Ma première intention fut de relater dans le détail la visite que j'ai faite de Sainte-Suzanne mais, étant donné l'ampleur de mes notes, j'ai pensé que cet article serait vite rébarbatif. Je vais donc me limiter à deux ou trois anecdotes historiques, concentrer mon récit sur quelques photos et vous inviter à lire la publication consacrée à l'exposition des Nuits de la Mayenne dans la Bergerie, Paroles superbes, accessible jusqu'au 12 août, tandis que je parlerai plus en détail d'un petit restaurant charmant Caf'couette dans une prochaine publication.
Mon objectif principal est de donner envie aux lecteurs qui ne connaissent pas la Mayenne d’y programmer un séjour. Franchement ils ne peuvent pas être déçus.
Je signale qu’on peut se procurer à l'Office du Tourisme un parcours de découverte du patrimoine (gratuit) fort bien fait par l'Association des Petites Cités de caractère de la Mayenne. C’est plus ou moins ce trajet que j’ai suivi en compagnie de Vincent Houllière que je remercie de m’avoir si bien renseignée sur la région.
Dans les tarots, l’Ermite symbolise la sagesse, la patience et la somme de connaissance qu’on peut acquérir au cours d’une vie studieuse. Si j’ai choisi cette enseigne comme première illustration c’est parce que Sainte-Suzanne est embellie de ces plaques qu’elle doit à un artisan d’art unique, Jean-Claude Flornoy (1950-2011). Ce parisien, céramiste-décorateur de formation, écrivain et cartographe, s’était installé dans la cité médiévale et a, pendant vingt ans, travaillé à la revitalisation des jeux de tarot historiques.
Il a entre autres restauré et réédité le tarot dit de Marseille datant de 1650 créé par Jean Noblet, maître cartier et conservé à la Bibliothèque Nationale. Il a fait fabriquer au pochoir ses premières planches de cartes, pour aboutir à une production artisanale et industrielle, les deux étant gérées avec un statut associatif. Les cartes sont vendues dans le monde entier.
Et les enseignes qu’il a offertes sont visibles en se promenant le nez en l’air. je ne les ai pas toutes répertoriées mais il y en a je crois une douzaine. Après le décès de l’artiste, c’est son épouse, Roxanne Flornoy, une américaine traductrice en anglais, arrivée en France en 1973, qui a repris la création de cartes en utilisant des planches de cartes fabriquées dans une imprimerie spécialisée, pour ensuite colorer chaque personnage, qui initialement est en noir et blanc, au pochoir. Les cartes sont par la suite découpées dans une imprimerie locale. Elle fait elle-même l’assemblage et la mise en boite dans un atelier minuscule.
Elle propose aussi un jeu de 52 cartes créé par Provost, maître cartier et propriétaire de moulins à Sainte-Suzanne dans les années 1793. Toutes ces cartes sont à vendre au château de Sainte-Suzanne, au Grand-Moulin et à la boutique l’Ephémère au village.
Il aurait fallu déambuler davantage pour voir l’Etoile, l’Impératrice, le Bateleur (derrière l’église), la Papesse (devant la mairie), la Tempérance (devant la pharmacie), le Diable et dans doute d’autres.
Par contre, après l’Ermite qui est au coin de la ruelle de la Carterie il est logique d’avancer de quelques pas pour apercevoir la Maison Dieu (ci-dessus recto puis verso), une carte qui annonce un changement radical, professionnel ou sentimental comme un coup de foudre et qui marque le numéro 4 où se trouvait l’ancienne carterie, dont la grande largeur de la fenêtre permettait de faire entrer un maximum de lumière du jour pour effectuer le travail de précision. On a fabriqué à Sainte-Suzanne, dans 4 moulins, et pendant des siècles un excellent papier destiné entre autre aux cartes à jouer.
Un peu plus loin la Justice (là encore photographiée recto puis verso) et sa poitrine opulente apparait Grande-Rue, non loin de la maison de l’Auditoire. Mon guide m’a appris plusieurs anecdotes concernant les cartes à jouer, que je relaterai dans l’article spécifique que je dédie aux jeux en Mayenne.
Mais il m’a aussi donné des indications sur l’architecture et les transformations des bâtiments au fil des siècles. Tout en ayant des maisons anciennes, il n’y en plus aucune à pans de bois (comme on peut en voir à Laval) car elles ont été détruites pendant les 14 années d’occupation par les Anglais durant la Guerre de cent ans.
