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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

samedi 27 décembre 2014

La galette bretonne, comme là-bas

Je suis au bout de la France, dans le sud Finistère, très précisément en Cornouailles, entre Quimper et Concarneau, dans une des régions les plus accueillantes où il m'a été donné de séjourner. J'en reparlerai ...

Initialement je voulais concocter ici un menu de Saint-Sylvestre avec des produits bretons. J'ai déjà commencé avec un cocktail à base de cidre de Cornouailles puis des Cuillères de maquereau lorientaises.

J'ai un peu changé de cap en préférant simplement vous donner aujourd'hui la recette d'un plat très simple et très digeste qui va faire plaisir à tout le monde entre deux repas dits de fête et parfois un peu trop riches en calories. Je veux parler de galette, pas de celles de Pont-Aven qui sont sucrées, mais celles qui sont salées, à base de farine de sarrasin et qui ont (aussi) le mérite de convenir à tous ceux qui ne peuvent pas consommer de gluten puisque le sarrasin n'est pas une céréale même si on l'appelle "blé noir".

C'est un très vieil aliment, car le sarrasin n'était pas soumis aux taxes puisqu'il n'était pas panifiable, que l'on cuisait sur une pierre plate et chaude que l'on appelait jalet en Bretagne, d'où le nom de galette.

Chaque ménagère bretonne a sa recette, transmise de mère en fille. Aucun village, même le plus modeste, est riche d'au moins 3 ou 4 crêperies traditionnelles.
Il faut voir la queue qui s'étend à partir de 7 heures du matin à Tregunc, 29910, place de l'Eglise,  02 98 50 26 18, depuis 1982 (et désormais à Concarneau, Quimper et Fouesnant), devant la Crêperie Le Masson qui en fabrique artisanalement des centaines quotidiennement grâce à leur drôle de carrousel que l'on voit tourner à travers les fenêtres. Les bretons en achètent autant que les personnes de passage.
Personnellement je trouve cela si facile à faire que je préfère les réaliser à la demande, toutes chaudes et croustillantes.

Il y a quelques "secrets". D'abord une bonne farine, comme la farine de blé noir écrasée à la meule de Nos régions ont du talent et une bonne eau (je la filtre avec ma Brita). On mélange le double de poids d'eau par rapport à celui de farine. On ajoute un peu de sel et on laisse reposer au moins deux heures au frais. C'est tout !

Certains vous diront qu'il faut mettre du lait, ajouter un oeuf battu (ce qui apporte un peu de liant, c'est vrai) mais très franchement ce n'est pas indispensable. Ce n'est pas une bonne excuse de s'en priver au motif qu'on n'aurait plus d'oeuf.

Je fais le mélange dans un pichet pour, plus tard, verser facilement la quantité juste suffisante dans la crêpière. On a trouvé ici une poêle de 34 cm de diamètre, qui après usage, me semble vraiment être un investissement indispensable.
Les charcutiers savent trancher l'andouille aussi finement que le jambon d'une chiffonnade. Celle de Guéméné est parfaite. Mais si on connait un charcutier qui la fait maison on peut se laisser tenter. C'est ce que nous avons fait chez Sylvie et Patrick Tanguy, une Boucherie Charcuterie Traiteur, 13 et 15 Rue de Pont-Aven, 29910 Tregunc (02.98.97.65.86). On y est très bien servi. Et soit dit en passant leurs rillettes de porc, maison faut-il le préciser, sont parmi les meilleures que j'ai mangées. N'oublions pas que l'élevage du porc est une des spécialités bretonnes.
Avant de commencer à faire cuire les galettes je prends un ou deux poireaux qui, une fois émincés, sont mis à fondre dans un wok très chaud, puis réservés.

Arrive le moment de sortir la crêpière. Une fois chaude je verse la pâte en faisant tourner pour bien répartir sur toute la surface. On y arrive très vite avec un peu d'entraînement. Je retourne puis je mets de coté.

Au moment de servir je remets à chauffer les galettes une par une, en glissant dessous un petit peu de beurre (demi-sel car nous sommes en Bretagne). Aussitôt je dépose deux cuillerées de poireaux puis dessus, en couronne des rondelles d'andouille. Je referme en pliant les bord de manière à faire un carré. Je fais griller de l'autre coté et je glisse dans l'assiette.
Dans l'idéal on déguste avec un lait ribot, un lait fermenté entier, comme c'était l'usage autrefois, pour respecter la tradition du vendredi, jour maigre (évidemment alors il n'était pas question de la fourrer à l'andouille).

Et je vous promets un dessert bretonnant pour la Saint-Valentin.

vendredi 26 décembre 2014

Peine perdue d'Olivier Adam

Je m'étais résolue, pour faciliter les choses, m'alléger du poids d'une pile de bouquins, et aussi parce qu'il faut bien un jour consentir à accepter ce qu'on dit être un progrès, à glisser une liseuse numérique dans la valise qui allait accompagner mes vacances.

Je ne prenais pas trop de risques. C'était un emprunt que je faisais à la médiathèque. Les dernières nouveautés étaient censées y être enregistrées. Les choses se sont avérées un peu différentes. Je n'ai trouvé dans l'appareil que des titres que j'avais déjà lus à l'exception de Peine perdue d'Olivier Adam, titre prémonitoire en quelque sorte.

J'ai eu quelques difficultés à le digérer. Sur le plan pratique je veux dire parce que je ne suis pas habituée (et loin s'en faut) à ce type d'outil même si la possibilité de surligner des passages et de prendre des notes est appréciable. Dans l'idéal il faudrait pouvoir les récupérer ensuite sans devoir les recopier, mais ce n'est pas le sujet de ce billet. A propos du paradoxe à lire sur un objet numérique je vous renvoie d'ailleurs à la chronique que j'ai faite de La liseuse de Paul Fournel il y a deux ans. Je mesure à cet égard que j'ai peu évolué depuis ...

Le livre d'Olivier Adam (car je continue à employer ce mot) contient toutes les misères du monde. Le drame qui concerne une famille, comme la tempête qui ravage une station balnéaire. Tout y est. Le malheur qui touche un individu isolément fait des ricochets sur l'ensemble d'une communauté. L’un n’exclut d'ailleurs pas l’autre. Et personne n’est épargné.

C’est l’occasion de vingt-deux portraits en vingt-trois tableaux puisqu'Antoine ouvre et clôt la série. Cimentée de phrases brèves, énumératives, enfilées en chapelets qui forcent à méditer. Les mots jaillissent en flots continus, charriant une réalité sertie de rêves. L'auteur renonce souvent aux virgules pour sans doute davantage encore nous remuer nous secouer nous essouffler en quelque sorte.

