Mayenne est une ville qui, à l’instar de Laval a été construite sur une colline surplombant la rive droite de la rivière et qui doit elle aussi son essor au textile. J’ai aimé y déambuler. J’y allais surtout pour visiter son château et faire une promenade sur l’eau à bord de la Meduana.
Je vous parlerai un autre jour du château carolingien, de ses extérieurs, de son jardin médiéval et de sa formidable collection de jeux de pions anciens qui est la plus importante d’Europe. Je vous dirai aussi, dans une publication spéciale où l’on peut déjeuner dans la ville, très bien, et à moins de 20€ sachant que j’ai déjà indiqué que des chambres d’hôtes de charme s’y trouvent dans la Maison d’Hercule au 92 rue Charles de Gaulle.
Victor Hugo avant moi s’était extasié sur cette ville. Il écrivait le 22 juin 1936 à sa fille Adèle ces mots qui sont affichés dans la première pièce du musée installé dans le château :
Mayenne est une riante et pittoresque ville, posée en travers sur le rivière, avec un beau château, une haute église incrustée de pierres romaines qui ont deux mille ans, des maisons du XV° siècle zébrées de bois et de plâtre, et un vieux pont à arches gothiques. L’essentiel de tout cela forme un bloc ravissant.
Aujourd’hui c’est à une balade toute simple que je vous convie en partageant d’abord ma surprise quant au niveau de fleurissement des rues et des parcs, sans doute si beau parce que la météo est plutôt favorable aux plantes en Mayenne.
Chaque printemps depuis 2021, plus de cinq milliers de papillons colorés sont suspendus en guirlandes traversant la rue Aristide-Briand ou accrochés aux arbres de la place du 9-juin-1944. En 2022, la rue Charles-de-Gaulle est aussi concernée. L’opération a été rééditée comme prévu en 2023 pour la troisième année dans le but de « redonner des couleurs au centre-ville, créer un effet de nouveauté et donc de l’attractivité pour les commerçants ». C’est une espèce migratrice qui a été choisie puisqu’ils sont retirés chaque mois de septembre. Cette décoration m’a réjouie parce qu’elle m’a fait penser aux villes mexicaines qui l’ont adopté depuis des siècles, en particulier Oaxaca où j’aime beaucoup revenir.
Je devais aussi visiter la Chapelle des Calvairiennes de l’ancien couvent des sœurs du Calvaire qui abrite un mur-retable de Pierre Biardeau (1668). Elle est devenue un lieu d’exposition d’art contemporain proposant trois à cinq expositions par an (collective, monographique, rétrospective...) et participant à la Nuit Blanche Mayenne. Malheureusement elle était fermée.
Je me suis donc arrêtée devant une statue de David d'Angers (1788-1856) qui se dresse depuis 1844 au centre de la place Jean de Cheverus (1768- 1936) en hommage au prêtre, né à Mayenne d'une vieille famille de robe, devenu missionnaire aux États-Unis, évêque de Boston de 1808 à 1823. Il y soigne en particulier les Noirs et les Indiens. Rappelé en France comme évêque de Montauban, puis cardinal de Bordeaux où il porte un intérêt tout particulier à l'éducation de la jeunesse.
Cette place est quasiment adjacente à la place de Hercé où se trouve l’ancienne mairie, installée dans le palais de la Barre Ducale ornée de deux cadrans solaires, symboles maçonniques.
Sa construction débuta en 1656 sous l’impulsion d’Armand-Charles de la Meilleraye, duc de Mayenne par son mariage avec Hortense Mancini, nièce du cardinal Mazarin qui commandita la construction du bâtiment. Colbert y installa l’administration municipale et judiciaire, le maître des Eaux et Forêts, le Contrôleur du grenier à sel, le délégué de la Généralité de Tours et, plus tard, le prévôt de la Maréchaussée. Il servit à partir de 1668 à la fois aux divers tribunaux et à la municipalité. Cet édifice sera ensuite acquis par la famille Hercé, au moment de la Restauration, au début du XIX° siècle. L’un de ses membres, Louis de Hercé, sera maire et offrira à la commune son palais pour qu’elle y installe son hôtel de ville.
