Comme promis, je vous fais maintenant découvrir le village de Fontaine-Daniel et son Epicerie solidaire qui est une vraie caverne d'Ali-baba, avec une bouquinerie. On m'a dit aussi le plus grand bien de la boulangerie mais elle était fermée le jour de ma venue.
Fontaine-Daniel est un village qui a typiquement été installé là du fait de la présence du bois, mais aussi de l’eau. Une filature a été installée au moment de la Révolution française dans les bâtiments de l’abbaye. Depuis plus de 2 siècles, Toiles de Mayenne perdurent en ces lieux la tradition de la fabrication de la toile en Mayenne. Je consacre un billet spécifique à son show-room le 31 août.
Le ruisseau qui le traverse pour aller se jeter dans la rivière Mayenne est à l'origine de la présence humaine à Fontaine-Daniel. Ce sont les moines cisterciens qui ont creusé l'étang à la fin du XIII° pour l'énergie hydraulique et pour la pêche.
Il n'est pas possible de franchir cette grande grille verte(qui date de 1690) car il s'agit de propriétés privées. Toutefois une partie des bâtiments est ouverte à la visite pour la fête de la Terre (premier week-end de septembre) organisée par un collectif d'habitants et de membres de l'association Les Cabanons depuis plus de dix ans. L'abbaye cistercienne a été construite à partir de 1204 par des moines venus de l'abbaye de Clairmont, près de Laval. Après les débuts du textile en 1806 et pendant une trentaine d'années de nombreuses familles d'ouvriers y ont habité, à côté des dirigeants, dans des maisonnettes construites à proximité.
La source avait été décelée au Bas Moyen-âge par un personnage nommé Daniel, qui était un ermite ou un moine, nul ne le sait. Mais c'est à Jean Denis, le directeur de l'entreprise textile, que l’on doit la fontaine qui manquait au village. Il a dessinée et fait réaliser vers 1950 la pièce en bronze qui représente une ondine.
Le village a tenu à conserver ses platanes, que l'on voit sur la gauche de la photo, ce qui est une originalité par rapport à de nombreuses autres cités qui les élaguent sévèrement et parfois les coupent. Ici ils dépassent souvent la toiture des bâtiments. Cet immeuble ouvrier qui s'étend sur la droite appartient à l'ensemble "Les marronniers" construit en 1832 pour accueillir et fidéliser des familles ouvrières travaillant à la filature et au tissage. Il était constitué à l'origine de 12 logements de 35 mètres carrés. Il a été doublé à l'arrière en 1952 pour augmenter leur taille. Sept autres immeubles seront érigés entre 1840 et 1895.
Les jardins ouvriers ont tenu un rôle central dans la vie ouvrière. Chaque parcelle était marquée d'un piquet en ciment moulé à l'usine dans les années 1950 et surmontée d'une plaque en émail affichant un numéro. Certaine sont encore visibles. Grâce à cette numérotation on sait qu'il y eut jusqu'à 550 parcelles entretenues à une époque où le village comptait 450 habitants.
Elles étaient pourvues de cabanons que les familles désignaient sou le nom de "hangars". Ils étaient pour la plupart faits de courtes lattes en bois. Certains jardiniers, du fait de leur travail à l'usine, y récupéraient des caisses vides de bobines de fils et s'en servaient pour les construire.
Originaire de l'Himalaya, la Balsamine de Balfour a été cultivée au jardin botanique de Montpellier en 1901, d’où elle s’est rapidement échappée et s’est vite naturalisée. On l’a rencontrée dans les fossés, les talus humides, sur les bords de route, dans les friches, et aux abords de villages dès 1906. Depuis, elle est en expansion partout, y compris au nord de la Loire.
Ses fleurs curieuses sont d’un rose pastel. Petite fille, je m’amusais à en faire éclater les graines. Elles sont contenues dans des capsules allongées qui éclatent voire explosent par détente de la tige quand elles sont à maturité, les projetant violemment jusqu'à deux mètres de la plante, ce qui est vraiment atypique comme mode de reproduction.
Ces graines, qui auraient un goût de noisette, peuvent être utilisées pour la fabrication d’huile. C'est une plante faisant partie des fleurs de Bach. Mais il ne faut pas la consommer sans avis médical.
On remarque aussi la fleur la plus représentative de la région, comme en Bretagne, l’hortensia. A Laval, je l’ai vu rose. Ici, je l’ai vu bleu."Le Balcon" et "Les Champs" sont deux collectifs de 1892 et 1895 présentant une coursive extérieure, pour accéder aux 1er et 2ème étages. Le plus grand des deux a accueilli jusqu'à 100-110 habitants, enfants compris. Ils sont comparables au Familistère de Guise, symbole des phalanstères de Fourier.
Les maisons des années 1930 et 1940 ont chacune été conçues par Jean Denis pour deux familles et construites par les corps de métier de l'entreprise. Appelée "La Prairie" la maison la plus ancienne, située à côté de l'épicerie, date de 1922.