On comprend vite qu'on a pénétré dans un monde déboussolé qui tournera en rond, un univers grinçant comme les machines conçues par Tinguely. Faudrait pouvoir renoncer à grimper dans une des nacelles de la grande roue de la vie. Vue d'en haut le ciel n'est qu'illusion, fausses promesses, et à peine somme nous au sommet qu'il faut redescendre. Il y a comme un vent de nostalgie qui nous berce nous balance. Il en faudrait peu qu'on bascule. Et dire qu'on aurait pu être heureux ...

Quelques extraits pour illustrer :

Parfois il vaut mieux savoir ce dont on est capable ou pas. (...) La vie à laquelle on voudrait prétendre est toujours trop grande pour simplement se la figurer. La somme des possibles c'est l'infini qui revient à zéro. Au final ça passe. (Antoine chapitre 1 page 9)
Le bonheur donne des forces. C'est comme les épinards. (Antoine chapitre 22 page 264)

(des objets) Gardés pour rien ni personne, empaquetés comme autant de petits tombeaux successifs, emportant chaque âge comme autant d'enfants perdus qu'on ne reverra jamais. (...)
Peut-il seulement se projeter dans ce futur-là, privé de tout avenir ?
(Paul et Hélène chapitre 3 page 29 et 32)

Pour elle il est juste une parenthèse. (Marco chapitre 4 page 35)

Il y a des choses tellement absurdes qu'elles finissent par prendre une texture d'évidence inquestionnable.
(Coralie chapitre 6 page 56)

Une guerre barbare. Sans psychologie. (Serge chapitre 8 page 84)

Est-ce qu'on cesse un jour de s'apitoyer sur son sort ?
Il s'est laissé déborder. Il est perdu.
Son père a toujours été de ceux qui lisent les modes d'emploi en diagonale et s'étonnent après que leurs appareils ne fonctionnent pas comme ils voudraient. (Grindel chapitre 21 page 240-241 et 242)

Peine perdue, Olivier Adam, Flammarion, sorti en librairie le 20 août 2014

mercredi 24 décembre 2014

Nuits blanches de Haruki Murakami au Théâtre de l'Oeuvre

Je suis allée voir Nuits blanches d’après la nouvelle Sommeil de Haruki Murakami, publiée chez Belfond (et 10-18), avec Nathalie Richard, curieusement après avoir moi-même mal dormi.

Mon esprit flottait, état idéal pour aborder un texte d'Haruki Murakami. Mais face au jeu de l'artiste, à la fois chaleureuse, intimiste, reflète bien un univers qui n'est pas si simple à traduire. On retrouve les deux états, l'imaginaire, l'irréel et une forme de présent, avec des incursion de quotidien comme le praliné qui croque sous la dent à l'intérieur d'une génoise.

Simplement, je ne dors plus, annonce-t-elle avec le sourire. Quand nous disons cela, en général cela veut dire que nous avons "mal" dormi. On s'est retourné dans notre lit quelques minutes et on a conclu qu'on avait passé une nuit blanche. Pour elle c'est une autre affaire. Elle ne dort plus du tout. Et cela dure depuis 17 jours ... 17 nuits. Forcément cela va finir mal, très mal, dans une boite qui la secoue et que l'on devine être son tombeau.

Elle creuse et on la regarde avec fascination. Partagé par l'empathie, apeuré par la folie qui nimbe. Soulagé de rire quand elle nous confie que la tête de son mari est "étrange" alors que c'est elle qui se sent dans cet état.

Il arrive que tout ne tourne pas comme on veut. On se sent coincée ...

C'est tellement juste que nous sommes fin prêts à plonger avec elle dans ce qui est, il faut le convenir, un délire qui ne peut que (très) mal se terminer.
Jusqu'à présent elle fait du sport, aime la musique, semble raisonnable, pas dépensière pour deux sous ... (On va pas utiliser cet argent pour s'amuser de toute façon). Se découvre une passion pour Anna Karénine et Dostoviewsky.

La comédienne est époustouflante. Elle déroule le film de la vie de son personnage, relate les moments de bonheur, il y a déjà quelques années. On devine que de minuscules rituels ont été installés comme jalons pour endiguer la morosité du quotidien. On la suit comme le ferait une confidente, sans chercher à démêler le vrai du faux ... Car enfin comment peut-on vivre encore après 17 jours d'insomnie ?

Qu'importe ! Quand on connait Murakami on a appris à accepter que le rêve s'infiltre dans la réalité.

C'est ça la réalité, les traces de pas qu'on laisse, qui s'en soucie ?

Nuits blanches de Haruki Murakami au Théâtre de l'Oeuvre
55 rue de Clichy, 75009 Paris, tel : 01 44 53 88 88
Jusqu'au 25 janvier 2015
Du mardi au vendredi à 19h, samedi à 16h et dimanche à 18h.
Avec Nathalie Richard
Adaptation et mise en scène Hervé Falloux
Texte français de Corinne Atlan
Décor et costume Jean-Michel Adam
Lumière Philippe Sazerat
Le spectacle se joue jusqu'au 25 janvier
La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de Dunnara Meas

mardi 23 décembre 2014

Une friandise ... oui mais laquelle ?

C'est de saison. On a envie de faire plaisir et de surprendre sans pour autant faire d'erreur de goût. Trop d'originalité pourrait déconcerter. J'ai eu envie de partager avec vous quelques douceurs auxquelles vous n'auriez peut-être pas pensé.

Pour commencer je vous emmène dans la Maison de la Prasline Mazet, qui est installée à Paris au 37 rue des Archives. C'est un paradis sucré digne des personnages de contes de fées et l'accueil  de Joffrey y est délicieux.

Je connais les praslines depuis fort longtemps car j'ai habité en Région centre, pas très loin de Montargis où se trouve la maison-mère. Elles sont toujours commercialisées dans de jolies boites dorées et elles sont indétronables en tête des ventes, mais il existe bien d'autres spécialités.

Par exemple les Grelons et Givrettes, qui sont des amandes et noisettes caramélisées, enrobées de chocolat au lait, puis saupoudrées de sucre glace.

Depuis l'an dernier les Mazettes, (photo ci contre), amandes caramélisées grillées, enrobées de chocolat blanc et d'une crème de pistache, sont arrivées en force pour les fêtes.

Mais il existe aussi des bonbons rares, comme les Karas, présentés comme des bijoux dans une boite écrin transparente. Les fruits torréfiés sont enrobés trois fois dans un caramel à peine blond pour laisser voir l'amande, la noisette, la noix et la pistache. On ne les trouve qu'en boutique et qu'en fin d'année.

On vient aussi, et de plus en plus, chez Mazet pour ses tablettes de chocolat. Il existe 17 variétés. c'est dire qu'on peut avoir l'embarras du choix.

Certains clients n'achètent que ça, comme le Noir Orange Girofle qui a beaucoup de succès.