Ainsi, on ajouta au XVI° sur celle-ci (ci-dessous) la tourelle pour le confort car jusque là l’escalier menant à l’étage était extérieur. Au XVIII° on pose le toit Mansart sur la souillarde, mais l’aubergiste apporte cette amélioration avec discrétion puisqu’elle se fait sur le jardin, et non en façade, pour ne pas attirer la convoitise.
Il m’a fait remarquer que Sainte Suzanne s’organisait selon un plan triangulaire, lui même enserrant un triangle plus petit sur l’un des côtés. A l’ancien régime, tous les pouvoirs économiques, religieux et féodaux y sont concentrés avec le château, l’église, le grenier à sel (pouvoir fiscal et judiciaire) représentant la justice du seigneur, voire du roi. La porte (ci-dessous) ne pouvait être ouverte qu'en présence de trois notables, chacun ayant une clé ouvrant une serrure différente.
Désignant la différence d’alignement des pavés de la Place Hubert de Beaumont il me fait observer qu’autrefois des halles se dressaient autrefois en son centre et que des pavés différents ont rempli les lignes des anciennes charpentes. Nous reparlerons plus tard de cet homme illustre à qui Sainte-Suzanne doit de porter son nom.
Cette place était le véritable poumon économique de la ville, avec un grand nombre d’artisans. Aujourd’hui les maisons y sont plutôt XIX°. On y voit face à face une maison avec un long mur gouttereau (ou goutterot, à gauche sur la photo) et une autre à pignon (à droite). Le mur portant la gouttière reçoit les eaux par opposition au mur pignon dont on ne voit depuis la rue qu’une façade triangulaire, destiné à supporter l'extrémité de la poutre principale (faîtière) de la charpente d’où partent les versants du toit. Autrefois seuls les riches et les commerçants ne donnaient pas sur une ruelle, et par extension c’est devenu depuis le XVI° un symbole de notabilité. Les gens aisés ne se privaient pas de décorer leur pignon, en fonction de leurs moyens, pour afficher leur niveau de richesse.
C’est que, au XV° et en l’absence de banques on investit dans la pierre et les bâtiments portent les traces de leur embellissement, à mesure que les propriétaires s’enrichissaient. Sur le cliché ci-dessus on remarque que les fenêtres ont été changées au XVIII°. Dans la cour, le petit puits a été ajouté au XX°.
Par contre cette maison dite des Procureurs du Roi, construite à l’ancienne Porte du Guichet, a peu changé depuis la fin XVI°. Y habitaient les officiers royaux chargés de rechercher et constater les infractions, dresser les PV, assurer tous les actes de justice, et veiller à l'application des ordres royaux. Elle a conservé l’authenticité de ses fenêtres à meneaux et meurtrières. Elle offre un grand potentiel à qui voudra l’acquérir car elle est à vendre depuis plusieurs années.
Avant de quitter la cité pour descendre dans la vallée et faire la promenade des moulins il est assez saisissant de longer à partir de là les fortifications par la Promenade de la Poterne, en dehors des remparts, avec une série de jolis jardins potagers étagés en contre-bas.
On arrive à la porte de Fer, ou Porte de la Herse, qui donnait sur le château. Elle était protégée par deux assommoirs, renforcés d’une barbacane encore visible au sol. Et en cas de danger le garde pouvait hurler contre le mur. Tout le château était prévenu par la puissance de l’écho qui résonnait sur la falaise d’en face, de l’autre coté de la vallée, d’où on extraya de quoi faire les trottoirs de Paris. La couleur blanche de la carrière lui vaut le surnom de Kabylie.
Le château s’élève ici avec élégance même si j’ai le sentiment de tricher un peu en tant coupé l’extension en bois permettant l’accès aux handicapés sur la droite de la photo. Les remparts ont également été marqués pendant la seconde Guerre mondiale. Ils étaient des lieux de transmission de messages obéissant à un code simple : on portait du rouge si on avait quelque chose à donner, du bleu si on devait prendre quelque chose.
On entend d’ici là nettement l’eau de la rivière. Nous allons descendre de 75 mètres sur le chapelet des Moulins par le chemin de La Croix rouge, un nom qui n’a rien à voir avec l’ONG mais qui rappelle la décoration qui ornait l’uniforme des Anglais qui avaient leur camp un peu plus loin. Nous remonterons par le chemin de la Mule blanche, … à cause de la farine que les animaux transportaient.