Voilà pourquoi la statue en bronze qui se dresse au-dessus du campanile et qui représente la justice (et l’autorité municipale) est étonnamment incarnée par une figure masculine, en l’occurrence Armand de la Meilleraye. Il tient dans la main gauche la balance, symbole de la justice, dans la main droite l’épée, symbole de l’autorité et de la puissance et au-dessus de la tête, la colombe, symbole de la sagesse. L’horloge date de 1690.
L’architecture est sobre. Les balcons en fer forgé ont été ajoutés au XVIII° siècle et les bas-reliefs en tuffeau au XIX°. On peut voir à gauche les armes de la famille Mazarin, au centre la devise républicaine et à droite les armes de la ville de Mayenne, blason des Juhel.
Le cadran solaire de gauche porte la date de 1783. Celui de droite celle de 1785, il est orné des attributs de la franc-maçonnerie : l’équerre, le compas, le globe miroir.
Les citations sont de saint Luc : UNAM TIME (une seule heure) au-dessus du cadran de gauche, et QUA HORA NON PUTATIS VENIET (L’heure à laquelle tu n’as pas pensé viendra) au-dessus du cadran de droite.
La cohabitation entre justice et administration municipale durera un peu moins de deux siècles. Le bâtiment conserva sa fonction d’hôtel de ville jusqu’en 1979, date du déménagement de la mairie dans ses locaux actuels, rue de Verdun. Quant à la fonction judiciaire, elle y fut exécutée jusqu’en 1854, lorsque fut terminé un nouveau palais de justice, commencé sur les plans de l’architecte parisien Edouard Moll en 1845, au 92 rue Charles de Gaulle. Je mentionne cette adresse parce que le hasard fait que nous sommes juste en face de la Maison d’Hercule, citée plus haut.
Le tribunal de commerce et le tribunal civil s'installèrent rue Charles de Gaulle jusqu’à ce qu’un nouveau tribunal soit construit à Mayenne en 1992. Il ne fut sauvé de la pure et simple démolition qu’au classement de sa façade en 1994. Depuis, les sous-sols ont été aménagés en un bar de nuit, Le justice, qui a ouvert le 1er mai 2010. Au printemps 2019 les travaux de réhabilitation et de reconversion se sont terminés avec l'ouverture de plusieurs commerces de bouche : un bar à huitres, un restaurant, une conserverie artisanale
De nombreux hôtels particuliers des XVII° et XVIII° subsistent en plus ou moins bon état autour des places de Hercé et de Cheverus. De là je me suis un peu égarée entre sentes et escaliers à la recherche de La Vigie, au 23 rue Ambroise de Loré qui, malheureusement était (elle aussi) fermée, mais j’en relate les objectifs parce que La Défense des Droits de l’Homme et des valeurs de paix est totalement essentielle.
On peut y voir des objets ramenés des camps, donnés ou mis en dépôt par les familles mayennaises, des expositions, et un mur des noms dans une atmosphère toute particulière pour relater les souffrances des victimes du système concentrationnaire nazi. Ouvert en 2012, le mémorial a aussi pour but d'alerter, éveiller et sensibiliser en s'appuyant sur des thèmes issus de l'actualité comme la discrimination ou le racisme. Plus qu'un lieu de mémoire et de recueillement, il est devenu un site d'information et de vigilance qui a justifie son changement de nom avec la mention La Vigie - Mémorial des déportés.
Dans les prochains jours vous pourrez lire le compte-rendu de ma visite du château, de ses collections parmi lesquelles on peut admirer la Vierge de Senonnes (ci-dessous) et de son jardin qui accueillait le soir de ma venue un grand marché médiéval et une pléiade d’animations.
Mais pour le moment, il est temps de déjeuner puis de monter à bord de la Meduana.
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