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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

jeudi 31 août 2023

Le showroom de Toiles de Mayenne à Fontaine-Daniel

Il y a quelques jours, je vous ai fait visiter le village de Fontaine-Daniel, célèbre pour son épicerie coopérative. L'essor du hameau est dû à une entreprise exemplaire, Toiles de Mayenne, marque déposée depuis 1952, qui dispose sur place d'un show-room depuis 1967 sachant qu'un autre se trouve aujourd'hui place des Victoires, à Paris, dans l'ancien domicile d'un des fondateurs. C'est une entreprise d'environ 90 personnes, avec un site de production et 16 magasins en France.

J’ai voulu venir ici parce que ce que j’avais vu de ce village au moment de préparer mon séjour en Mayenne m’avait un peu intriguée. Je m’intéresse depuis toujours à la confection. Je sais coudre et le monde des tissus me "parle", probablement parce que mes arrières grands-parents maternels étaient marchands de soieries dans le quartier des Folies Bergère. C’était du moins ce que je croyais.

Il se trouve que j’ai aussi des racines mayennaises, du côté paternel, mais je n’avais pas eu l’occasion de revenir dans le département depuis que je suis adulte. J’ai peu connu ma grand-mère paternelle dont je n’ai qu’un unique souvenir de partage, quand elle m’a enseigné comment tricoter. Mon père avait conservé son rouet qui était à mes yeux un objet décoratif un peu désuet. Je croyais (stupidement) qu’elle avait filé le chanvre pour se distraire sans imaginer un instant que l’activité textile était une caractéristique de la Mayenne où la terre est plutôt ingrate. L’industrie, ou comme on la nommait au début du XIX°, "la fabrique", fournissait un indispensable salaire ou complément de salaire, auquel pouvaient contribuer tous les membres d’une même famille. On était souvent en même temps, cultivateur, fabricant et négociant.

Je savais que les sœurs de cette grand-mère avaient été modistes à Saint-Aubin-Fosse-Louvain mais je n’ai jamais vu leur atelier. Comme j’aimerais aujourd’hui interroger mes ancêtres sur leur mode de vie, mais on ne peut pas remonter quasiment un siècle en arrière. C’est pourtant un peu ce que j’ai fait au cours de mon séjour, en m’arrêtant à Fontaine-Daniel.

Autant je reprends l'histoire de l'entreprise dans l'article consacré au village, parce que tout y est lié, autant dans celui-ci je ne parlerai que de l'entreprise telle qu'on peut la voir en ce moment, depuis la reprise en 2018 par Jérôme Couasnon et Clotilde Boutrolle, ce qu'ils ont fait dans la continuité de l'esprit de la marque en la positionnant dans les tendances colorées de notre époque tout en préservant son héritage authentique. Avec une volonté affirmée de résister face à la délocalisation et de revendiquer l'ancrage territorial, de penser le tissage, réfléchir aux manières de produire, aux matières sélectionnées, créer sans surproduction, avancer de manière raisonnée et avec bon sens. Ce credo trouve heureusement un écho positif auprès des clients.

Ainsi Toiles de Mayenne peut revendiquer depuis 2022 une production locale 100% française. Tout ce que l'on peut voir dans cet espace a été fabriqué soit dans les ateliers de la marque qui se trouvent sur la commune, soit chez des fournisseurs partenaires qui eux aussi travaillent en France.
La chilienne en toile Marius invite le visiteur à se reposer. On appréciera le confort de cette pièce devenue iconique, réalisée dans une rayure équilibrée, classique et intemporelle alternant grisailles en fil à fil et aplats colorés d’un beau vert profond. Tissée à Fontaine-Daniel, avec une belle main souple … en trévira Cs, ce qui veut dire non feu, lavable et résistante, utilisable en milieu humide, donc idéale pour ce type de mobilier d’extérieur. Le bois est lui aussi français et l’ensemble se démonte pour pouvoir laver la toile en cas de besoin.
Voici des coussins conçus comme des bijoux, traversés d’une broderie soyeuse presque métallisée, assemblant deux coloris de lin, naturel et blanc et qui rencontrent un vif succès. L’abat-jour de cette gamme Zigzag est une exclusivité boutique. La composition évoque un paysage qui se reflète dans l’eau, témoignant de la capacité du milieu naturel à inspirer les designers de la marque.

mercredi 30 août 2023

En Mayenne on a le souci d’un vrai comportement éco-responsable

Quand je suis arrivée en Mayenne un des premiers mots à me frapper fut le terme "local". Consommer des fruits et légumes qui ont été cultivés à proximité est une grande évidence. Les magasins n'hésitent pas à positionner l'étiquette "local" sur tout ce qui l'est.

Tous les restaurateurs chez qui j'ai pris un repas revendiquent de cuisiner avec un approvisionnement de proximité qui plus est souvent bio. Nicolas Cribier mentionne la provenance de tout ce qu'il met au menu du petit-déjeuner qu'il sert à la clientèle de l'Auberge des Remparts. Et dans cet hôtel on ne remplace que les serviettes de toilette posées à terre. Un code qui est en vigueur dans beaucoup d’établissements.

Le Département a initié la marque Slowlydays, en contractant slowly et holydays, engagée à valoriser les projets et acteurs du territoire engagés dans une démarche responsable, que bien entendu le festival des Nuits de la Mayenne a rejoint.

Ils sont nombreux à s’inscrire dans une démarche avec des valeurs communes (bienveillance, convivialité, durabilité et ça se voit. Je citerai quelques magasins repérés au fil de mes balades. J'ai été attirée (au 56 Rue du Pont de Mayenne, mais elle était fermée) par la friperie Back to the 90’ spécialiste des vêtements des années 60 à 2000. Il me semble qu'en Mayenne on est davantage qu'ailleurs sensible au recyclage, à la récupération, à la consommation de produits locaux.

Parmi les plus intéressants il y a, rue des Orfèvres à Laval, La penderie d’Angèle, la dénicheuse de merveilles depuis 2012 et qui est une référence en vêtements vintage, puis juste à côté, Les cornichons, un commerce qui prône le bio et le zéro déchet.