Il faut admirer le panorama qui offre par temps dégagé une vue impressionnante jusqu’au Mont des Avaloirs. Il est, du haut de ses 416 mètres, le point culminant du Massif armoricain et du Grand Ouest. Il est situé dans le département de la Mayenne, à la limite de celui de l'Orne, à Pré-en-Pail. Si j’avais grimpé en haut de son belvédère j’aurais été récompensée par un panorama à 360° sur le Parc naturel régional Normandie-Maine, la forêt de Multonne et les Alpes Mancelles. Mais ce n’était pas envisageable ce jour-là.
Pour l’heure je suis malgré tout au sommet d'une colline isolée dominant d'un à-pic de 70 mètres la rive droite de l'Erve. Sa situation géographique a longtemps été stratégique au cœur du Maine car elle se situe en lisière des monts des Coëvrons (Alpes mancelles, extrémité sud de la Normandie) et de la plaine d'Anjou, sur laquelle s'ouvre un très vaste panorama. On découvre ces collines au Nord jusqu’au Montaigu (291 m).
Ces clichés permettent de se rendre compte des caractéristiques d'un paysage de bocage : l'absence de plan géométrique dans l'organisation des parcelles qui sont entourées de haies, au moins sur deux côtés (autrefois dans leur totalité) et la fantaisie du tracé des chemins reliant un habitat dispersé. C’est que ces vieux bocages sont nés au Moyen Âge (essentiellement à partir des X°-XI° siècles) de défrichements individuels. Chaque défricheur entourait la nouvelle parcelle conquise d'un fossé et d'un talus sur lequel il plantait une haie, en signe d'appropriation.
Outre l'aspect esthétique, la présence des haies était un moyen de lutter efficacement contre l'érosion par leur effet brise-vent qui protégeait du froid les cultures comme les animaux, et de la grande chaleur en été. Les fossés avaient une fonction de drainage. Les haies produisaient des baies et des fruits et offraient un refuge au petit gibier. Par contre il ne faut pas nier que s'y promener la nuit pouvait être dangereux. Elles offrent désormais 200 km de randonnées forestières.
Au lieu-dit le Grand-moulin (que je n’ai pas visité) se trouve encore le seul moulin à papier de France qui puisse produire, à partir de la même roue, de la farine, du papier et de l'électricité. On notera 22 moulins, à farine, papier, cuir, tabac, huile, foulon, draps de laine et tan, bâtis entre le Moyen-âge et le XIX° sur une longueur d’environ 2,5 km. J’avais vu un moulin à tan à Sens (Yonne), mais ce n’est pas fréquent.
On imagine l’essor économique que toute l’activité générait. Certains sont aujourd’hui abandonnés et c’est assez navrant. Par exemple au Hameau du Pont-Neuf, même si les feuillages le masquent la ruine sur cette photo (à droite). L’endroit offre en tout cas une vue intéressante sur le château.
Nous arrivons dans une zone de prés où des chevaux se régalent. La Mayenne est une terre d’élevage. On y trouve les meilleurs trotteurs. Et n’oublions pas que Pégase est son emblème.
Beaucoup de maisons sont par contre très bien entretenues tout au long de l’Erve. Les haies sont taillées comme par miracle à ras de rivière. Contrairement à une idée reçue, l’eau courante chasse l’humidité et elles sont agréables à vivre. Elles semblent éloignées de tout mais le taxi collectif aller-retour vers Laval ne représente pas une grosse dépense (4€). Plusieurs maisons avaient été achetées par des Anglais qui, faute de sécurité sociale sont repartis dans leur pays quand le Brexit les en a privés.
Au fil de la marche on croise diverses constructions dont certaines ont fait l’objet de plusieurs reconversions. Difficile de se rendre compte de l’intensité de l’activité quand 70 salariés débitaient le bois, avant que le moteur thermique ne les mettent au chômage à la fin des années 70. Plus loin deux lavoirs se font face juste avant d’arriver au Petit Gohard.
On y a moulu le blé, puis fabriqué du papier. Il resta abandonné 25 ans puis servi comme moulin à tan, usine des eaux et fut de nouveau abandonné. Il est désormais restauré. Sa roue tourne toujours. Il sert de lieu d’exposition et de diverses manifestations.
Quelques mètres plus loin on peut encore voir un de ces grands bacs qui servaient pour faire tremper les chiffons avant de les transformer en papier.