Un charmant petit oiseau a retenu mon attention, celui-là même qui orne le calendrier de l'Avent et qui a été dessiné par Caroline, Céline et Sophie, les créatrices de mini labo, qui est un studio de création parisien et une marque d'objets du quotidien.
En chocolat blanc, au lait ou noir, ces Voeux en chocolat sont à croquer, mais chacun est accompagné d'une carte où on peut écrire ses voeux et qui, elle, pourra être conservée.

Enfin je signale que sur le site de Mazet on peut trouver quelques recettes que j'ai créées avec la gamme Mazet cuisine. Elles figurent aussi sur le blog : des délices de noisettes, un Paris-Montargis qui est "ma" version du gâteau Paris-Brest et, plus original, un saumon sucré-salé d'inspiration acadienne, servi avec un saumon en tagliatelles.

Il y a aussi chez Mazet les Kaloudjas dont la consonance russe m'a fait penser aux Kanougas d'un autre confiseur, basque cette fois, la maison Pariès, installée bien entendu à Biarritz, Bayonne et Saint-jean-de-Luz ... et à Paris au 9 bis rue Saint-Placide, dans le 6ème.
C'est en 1905 que le chocolatier Jacques Damestoy a inventé des caramels très tendres et parfumés pour conquérir les riches Russes de Biarritz. Il fait tourner un globe terrestre. Son doigt s'arrête sur la ville de Kalouga, un nom lui inspire celui de Kanouga.

Cette année la maison propose l'alliance entre la douceur de ce mythique caramel au beurre salé avec la force du piment d'Espelette. Il n'est pas violent et apparait en fin de bouche. On l'appelle malgré tout Kaxu (prononcer cachou) qui signifie "Attention" au pays Basque.

Le Kanouga existe en plusieurs variations gourmandes : café-noisettes, chocolat, vanille-amandes, café et chocolat-noix, emballée chacune dans une couleur différente.

Restons dans les pays nordiques. Voici enfin une spécialité gastronomique Jovinienne que vous ne connaissez probablement pas, un délicieux bonbon qui s'appelle le Dagmar, et qui a vraisemblablement été créé au début du vingtième siècle. Son nom évoque celui de la princesse danoise, née princesse Dagmar, et qui fut, par son mariage avec l’empereur Alexandre III, impératrice de Russie.

Le Dagmar connut ses heures de gloire dans les années soixante. A cette époque, sa réputation dépassait largement la ville de Joigny et les limites du département de l’Yonne, avant de tomber dans l’oubli.

C'est le grand chef de Bourgogne, Michel Lorain, qui décida de remettre le Dagmar au goût du jour, dans son laboratoire de la Côte Saint Jacques où ils sont fabriqués, selon les mêmes procédés artisanaux qu’autrefois, par le chef pâtissier de la Maison. Ils sont vendus à la boutique et via Internet.
Le Dagmar est un petit caramel mou au chocolat enrobé d’une fine pellicule croustillante de caramel. Leur préparation est longue et délicate car chaque bonbon est découpé puis trempé à la main dans le caramel.

samedi 20 décembre 2014

La Belle au bois dormant, dansée par la Cie des Fêtes Galantes

Spécialiste de danse et de musique baroque, Béatrice Massin, propose une relecture des contes de Charles Perrault, auteur éminemment baroque et pourtant principalement traité sous le prisme du XIXe siècle.

Elle commence avec La Belle au bois dormant,  dont la création a eu lieu à Reims le 26 novembre dernier. Ce conte lui a inspiré une chorégraphie qui donne à voir toute la magie de la danse baroque à travers le merveilleux et le ludique d’un moment aussi bien destiné aux enfants qu’aux plus grands. Lou Cantor, qui interprète le personnage de Belle, incarne parfaitement la joie de la petite fille qui fait l'avion dans sa "robe qui tourne". Elle joue avec inventivité avec son vêtement, que sa nourrice modèle en cape et en divers attributs.
Par contre le dépouillement du décor et la concentration des accessoires à une simple malle rend difficile la perception de l'univers baroque, réduit à la danse et à la musique. L'affiche du spectacle induit une richesse que l'on ne retrouve pas sur scène.

Le mot baroque vient de la langue portugaise, signifiant perle irrégulière. Sa signification de bizarrerie, d’insolite, fut d’abord attachée à l’architecture. Ce n’est qu’au début du XX° siècle qu’on a désigné le XVI° et le XVII° avec ce terme, toujours en architecture, le XVIII° étant qualifié de rococo. Vers 1930, le mot baroque est associé à la musique et à la danse plus tard encore.

Béatrice Massin propose un voyage dans le temps à la cour d’un royaume totalement imaginaire (puisqu'il n'y a rien d'autre que les corps et les musiques comme support de fantasme au spectateur) où l'on danse pour paraître, pour se divertir, pour exister. Belle s’endort chez Lully et se réveille chez Mozart.
C'est l'occasion d'entendre de magnifiques morceaux comme le Prélude du Sommeil d'Atys de Jean-Baptiste Lully, ou la Symphonie des Jouets de Léopold Mozart (le père de Wolfgang). La bande son du spectacle est à ce titre fort intéressante car elle intègre aussi bien des sons naturels comme les cors d'une chasse à courre, des aboiements et des cris de coqs dans la première partie qu'une alarme incendie et des crépitements de feux d'artifices dans la seconde.
Sur scène, un trio de jeunes danseurs qui interprètent tous les rôles. Ils sont formés à la danse baroque pour la première partie, alors que la seconde a été construite avec davantage de liberté à partir de leur tonicité et de leur dynamisme. S'il faut voir Lou Cantor, pieds nus sur le parquet, remuer du popotin avec coquinerie, on peut s'interroger sur l'emploi de Corentin Le Flohic dans deux rôles féminins, la Nourrice et la Méchante Fée (sans que sa compétence ne soit mise en cause par ma question). Olivier Bioret occupe un statut plus conventionnel en jouant le Père comme le Prince.

A travers l’abstraction de la danse, le récit touche à l’intime de chaque enfant-spectateur afin de lui permettre de cheminer dans son propre conte. Béatrice Massin a trouvé là l'occasion de montrer le merveilleux et toute la palette intemporelle de la danse baroque. La chorégraphe est une référence dans ce domaine depuis le film Le roi danse de Gérard Corbiau dont elle a réglé les ballets en 1999.

Après hier soir au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine (94) le spectacle s'installera au Théâtre national de Chaillot  du 26 décembre au 16 janvier 2015. Il sera ensuite en tournée à  Courbevoie le 27 janvier, sur la Scène nationale de Mortagne au Perche le 5 février,  à Armentières / Le Vivat du 12 au 14 février, à Alfortville le 10 mars, au théâtre de St-Omer le13 mars, auThéâtre en Beauvaisis du 14 au 17 avril et sur la scène nationale du Trident de Cherbourg du 5 au 7 mai.

