L’identification individuelle des animaux est une préoccupation ancienne en France. Il semblerait que tout a démarré par la création en 1966 d'un EDE, Etablissement Départemental de l’Elevage dans chaque département.
Trois ans plus tard, en 1969, le premier dispositif national était lancé pour permettre une organisation rigoureuse des programmes de sélection des races bovines. A partir de 1978, la France a été le premier pays au monde à généraliser cette identification individuelle, en la rendant obligatoire pour tous les bovins.
Depuis, les modalités d’identification ont régulièrement évolué pour répondre à de nouveaux besoins : suivi de la production, gestion de la santé des troupeaux et connaissance de l’origine. Et ce n'est pas fini avec les tests de puce électronique (dans l'oreille gauche) en remplacement d'une des deux boucles.
Mais au tout début les vaches avaient certes une boucle à chaque oreille, mais une en métal, une en plastique, avec le numéro de travail à 3 chiffres. Celle qui était en métal a été progressivement remplacée par une seconde en plastique.
La boucle est le nom du repère apposé aux deux oreilles et portant le numéro national unique attribué à chaque animal pour les identifier à vie. Il comporte 10 chiffres, précédés des initiales FR indiquant le code du pays. Les deux premiers chiffres correspondent au numéro du département de naissance, les 4 suivants à l’exploitation et les 4 derniers (en plus gros) au numéro de travail. Un code à barres reprend le code pays et les 10 chiffres du numéro national permettant une lecture automatique des informations.
Voilà pourquoi et comment un oeil averti protesterait que j'illustre cet article avec la tête d'une vache de Seine-Maritime (76). Il pourrait même la dater car on n'utilise plus la couleur jaune mais le saumon depuis septembre 1998, (comme pour une bonne partie de l'Europe). C'est que cette photo, que j'ai prise au Salon de l'agriculture en 2009 est autrement plus parlante que celle que j'ai prise au détour d'un champ quand j'étais en Mayenne.
D'après les confidences qui m'ont été rapportées par quelqu'un qui travailla dans ce domaine, il semblerait que la Mayenne fut département-pilote avec six autres départements français, peut-être parce qu'elle est premier département français pour la densité d'élevage bovin. Tous les sept furent exemplaires en matière d'identification.
Pourtant la tâche ne fut pas facile et mon interlocuteur se souvient de manifestations, d'AG de syndicats tumultueuses et même d'une occupation de son bureau. C’était pas dans l’esprit du paysan d’être controlé. Mais après ça roulait. Et quand est arrivée la crise de la vache folle (en 1991) le monde agricole a changé d’avis. Les éleveurs se sont retournés parce qu’ils ont compris qu’ils avaient là le moyen de prouver que leurs bêtes étaient saines.
Car il y avait autrefois, et très souvent, de graves épizooties, comme la fièvre aphteuse, des maladies abortives (devenues très rares), ou encore la brucellose qui est transmissible aux humains. L'identification a permis de connaitre la filiation et d'exercer une veille sanitaire. Reste encore un souci majeur avec la tuberculose, qui fait toujours l'objet d'un test annuel. Et si un animal est positif c’est tout le cheptel qui est abattu, avec des aides financières pour compenser les pertes de l'éleveur .
Mon correspondant a été responsable d’une dizaine d’agents identificateurs qui passaient trois fois par an chez tous les éleveurs de Mayenne. Ils posaient les boucles, vérifiaient les données qui étaient enregistrées sur bandes magnétiques dont le traitement était assuré par l'ARSOE, à Hérouville-Saint-Clair (près de Caen).
Il travaillait au sein de la Chambre d’agriculture de Laval pour le compte de l'EDE où il avait solennellement prêté serment du fait de ses fonctions de comptable. Il pouvait donc assumer légitimement la responsabilité de la gestion financière de cette identification qui était payante. La facture était envoyée aux 4 à 5000 éleveurs mayennais qui devaient régler 2 francs 10 par animal, en se faisant parfois tirer l'oreille. Quand trois rappels ne suffisaient pas il fallait faire appel à un huissier, bien qu'il s'agisse toujours de petites sommes, ce qui a dû se produire une quarantaine de fois.
Ce poste, qu'il fut le premier à occuper, comportait de multiples responsabilités qui l'obligeaient à se rendre régulièrement dans la capitale. Il se souvient de soucis particuliers avec les fabricants de boucle plastique qui succédèrent à des boucles métalliques de fabrication australienne. Les premières furent fabriquées par les établissements Chevillot, dans une usine, rue Vieille du Temple à Paris.
Le matériau n'était pas durablement solide. On nous avait attribué 150 000 boucles jaunes, de mauvaise qualité, qui ne tenaient pas trois mois. Elle se cassaient, ce qui posait vraiment problème à partir du moment où les deux boucles, certes la même à chaque oreille, étaient toutes les deux en plastique.
Il faut croire néanmoins que Chevillot a bénéficié d'un excellent département R&D puisque, aujourd'hui sous le nom d'AFFLEX, c'est le leader mondial avec deux sites de production à Vitré (en Ile-et-Vilaine) et à Albi (Tarn).
Allflex, filiale du groupe MSD Santé Animale, revendique la fabrication de la première boucle d'identification du bétail plastique (en 1955), de fabrication Chevillot, mais qui ne fut posée dans un élevage qu'à partir de 1966.
L'usine de Vitré emploie 180 salariés, abrite le centre de recherche et développement d'Allflex et fabrique chaque année 250 millions de pièces couleur saumon mais aussi des blanches ou jaunes, dont 90 % sont exportées dans une centaine de pays. Les Etats-Unis, l'Amérique du Sud ou encore l'Inde n'ont pas encore de système d'identification officiel et pourraient donc devenir de nouveaux marchés à l'export pour cette entreprise bretonne. Même la Chine qui envie notre organisation alors que les composants électroniques nécessaires aux puces électroniques sont importés d'Asie, principalement de Chine.
Autre hasard, mais cette fois terrible, l’usine Chevillot rachetée par le groupe MSD Animal Health, toujours spécialisée dans le marquage et la santé pour animaux et installée à Albi, à été victime d'un terrible incendie qui l'a quasiment détruite le 24 juillet dernier.
Il y aurait beaucoup à expliquer sur toutes ces procédures qui sont en évolution constante, et qui s'étendent désormais aux animaux des zoos et de compagnie. Mais je terminerai sur une note d'humour avec une vache, identifiée, mais non porteuse de boucle, avec laquelle j'avais fait connaissance lors du Salon de l'agriculture auquel je fais référence en début d’article.
C'est la Cocoricow, une œuvre d'art commandée par le Conseil général de la Mayenne à Jean-Yves Lebreton en 2008 pour le Carrefour interprofessionnel du Monde Agricole. Ce bovin est très beau, mais il n’a pas détrôné Pégase, le cheval ailé qui est l’emblème du département depuis 1988.
Je me suis trouvée récemment face à une oeuvre de cet artiste, davantage connu sous le nom de LEB, à l'entrée de l'Etrange musé Robert Tatin dont je vous recommande la visite.
Merci à Robert P. pour ses précieuses informations.
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