L'épicerie la plus représentative de la démarche est sans doute celle de Fontaine-Daniel. Là-bas on va jusqu’à étiqueter spécialement les fromages régionaux, et ils sont nombreux.

Mais il y a d'autres établissements, et de toutes tailles. Le maraicher de Il faut qu'on sème vient vendre ses propres légumes chaque mercredi après-midi dans sa boutique de la rue Aristide Briand à Mayenne depuis novembre 2022. Et la grande surface de NOUS anti-gaspi, zone de la Boutellerie à Saint Berthevin, près de Laval propose un éventail de choix de produits de toutes sortes, notamment plusieurs excellents jus de pommes.

Bon d’ici est un autre de ces magasins spécialisés comme qui ont beaucoup de succès.

Echologia est un parc qui n’offre pas que de l’hébergement insolite dans une ancienne carrière de fours à chaux mais une série d’activités marquées par l’écologie.

Une forte promotion est faite autour de l’usage du vélo comme moyen de transport pour les touristes. Et ça marche ! Véloroute traverse le département.

La liste serait longue si je voulais citer tous ceux qui affirment sur leur site de fortes valeurs visant à promouvoir le Made in France et le circuit court pour diminuer leur impact carbone et valoriser les savoir-faire locaux. Le souci de valoriser les acteurs locaux et les entreprises françaises correspond aussi à la volonté de préserver les emplois et de protéger notre savoir-faire en le faisant perdurer. L’industrie n’est pas en reste. Toiles de Mayenne revendique depuis 2022 une production locale 100% française. Tout ce que l'on peut voir dans le show-room qui fera l’objet du prochain article a été fabriqué soit dans les ateliers de la marque qui se trouve sur la commune de Saint-Georges de Buttavent, soit chez des fournisseurs partenaires qui eux aussi travaillent en France.
Je n’ai pas visité les ateliers de maroquinerie de Longchamp mais j’ai lu combien ils étaient actifs dans l’écoresponsabilité et engagé dans une démarche de zéro déchet.

J'ai appris également qu'avec des solutions innovantes de tri des déchets, l'entreprise mayennaise Rossignol était devenue un leader de l'industrie.
Si la Mayenne n’a pas réellement de spécialité culinaire (même si les Rillettes Goronnaises suggère une quiche) et si le gâteau M (ci-dessus) symbolise ce que le département a de plus gourmand, généreux et savoureux avec des ingrédients comme des pommes et des œufs mayennais, du beurre, du sucre, de la farine et de la nougatine… pour composer un gâteau de voyage, réalisé et vendu par les boulangers adhérents de la Fédération des Boulangers de la Mayenne, mais que je n’ai pas pu remporter, faute d'avoir réussi à le trouver dans une pâtisserie qui ne soit pas en vacances. Je me promets de le goûter une autre fois. Egalement la Tourte Mayennaise (ci-dessous) qui réunit les trois ingrédients phares de la région : la pomme, le bœuf et le fromage d’Entrammes. Elle est le résultat d'un concours de cuisine mené  à l’initiative de France Bleu Mayenne par deux chefs de la région, Fabrice Sorin et Alexandre Arnaud.
L'écologie est une démarche très vaste. Ainsi depuis septembre 2022 une opération de grande envergure a été lancée afin de répertorier les oiseaux de Laval. Le musée des sciences a sollicité les personnes motivées par l'observation des oiseaux dans des lieux publics, comme dans les jardins. Voici le lien d'accès à leur excellent dossier de fiches de reconnaissance des oiseaux en signalant les confusions possibles. En espérant susciter des vocations !

J'ai été surprise de voir le long de mon parcours d'étranges petits totems qui sont des cendriers artistiques customisés pour sensibiliser les Lavallois à la propreté, à l’environnement et lutter contre l’abandon de mégots de cigarettes dans l’espace public.

L’action a été conduite pour marquer le mois de la propreté en juin 2022 par les maisons de quartiers et avec la participation de Monsieur TOCQ’R, artiste mayennais, intervenu pour concevoir un ensemble d'une trentaine de cendriers, originaux dans leurs formes et leurs couleurs qui ont été positionnés un peu partout à Laval, et notamment dans les lieux à fort risque de jet de mégots. Leur succès a contribué à ce qu'ils restent en place depuis.

Ce ne sont que des actions modestes mais elles me paraissent exemplaires et dignes d'être reproduites !

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont celles du Gâteau M - Crédit photo Mayenne Tourisme et de la La tourte Mayennaise - Crédit photo : Dominique VERNIER- Mayenne Tourisme

mardi 29 août 2023

Mes Chers Enfants de et mis en scène par Jean Marboeuf

Anny Duperey est un peu de notre famille. On la connait pour l’avoir lu ses livres et l’avoir vue jouer au cinéma, à la télévision, au théâtre, et même parfois dans la vie quotidienne.

Je l’ai croisée dans l’escalier du Lucernaire alors qu’elle montait (ou descendait ?) de sa loge et la conversation s’est engagée en toute spontanéité sur le travail de son amie Pascale Bordet dont les oeuvres sont accrochées sur les murs. Elle vient d’écrire le texte de présentation d’une exposition qui va bientôt avoir lieu. A ne pas manquer parce que cette costumière, toujours vêtue de blanc, et qui adorait tant la couleur, était une très grande dame, et une formidable aquarelliste.

Plus tard, Annie entre comme par effraction sur le plateau pour relire les lettres qu’elle a envoyées à ses Chers enfants. Elle les partage avec nous, en toute logique, puisque nous appartenons un peu à sa famille nous aussi.

Comme elle dans la vraie vie, son personnage porte de longs pendants d’oreilles et un peignoir de soie avec de grandes poches pour y enfouir les maisons. Comme elle, cette maman a deux enfants, mais les points communs s’arrêtent là. Elle écrit à sa fille Géraldine, et surtout à son garçon, Darius, dont le prénom revient plus fréquemment. Il faut dire qu’il occupe une place particulière que l’on découvrira plus tard.

