle parle. On déballe pas sa vie comme ça chez nous (page 82). On lit plus loin qu'on serait violée parce qu’on a cherché les embrouilles (page 84). Il est malgré tout vrai que se respecter impose d’apprendre à dire NON à temps. Mais je rappelle que la présomption de consentement (comme le devoir conjugal) ont disparu en 2010 du Code civil.

Toujours est-t-il que personne n’a rien vu venir. Les parents, et particulièrement les mamans, se culpabiliseront, estimant qu’elles auraient peut-être dû être plus présentes, peut-être moins laisser de liberté à leurs filles. Le soulagement viendra malgré tout de la déposition qui signifie, au pied de la lettre, se délivrer d’un fardeau.

Gabrielle Tuloup est enseignante en Seine-Saint-Denis. Alors, évidemment, quand elle insère au fil du récit des documents administratifs tels que un extrait de séquence pédagogique, des bulletins trimestriels, un rapport d’incident, ou un compte-rendu de réunion, le lecteur est en immersion totale. Il faut dire qu'il a été sensibilisé depuis le film La vie scolaire et que, du coup, cet univers est moins opaque.

J'ai été frappée par la justesse de toutes les pièces jointes qui figurent dans le roman. Bravo. On y est. 

Je recommande aussi son premier roman, La Nuit introuvable, dans lequel un fils retrouvait sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer et qui, avant de sombrer, lui avait laissé une confession épistolaire émouvante qui allait modifier son jugement et sa vie.

Sauf que c’étaient des enfants de Gabrielle Tuloup chez Philippe Rey, en librairie depuis le 2 janvier 2020
Livre lu dans le cadre de la Sélection "anniversaire" 2020 : 14 romans (premiers ou deuxième textes, anciens ou récents, français ou traduits) choisis par un panel d’auteurs et 5 seconds romans français.

lundi 16 mars 2020

Le sublime riz au lait en sept astuces ... au moins

Au début il y avait une très forte envie de douceur. Ensuite il y eu le rangement des placards et la découverte d'un "vieux" reste de grains de riz (qui m'a fait penser au conte d'Alain Gaussel) italien, théoriquement dévolu à faire un risotto.

Il y eu nos amis italiens qui souffrent tant.

Il y eu aussi des recettes postées sur les réseaux sociaux par Muriel Aublet-Cuvelier et Philippe Etchebest. Et puis il y eu le litre de lait offert par ma voisine.

J'étais prête.

Denrées indispensables : 115 grammes de riz, 64 grammes de sucre (on peut même descendre un peu) et un litre de lait. Evidemment vous adapterez si vous avez un demi-litre de lait ou si vous voulez employer plus de riz. Il suffit de respecter les proportions.

Cette recette ne réclame que du lait, du riz (de préférence du riz rond premier prix mais n'importe lequel pourra malgré tout permettre un résultat honorable) et un peu de sucre. Les épices ne sont qu'un plus agréable si on les a sous la main, mais vous pouvez vous en passer ou remplacer ma proposition par de la cannelle, de la muscade, ou suivre votre instinct.

Evidemment ce serait meilleur si comme Stéphane Jégo, le patron du restaurant parisien l'Ami Jeanon pouvait ajouter un peu de crème anglaise, une énorme proportion de crème montée et servir avec un caramel au beurre salé, ou même si on pouvait ajouter un jaune d'oeuf en fin de cuisson comme le fait la cheffe pâtissière Muriel Aublet-Cuvelier. Mais rassurez-vous vous vous régalerez avec ma version et vous oublierez les soucis. Ne risquez pas votre vie (la recette a été publiée en période de confinement Covid-19) à vouloir sortir acheter de la crème ou des oeufs.
Première astuce : on va commencer par blanchir les grains pour qu'ensuite ils absorbent un maximum de lait. On les place dans une casserole avec de l'eau salée et on porte à ébullition. On arrête et on égoutte (on chinoise comme dirait Muriel). On les met de coté. Vous remarquerez qu'ils ont déjà gonflé.
Ensuite vous versez dans une casserole assez grande presque la totalité du litre de lait. Presque, parce que, et c'est la deuxième astuce, vous allez en conserver l'équivalent d'un bon demi-verre au réfrigérateur.  Vous ajouterez 64 grammes de sucre semoule (ou un peu moins, cela suffira ... alors que Stéphane Jégo recommande 200 grammes pour un litre de lait) et, voici la troisième astuce, comme vous conservez ce sucre dans une bouteille (de lait transparente, en plastique car incassable, dans laquelle vous avez glissé une gousse de vanille après en avoir utilisé les graines) votre sucre est "naturellement" parfumé à la vanille et vous n'avez pas besoin aujourd'hui d'ajouter cet épice.

dimanche 15 mars 2020

De Gaulle, le film de Gabriel Le Bomin

Le titre du film, De Gaulle, est bref, quasi elliptique. Trop prometteur aussi car je m'attendais à un biopic complet, et surtout pas à la reconstitution de quelques mois d'une seule année, 1940.

Il est vrai qu'elle est charnière dans l'histoire de la France, et dans la sienne aussi, mais on ne peut pas résumer la vie d'un tel homme à ces quelques mois. Ni celle de sa femme d'ailleurs car elle a joué un rôle très important dans son parcours, et cela jusqu'à la fin.

