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mardi 3 mars 2020

Lecture des Lois de la gravité de Jean Teulé dans la perspective d'un festival d'Avignon

(mis à jour le 17 mai 2020)
Après La journée de la jupe, qui fut un grand succès (amplement mérité) au Théâtre du Balcon au festival d'Avignon 2019, Frédéric Fage a décidé de s'atteler à un autre texte avec la complicité du même auteur, Jean-Paul Lilienfeld.

J'avais beaucoup aimé le spectacle (comme d'ailleurs le film avec Isabelle Adjani dont je me souvenais parfaitement) et c'est donc avec une forte attente que je me suis rendue à cette lecture, qui a eu lieu en petit comité au Théâtre Michel le 27 février.

Un soir, une femme se rend dans un commissariat pour confesser le meurtre de son mari violent, commis dix ans plus tôt. Seulement plus la policière de permanence interroge cette femme, plus elle connait sa vie, moins elle a envie de l’arrêter. Pourquoi cette femme que personne ne soupçonnait veut-elle absolument être reconnue coupable ? Pourquoi cette policière ne veut-elle absolument pas l’arrêter ? L’une des deux gagnera. Mais que veut dire gagner dans ce genre de circonstances ?

Jean-Paul Lilienfeld connait très bien le sujet puisque c'est lui qui a réalisé le film Arrêtez-moi en février 2013, avec Sophie Marceau, Miou-Miou et Marc Barbé. Autant dire que le duo Fage/Lilienfeld est bien placé pour reprendre ce thème même si le scénario avait été co-écrit par Jean-Paul et Jean Teulé.

Celui-ci avait imaginé dans son roman Les lois de la gravité, que le policier était un homme. Et c'est dans cette configuration que la pièce a déjà été jouée au théâtre sous ce même titre, au printemps 2015, au Théâtre Hébertot dans une adaptation de Marc Brunet et une mise en scène d'Anne Bourgeois avec Pierre Forest, Florence Loiret-Caille et Dominique Pinon.

Par contre, pour le cinéma, Jean Teulé et Jean-Paul Lilienfeld avait modifié les choses, en choisissant un duo féminin et c'est cette option qui est retenue par Frédéric Fage. L'affrontement de deux femmes évite le piège d'une pseudo séduction entre les protagonistes. Le coeur du sujet ne réside pas dans le bras de fer qui se joue entre elles mais dans la problématique des violences conjugales, et la difficulté de s'en extraire. Quoi qu'elle ait subi et quoi qu'elle ait pu faire pour stopper la maltraitance la femme s'estimera toujours coupable de quelque chose.

Subir des humiliations pendant des années laisse des traces en terme de comportement. A force d'avoir encaissé (et comment faire autrement ?) la femme intègre une forme de culpabilité. Lorsqu'enfin elle se défend (en général en s'enfuyant, ici en commettant le meurtre du conjoint) elle ne peut pas imaginer justifier son acte en invoquant la légitime défense.

En face d'elle, la flic, sans doute impliquée personnellement dans ce type de situation, semble disposée à outrepasser les règles. la question que se pose le spectateur est de deviner jusqu'où ... comme en ont témoigné les conversations passionnées qui ont suivi la séance de lecture.

C'est Gaëlle Billaut-Danno qui est cette femme victime pendant des années de violences conjugales et c'est Anne Richard qui a la charge de recueillir sa déposition, en l'occurrence ses aveux quand elle débarque au commissariat quelques heures avant la fin de la prescription, car dans quelques heures, le délai légal pour se constituer prisonnière sera dépassé. 

Un point n'est pas encore tranché, qui consiste dans le choix du titre du spectacle mais une chose est certaine, ce ne sera pas Les lois de la gravité.

Bien entendu la période de confinement qui a suivi cette lecture a stoppé net le travail de répétition mais il n'a pas ralenti la réflexion sur les caractéristiques de la situation. Ainsi Gaëlle a beaucoup songé à sa position de femme, plus encore que d'actrice. Contrairement au rôle qu'elle interprète dans La journée de la jupe qui n'est pas immédiatement compris par tout le monde et qui peut être considéré comme marginal (alors que tous ceux qui connaissent les banlieues trouvent le spectacle extrêmement réaliste) la question des violences conjugales fait désormais malheureusement l'unanimité. On sait les femmes victimes et on connait le mécanisme de culpabilité qui les englue.

Anne Richard et Gaëlle Billaut-Danno apparaissent au fil de la lecture comme deux femmes qui subissent et se rebellent. Se dénoncer est peut-être problèmeune façon de prendre le pouvoir sur sa vie et le spectateur attend avec une certaine angoisse quel argument la fera changer de point de vue.

La pièce traite au sens large de la question de la faute et de la responsabilité, consciente ou inconsciente, que nous avons dans ce qui nous arrive. Avouer est-il un chemin vers le pardon ? Et comment se reconstruire après un drame ? La motivation à se dénoncer est évidemment complexe mais il est certain qu'être condamné ne fait pas de quelqu'un un coupable.

N'imaginez pas un affrontement statique entre les deux femmes. On nous promet un gros travail sur les lumières et le son, dans un décor dépouillé, entre réalité et symbolique, dans une esthétique d'aujourd'hui. Et ce sera Erwan Orain qui interprétera le troisième personnage, adjoint de la commissaire (lu par Simon Larvaron le 27 février sur la scène du Théâtre Michel).

Par contre il faudra modifier le contexte par rapport à l'adaptation cinématographique puisqu'en 2017 le délai de prescription est passé de 10 à 20 ans. La femme serait donc plus âgée. Il est probable que le fils ait pris la suite du père pour la martyriser ... mais laissons Frédéric et Jean-Paul poursuivre leur réécriture.



L'équipe artistique reste la même que celle du spectacle précédent, et la production sera assurée par A 360 Production. De nouvelles répétitions en salle sont fixées en septembre pour être potentiellement prêts dès janvier 2021 avec l'objectif d'être sur scène au festival d'Avignon l'été 2021 au Théâtre du Balcon, ... avec peut-être quelques dates en avant-première ... si tout va bien.

Par ailleurs Gaëlle est prête à reprendre la tournée de la Journée de la jupe en France et pendant toute la prochaine saison en raison des reports de date. Elle est déjà de retour en studio pour enregistrer des livres audio et a plusieurs autres projets pour le théâtre dont nous reparlerons le moment venu.

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