Derrière elle, le fond d’écran est rouge vif, s’accordant avec les propos : On écrit et parfois ça dérape mais je suis toujours aimante.

Elle souffre de la solitude, ayant perdu un mari irremplaçable, qui fut pourtant encombrantse plaint de vieillir un peu plus chaque dimanche et râle contre les répondeurs qui la privent d’un échange vivant avec sa progéniture. Ne pouvant leur parler en direct, elle leur a écrit des courriers où elle se révèle impatiente, suspicieuse, amère, larmoyante, … les qualificatifs ne manquent pas et composeront le puzzle de toutes les facettes de sa personnalité.

On peut lire quelques bribes par dessus son épaule tandis qu’elle trace les lignes de sa grosse écriture ronde si reconnaissable (finalement voici un troisième point commun). Je ne vais pas vous les raconter, pour ne rien gâcher de votre plaisir à les découvrir. Car il y a de la fantaisie, de la malice, de l’émotion, et même de la colère à partager avec elle.

Par le biais d’un mapping intelligemment conçu et de quelques vidéos nous allons prendre le train avec elle pour Ouistreham dont elle nous donnera une autre vision que celle de Florence Aubenas dans son livre qu’il faut absolument lire si ce n’est déjà fait. Plus de dix ans après sa publication il reste d’une actualité insensée sur la précarité, surtout pour les femmes. J’espère qu’il vous « titillera » vous aussi.

Les ponctuations musicales sont très réussies, sans surprise quand on sait qu’elles sont l’œuvre de Roland Romanelli qui fut longtemps l’accordéoniste de Barbara, pour qui il écrivit une chanson où il est (aussi) question de lettre … Vienne.

Derrière une approche légère on découvre des prises de position sociales et politiques qui interrogent le spectateur. Et c’est très bien ainsi. Qui parmi nous, ce soir là, pouvait imaginer qu’il soit possible d’être accusé de délit de solidarité ? Je ne vous donne pas le contexte, pour ménager l’effet de surprise.

Cette femme va pour nous rajeunir un moment, nous faire rire, nous attendrir, et même pédaler sur ordonnance sur un vélo d’appartement (cette fois le point commun est entre elle et moi) pour maintenir sa forme et continuer à donner ses leçons de vie, modestes mais si justes.

On la sent amère quand elle confie que voir nos enfants vieillir pendant qu’on décline, c’est la double peine. On ne peut que la comprendre et suivre son conseil de nous aimer tels que nous sommes, le plus possible et très longtemps.

Mes chers enfants est un spectacle touchant. A voir en cette rentrée pour prendre de bonnes décisions. Je n’ose invoquer son succès (il a été créé il y a quelques mois, dans un autre théâtre et a déjà rencontré son public). Je pourrais me tromper, à l’instar des critiques dont elle fait remarquer qu’ils n’ont pas toujours raison puisqu’ils ont encensé son dernier roman (tiens donc, son personnage publie aussi des livres, quatrième point commun) et ce serait dommage.
Mes Chers Enfants de et mis en scène par Jean Marboeuf
Avec Anny Duperey
Musique Roland Romanelli
Lumière Laurent Béal
Son Laurent Chassaigne
Création vidéo Baptiste Magnien
Décor Pascal Chatton
Images additionnelles Julie Marboeuf
Du 23 août 22 octobre 2023
Rencontre avec l’équipe artistique le vendredi 1er septembre 2023 à l’issue de la représentation. 
Relâche le 17 septembre 2023. 
Du Mardi au Samedi à 21h, le Dimanche à 18h
Au Lucernaire - 53 rue Notre-Dame-des-Champs - 75006 Paris
Réservations au 01 45 44 57 34
Et ne manquez pas l’exposition permanente des Merveilleuses, de Pascale Bordet sur les murs du théâtre.

lundi 28 août 2023

La Conciergerie, lieu de mémoire

La Conciergerie est principalement dédiée à la mémoire de la reine Marie-Antoinette mais je voudrais rappeler qu'elle accueillit la première femme de notre histoire à avoir été guillotinée, Olympe de Gouges, dont un excellent spectacle retrace les derniers mois au Lucernaire et que je verrais bien interprété ici-même.

Située au cœur de Paris, sur les rives de la Seine, inscrites au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’UNESCO, la Conciergerie est un des plus anciens vestiges du Palais de la Cité, résidence et siège de pouvoir des rois de France au Moyen Âge.

Un concierge, nommé par le roi pour assurer la justice dans le palais, transforme une partie du Parlement de Paris en prison vers la fin du XIV°, transformation à l’origine de l’appellation "Conciergerie". A partir de là elle sera l’une des prisons les plus importantes de Paris, devenant un haut lieu de détention pendant la Révolution française avec l’installation du Tribunal révolutionnaire en mars 1793 dans la Grand’ Chambre du Parlement de Paris, rebaptisée salle de la Liberté.

La première photo montre le bureau du greffier dont le livre dans lequel il enregistrait entrées et sorties est posé sur la table.

Les prisonniers célèbres de cette période sont le comte de Montgomery (1574), Ravaillac (1610), la marquise de Brinvilliers (1676), le légendaire brigand Cartouche (1721), le régicide Damiens (1757) et la comtesse de la Motte (1786), Marie-Antoinette (août 1793).

Dans la nuit du 1er au 2 août la reine, incarcérée depuis dix mois à la prison du Temple, est transférée à la prison de la Conciergerie. Elle y est conduite directement dans une cellule totalement isolée des autres détenues.

Elle y est gardée « à vue » par deux gendarmes, jour et nuit, postés dans sa cellule, derrière un paravent qui ne lui confère pas d’intimité ni la moindre tranquillité. Les hommes vivent leur vie sans retenue, bavardant entre eux, jouant aux cartes et fumant. C’est à peu près la même situation que connue Olympe de Gouges et qui est racontée dans le spectacle auquel je fais référence plus haut.