La Belle au Bois Dormant
Conception et chorégraphie : Béatrice Massin
Créé et interprété par Lou Cantor, Olivier Bioret et Corentin Le Flohic 
Lumières : Evelyne Rubert
Costumes : Clémentine Monsaingeon
Création sonore : Emmanuel Nappey
Musiques : Elisabeth Jacquet De La Guerre, Jean-Baptiste Lully, Marin Marais, Léopold Mozart, Wolfgang Amadeus Mozart
Tout public / jeune public et scolaire
Durée : 50 minutes

Les photos du spectacle sont de sont de François Stemmer.

vendredi 19 décembre 2014

Cuillères de maquereau lorientaises

Avant-hier je proposais un cocktail breton. Voici aujourd'hui une petite recette simple, rapide, et très bretonnante pour l'accompagner : des Cuillères de maquereau lorientaises.

J'ai utilisé des produits bretons de Nos régions ont du Talent, parce que je connais très bien cette marque que j'apprécie particulièrement. Pour une fois je me suis focalisée sur la Bretagne, ce qui me donne un avant-goût des vacances car j'y vais bientôt.

S'il y a bien un légume emblématique de cette région c'est l'artichaut. Et quoi de meilleur que le coeur ? J'ai eu envie de l'associer à un produit marin, plus digeste qu'un pâté, surtout si ensuite il me venait l'idée de rôtir un chapon (je dis ça, je dis rien ...). J'aurais pu opter pour des rillettes de sardines. Ce fut maquereau.

Lorient est un port de pêche qui ramène ces poissons. Etymologiquement le nom de cette ville est une allusion à l'Orient et m'a inspiré un certain exotisme, autorisant une digression avec un poivron rouge grillé.
L'assemblage est réalisé à la vitesse d'un hors-bord : on place un petit morceau de coeur d'artichaut (un coeur coupé en 6 et retaillé en deux pour ne pas être trop épais), autant dire que la boite va "faire du chemin" comme disaient nos aïeux, un petit morceau de poivron et une quenelle de rillette.
Après, si on veut que la fête soit signifiée hautement en couleur on peut ajouter quelques grains d'oeufs de lump. Marque Repère en propose à prix doux (dans le même magasin Leclerc).

On peut aussi saupoudrer de quelques brins d'aneth ou poser une feuille de coriandre frais.

Les Bouchées Créatives existent sous différentes formes. Elles peuvent aussi bien être utilisées tel que, donc froides, qu'en support pour des mini-quiches, et être servies cette fois chaudes. Leur goût est assez neutre. La pâte est suffisamment ferme pour supporter les manipulations et ne pas se détremper si on les prépare avec un temps d'avance.
Et puis ... elles dispensent de faire la vaisselle après ce temps apéritif.

jeudi 18 décembre 2014

Kadaverde de Pascal Tédès aux Déchargeurs

La bête est désossée, reste un répugnant de viandaille sur la tranche du couteau et de l'âme, ma foi, tout le gras sur les doigts ... Alors il me faut trouver l'original, la bestialité ... Toute la férocité, la ronce, le silex, le morceau de fer dans la plaie ... Quand la peau du sommeil est rugueuse... (Melville)

Le moins qu'on puisse dire c'est que ça résiste, ça se laisse pas apprivoiser sans rechigner un peu. Juste ce qu'il faut pour qu'on s'interroge. Est-ce mon cerveau ce soir qui patine un peu ? Est-ce le comédien qui tronque son texte ? Est-ce la richesse de la langue de l'auteur ? C'est qu'il n'y va pas de main morte en maniant le stylo comme un sabre.

On se rebelle et puis on s'amollit. On accepte les mots nouveaux qui enrichiront notre lexique. Certains viennent de très loin comme la Sorgue qui remonte à la Cour des Miracles du XVI° siècle et qui dans la pièce désigne la nuit. On se coule dans les circonvolutions syntaxiques de Pascal Tédès. On choisit son camp en se liant, provisoirement bien sûr, avec l'un ou l'autre des cinq personnages qui grouillent dans le marigot.

En tout cas on est secoué, c'est certain.

Parce que ... Eh ben oui, y'a toujours un ogre ... Un croque-mitaine en maraude à choisir ses proies au beau milieu de la maraille ... (Mélendez)

Mandel, l'auteur, semble taper le texte en le murmurant dans sa barbe comme si sa pensée entrait en résonance. Y a des gens comme ça, ça file tout droit (...) nos rêves c'est rien que de la viande périmée. (Moukine) alors que Stenka est aux éreintes de la nuit.
L'auteur a droit de vie ou de mort sur ses personnages. Et Pascal Tédès s'en donne à coeur joie. Il  reconnait sans tergiverser les influences de Paul Claudel, en particulier avec Tête d'Or, de Lautréamont, qui a tant défié Dieu dans la prose surréaliste des Chants de Maldoror. Il faudra attendre André Breton et les surréalistes pour entendre crier au génie. Il y eut aussi l'influence du poète Jean Pierre Duprey, et puis aussi, on pourrait dire "autant", l'écriture sensuelle de Jacques Brel, notamment dans son dernier album, les Marquises, dont Pascal peut réciter des pans entiers :

Le rire est dans le cœur, le mot dans le regard
Le cœur est voyageur, l´avenir est au hasard

Il a remporté plusieurs Prix, celui du Centre national du Théâtre à trois reprises, ce n'est pas mince. et pourtant vous ne le connaissez sans doute pas. Parce que le programmer c'est prendre un risque et que les salles n'aiment pas trop s'aventurer.

Kadaverde est la forme idéale pour un lieu comme le Rond-Point et je me demande si Jean-Michel Ribes a conscience de l'intérêt à l'accueillir. Le décor est abouti. Lui aussi oscille entre un imaginaire pur et dur et la netteté de quelques signifiants. Les costumes sont très justes. L'ogre maculé d'une éclaboussure cramoisie, la jeune SDF en tenue de camouflage pour n'en pointer que deux.
La bande-son et la musique sont travaillés. Un air de piano très doux, une musique d'église ... 

Quelques plans video qu'on découvre en laissant vaquer notre regard amorcent une scène, parfois.

Si Kadaverde était un plat cuisiné il serait épicé, pour sûr, et on aurait envie de se resservir.

Je n'avais pas lu la distribution avant le début du spectacle et j'ai été saisie par la cohésion qui liait les comédiens sur le plateau. C'est rare. Il faut reconnaitre qu'ils sont excellents et qu'ils ont une spécificité qui les soude puisqu'ils sont membres d'une même famille. Comme le dit Pascal en souriant : nous sommes un peu les Gruss du théâtre !