D'autres maisons conçues par Jean Denis de 1945 à 1970 bordent la route menant au bâtiment des Toiles de Mayenne, toutes dans le même style mais toutes singulières. Cela peut dérouter quand on est habitué aux enfilades des régions textiles du nord de la France et que l'on cherche "le" quartier ouvrier. Jean Denis était un humaniste pour qui il était évident que, puisque chaque être est différent, chacun doit vivre dans une maison différente. Voilà aussi pourquoi on dit de Fontaine-Daniel qu'il est un village utopique de la première moitié du XX°.
Cet homme était d’une bienveillance inouïe car, bien que protestant, il a financé en 1938 la construction d’une chapelle pour les catholiques. Appelée Saint-Michel, elle se trouve au-dessus de l'étang. Jean Denis a voulu y concilier l'esprit cistercien avec un plan moderne et épuré. Les vitraux ont eux aussi été exécutés selon ses dessins.
Le principe de base appliqué par Elise Shay depuis 2015 est de privilégier le circuit court et de proposer des produits alimentaires locaux et si possible biologiques, à des prix abordables : fruits, légumes, fromages à la coupe, produits laitiers, produits secs, viandes, boissons, produits d'hygiène, etc …
On y trouve de tout, ou presque. A commencer par des produits alimentaires. La partie légumerie offre un large choix provenant de deux trois maraîchers locaux. Les fruits et légumes sont de saison -c’est une évidence- et comme l’épicerie est engagée dans une démarche anti-gaspillage ceux qui s’avéreraient moches sont bradés à 40% pour les « sauver » du compostage. Une ardoise en évidence à l’entrée promet aussi une ristourne de 20% sur les produits à dates courtes, qui grimpe à 50% au rayon frais.
Le rayon fromagerie est un des plus larges que j’ai vus. L’ampleur du choix m’a impressionnée. Les fromages ne sont pas "que" locaux, mais ils sont signalés quand c’est le cas. Du gouda à l'ortie, de la tomme aux fleurs, plusieurs bleus pas ordinaires, de la tomme de brebis à l'ail noir en provenance d'Espagne comme le Manchego. mais bien sûr plusieurs spécialités de la Fromagerie d'Entrammes, notamment le Pigray au poivre que Nicolas Cribier place parfois sur le buffet du petit déjeuner de l’Auberge des Remparts, à Laval.
Si vous avez envie de glaces, c’est ici qu’il faut venir. Impossible de ne pas trouver le parfum dont on a envie. Elles viennent de la ferme de Bourgneuf-la-Forêt (Mayenne).
Enorme choix de sirops eux aussi pouvant être fabriqués en Mayenne. De même pour les thés et les tisanes. Il n’y a pas de mélanges faits spécialement pour l’Epicerie mais plusieurs étagères sont pleines de sachets, y compris provenant de tisaniers locaux, comme Flori’sain qui se trouve à quelques kilomètres.
Une salle spéciale est dédiée au vrac. On y trouve beaucoup de choses comme des pois chiches de la région, plusieurs farines farines sans gluten.
Il y a aussi des vins et des spiritueux (et des dégustations sont régulièrement programmées), un rayon droguerie avec beaucoup de cosmétiques. Une seule chose m’a semblé manquer, le safran mayennais, et pourtant ils sont plus de cents fournisseurs locaux à figurer dans les rayons. Mais j’ai été surprise de voir une presse à tortillas.
On peut acheter des livres neufs dans une salle attenante, sur la gauche en entrant, à côté de jeux provenant de dépôts de créateurs locaux (décidément en Mayenne le local a tout son sens).
Je suis montée à l’étage pour découvrir un grand espace Bouquinerie de livres d’occasion, dont le stock provient de dons et qui sont vendus pour la modique somme de 1 ou 2 €.
En extérieur, les promeneurs comme les habitants de la région peuvent s’installer pour boire un verre ou se régaler du plat du jour qui aura été cuisiné avec les produits de l’épicerie en profitant du soleil de la terrasse. En hiver ce sera au coin du poêle.
Bref, l’endroit est un lieu d'accueil convivial et chaleureux, un vrai lieu de vie, tout à fait intergénérationnel, qui promet qu’on puisse y manger, y causer, et y danser, bénéficier d’une programmation culturelle riche et diversifiée, comme par exemple une discussion littéraire, un atelier cuisine, des activités manuelles, des rencontres avec les producteurs, dégustations, et concerts : variété, acoustique, classique, rock, représentation théâtrale, conte,…
Et si vous ne pouvez pas vous déplacer vous êtes malgré tout convié à profiter des petits douceurs qui sont publiées en story sur Facebook et Instagram, car leurs recettes ne sont pas secrètes.
L’Epicerie - 7 rue des Tisserands
Fontaine-Daniel
53100 Saint-Georges-Buttavent
Tél. : 02 43 04 44 07
Fontaine-Daniel
53100 Saint-Georges-Buttavent
Tél. : 02 43 04 44 07
Email : contact@lepicerie.org Site : https://www.lepicerie.org
Lundi : fermé
Mardi : 13h – 19h
Du mercredi au dimanche inclus : 10h – 19h
Petite restauration le midi du mercredi au dimanche
Un article spécifique sera consacré aux Toiles de Mayenne dont le bâtiment (ci-dessous) a été construit au milieu des années 1960 parce que 'entreprise devait agrandir son espace, notamment pour développer la vente de tissus d'ameublement aux particuliers et la confection sur mesure. Il présente aussi un vaste show-room.
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