Il y a beaucoup de curiosités à visiter à Laval (Mayenne) et je suis loin d’avoir tout vu. Il me faudra revenir pour découvrir le fonctionnement d’un véritable bateau-lavoir (classé monument historique) sur la rivière. Ou pour visiter le musée des Sciences et les Bains-Douches. Sans compter les attraits de plusieurs points dans les alentours comme le parc Echologia, la fromagerie d’Entrammes, l’abbaye du Port-du-Salut et celle de Clairmont.
Deux des fondamentaux sont la visite de la vieille ville et celle du MANAS, le Musée d’Art Naïf et d’Arts Singuliers, et je peux cocher ces cases.
Commençons par la visite du centre historique depuis la place de la Tremoille jusqu’au jardin de la Perinne avec Anne-Laure, guide de l'Office de tourisme. Le Musée fera l’objet d’un article spécifique.
Attendez-vous à une ville qui grimpe. La grande rue est bordée par les plus anciennes maisons. La plus vieille, aux numéros 26-28, bâtie au XV° est aussi une des plus anciennes de l'Ouest de la France. On l'appelle la maison du Pou volant, en raison de son rôle de refuge pour les personnes nécessiteuses au XIX° siècle.
Sa pente lui valut le surnom de La montagne au Moyen-Age et Napoléon ne voulut pas que ses soldats atteignent la ville en y passant. Il fallait alors trente bonnes minutes pour traverser Laval. Soyez prudents. Ses pavés la rendent dangereuse par temps de pluie. Je vous suggère de terminer la visite en la descendant pour rejoindre les quais de la Mayenne.
La ville médiévale est construite contre le château, sur le flanc d’un coteau qui domine la rive droite de la rivière. Anne-Laure expliqua en premier lieu que le nom d'origine latine, Vallis Guidonis employé aux XIII° et XIV° siècles, signifiant "la vallée de Guy", en référence à Guy Ier, le premier seigneur de Laval, constructeur du (vieux) château en 1020. Il donna plus tard le nom de Laval qui est un palindrome, pouvant se lire aussi bien de droite à gauche, ce qui justifie la disposition des pavés en haut de l’escalier du Roquet du Palais où j'ai pris la première photo.
La façade Renaissance du Château Neuf s'étire au bout de la place de la Trémoille. Le nom est un peu trompeur parce que c'est un bâtiment en galerie, près des jardins, conçu pour se promener et recevoir les invités, un peu à l’instar de ce qu’on trouve à Chenonceaux. C'est dans sa longueur que se déployaient les salons des comtes de Laval à partir du XVI°.
A la Révolution, le bâtiment devient prison (en face) et palais de justice (à droite). Une guillotine était installée sur la place, à peu près au niveau de la boulangerie actuelle, près de laquelle une nouvelle prison fut inaugurée en 1908.
La dernière exécution eut lieu le 29 mars 1912 à 5 h 20 du matin devant une foule de 2000 personnes qui loua des emplacements pour jouir de la meilleure vue possible sur le funeste spectacle. Le condamné à mort était un domestique de ferme coupable d'avoir tué et volé une septuagénaire. L’échafaud en bois fut ensuite démonté et ne servit plus jamais à Laval ni dans le département. Quant au Château Neuf, il abrita le palais de justice jusqu’en 2001.
À droite du Château Neuf, un discret porche du XVII°, accolé à une maison à colombage, conduit à la cour du Vieux Château sur laquelle veille la statue de Béatrix de Gâvre, originaire de Flandre, épouse du comte de Laval Guy IX. La tradition lui attribue à la fin du XIII° l’implantation des techniques de l’industrie de la toile et le succès de son commerce dans le pays de Laval, grâce à des ouvriers qu’elle aurait fait venir de son pays. Mais l’activité devait être antérieure dans le Bas-Maine. Disons qu'elle l'a intensifiée. Décédée en 1315, elle est inhumée à l’abbaye de Clermont, près d’Olivet.
Ce premier château a donc été construit au début du XIe siècle. Guy Ier vient de Sarthe et installe à Laval au point passage entre Paris et la Bretagne avec l'intention de faire payer la traversée de la Mayenne qui s'effectuait à gué au pied du château. Celui-ci ressemblait alors un château à motte et il n’en reste que des pierres.