Libre à vous d'y aller ou pas. Mais ne vous privez pas d'une secousse qui vous captivera du début à la fin.
Le Carambole Théâtre existe depuis plus de quinze ans. L’équipe se consacre aux montages des pièces de Pascal Tedes, L’Oiseau Brigadier au CDN de Nancy en 1989, Les Rôdeurs et les Villes au Théâtre de la Bastille en 1994.

En 1996, le Carambole a été choisi, dans le cadre de la politique culturelle des quartiers, pour animer un site pilote du Ministère de la Culture à Mulhouse, autour d’une quarantaine de jeunes en difficulté et d’une dizaine d’adultes dans la même situation. Le résultat aboutit à la création d’un spectacle de douze heures, Les Légendes de l’obscurité, qui aura été joué sur quatre jours dans plus de vingt lieux de la ville. Cette aventure humaine et artistique, qui devait durer six mois, s'est prolongée pendant deux ans, avec le soutien de la DRAC d’Alsace.

Fin 2001 Pascal Tedes s’est installé dans le Morvan, où il met en scène et répète avec sa compagnie Crève la gueularde. La pièce sera créée au Théâtre des Lisières à Strasbourg, reprise à Pantin, puis à la Maison de la Culture de Nevers en juin 2004. C'est d'ailleurs dans cette ville que Le Carambole est aujourd’hui établi. 

Kadaverde aux Déchargeurs
Jusqu'au 20 déc 2014, du mardi  au samedi à 19h
Texte de Pascal Tédès
Avec Nathalie Jadot, Pascal Tédès, Faustine Tedeschi, Roman Tedeschi et Florian Wormser
Mise en scène de Pascal Tédès
Les Déchargeurs / Le Pôle, 3, rue des Déchargeurs, RDC Fond Cour, 75001 Paris
Création : Le Carambole Théâtre

lundi 15 décembre 2014

Il n'y a pas que le champagne pour passer les fêtes

On verse une crème de fruits. J'ai retenu la framboise.

Une giclée de Calvados.

Un fruit congelé qui fera office de "glaçon", ici une framboise, mais j'aurais pu choisir une mûre et dans ce cas harmoniser avec la liqueur.

Ne venez pas me dire que ce n'est pas un fruit de saison. Il le fut en son temps, suffit de prévoir aux beaux jours que l'hiver viendra.

On complète avec un cidre. Par exemple le Cidre de Cornouailles de Nos régions ont du Talent pour donner une note régionale à son dîner.

Et voilà un cocktail pour les fêtes qui fera son petit effet.

D'autres recettes évoquant la Bretagne vont suivre dans le jours qui viennent. A commencer par des Cuillères de maquereau lorientaises.

dimanche 14 décembre 2014

La Lutin Académie s'installe pour Noël au Manoir de Paris

Le Manoir de Paris est un lieu très étonnant, c'est le moins qu'on puisse dire. Son actualité ne se limite pas à la période d'Halloween. C'est à longueur d'année qu'il exerce une fascination hantée. L'endroit fait revivre, dans le cadre prestigieux d’une demeure classée monument historique, une vingtaine de légendes parisiennes. On y devient la victime de l'histoire sombre de Paris en revivant des scènes du Bossu de Notre-Dame, en se perdant dans le cimetière du Père Lachaise, ou en rencontrant l'Homme au masque de fer, le Fantôme de l'Opéra, ou l'empoisonneuse La Voisin...

Adil Houti, jeune américain vivant à Paris, est l'instigateur du projet. Né en 1983, ce patron a participé à la création de deux maisons hantées au Texas. La première, 13th Floor San Antonio, est une attraction basée sur les superstitions située à San Antonio et la deuxième, House of Torment, est basée sur l’apocalypse à Austin.

Le concept inédit était inédit en France. Adil a longtemps cherché l'endroit idéal ... pour le dénicher rue de Paradis, cela ne s'invente pas ! C'est ainsi que son projet s'est matérialisé en 2011 avec pour ambition (réussie) de devenir l'un des lieux incontournables de la capitale.

J'y suis allée en plein été, c'était en juillet 2013, et je suis revenue pour y vivre cette fois un conte de Noël qui n'est pas une simple et douce histoire commençant gentiment par "Il était une fois quelque part".
Le Manoir a été investi par la Lutin Académie où tout est à comprendre au second degré. 35 acteurs y réinventent la magie de Noël dans un spectacle exceptionnel. Les comédiens incarnent des personnages inquiétants, c'est le contrat qui est conclu d'emblée avec les spectateurs : Mauvais garnements que vous êtes, vous serez remis dans le droit chemin. Votre séjour dans cet établissement tenu de main de maître par Monsieur Fouettard sera votre purgatoire.

On vient pour vivre des frissons, ou apprivoiser ses peurs, tout est permis. Sauf une chose, et c'est bien de le savoir : les acteurs ne vous toucheront jamais. C'est parfois affaire de quelques millimètres mais la règle est respectée.
Le spectacle est accessible aux enfants, mais à partir de 10 ans seulement. Ça commence dans le hall, comme pour tous les spectacles, dans la file d'attente, animée par des personnages qui installent l'ambiance. Pour le moment ce sont des parfums appétissant de cannelle qui attisent nos sens. Après avoir été mis "au parfum" par le maître de cérémonie une odeur de pourriture nous fait perdre nos illusions. Nous passons ensuite de salle en salle, en empruntant des corridors sombres et angoissants, peuplés de personnages extravagants jusqu'à se trouver nez à nez avec le grand patron Fouettard.

La scénographie joue sur nos peurs, sur celles de nos grands-parents qui ont imprégné notre inconscient comme la frousse de se faire taper sur les doigts avec une règle en fer à la moindre erreur. Il se dégage quelque chose qui évoque aussi l'univers de l'Etrange Noël de Monsieur Jack.

Les musiques évoquent l'univers de Noël ... avec un léger décalage. Les textes sont très rimés, laissant peu de place à l'improvisation. Les comédiens réalisent là une vraie performance sur le plan de la diction. Les décors et les accessoires ont été méticuleusement réalisés, jusqu'aux courriers pour le Père Noël, tous rédigés à la main. On peut remarquer des doigts coupés et des yeux arrachés pendre aux branches des sapins, mais si joliment ... La mise en place s'est faite en l'espace de quelques jours. Une vraie prouesse car si les lieux sont potentiellement fascinants ils posent tout de même de nombreux problèmes techniques. Il y a plus d'un siècle les conditions de sécurité n'étaient pas aussi draconiennes.

On ne reconnait pas le parcours qu'on a pu faire dans un précédent spectacle. Quelques aménagement supplémentaires sont judicieux. Des toilettes toutes neuves ont été installées au premier étage (mais elles ne sont accessibles qu'à la fin). Une sorte de "sas de décompression" permet au public de revenir tranquillement à la réalité.