En continuant on arrive devant une chapelle dédiée (mais déconsacrée) à Saint-Eutrope dite aussi Chapelle du Mazeri ou Chapelle de la Croix-couverte. Son retable de 1706 est inscrit au patrimoine. Une plaque prévient du vandalisme en précisant qu’elle ne contient plus aucun objet de valeur, les statues ayant été transférées dans l'église de Sainte-Suzanne.
Eutorpe évangélisa la Saintonge. Il fut le premier évêque de Saintes, vers le III° siècle. Selon les sources il est le saint patron des estropiés, mais aussi Saint fertilisateur, ce qui expliqueraient que les jeunes mariées lui amenaient autrefois leur couronne de mariée. Décidément la cité est propice aux jeunes époux. Nous remontons par le chemin des Vignes … sans néanmoins voir le moindre raisin, mais que du maïs à perte de vue.
Une fois remontés on peut pousser jusque l’église pour y voir la statue de Sainte-Suzanne. La première église bâtie sur le promontoire portait le nom d'église Saint-Jean-de-Hautefeuille. Quand le bourg qui s’étendait autour de l'église fut réuni au château au XI° afin d'augmenter les fortifications et assurer la défense du pays contre les voisins normands, la nouvelle enceinte n'eut plus qu'un seul nom en prenant le nom du château, à savoir Sainte-Suzanne, et l'église elle-même fut placée sous le patronage de la sainte.
Au XVI°, le petit-fils d’Hubert de Beaumont (celui dont la place principale porte le nom) rendra visite au pape pour lui exprimer son intention de fonder une grande abbaye cistercienne. Il revint de son voyage avec une ampoule de verre contenant un reliquaire dans lequel est incrusté un fragment d’os de l’auriculaire de la sainte, ce qui, depuis, donne lieu à des pèlerinages.
A quinze ans, Suzanne décida de faire vœu de virginité perpétuelle et refusa d'épouser le fils adoptif de l'empereur romain Dioclétien. Elle avoua qu'elle était chrétienne et refusa d’abjurer sa foi. L'empereur, qui était le plus grand tueur de chrétiens, la condamna alors à la décapitation par l'épée. La sentence fut exécutée dans la propre maison de son père un 11 août. Voilà pourquoi elle est devenue la patronne des fiancés, et se fête le 11 août, le même jour que Sainte-Claire. Et sans être d’un niveau de notoriété comparable à Saint-Valentin la cité tire profit de sa sainte pour organiser toutes sortes de manifestations romantiques. Un propriétaire de chambre d’hôtes a appelé sa maison Gite des fiancés.
La statue polychrome de Sainte Suzanne date du XVI°. Les vitraux modernes (sur la photo de gauche) ont été réalisés par un suzannais, Alain de Bourgues, artiste peintre, professeur au Musée-école de la Perrine à Laval. Inaugurés en 1979, leurs lignes verticales donnent un élan à l'ensemble de l'édifice.
La cité n’avait pas fini de changer de nom. Elle s’appelle maintenant Sainte-Suzanne-Chammes depuis son rapprochement avec la commune voisine.
Il nous reste à grimper l'escalier de la Tour Ouest par Le chemin des Remparts John Ferremen pour accéder à un autre point de vue sur la ville. Cette tour faisait partie du système de défense de la cité. Pendant la guerre de Cent ans chaque habitant devait y prendre son tour "de guet" car elle offrait un point de stratégique sur la vallée d'où les anglais pouvaient surgir.
Il convient de jeter un œil à l’intérieur de la cour du château qui ne fut construit qu’au tiers faute de subsides royaux alors que Sully aurait souhaité continuer. Une ancienne boulangerie subsiste à gauche en entrant et à droite les ruines d’un imposant donjon.
Au fond, le CIAP (Centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine) est installé dans un logis du XVII°.
Comme on peut le deviner, le panorama est une nouvelle fois à couper le souffle.
La cité a de multiples raisons d’être fière de revendiquer au moins 6 labels touristiques :
- station verte de vacances obtenu dans les années 70
- petite cité de caractère dans les années 93
- plus beau village de France (représentant une association de 160 communes en France) dans les années 2010
- troisième village préféré des français en 2013
- pays d’art et d’histoire avec Coëvrons (car les deux communes sont rattachées) suite aux travaux menés pour la conservation de son identité
- village fleuri avec 3 fleurs
- commune touristique
Elle possède aussi le label européen Terra Incognita en raison de la conservation du lieu de garnison des troupes de Guillaume le Conquérant. Et le diplôme national de la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France. Ainsi que le Prix Rubans du patrimoine pour la rénovation de son moulin en 2015. Quel beau palmarès pour une cité surnommée la Belle endormie, comme la perle du Maine, et qui lui vaut 150 000 visiteurs annuels.