Le procès s’ouvre le 14 octobre. Outre les reproches liés à la trahison et la dilapidation des fonds de la Nation, l’ex-reine est accusée d’inceste sur son fils, le jeune "Louis XVII". Indignée, elle en "appelle à toutes les mères" et à leur compassion. Le 16 octobre, à quatre heures du matin, après 20 heures de débats ininterrompus, le verdict de mort tombe, suivi de l’exécution à 12h15 place de la Révolution (actuelle place de la Concorde) d’une femme devenue vieillards à seulement 37 ans.

De sinistre réputation, la Conciergerie est souvent perçue comme le nouvel "enfer des vivants", comme on appelait la Bastille avant sa démolition : une antichambre menant inévitablement à la mort, particulièrement pendant la Grande Terreur (avril à juillet 1794). Les suspects, transférés depuis d’autres prisons n’y sont incarcérés que pendant quelques jours en attente de leur comparution devant le Tribunal révolutionnaire.

Parmi eux, les Girondins (députés de la convention mis en accusation par les Montagnards), Antoine Lavoisier (père de la chimie moderne), André Chénier (poète), ou encore Danton, lui-même à l’origine du tribunal révolutionnaire.

De nombreuses femmes sont également jugées pour leurs idées comme notamment Olympes de Gouges (auteure de la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, guillotinée en novembre 93), Charlotte Corday (meurtrière de Marat) et Manon Roland (femme politique devenue égérie des Girondins).

Enfin, Robespierre, passe ses dernières heures dans la prison et est exécuté le lendemain, sans procès.

Au pire moment de la répression, au printemps 1794, jusqu’à six cents hommes et femmes s’entassent dans des cellules sales et surpeuplées, étroites et obscures. La salle dite "des noms" comporte les patronymes des prisonniers les plus connus et ses murs font froid dans le dos.

Après la Révolution, la Conciergerie demeure une prison, plusieurs fois réaménagée pour des raisons de sécurité, mais aussi pour améliorer un peu les conditions d’incarcération. Les détenus célèbres et ceux considérés comme des menaces particulièrement dangereuses pour l’ordre public s’y succèdent : du chef chouan Cadoudal en 1804 à l’anarchiste Ravachol en 1892, en passant par le maréchal Ney, condamné pour son ralliement à Napoléon Bonaparte en 1815, et même le neveu de ce dernier, Louis Napoléon, futur Napoléon III.

En 1815, les Bourbons reviennent d’exil. Frère cadet de Louis XVI, le nouveau roi Louis XVIII tente de faire oublier la Révolution pour légitimer la restauration de la monarchie (1815-1830). La Conciergerie devient l’un des principaux lieux de la mémoire royaliste.

A la demande du souverain, une chapelle expiatoire est érigée en 1816 en l’honneur de sa belle-sœur Marie-Antoinette, en partie sur l’emplacement de sa cellule mais aussi sur celui d’une autre pièce où Robespierre aurait été incarcéré. Il est émouvant de marcher sur le dallage emprunté par tous ces condamnés.

Au fond de la chapelle, le sanctuaire aux murs noirs, tapissé de larmes d’argent, invite au recueillement. Situé à la place supposée du lit de la Reine, un autel en faux marbre est gravé d’un extrait de la dernière lettre adressée par Marie-Antoinette à sa belle-sœur, Madame Elisabeth, avant de partir à l’échafaud. 
Le vitrail aux initiales de Marie-Antoinette et les trois tableaux qui ornent les murs remontent également à l’époque de la Restauration.

Le palais a bénéficié de plusieurs restaurations. La Salle des Gens d’Armes fut la première à retrouver son état d’origine. La Salle des Gardes, débarrassée de ses cachots, prit la suite. Puis de 1820 à 1828, une façade néogothique s’élève entre la tour de l’Horloge et la tour Bonbec. De 1847 à 1871, une façade est érigée sur le boulevard du Palais tandis que la Tour de l’horloge est restaurée. 

Malgré toutes ces interventions, l’intégrité du plan d’ensemble des salles médiévales est conservée. De même, la valeur esthétique et l’importance symbolique du Palais de la Cité ont été conservés. 

La Conciergerie est classée monument historique en 1862. Une partie du monument se visite à partir de 1914. L’activité carcérale est définitivement suspendue somme toute relativement récemment,  en 1934.
C’est un monument qui est désormais ouvert à la visite. On peut y voir en vitrine le fauteuil sur lequel Marie-Antoinette se reposait, posé sur un morceau de tapis de l’époque.

La Conciergerie - 2 boulevard du palais- 75001 Paris
Ouvert toute l’année de 9 h 30 à 18 h
Nocturne le samedi soir jusque 20 h
Fermée les 1er mai et 25 décembre
Billet jumelé possible avec la Sainte-Chapelle

dimanche 27 août 2023

Le musée municipal de l’ardoise et de la géologie de Renazé (Mayenne)

La petite ville de Renazé est connue pour avoir accueillie plusieurs fois le Tour de France, à raison puisqu’elle possède l’unique vélodrome du département.

C’est aussi la ville de naissance de celle qui fut la plus adorée des grands-mères françaises, Lucienne Moreau, égérie de Canal +, un amour de vieille dame avec qui j’avais eu la chance de sympathiser.

Mais c’est aussi l’ancienne capitale du pays bleu, à savoir de l’ardoise. On a de ce matériau l'image des toits qui ont donné leur couleur aux villages. Mais à l’époque on en faisait aussi des murets. Aujourd’hui il sert pour des remblais, entourer les pieds de vigne? C'est un revêtement de cuisine et de salle de bains, et il est toujours présent sous le tapis vert des billards.

On peut visiter le musée qui s’est installé "naturellement"  dans une ancienne maison de mineur dont nous verrons l’intérieur à la fin de cet article. Il appartient à la commune mais il est géré par l’association des anciens perrilleurs, voire de leurs descendants et les gens y sont très attachés.

On les appelle aussi perreyeurs. Ils étaient littéralement les ouvriers qui construisaient les perrés, revêtements en pierre pour protéger les abords d'un pont, les berges d'une rivière; par extension, tailleur ou carrier. En région angevine on dit plus simplement ardoisiers. Partout ils avaient leur vocabulaire. Les chariots sont désignés par le terme de crapauds. Autrefois tractés par des chevaux (ou des hommes) les trains les ont remplacés quand on a modernisé.