Les maquillages réclament une bonne heure trente d'attention. Trois maquilleuses professionnelles se relaient mais les comédiens ont acquis une dextérité qui leur permet d'être opérationnels en toute indépendance en cas de besoin. Leur expérience leur est d'ailleurs précieuse lorsqu'ils endossent dans d'autres théâtres des rôles où il faut savoir se vieillir.

Adil est persuadé que ceux qui aiment sont un peu fous. En tout cas on y croit jusqu'au bout et c'est (un peu aussi) la magie de Noël, n'est-ce pas ?

Il ne m'a manqué qu'une chose : un chocolat chaud pour me remettre totalement de l'expérience en prenant le temps d'échanger mes impressions avec d'autres spectateurs.

Certains avaient découvert le Manoir avec ce spectacle. Beaucoup sont des habitués. On y vient seul et on rameute ses collègues ou amis (ou ennemis après tout ?).

Quelques-uns ont déjà programmés leur Valentine Dark Night ... à la mi-février, un spectacle qui se déroule entièrement dans le noir. Même avec son amoureux (se) il y a de quoi frissonner.

Noël 2014 au Manoir de Paris
du 12 au 21 décembre 2014 et du 9 janvier au 1er février 2015
Ouverture : le Vendredi : 18h-22h - les samedi et dimanche : 15h-19h
Spectacle déconseillé aux moins de 10 ans
Fermeture annuelle du Manoir de Paris du 22 décembre 2014 au 8 janvier 2015 inclus.
Plein tarif: 25€ / Tarif enfant: 20€ Fast pass: 35€
Réservez votre billet en ligne : www.lemanoirdeparis.fr Nombre de places limité.
Le Manoir de Paris, 18 rue de paradis, 75010 Paris
www.facebook.com/lemanoirdeparis

vendredi 12 décembre 2014

Le service de pédiatrie générale de l'Hôpital Necker – enfants malades fait peau neuve

Entre le mois d'avril et celui de novembre 2014, treize illustrateurs de l'Ecole des loisirs se sont succédés bénévolement (cela mérite d'être tout de même souligné) pour transformer les murs du Service de pédiatrie générale de l’Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP, à Paris.

C'est Nathalie Brisac, responsable de la communication de la maison d'édition, qui a été la cheville ouvrière de ce beau projet. Elle a transmis le souhait d’embellir les couloirs du service de pédiatrie aux illustrateurs, qui se sont portés immédiatement volontaires.

Le pari était osé. Les couloirs sont infinis, il était facile de s'y perdre. On m'a raconté (parce que je n'ai depuis quelque temps, et fort heureusement d'ailleurs,  aucun motif médical qui me pousserait à aller dans cet hôpital) que lorsque les artistes ont découvert les lieux, ils ont été impressionnés par le labyrinthe de couloirs. Ils ont souhaité aider les patients et leurs parents à mieux s’orienter.

Je connais la plupart de ces illustrateurs, soit personnellement, soit par l'intermédiaire de leurs ouvrages. Ce sont Stephanie Blake, Isabelle Bonameau, Pascale Bougeault, Dorothée de Monfreid, Malika Doray, Bénédicte Guettier, Kimiko, Alan Mets, Lucie Phan, Claude Ponti, Audrey Poussier, Anaïs Vaugelade et Myrha Verbizh.

Pour assurer une continuité et une cohérence dans l'espace, ils ont imaginé un épais ruban bleu, courant sur les murs et reliant les dessins les uns aux autres. Tel le fil d'Ariane, ce chemin guide les enfants, laissant apparaître ici ou là un éléphant sous la douche ou un lapin amoureux.

Au vu du résultat on peut imaginer qu'il ne va plus y avoir de problème de repérage pour les grands comme pour les petits. Point n'est besoin de savoir lire ou comprendre le français pour apprécier.

Une petite vidéo a été réalisée pour l'occasion et qui sera en quelque sorte une visite guidée de cette performance qui a été menée sans suspendre l'activité du service. Vous pourrez aller la visionner en suivant le lien.

les chariots de soins font bon ménage avec ceux des artistes peintres. Vous comprendrez mieux pourquoi Stéphanie Blake estime qu'elle est venue dans cet l'hôpital "pour de bonnes raisons", mettre un peu de gaieté et faire sourire des enfants en les allégeant du poids de leurs frayeurs.

Je vous invite à cette sorte de visite guidée où vous repérerez ... par exemple Simon, le lapin, super-héros du quotidien, farceur et espiègle, de Stephanie Blake, et les personnages loufoques et un peu gringalets d'Alan Mets. Kimiko abrite une grenouille sous un parapluie. Cette ancienne styliste franco-japonaise déploie un univers aux couleurs chatoyantes. Malika Doray aussi a placé une grenouille. On retrouvera aussi Carbu, le chat de Myrha Verbizh, dont la soeur Alyssa, a écrit les textes de leurs deux premiers albums, Trucmuche à poils et Biglouche. Les souris d'Audrey Poussier. Un des cochons de la famille Quichon, élevé par Anaïs Vaugelade. Un dinosaure de Dorothée de Monfreid.

D'autres personnages sont plus insolites, sous le pinceau de Lucie Phan, un âne de Bénédicte Guettier et il y aura peut-être aussi Mam’zelle, la pie délicate de Pascale Bougeault qui a croqué des souris. Je dois dire que je n'ai pas vu la fresque achevée. Ce qui est certain c'est que la bande de poussins farceurs de Claude Ponti aura investi plusieurs pans de mur. Isabelle Bonameau, a choisi elle aussi des poussins même si ce ne sont pas les mêmes.

Le travail a été immense. Il n'empêche qu'on souhaite que d'autres services hospitaliers reprendront cette idée.

mercredi 10 décembre 2014

Fruits et légumes de Delphine Brunet chez Solar

100 recettes gourmandes dans un livre foisonnant d'astuces pour employer les fruits et les légumes de la pointe de la racine au bout du bout de la feuille.

Delphine Brunet se souvient de son père chantant les paroles de Brassens : Tout est bon chez elle, y a rien à jeter ... Mais sait-elle que le poète l'a composée en hommage à  sa mère qui disait cela à propos des salades de son jardin ?

Delphine passe tout à la casserole : pulpe, chair, racines et trognons, tiges, cosses, fanes, épluchures ... rien ne part à la poubelle, exception faite des morceaux qui seraient dangereux comme les feuilles de rhubarbe. Elle en dresse la liste à la fin de son livre pour ne pas entraîner ses lecteurs à prendre des risques.

Desserts, sirops et confitures côté sucré, carpaccios, pickles, chips et pesto côté salé, on trouve des idées simples et originales pour sublimer ce que l'on ne daignait même pas considérer jusque là.

