Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

jeudi 28 février 2019

Mousse au chocolat sans beurre ... avec du tapioca

Idéal pour épaissir les soupes en les veloutant et apporter de l’onctuosité aux desserts maison, j'ai découvert que le Tapioca Tipiak pouvait être un allié pour ceux qui cuisinent "végétal" et qui veulent préparer des desserts crémeux à partir de lait végétal.

Je l'ai testé avec du jus de pois chiches, ce qui n'est pas révolutionnaire d'ailleurs car cela fait un moment que des recettes circulent, préconisant son emploi pour monter des mousses au chocolat sans utiliser d'oeuf. Celle que j'ai suivie n'a pas recours non plus à un gramme de beurre. On est donc bien dans le domaine "vegan" mais aussi et surtout dans la santé, sans pour autant fair de concession à la gourmandise.

Le tapioca (ici le traditionnel) permet à la mousse de jeter ferme, même préparée la veille, surtout si vous la conservez au frais, dans un contenant à l'abri de l'air.

mercredi 27 février 2019

S'inventer une île d'Alain Gillot, chez Flammarion

Il y a les livres que je souhaite recevoir, ceux que j'emprunte à la médiathèque, ceux que j'achète, ceux qu'on me recommande ... cela fait beaucoup. Parfois j'estime que c'est trop. Parce qu'en plus il y a aussi ceux qui m'arrivent après avoir suivi des routes étonnantes.

S'inventer une île appartient à cette catégorie de ceux qui s'imposent, à l'instar d'un chat qui s'infiltre dans votre chez soi et qui s'avère le compagnon indispensable. Un "bon" livre est celui que l'on croise au "bon" moment.

A peine avais-je découvert les premières lignes de celui-ci que je savais que je le lirai très vite et même que j'inviterai son auteur dans l'émission de portrait que je produis sur Needradio. Vous pouvez écouter l'interview ici.

Alain Gillot a écrit "de son île et du continent". Si Lorraine Fouchet est ancrée à Groix ce romancier a choisi un autre endroit, Belle-Ile comme cadre pour la retraite de son personnage.

La couverture est très délicate. Ce garçonnet traçant un signe sur le sable évoque le Petit prince et suscite l'envie de partager cette histoire que l'auteur a imaginée sur un fond autobiographique (il ne s'en cache pas) mais qui devient un vrai roman. Il y pose la question de la paternité, un peu en miroir du film de Kad Merad, Monsieur Papa (2011) programmé ces jours-ci sur le petit écran. Sauf que dans le film c'est l'enfant qui s'invente un père parce que le sien n'est plus là.

Nous avons chacun notre manière de vivre le manque -ou le deuil- qui en est la manifestation la plus cruciale. Mais quoiqu'il arrive on ne se dépouille pas de son statut de parent en perdant un enfant.

Dani apprend la noyade de son fils Tom, 7 ans, alors qu'il travaille sur un grand chantier, à l'autre bout du monde. Il passe le relai à un collègue et rentre en France auprès de sa femme Nora. L'un et l'autre affronteront la réalité avec des approches radicalement différentes, mais néanmoins respectueuses et absentes de jugement de valeur. La patience et la bienveillance ne suffiront cependant pas à maintenir le couple et chacun s'éloigne.

Les amis proches auront beau faire de leur mieux, l'écart se creusera sensiblement. L'affection est pourtant très chaleureuse puisque le meilleur ami de Dani, Michael, a épousé Lauren, qui est la soeur de Nora.

Nous étions allés le plus loin possible sur notre chemin personnel, et maintenant l'autre le savait. Nous n'avions rien à nous promettre, ni non plus à nous pardonner, ni à renoncer. Le deuil est quelque chose d'organique qui convoque ce qu'il y a de plus puissant en soi, et la manière d'y survivre appartient à chacun (p.207). Dani s'exprime ainsi à la fin du roman mais l'auteur aurait pu le lui faire dire d'entrée, même si ses propos n'en ont que plus de force en arrivant après qu'il nous en ait fait la démonstration.

mardi 26 février 2019

Discours d’investiture de la Présidente des États-Unis

On pourrait penser que le titre dit tout de ce texte : pensée et message politiques, bilan des années passées, proposition de nouvelles perspectives pour l’avenir.

Il en est question, bien sûr. Mais cette présidente n’est pas une femme politique ordinaire. Elle commence par évoquer ce qui l’a construite, à savoir son enfance, illuminée par la présence de Margareta et de Jim, qui lui ont servi de grands-parents et ont été de vrais modèles pour elle tout au long d'une enfance heureuse dans le Montana.

Forte de ce qu'ils lui ont transmis, cette femme jusque là biologiste et maintenant tournée vers la politique, va nous livrer le fond de sa pensée et de son coeur avant de s'exposer dans l'arène.

Le spectacle commence un matin. La future présidente surgit au saut du lit, en chaussettes et robe de chambre peu glamour, dans un naturel propice au parler vrai. C'est incroyable tout ce qu'un regard peut exprimer et Claudine Guittet excelle à transmettre une immense palette d'émotions en scrutant chacun de nous, sans que l'on se sente épié le moins du monde ... ni en position de voyeur puisqu'elle nous a en quelque sorte invité chez elle.

La comédienne est seule en scène mais Margareta et Jim ne sont pas loin. Elle les fait parler avec naturel, s'adressant à la petite fille qu'elle fut et qu'elle n'a pas reniée.