Il fut transformé en château-fort en se dotant d’une belle tour maîtresse. On créa ensuite un intra-muros avec des boutiques, des artisans… Les barons s'illustrèrent vaillamment au XVIe siècle aux côtés de Charles VII, pendant la guerre de 100 ans, et eurent le droit de porter le titre de comtes. Comme la pierre blanche remontait par la rivière on a pu à la Renaissance orner les baies et lucarnes de tuffeau, sculptés de rinceaux à l’italienne, avant de bâtir en 1542 le Château Neuf.
On m’a vanté la charpente du donjon des années 1220 mais une météo capricieuse m’a dissuadée d’y grimper, pensant que la vue d’en haut n’en vaudrait alors pas l’effort. C’est dans une partie de ce vieux château que se trouve le MANAS, discrètement gardée par les sculptures à la mémoire des artistes lavallois.
En ressortant de la cour on suit naturellement la rue des Orfèvres qui présente une enfilade de belles maisons à encorbellement du XVI° au XVIII°. On a recensé 63 maisons pans de bois. Leur intérêt était de ne pas coûter trop cher à édifier. Entre les ourdis (en bois de châtaignier) entourés de paille, le remplissage est en torchis sur rez-de-chaussée et premier étage en pierres, présentant l'avantage d'isoler du sol. Le rez-de-chaussée accueille toujours une boutique, souvent encore aujourd'hui.
Parmi les plus intéressantes je citerais La penderie d’Angèle, la dénicheuse de merveilles depuis 2012 et qui est une référence en vêtements vintage, puis juste à côté, Les cornichons, un commerce qui prône le bio et le zéro déchet.
A l’angle du 14 rue des Orfèvres et du 68-70 Grande rue s’élève sur la droite la maison Renaissance du Grand Veneur, construite vers 1554 par Jacques Marest, un riche marchand de toiles, divisée en deux moitiés au XVII°, et dont la façade et les fenêtres en tuffeau sculpté sont comparables à celles du château. Enfin, dans sa partie droite car elles ont été gommées sur la moitié gauche, qui appartient à un autre propriétaire.
Toutes les belles et grandes maisons appartenaient auparavant à des commerçants qui ont fait fortune avec la vente de toiles de lin (spécialité de Laval tandis qu’on trouvait le chanvre plus au Nord). On exposait les toiles la nuit à la lumière de la lune qui a des vertus blanchissantes. Elles étaient exportées à grands frais jusqu’au Portugal pour en faire des toiles de bateau.
Nous poursuivons dans la rue des Orfèvres qui devient rue du Pin Doré. A l'angle entre la rue des Chevaux, la rue de la Chapelle se dresse à l'intersection des trois voies une curieuse maison qui se remarque davantage en descendant vers la rivière.
Dans le nord de la Mayenne, les maisons sont le plus souvent en granit ou en grès. Mais partout, majoritairement, les toitures sont en ardoise, car le matériau quoique cher, est local. Parfois les constructions débordent dans les hauteurs, jusqu’à ce que, à l’extrême, deux maisons se touchent au-dessus d’une étroite ruelle sombre, comme ci-dessous, un peu plus haut, dans la rue des Serruriers.
On peut remarquer souvent entre les maisons un mur coupe-feu, en pierres. Sur le cliché ci-dessous on voit côte-à-côte un mur pignon (à gauche) qui ne comporte pas de gouttière sur cette partie et à l'inverse un mur goutereau à droite (j’en verrai un autre exemple à Sainte Suzanne).
En haut de la rue, la simple église devient cathédrale et fut considérablement modifiée au cours des siècles.Au bout, la Porte Beucheresse, dont le nom est une déclinaison de bûcheron. C'était la seule qui subsiste des six entrées dans la ville qu’il faut imaginer ceinturée de champs et de forêts. Celle-ci était surtout empruntée par des bûcherons. Elle présentait l’avantage de laisser passer un chariot avec un bœuf. Au XV° on a ajouté des canonnières modifiant les ouvertures de tir.
Une plaque rappelle que le peintre Henri Rousseau (dit Le Douanier), peintre populaire par son candide génie mais dont le talent fut longtemps ignoré dans sa ville, naquit le 21 mars 1844 dans la tour de droite où son père était ferblantier. Il fut percepteur de l’octroi (à Paris). Un projet est en cours de réflexion pour ouvrir la tour au public en présentant à la fois le travail de l'artiste et la vie militaire d'autrefois.