Ce livre est un hymne à la nature, une incitation à la gourmandise, et une occasion de faire des économies puisque dorénavant on ne jettera plus grand chose dans nos poubelles.

Le livre s'organise au rythme des saisons. Chaque fruit ou légume fait l'objet d'une photo légendée, orientant le lecteur vers les diverses utilisations possibles, de la plus classique à la plus originale.

On trouvera bien entendu des recettes qui n'ont rien de surprenant, ce en quoi l'auteur ne démérite pas. Mais il y a aussi des recettes étonnantes, comme celle des pelures de kiwi confites (page 32) ou la soupe de cosses de fèves (page 108). Les photos sont rustiques, dans un décor très simple qui excite l'appétit.

Ce qui est certain c'est qu'un livre comme celui-là risque de bouleverser vos réflexes alimentaires. Je dis "vos" parce que pour ce qui me concerne je suis depuis longtemps une adepte du 100%. J'ai développé une série de recettes sous la rubrique de la "cuisine de la récupération" et j'ai même animé des ateliers sur ce thème au dernier Salon de l'agriculture. L'idée n'est pas neuve mais elle a encore beaucoup de chemin à faire.

Un ouvrage comme celui-ci est précieux pour changer les mentalités.

Fruits et légumes de Delphine Brunet chez Solar, parution 6 novembre 2014

mardi 9 décembre 2014

Sophie a les boules, c'est écrit par Sylvie Bourgeois

Sylvie Bourgeois l'affirme comme une évidence : J’écris parce que j’écris.

Elle a conçu le personnage de Sophie à son image.  Sylvie l'aime bien. Ses lecteurs aussi. Des hommes, justement, qui ont entre 20 et 70 ans. Ils sont aussi nombreux que les femmes à l’apprécier. Et pas des moindres, la féministe Antoinette Fouque l'adorait, Jean-François Kahn aussi, pour ne citer qu'un homme et une femme. L’éventail est large.

Sylvie va faire le bonheur de tout le monde puisqu’elle a décidé de relancer la série. Il va donc y avoir de nouveau "des" Sophie. Le pluriel est une évidence.

Ils étaient plus de 200 à fêter la sortie du dernier opus, Sophie a les boules. Un joli jeu de mots en cette période de fêtes, mais surtout une sorte de cri d’alarme.

Sylvie a conscience de s’inscrire dans un marché de niche, plus anglo-saxon que continental. Dans ses livres les choses sont dites, les dialogues sont justes, les femmes sont attachantes, ou plutôt "attachiantes" … comme dans la réalité dit Sylvie en souriant.

Qu’on soit homme ou femme, on s’y retrouve si on a envie de lire quelque chose de divertissant.

Vous aurez compris que Sylvie n’écrit pas pour ceux qui veulent vivre par procuration et qui espèrent un happy-end à la manière des romans à l’eau de rose du siècle dernier.

Je surfe sur la douleur. Je laisse apparaitre la faille, la rupture, mais sans m’appesantir. C’est dans ce compromis que la vie se situe.

Le message de Sophie est facile à décrypter : On peut s’en sortir si on est courageux. Parce que malgré les difficultés faut rester en vie. Du coup ses romans donnent la pêche. J'en ai plusieurs fois fait l'expérience.

Ses héroïnes (valables aussi pour le livre précédent, J’aime ton mari) offrent un modèle identificatoire positif. Elles montrent le chemin à toutes les personnes qui n’osent pas. D’ailleurs certaines trouvent la force de surmonter un souci et clament : hier j’ai fait ma Sophie ! Bientôt l’expression passera dans le langage courant.

Sylvie Bourgeois distille dans chacun de ses romans une certaine dose de parisianisme, des bribes d'analyse sociologique (comme l'influence de facebook sur les relations humaines) et donne au passage les bonnes adresses du spot où réside momentanément son héroïne.

Sophie aura toujours quarante ans. Elle ne vieillira jamais. A chaque début de roman elle est fragilisée par une rupture amoureuse, soit subie, soit provoquée. Cette fois l'élément déclencheur est le désir de paternité de son compagnon. Sophie porte en elle une blessure qui ne cicatrisera jamais : le choc de la mort de sa mère suivi par le suicide de son père. Il y a de quoi développer la phobie de mettre au monde un être qui aurait le même destin.

Sylvie argumente en mots très justement choisis pourquoi Sophie redoute la maternité. Elle est loin d'opposer un refus égoïste et on constate à la lecture du roman qu'elle a beaucoup de complicité avec les enfants et qu'elle est capable de leur prodiguer une infinie tendresse.

Il n’y a jamais de suite. Chaque opus peut se lire indépendamment des autres. La seule répétition concerne son histoire familiale, et sa vie de la naissance à 25 ans, l’âge auquel elle a perdu ses parents. Et une phrase fétiche qu'elle envoie systématiquement par texto à un moment ou un autre. A vous de la dénicher !

Elle est fille unique, vit dans un milieu ni pauvre, ni riche. Elle a toujours travaillé en free-lance. C’est une femme libre, ni opportuniste, ni carriériste, qui met un point d'honneur à demeurer indépendante financièrement. Elle se situe dans l’humain. Ce qui lui importe c’est la relation qu’elle peut créer avec les gens dans l’instant. Elle s'exprime avec une franchise insensée, quitte à faire quelques dégâts collatéraux.

Sylvie a accepté de passer le test du questionnaire de Proust au nom de son héroïne :

Si Sophie était une couleur ? Elle hésiterait entre le bleu, pour la mer, et le rouge, pour la vie.
Si Sophie était une musique ? Arvo Part pour le coté contemporain et philharmonique.
Si Sophie était une ville ? La plus belle ville du monde, donc Paris.
Si Sophie était un animal ? Le lion, pour la crinière.
Si Sophie était un plat cuisiné ? Un soufflé au fromage.
Si Sophie était une qualité ? La bienveillance.
Si Sophie était un défaut ? L’impatience.
Quelles sont ses valeurs ? L'humour, la réflexion, la spiritualité.
Quelle serait sa devise ? Elle veut être humainement fréquentable.

Sylvie a répondu sans hésiter. On voit qu’elle est très proche du personnage qu’elle a créé. Elle a réussi à s'en faire une amie (page 123) en jouant son propre rôle dans le roman.

Elle répond à mes questions en tortillant une mèche de cheveux. Le geste me parait tout à coup signifiant. Je voudrais pouvoir poser mon carnet de notes et saisir mon appareil photo mais quelque chose me retient ... Je peste intérieurement une heure plus tard quand je découvre (page 13) que Sophie fait tourner ses cheveux entre ses doigts en téléphonant à son ami.