Tout est étrangement calme et désert aujourd’hui mais il faut s’imaginer ce que c’était au plus fort de l’activité quand le site employait entre 300 et 400 hommes, y compris des femmes et des enfants, dès 7-8 ans.

Nous sommes ici sur le site de Longchamps où l’on creusa un puits en 1936. Ce dernier est équipé d’un chevalement en fer de 22 mètres de haut qui a d’abord été placé à la Brémandière (à Trélazé). C’est une structure de poutres en treillis dont il faut noter l’effort décoratif en partie supérieure, croix de Saint-André, balustrades et fines baguettes en plein cintre. C’est la partie la plus repérable du puits.

Les quatre hectares de "butte", le chevalement, les constructions de l’ancienne exploitation préservées dont le bâtiment de la machine d'extraction en pan de fer et brique, les tue-vents et cabanes reconstruites rappellent l’ancienne exploitation ardoisière abandonnée en 1975 et font du Musée un site patrimonial authentique. Il a été plusieurs fois le cadre de spectacles des Nuits de la Mayenne.

Le puits est ici de 300 à 400 mètres de profondeur. On descendait dans une cage, avec les chevaux et les ânes quand on les employait. Jusqu’en 1984, le visiteur pouvait lui aussi emprunter cet ascenseur mais la balade est désormais limitée à ce qui est visible en surface. Le musée renferme surtout des outils, des machines et beaucoup de photographies anciennes retraçant le travail de la mine en Mayenne, au cours des 5 siècles d’exploitation du schiste ardoisier à Renazé depuis le travail d’extraction et la taille des blocs.

L’ardoise a commencé à recouvrir les maisons de la région au XI°, et son essor date seulement du XV°. Mais selon une légende, probablement forgée vers 1820, le début de l’exploitation de l’ardoise remonterait au VI° siècle lorsque Saint Lézin aurait découvert la fissilité du schiste ardoisier et suscité l’introduction de l'ardoise dans les toitures angevines.  

Toujours est-il qu’à Renazé la carrière fut gérée au XV° par une abbaye. Le trou était de 4 mètres sur 4 et on y descendait sans échelle. l’exploitation se faisait alors à ciel ouvert, puis on creusa en gradins, et enfin on appliqua la troisième méthode dite « en descendant » pour atteindre le sous-sol. A ce stade la carrière est exploitable environ une centaine d’années. Ici elle ne le fut que 34 ans de 1941 à 1975. On a fermé pour deux raisons, la fusion de la trentaine des carrières qui se trouvaient dans le périmètre et parce que le patronat a préféré investir en Espagne. En France les mines étaient plus difficiles à exploiter, donc moins rentables et Renazé fut la dernière à fermer.
Mais commençons par le carreau de la mine, où se commandaient tous les mouvements entre le haut et le bas, autrement dit entre le jour et le fond.

Une liste est affichée dans une salle du musée comportant les surnoms des ouvriers car chacun en possédait un qui lui était attribué officiellement. Par exemple Poidemai pour un gars Poirier né en mai, Louis XIV pour le 14ème d’une fratrie. Le treuilliste devait savoir lire et écrire pour noter la quantité de travail de ses collègues dans la chambre. Il rendait compte au contremaître qui en déduisait les salaires et garantissait la productivité, ce lui valait d’être surnommé belle-mère, car il était toujours sur votre dos. Il est amusant de savoir que ce terme est souvent employé. Il désigne une épingle à nourrice pour les costumières dans l'argot des métiers.

samedi 26 août 2023

Eau de rose & Soda Bread de Marsha Mehran

C’est toujours émouvant de découvrir la traduction d’un nouveau livre de Marsha Mehran. Les éditions Picquier nous propose le deuxième, intitulé Eau de rose & Soda Bread. Nous savons déjà qu’il y en aura peut-être un troisième publié en France, mais pas plus puisque l’auteure est décédée avant d’avoir eu le temps d’en écrire un quatrième.

Nous qui avons appris combien les circonstances furent dramatiques, et jamais élucidées, sommes d’autant plus attentifs à son écriture. Il me semble qu’elle a mis beaucoup d’elle-même dans celui-ci, et en particulier dans le personnage qu’elle surnomme la sirène, soit disant par romantisme (p. 60).

La raison est plutôt rationnelle quand on apprend quelle est frappée de syndactylie, qui est une anomalie très rare (p. 175) congénitale, doigts collés.
On retrouve les trois sœurs iraniennes Aminpour ayant fui l’Iran et trouvé refuge dans un petit village de la côte ouest de l’Irlande. Elles tiennent toujours le Babylon Café que nous avons découvert dans La Soupe à la grenadeUn soir on allume au village le rituel Feu de joie du printemps alors que vient s'échouer sur la plage une mystérieuse jeune fille blessée dans son corps et refermée sur ses secrets.
Marjan, la soeur aînée, va tenter de la soigner grâce à des plats qui réchauffent et apaisent : prunes, épinards, safran et une généreuse alchimie d’herbes qui devrait permettre à son corps comme à son âme de guérir. Dans cette Irlande où les créatures fantastiques côtoient des humains souvent eux-mêmes excentriques et hauts en couleurs, les apparences sont parfois trompeuses, quoi qu’en pensent les commères épiant derrière leurs fenêtres. Car la magie vient du coeur tout autant que des sortilèges. 
C'est encore une fois un roman à la fois profond et léger où les femmes parviennent à lutter contre la domination masculine en affirmant leur désir de liberté, avec douceur et détermination.

Les trois Soeurs se chamaillent parfois mais leurs liens sont inaltérables. Bajar reste marquée par la violence qu’elle a subie dans le livre précédent et nettoie compulsivement. En tant qu’ainée Marjan se préoccupe de l’éducation de sa plus jeune soeur qu’elle surprend à boire de la Guiness et qui commence à fréquenter un garçon, ce qui ne l’empêche pas de vouer un vraie culte au le théâtre shakespearien. Souvent un titre de chapitre fait allusion à une pièce du dramaturge. Parfois il sonne étrangement, mais serait-ce une fantaisie du traducteur quand je lis pour le chapitre 6 : une ambiance qui déchire ?