C'est elle qui a posé les bases du rôle de Première dame, qui n'existait pas avant elle. Discrète, mais très impliquée. Dans cette époque en pleine évolution, elle est aussi bien ambassadrice de la mode française que "dame de charité". Cependant Yvonne de Gaulle restera la "femme de" et se tiendra souvent en retrait.

Étonnons-nous des soirs mais vivons les matins ... Guillaume Apollinaire apporte une certaine emphase à un scénario un peu brouillon ... comme l'affiche. peut-être a-t-il manqué une voix off ou les confidences d'un personnage qui aurait analysé le déroulement des événements plutôt qu'une succession de plans dont parfois la logique nous échappe.

On commence en avril 1940, à Colombey-les-Deux-Églises où on voit l'homme avec sa fille Anne, handicapée par une trisomie. Quand on sait combien elle comptait pour lui, on comprend ce choix qui démontre combien il pouvait être tendre. C'est pour son bien-être qu'il avait acheté la Boisserie, en pleine campagne.

Mai 1940. La guerre s’intensifie, l’armée française s’effondre, les Allemands seront bientôt à Paris. La panique gagne le gouvernement qui envisage d’accepter la défaite. Le 28 mai le colonel De Gaulle reçoit l'ordre de se replier alors que son unité combat à Abbeville.

C'est un homme de 50 ans dont la carrière militaire plafonne au grade de colonel. Ses théories ou ses écrits sur une guerre offensive face à l’Allemagne sont considérés avec condescendance voire mépris par l’ensemble de ses pairs, en dehors de Paul Reynaud qui est devenu Président du Conseil au printemps 1940, qui lui y est très attentif. 

Le 6 juin 1940 on le voit à Paris. De colonel il est promu général, sous-secrétaire d’État à la Défense nationale et veut infléchir le cours de l’Histoire. Pour cela on lui fait dire cette petite phrase qui sera déterminante : Croyez-moi la radio est une arme puissante (sous-entendu pour lutter contre le défaitisme). Il faut sauver la France.

samedi 14 mars 2020

L'École des mamans heureuses de Sophie Horvath

(mise à jour 30 avril 2020)

Quand on a apprécié un premier roman on attend le suivant avec intérêt. Voilà pourquoi j'étais très intéressée de découvrir L’École des Mamans heureuses de Sophie Horvath, dont la sortie était annoncée pour le 4 mars et qui m'avait été adressé en avant-première en me demandant de garder l'embargo jusqu'à la date requise.

Autant vous dire que, malgré mon désir de le lire, ce roman est arrivé à un moment qui ne fut pas très propice à la légèreté. Même si le propos est sérieux et loin d'être superficiel, l'actualité prenait une place considérable dans mes préoccupations, d'autant que je devais moi-même combattre le virus qui s'était invité dans ma vie.

J'ai cependant proposé à l'auteure de participer à une émission de radio dès que j'ai pu les reprendre (à distance) mais elle aussi devait probablement se débattre avec un quotidien très prenant. Elle n'a pas pu faire l'interview.

Le sujet de son roman est pourtant furieusement d'actualité car il s'agit d'aborder le quotidien de mamans exténuées (et de papas aussi), à ceci près de différent que les personnages sont tout de même plus libres que les parents confinés et qu'ils peuvent précisément s'octroyer un espace vital rien que pour eux.

Ça ira mieux demain ... la chanson de Biglo et Oli est citée en exergue et j’ai envie de crier oui!!!!!!. A croire que Sophie avait pressenti la catastrophe.

Ce n’est pas de chance pour elle que son second ouvrage (pile un an après Le Quartier des petits secretspointe le bout de ses pages juste avant le confinement mais elle a pris les choses avec philosophie. J’applaudis ce comportement.

Ce roman conserve toutes ses qualités en sortie de crise. Il vous permettra de relativiser vos soucis de parents. Il vous fera aussi sourire, et ce sera bien appréciable ... après.

C’est le pédiatre de son fils qui oriente Garance vers "quelqu’un qui pourrait l’aider". Ce sera Rosa, qui officie dans un local associatif situé dans un gymnase, dans un cadre un peu incongru mais qu'elle sait rendre sympathique. Rosa aime le thé et a une vraie passion pour la couleur, toutes les couleurs. Elle choisit celles de ses tenues en fonction de ses humeurs et se sent parfois d’humeur multicolore (page 133). Elle a fondé l’EMH, l’Ecole des Mamans Heureuses, dont les piliers sont respect, écoute et bienveillance. On est loin de l'école ménagère du film La Bonne Épouse.

Garance va y faire la connaissance de Leila, Corinne et Catherine qui ont en commun d’avoir engendré des enfants monstres et d'être au bout du rouleau. Chaque séance s'articule autour d'une activité et d'une discussion avec la seule injonction d’exprimer son ressenti. Quelques exercices fédérateurs peuvent aussi être proposés comme dire à chacun quelque chose de gentil, ce qui n’est pas aussi simple qu’il y parait. Car on a tous tendance à garder plus longtemps et plus fort le goût des humiliations mal digérées que celui des petits bonheurs (page 90).

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