L’oxymore de la couverture est intentionnelle avec une balance entre un titre connotant l'énervement et un visuel signifiant la recherche d'une zen attitude salutaire. L'emploi de la couleur rouge est récurrent sur les couvertures des livres de Sylvie. Son graphiste a l’habitude des affiches de cinéma. Il avait déjà fait celle du précédent roman.

Sylvie a déjà l'esprit porté vers les nouvelles aventures de Sophie. Elles sortiront en avril. La jeune femme retourne sur les rivages méditerranéens. Après Cannes, en 2011, Sophie va cette fois investir Saint-Tropez, encore une ville que Sophie connait très bien puisque ce fut le décor d'un film dont elle a co-signé le scénario, Les Randonneurs à Saint-Tropez, sous la réalisation de Philippe Harel, sorti en 2008.

Il y aura désormais le livre d’été et le livre d’hiver. Je la taquine en lui demandant si le suivant ne sera pas Sophie à N... Impossible, cette ville n’est pas assez "particulière". Les paris sont donc ouverts pour les prochaines destinations de Sophie.

Sophie a les boules, de Sylvie Bourgeois, chez Adora, décembre 2014

lundi 8 décembre 2014

Une soirée en mode Alsace

Si je vous dis Alsace vous penserez sans doute costume folklorique, poteries, nappe à carreaux rouges et blancs, cigognes, bretzels, choucroute et vin blanc.

Les plus informés évoqueront des images plus précises : une coiffe impressionnante,  un moule à kouglof de Soufflenheim, le quartier de la Petite France, l'atmosphère des Winstub, l'écomusée d'Ungersheim, une assiette de spätzele, des schnecks, des navets au sel et un Pinot gris.

Nous y voilà ... que savez-vous des vins d'Alsace ? Ils ne sont pas tous blancs, même si ce soir ce sont eux qui étaient en vedette. Huit vignerons avaient quitté leur terroir pour faire découvrir un de leurs crus dans une ambiance festive.

Ils ont investi les Docks – Cité de la Mode et du Design pour une soirée En Mode Alsace ! Et j'en reviens.
C'est face à la Seine et au son d’un DJ Set que j'ai re-découvert des vins que ma mémoire olfactive avait un peu oubliés, j'en conviens.
L'accueil a commencé, comme il se doit dans l'Est de la France, avec un crémant. Un AOC Crémant d'Alsace Chardonnay de la Cave de Beblenheim. Ce serait une offense que de vous en donner le prix (on est bien en dessous de 10 €). Je viens d'écrire un billet sur les Blancs de Noirs et je voudrais pas me contredire un peu. Disons que tout est question d'ambiance et qu'on peut vraiment se faire plaisir sans casser sa tirelire.
Les huîtres sont classiquement associées au Riesling (même si on peut choisir un Sylvaner frais, fruité et surtout très sec). La juste acidité de ce vin s'accorde avec les produits iodés, justifiant un buffet appelé "Face à la mer". Il était inattendu de le déguster en association avec des bouchées asiatiques. C'était très réussi.
 
Il reste qu'il y a tout de même de grandes tendances. Le Riesling demeure un vin que je qualifierai d'élégant : sec, propre, gracieux et équilibré. Sa finesse autorise de le servir aussi bien avec des crustacés qu'une volaille. Néanmoins il existe des nuances aromatiques très nettes. Par exemple celui du Domaine Dussourt, un AOC Alsace Riesling de Scherwiller 2011 est très différent de celui de la Maison Kuentz-Bas, un AOC Alsace Riesling 2012 "Trois Châteaux", question de terroir, d'ensoleillement, d'année ... et affaire de goût ensuite.
Chaque vin était proposé par deux maisons qui ont mis un point d'honneur à nous surprendre. Du coup je ne pourrais pas écrire (par exemple) qu'un Vendanges Tardives est plus aromatique qu'un Pinot Gris. C'est souvent vrai, mais ce n'est pas systématique. J'aime beaucoup les notes fumées typiques de ce cépage tout en rondeur et ses arômes de sous-bois. Celui du Domaine Schlumberger, un AOC Alsace Grand cru Kitterlé Pinot Gris 2010 est tout simplement magnifique. Mais l'AOC Alsace Pinot Gris Rosenberg 2011 du Domaine Barmès-Buecher n'a en rien démérité. L'un et l'autre ont été parfaits en association avec le foie gras, travaillé avec un chocolat noir.
Le Gewurztraminer est toujours très aromatique, Gewürz signifiant d'ailleurs épicé en Allemand. Il est fruité avec des arômes relevés de rose et de litchi, un bouquet très parfumé et fleuri qui a été mis en valeur avec un buffet aux saveurs ethniques pour nous faire voyager. L'AOC Alsace Gewurztraminer 2013 de Wolfberger a été particulièrement salué. Son caractère bio mérite d'être souligné.

Le second était un AOC Alsace Grand cru Bruderthal Gewurztraminer 2012 de Gérard Neumeyer.

Je ne dirai pas qu'un Vendanges Tardives n'est pas un vin exceptionnel. C'est toujours une valeur sûre pour celui qu'i n'a pas le loisir d'aller débusquer le cru et l'année qui fait la différence. L'AOC Alsace Grand Cru Zinnkoepflé Gewurztraminer 2012 de Jean-Marie Haag est plus que parfait, ne serait-ce que parce qu'il n'est pas surchargé en sucres.
Ce soir les jeux d’accord furent originaux et surprenants, y compris sur les desserts. Avec ces canapés à la pomme verte ... le Vendanges Tardives fut une tentation diabolique.
Le tour d'horizon ne fut pas complet, ce n'était pas l'objectif. Il faut tout de même savoir que si on remonte quelques siècles en arrière c'est le vin rouge qui était dominant en Alsace avec le Pinot Noir qui occupe désormais moins de 10 % des vignobles. C'est un vin élégant, riche en arômes de cerises.

Il y aurait aussi le MuscatEt enfin l'Edel, ou si vous préférez, l'Edelzwicker qui est un vin d'assemblage de pluiseurs cépages. On le sert en pichet et non en bouteille par tradition dans les Winstubs, c'est le nom qu'on donne aux bistrots en Alsace. Et comme vous pouvez le deviner il n'y a pas un mais de multiples Edel.

Après ce voyage mes préférences sont multiples mais je laisse à chacun le soin d'élire les siennes.

Les producteurs réitéreront sans doute ce type de rencontre l'an prochain. Je ne manquerai alors pas de l'annoncer. Le prix demandé pour la soirée (15,00€) était réellement très raisonnable au regard de la qualité des vins proposés et des buffets les accompagnant.
Les Docks - Cité de la Mode et du Design
34 Quai d'Austerlitz, 75013 Paris
Métro : Gare d'Austerlitz (5 minutes à pied), Quai de la Gare (5 minutes à pied), Gare de Lyon- sortie rue de Bercy (10 minutes à pied).

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de ZVARDON.

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