Marsha Mehran y accorde une une place plus importante à son pays d’adoption, célébrant Synge (p 56), faisant allusion aux guérisseurs, druides et sorcières. Elle fait référence à la légende du leprechaun, le lutin irlandais farceur (p. 278). Elle rend hommage au travail des dames patronnesses (qui à ma connaissance n’existent pas en tant que telles en France) tandis qu'elle dénonce le comportement des dames de l’atelier d’études bibliques, vivant toutes dans la crainte du Jugement dernier, véritables vipères de bénitier unies autour de Dervla, la pire de ces mégères, qui se croit missionnée par dieu pour veiller sur la rue. Plutôt surveiller. Et qui part en guerre contre l'usage de Marie Wana (entendez marijuana p130).

Alors la contraception, et plus encore l'avortement, sont forcément des sujets épineux. En Irlande, avorter n'est autorisé que depuis le 13 décembre 2018. Le sujet était très audacieux quand le livre a été publié en 2008. La question de ce droit ressurgit fortement aujourd'hui depuis que la Cour suprême américaine a décidé de le révoquer le 24 juin 2022, laissant ainsi la possibilité à chaque État d'interdire ou non l'IVG.

Il ne fait aucun doute que le Docteur Parshaw prend des risques considérables pour soigner la sirène. Est-ce qu’on a le droit de faire ça, demande Marjan. Je n'en sais rien. Parfois il faut juste faire les choses (p. 110). Son acte est d’autant plus courageux qu’il est d’origine étrangère, ce qui lui vaut le surnom de "Docteur basané". 

La coiffeuse féministe recommande la lecture de La Femme eunuque, un livre de Germaine Greer publié en 1970 et traduit en onze langues. Dans un style mélangeant recherche académique et pamphlet, Germaine Greer y défend l'idée que la famille nucléaire "traditionnelle", consumériste et vivant dans les quartiers résidentiels opprime sexuellement les femmes, et est castratrice, faisant d'elles des eunuques. Elle y critique "le Grand amour", qu'elle voit comme une drogue dont la mythologie populaire entoure la sexualitéC'est un texte qui a marqué le mouvement féministe, et qui fut suivi en 1999 par La Femme entière, où elle préconise l'abstinence sexuelle comme forme de révolte, comme le fait aujourd’hui Ovidie dans La Chair est triste hélas (Julliard, 2023).

A propos du feu, Marsha Mehran souligne son origine presque rituelle. Un morceau de tourbe extrait du sol, un humus qui a sédimenté pendant des millions d’années repart dans l’air pour se déposer à nouveau. C’est un cycle complet (p. 119). 

Le livre est ponctué d’expressions irlandaises (non traduites mais dont le sens se laisse deviner). La culture d’autre pays n’est pas écartée. Il est question delà pinata mexicaine (p. 279) et bien évidemment de nombreuses habitudes persanes comme celle de manger sur un sofreh (couverture à motif cachemire) comme on le voit p. 270. Le hammam fait peut-être encore davantage rêver (p. 151) que la description des plats qui mijotent même quand Marjan cite des vers poétiques en lien avec les marmites qu'elle mijote. On trouve dans les dernières pages les recettes des plats anoncés au début du roman (p. 28). Elles ne sont pas forcément faciles à exécuter mais cela m'a donné l'idée d'essayer le beurre de curcuma puisqu'on vante tant cet épice. Mais aussi de tenter idée un gazpacho à la pastèque et de la confiture parfumée.

Le personnage d'Estelle, cette femme si douce qui leur permit d'ouvrir leur restaurant dans le premier tome, est plus développé dans cet opus. Elle est la bonté incarnée que même son arthrite ne freine pas dans son désir de faire le bien autour d’elle. J'ai, à ce propos, trouvé très intéressante la description des dommages de cette maladie que je croyais connaitre.

Pour ceux qui sont passionnés par l’Irlande je rappelle qu’il existe à Paris un très dynamique Centre culturel irlandais et qu’on peut toujours écouter les podcasts sur l’Odyssée de James Joyce que je présentais ici.

Eau de rose & Soda Bread de Marsha Mehran, traduit par Santiago Artozqui, éditions Picquier, en librairie le 22 août 2023

vendredi 25 août 2023

Fontaine-Daniel et son épicerie coopérative

Comme promis, je vous fais maintenant découvrir le village de Fontaine-Daniel et son Epicerie solidaire qui est une vraie caverne d'Ali-baba, avec une bouquinerie. On m'a dit aussi le plus grand bien de la boulangerie mais elle était fermée le jour de ma venue.