En début d’article j’évoquais des faits historiques marquants. Citons par ordre chronologique, ce que la ville doit au français Hubert de Beaumont, puis à l’anglais John Ferremen et enfin à Louis XIV.
Le premier joua un grand rôle dans sa défense pendant le siège que Guillaume le Conquérant mena pendant quatre ans (1083-1086) sans réussir à la prendre. C’est le seul château que ce « conquérant » n’a jamais pu s’approprier. Appelé également Guillaume le Bâtard ou Guillaume de Normandie, il est né à Falaise en 1027 ou 1028 et mort à Rouen le 9 septembre 1087. Il fut duc de Normandie, sous le nom de Guillaume II, de 1035 à sa mort, et roi d'Angleterre, sous le nom de Guillaume Iᵉʳ après la victoire d’Hastings en 1066.
Il voulut ensuite réclamer dix ans plus tard le Comté du Maine (parce que c’est un point stratégique de passage). Il assiège et prend Laval puis Le Mans. Les comtes font allégeance. Mais le fameux Hubert, non. Possédant trois châteaux, dont celui de Sainte Suzanne qui n’est pas encore assiégé, il s’y réfugie. Il mettra en échec Guillaume malgré trois ans de siège. Voilà pourquoi il eut le droit de donner à la cité le nom de son château.
Plus tard, pendant la Guerre de cent ans, les Anglais réussirent par contre en 1425 à s’emparer du donjon invaincu jusque là pendant plus de trois siècles, et à y demeurer 14 ans. C’est pour l’amour d’une suzannaise, qu’en 1439 le soldat anglais John Ferremen donna le mot de passe pour qu’elle vienne le retrouver. Seulement elle vint au château avec les habitants. Les Anglais ont fui en chemise de nuit. John fut condamné pour trahison à la couronne d’Angleterre et extradé. Mais les Français avaient réussi à reconquérir leur ville. Une légende voudrait que avant de partir les Anglais aient caché leur trésor dans la cinquième marche de l’escalier (il n’y en a que 9 donc quel que soit la façon de compter on arrive à la même) mais personne ne put mettre la main dessus. Décidément Sainte-Suzanne est marquée par le romantisme.
En 1661, des lettres patentes signées de Louis XIV confèrent à la cité six foires et marchés annuels qui vont en faire une bourgade économiquement prospère durant deux siècles, et signifiant ainsi son caractère de ville et non de village. Au XVIII° siècle, l'établissement d'un grenier à sel lui accorde un rôle administratif et fiscal sur 26 paroisses de la région. La ville connaît aussi un sursaut économique grâce aux moulins installés sur l'Erve, ses papeteries et carteries.
L'ancien statut de ville royale de Sainte-Suzanne se remarque encore de nos jours par la présence de bâtisses de caractère dans la partie intra-muros de la cité (ancienne résidence des Procureurs du Roi début XVI° siècle, grenier à sel XVIII° siècle, ancienne carterie (fabrique de cartes à jouer), ancien auditoire de Justice (façade XVIII° siècle), deux manoirs et nombreuses maisons anciennes du XV° siècle au XIX° siècle) dont j’ai parlé précédemment. C’est tout à fait un décor de carte postale avec ses rues médiévales, son château, son panorama au-dessus de la rivière de l’Erve.
Quelques dernières photos avant de repartir. Comme la façade de cette bouquinerie fort sympathique où j’ai trouvé refuge pendant une averse. On y vend des gravures et de jolis bijoux à prix doux. Et une boite aux lettres un peu curieuse.
Je suis revenue à mon point de départ par la rue des Remparts qui doit son nom au fait que, jusqu’au XIX°, l’entrée des remparts était fermée. On l’a ruinée (c’est le terme consacré), arasée si vous préférez, pour désenclaver la cité qui jusque là n’avait que deux entrées, par des portes, la Porte du guichet, toujours praticable, et La Porte du grenier à sel qui fut murée à la Guerre de Cent ans.
Pour finir, je me suis attardée sur les deux canons de marque Schneider, modèle 1934, dont il ne subsiste plus en France que trois exemplaires, et encadrant le Monument aux Morts, érigé en 1921 (à l’angle de la rue Henri IV et de la rue du camp des anglais) donc bien avant, dédié aux victimes de tous les conflits comme le mentionne une plaque commémorative.
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