Nous avons poursuivi le long des remparts, en empruntant la promenade dite Anne-d’Allègre, dernière comtesse de la ville, protestante et décédée en 1619. Les douves ont toujours été sèches mais elles barraient efficacement l’accès de la ville aux assaillants.
Les hortensias y sont magnifiques, dans de multiples tonalités de roses et de blancs, sans doute de plusieurs variétés car les fleurs ne sont pas toutes identiques. Un peu plus loin, je découvre le Jardin de la Perrine, un peu caché si on ne sait pas qu’il est là. Son propriétaire perdit toute sa fortune en une nuit et la ville de Laval l'acquit en remboursement de ses dettes de jeu. Je comprendrai plus tard, en visitant le château de Mayenne, combien le jeu aura marqué le territoire.
Le jardin est dédié aux illustres lavallois : Ambroise Paré (1509-1590), père de la chirurgie, Alfred Jarry (1873-1907) le créateur du père Ubu, Alain Gerbault (1893-1941) écrivain, pilote d'avion pendant la première guerre mondiale, joueur de tennis professionnel, premier navigateur à traverser l'Atlantique à la voile en solitaire d'Est en Ouest, et premier aussi à achever un tour du monde en solitaire à la voile de 1923 à 1929. Installé à Bora-Bora il y décèdera de la malaria.
Si on voulait citer toutes les célébrités mayonnaises il faudrait ajouter le peintre et dessinateur lavallois Jean-Baptiste Messager (1812-1885) qui immortalisa les principaux sites de son département.
Les terrasses sont très fleuries et complètent une roseraie. Faute de temps, je n’ai pas visité l’Espace Alain Gerbault (gratuit) qui retrace la vie de ce grand navigateur lavallois. Mais je me suis arrêtée près de la tombe du Douanier Rousseau dont la statue de Robert Lerivrain, encore un artiste lavallois, s'élève dans le jardin depuis un an. Ce grand homme fera l'objet d'un article spécifique.
Le jardin offre un beau panorama sur le château que l'on aperçoit sur la droite, sur la Mayenne, la ville basse et sur les nouveaux quartiers. J'ai ensuite repris le chemin en sens inverse en descendant cette Grande rue pour admirer ses jolies maisons anciennes.
J'ai été attirée (au 56 Rue du Pont de Mayenne, mais elle était fermée) par la friperie Back to the 90’ spécialiste des vêtements des années 60 à 2000. Il me semble qu'en Mayenne on est davantage qu'ailleurs sensible au recyclage, à la récupération, à la consommation de produits locaux (j'en reparlerai quand il sera question de restaurants). Des magasins spécialisés comme Nous anti-gaspi et Bon d’ici ont beaucoup de succès. On les trouve tout près de Laval, à Saint Berthevin. J'ai été surprise de voir que les fromages provenant du département étaient étiquetés spécialement à l'épicerie de Fontaine-Daniel où je vous emmènerai prochainement.
En marchant un bon moment on arrive dans les quartiers plus récents, jusqu'à la place Jean Moulin où se dresse La joie, une des statues de Louis Derbré, autre célèbre sculpteur lavallois dont une autre oeuvre est présente sur l'affiche conçue pour le cinquantenaire du festival des Nuits de la Mayenne, principal motif de ma venue dans le département.
J'ai été surprise de voir le long de mon parcours d'étranges petits totems qui sont des cendriers artistiques customisés pour sensibiliser les Lavallois à la propreté, à l’environnement et lutter contre l’abandon de mégots de cigarettes dans l’espace public.
L’action a été conduite pour marquer le mois de la propreté en juin 2022 par les maisons de quartiers et avec la participation de Monsieur TOCQ’R, artiste mayennais, intervenu pour concevoir un ensemble d'une trentaine de cendriers, originaux dans leurs formes et leurs couleurs qui ont été positionnés un peu partout à Laval, et notamment dans les lieux à fort risque de jet de mégots. Leur succès a contribué à ce qu'ils restent en place depuis.
D'autres articles suivront sur l'hébergement et quelques restaurant de Laval. Et bien sûr sur le MANAS.
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