Fontaine-Daniel est un village qui a typiquement été installé là du fait de la présence du bois, mais aussi de l’eau. Une filature a été installée au moment de la Révolution française dans les bâtiments de l’abbaye. Depuis plus de 2 siècles, Toiles de Mayenne perdurent en ces lieux la tradition de la fabrication de la toile en Mayenne. Je consacre un billet spécifique à son show-room le 31 août.
Le ruisseau qui le traverse pour aller se jeter dans la rivière Mayenne est à l'origine de la présence humaine à Fontaine-Daniel. Ce sont les moines cisterciens qui ont creusé l'étang à la fin du XIII° pour l'énergie hydraulique et pour la pêche. 
Il n'est pas possible de franchir cette grande grille verte(qui date de 1690) car il s'agit de propriétés privées. Toutefois une partie des bâtiments est ouverte à la visite pour la fête de la Terre (premier week-end de septembre) organisée par un collectif d'habitants et de membres de l'association Les Cabanons depuis plus de dix ans. L'abbaye cistercienne a été construite à partir de 1204 par des moines venus de l'abbaye de Clairmont, près de Laval. Après les débuts du textile en 1806 et pendant une trentaine d'années de nombreuses familles d'ouvriers y ont habité, à côté des dirigeants, dans des maisonnettes construites à proximité.
La source avait été décelée au Bas Moyen-âge par un personnage nommé Daniel, qui était un ermite ou un moine, nul ne le sait. Mais c'est à Jean Denis, le directeur de l'entreprise textile, que l’on doit la fontaine qui manquait au village. Il a dessinée et fait réaliser vers 1950 la pièce en bronze qui représente une ondine.
Le village a tenu à conserver ses platanes, que l'on voit sur la gauche de la photo, ce qui est une originalité par rapport à de nombreuses autres cités qui les élaguent sévèrement et parfois les coupent. Ici ils dépassent souvent la toiture des bâtiments. Cet immeuble ouvrier qui s'étend sur la droite appartient à l'ensemble "Les marronniers" construit en 1832 pour accueillir et fidéliser des familles ouvrières travaillant à la filature et au tissage. Il était constitué à l'origine de 12 logements de 35 mètres carrés. Il a été doublé à l'arrière en 1952 pour augmenter leur taille. Sept autres immeubles seront érigés entre 1840 et 1895.
Les jardins ouvriers ont tenu un rôle central dans la vie ouvrière. Chaque parcelle était marquée d'un piquet en ciment moulé à l'usine dans les années 1950 et surmontée d'une plaque en émail affichant un numéro. Certaine sont encore visibles. Grâce à cette numérotation on sait qu'il y eut jusqu'à 550 parcelles entretenues à une époque où le village comptait 450 habitants.

Elles étaient pourvues de cabanons que les familles désignaient sou le nom de "hangars". Ils étaient pour la plupart faits de courtes lattes en bois. Certains jardiniers, du fait de leur travail à l'usine, y récupéraient des caisses vides de bobines de fils et s'en servaient pour les construire.
Originaire de l'Himalaya, la Balsamine de Balfour a été cultivée au jardin botanique de Montpellier en 1901, d’où elle s’est rapidement échappée et s’est vite naturalisée. On l’a rencontrée dans les fossés, les talus humides, sur les bords de route, dans les friches, et aux abords de villages dès 1906. Depuis, elle est en expansion partout, y compris au nord de la Loire.

Ses fleurs curieuses sont d’un rose pastel. Petite fille, je m’amusais à en faire éclater les graines. Elles sont contenues dans des capsules allongées qui éclatent voire explosent par détente de la tige quand elles sont à maturité, les projetant violemment  jusqu'à deux mètres de la plante, ce qui est vraiment atypique comme mode de reproduction.

Ces graines, qui auraient un goût de noisette, peuvent être utilisées pour la fabrication d’huile. C'est une plante faisant partie des fleurs de Bach. Mais il ne faut pas la consommer sans avis médical.
On remarque aussi la fleur la plus représentative de la région, comme en Bretagne, l’hortensia. A Laval, je l’ai vu rose. Ici, je l’ai vu bleu.
"Le Balcon" et "Les Champs" sont deux collectifs de 1892 et 1895 présentant une coursive extérieure, pour accéder aux 1er et 2ème étages. Le plus grand des deux a accueilli jusqu'à 100-110 habitants, enfants compris. Ils sont comparables au Familistère de Guise, symbole des phalanstères de Fourier.
Les maisons des années 1930 et 1940 ont chacune été conçues par Jean Denis pour deux familles et construites par les corps de métier de l'entreprise. Appelée "La Prairie" la maison la plus ancienne, située à côté de l'épicerie, date de 1922.
D'autres maisons conçues par Jean Denis de 1945 à 1970 bordent la route menant au bâtiment des Toiles de Mayenne, toutes dans le même style mais toutes singulières. Cela peut dérouter quand on est habitué aux enfilades des régions textiles du nord de la France et que l'on cherche "le" quartier ouvrier. Jean Denis était un humaniste pour qui il était évident que, puisque chaque être est différent, chacun doit vivre dans une maison différente. Voilà aussi pourquoi on dit de Fontaine-Daniel qu'il est un village utopique de la première moitié du XX°.

Cet homme était d’une bienveillance inouïe car, bien que protestant, il a financé en 1938 la construction d’une chapelle pour les catholiques. Appelée Saint-Michel, elle se trouve au-dessus de l'étang. Jean Denis a voulu y concilier l'esprit cistercien avec un plan moderne et épuré. Les vitraux ont eux aussi été exécutés selon ses dessins.

L’épicerie de Fontaine-Daniel est une institution. C'est le collectif d'habitants et de membres de l'association Les Cabanons qui a entrepris de rouvrir l’épicerie fermée en 1998 sous la forme d’une coopérative afin que dans ce lieu‐dit de 180 habitants persiste une véritable activité commerciale et un fort attrait touristique. Elle a été ouverte il y a plus de huit ans en se constituant sous forme coopérative, en SIC, et chacun des coopérants peut prêter main forte, à la boutique ou au bistrot qui a une licence IV.

Le principe de base appliqué par Elise Shay depuis 2015 est de privilégier le circuit court et de proposer des produits alimentaires locaux et si possible biologiques, à des prix abordables : fruits, légumes, fromages à la coupe, produits laitiers, produits secs, viandes, boissons, produits d'hygiène, etc …
On y trouve de tout, ou presque. A commencer par des produits alimentaires. La partie légumerie offre un large choix provenant de deux trois maraîchers locaux. Les fruits et légumes sont de saison -c’est une évidence- et comme l’épicerie est engagée dans une démarche anti-gaspillage ceux qui s’avéreraient moches sont bradés à 40% pour les « sauver » du compostage. Une ardoise en évidence à l’entrée promet aussi une ristourne de 20% sur les produits à dates courtes, qui grimpe à 50% au rayon frais.

jeudi 24 août 2023

Olympe de Gouges, plus vivante que jamais de Joëlle Fossier-Auguste

Tout le monde le sait. Olympe de Gouges est la première femme à avoir été décapitée. On peut y voir la triste vengeance masculine à l’égard de celle qui réclamait l’égalité entre hommes et femmes. Et pour qui s’intéresse aux signes il est amusant (c’est presque un pied de nez) que le spectacle soit programmé dans la salle du paradis du Lucernaire, quoique je la verrais très bien interprétée carrément à la Conciergerie.

J’ai récemment visité l’endroit et le cadre conviendrait totalement à renforcer l’ambiance particulière du spectacle. Donc on connait la fin. Et pourtant on est surpris tout au long de l’heure que l’on passe en compagnie de Céline Monsarrat (photographiée ci-contre aux saluts).

Le titre n’induit pas en erreur. C’est bien une femme plus vivante que jamais qui se présente devant nous. La comédienne incarne très bien la femme passionnée et passionnante que fut Olympe de Gouges.

Le spectacle commence sur une musique mélancolique à la lumière de la flamme d’une bougie qui vacille. Une porte de fer claque sourdement. Nous sommes dans la prison de la Conciergerie où une femme est brutalement poussée dans son cachot, furieuse : Ici les morts ne dorment pas. Mais je veux vivre, moi.

Elle s’adresse à nous en se parlant à elle-même, énumérant tout ce qui lui est désormais impossible, comme nourrir ses oiseaux ou caresser son chat. Mais une chose reste envisageable, chanter. Et c’est un véritable hymne à la vie et à l’humanité qu’elle va nous offrir à condition de partager avec elle son extraordinaire aptitude à l’imagination.

Nous la verrons alors seule à deux en compagnie de Fabien, son geôlier tout autant que son garde du corps, qui deviendra confident et ami, peut-être amant, nous ne pouvons que le supputer. Nous la verrons auprès de Mme Rolland qui sera emprisonnée à la place de son mari.

Nous la verrons discuter avec Condorcet dont elle appréciait l’équilibre, la clairvoyance, l’humanisme, et partageait avec lui l’horreur absolue de la peine de mort.

Nous verrons Olympe, à la fois la fois jeune et vieillegirondine avec la modération comme mot d’ordre. Fervente. Affirmant ses idées avec force et avec conviction. Refusant le conseil de Fabien de se renier (elle aurait alors peut-être alors été épargnée) : Je ne me soumettrai pas ! (…) Il faut toujours se battre pour ses idées.

Nous la verrons rire, passant de la tragédie à la comédie.

Elle déroulera le fil de sa vie depuis sa naissance à Montauban en 1748, une ville pour laquelle elle gardera un fort attachement, son éducation, son mariage à 16 ans avec un époux de trente ans plus âgé et surtout violent, la naissance d’un fils qui, plus tard, préférera la renier plutôt que compromettre sa carrière militaire.

Elle a repris le prénom de sa mère à la mort de son mari, monte à Paris et s’enthousiasme pour les idées révolutionnaires parce qu’elles s’accompagnent de la liberté de la presse, et donc de la liberté d’expression. A cet égard on pourra penser que cette liberté aura été un piège car ses propos sont jugés immoraux et sa vie faussement scandaleuse.

Toujours est-il que la chose publique la passionne. Elle est la première à soutenir le combat contre l’esclavagisme. Elle écrit et vit pour le théâtre qui représente pour elle sa respiration, sa maisonUne de ses pièces est montée à la Comédie-Française. Elle avait encore tant à faire et à entreprendre mais la voici prisonnière, et presque désabusée : Ça use la santé parfois d’être une femme.

Sa robe, imaginée par Corrine Pagé correspond à l’idée qu’on se fait des costumes portés par les femmes à cette époque tout en ayant, par la forme du col, une touche de masculinité qui lui va très bien. Le rouge, symbole de passion, évoque aussi le sang versé par la cruauté révolutionnaire. Le blanc a une connotation de pureté.
On vient la chercher. Le bougie peut être soufflée. Bien sûr on s’offusquera sans s’en étonner qu’elle soit confrontée à un tribunal uniquement composé d’hommes. Les tricoteuses sont absentes. Elle se défendra sans avocat. Seule la mère a capacité à inspirer le respect. Est-ce pour tenter de sauver sa peau qu’elle crie être enceinte ? Personne ne la croit. On lui refuse l’assistance d’un médecin.

On voudrait sans doute qu’elle s’avoue vaincue mais elle refusera de se taire. La Révolution a suscité chez vous tant de vocations criminelles reprochera-t-elle à ses bourreaux. Elle continuera à dévider la liste de ses revendications sans faiblir : Je demande la création d’une caisse patriotique, l’éducation pour les garçons et les filles, des salles d’accouchement, un contrat civil signé entre concubins, une déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

Le tribunal est insensible à ses doléances. Elle sait à quoi s’attendre puisque les certificats de décès étaient rédigés avant l’audience. La sentence s’appuie sur le reproche qu’elle est un contre exemple pour les femmes.

Une de ses dernières pensées aura été formulée à l’attention des générations futures : J’espère que mon audace sera contagieuse.

Ses propos demeurent (hélas) d’actualité. Le combat pour les droits des femmes et pour l’égalité est loin d’avoir abouti.

Voilà pourquoi ce spectacle, si fidèle à l’esprit de cette femme exemplaire, est tout à fait nécessaire. D’autant qu’il est brillamment interprété. La mise en scène de Pascal Vitiello est précise et juste, comme à son habitude. J’ai déjà vu de lui notamment en 2014 Comtesse de Ségur, née Rostopchine (déjà écrit par Joëlle Fossier), en 2016 Je l’appelais Monsieur Cocteau et en 2017 Le Marronnier de la rue Caulaincourt, tous trois avec une autre grande comédienne, Bérengère Dautun.
Olympe de Gouges, plus vivante que jamais de Joëlle Fossier-Auguste
Mise en scène Pascal Vitiello assisté de Jérémy de Teyssier
Avec Céline Monsarrat
Voix off Bernard Lanneau et Jérémy Martin
Lumière Thibault Joulié
Costume Corrine Pagé
Création vidéo Sébastien Lebert
Du 23 août au 8 octobre 2023
Rencontre avec l’équipe artistique le vendredi 25 août 2023 à l’issue de la représentation. 
Relâche le 17 septembre 2023. 
Du Mardi au Samedi à 19h, le Dimanche à 15h30
Au Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs - 75006 Paris - Réservations au 01 45 44 57 34

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