Ses paroles font mouche. Nous sommes d'accord avec elle pour condamner la guerre mais notre enthousiasme reçoit une douche froide. Cette (future) présidente aura sans doute du mal à imposer la paix : elle (la guerre) exerce une telle fascination. On la désire autant qu'on la redoute.

La confidence nous est faite alors qu'elle semble dans la superficialité de son maquillage et nous avons froid dans le dos. Son "discours" nous pousse à réagir : L'homme n'est ni bon ni mauvais. Il a le choix de l'une ou l'autre position. Il n'est plus dans l'obligation de tuer pour survivre comme aux temps préhistoriques. Mais son analyse est pertinente : la guerre est une affaire de haine.

Quand elle aborde la question de la détermination ses propos ne sont pas plus joyeux : trouver le courage de vivre, de parcourir ce chemin dont l'issue est la mort, et donc la transcendance de l'humain. Manifestement le sien s'est construit sur sa formation de biologiste pour évoluer vers les plus grandes responsabilités.

Espérons qu'elle parviendra à convaincre son futur gouvernement que tuer est une hérésie et d'installer durablement la paix qui est une nécessité biologique.

Alors qu'elle se fait belle pour prononcer son discours devant un parterre d'officiel nous prenons la mesure de l'importance du texte de Roger Lombardot. Ses paroles sont d'une sagesse implacable : si nous disparaissons le vie ne nous regrettera pas.

Voilà un spectacle très juste, mis en scène efficacement par Chantal Péninonservi sans fioritures par une comédienne hors pair, dans un théâtre parisien dont j'ignorais jusque là l'existence. Je suis certaine qu'il touchera le public avignonnais l'été prochain.

Discours d'investiture de la Présidente des Etats-Unis de Roger Lombardot
Mise en scène de Chantal Péninon
Avec Claudine Guittet
Au théâtre la Croisée des Chemins
43 rue Mathurin Régnier, 75015 Paris
Du 16 janvier au 6 mars 2019, le mercredi 21h30
Et cet été au festival d'Avignon, au Théâtre La Croisée des Chemins Avignon (qui remplace le Théâtre Al Andalous).

lundi 25 février 2019

Les miroirs de Suzanne de Sophie Lemp

Une femme perd un précieux manuscrit. Je gagne un livre où Sophie Lemp me propose de me souvenir d'un passé -celui de Suzanne- pour en venir au présent. Le sujet ne pouvait que me toucher parce que les premières amours nous placent sur un chemin de vie toujours déterminant même si nous n'en avons pas conscience au moment où nous faisons un choix qui semble alors anodin et peu définitif.

Suzanne a quarante ans, une vie tranquille, un mari et deux enfants. Un matin, son appartement est cambriolé. Ses cahiers, journal de son adolescence, ont disparu. Des pages qui lui avaient permis de surmonter la douleur du passage à l’âge adulte, sur lesquelles elle avait déposé les traces d'un amour incandescent avec Antoine, l’écrivain qui avait trois fois son âge.  Martin est livreur, il pédale pour épuiser ses pensées. Un soir, il trouve les cahiers au fond d’une poubelle et dévore ces mots qui le transpercent. Qui le ramèneront à la vie.

Les miroirs de Suzanne sont multiples, en amour comme en amitié. C'est le passé dans lequel Suzanne se replonge. C'est son récit qui fait écho aux sentiments que Martin refuse jusque là de laisser éclore. Ce sera aussi l'avenir des deux personnages qui se construit dans un dialogue de mots qui ne sont pas prononcés. C'est donc la promesse de n'avoir plus peur de continuer ... comme nous y encourage Léonard Cohen dans sa chanson éponyme.

Les paroles du compositeur ont traversé les années et ont été reprises à de multiples reprises, par de nombreux artistes, en particulier par Bashung dans son album Bleu pétrole. Porter le nom d'une héroïne de chanson aussi célèbre impactera la destinée de la jeune femme dont la vie sera intimement liée à la musique. La puissance et l'universalité des paroles de la chanson feront aussi écho à Martin (p.57) qui acceptera de passer de l'autre coté ... du miroir, c'est-à-dire de faire fi des apparences.

Dans ce livre extrêmement bien construit l'auteure commence avec Drouot, de Barbara, qui impulse son credo : je crois aux signes, il n'y a pas de hasard (p.39).

Une force de ce roman est d'avoir transformé en chance ce qui était au départ un incident plutôt fâcheux en permettant à Suzanne de réaliser le rêve de ses quinze ans en transformant ses émotions, ses peurs, ses joies et ses tristesses. Un cambriolage est certes toujours un traumatisme. Mais ici il permet à Suzanne de se dépouiller de ce qui jusque là l'empêchait d'avancer. Comme si le voleur n'avait pas dérobé que des choses matérielles.

Suzanne se lancera à la conquête de sa liberté et réalisera le projet qui dormait dans un coffre. Elle trouvera la force d'écrire.

La souffrance de ne pas être aimée comme elle l'aurait voulu a laissé place à la conscience de l'avoir été autrement. Elle ne sait pas ce qu'elle a représenté pour Antoine mais elle sait ce qu'il a incarné pour elle (p.120).

N'oubliez pas de consulter (p. 187) la liste des musiques citées et qui, en l'espace d'une trentaine d'années, ont jalonné la vie des personnages ... comme chacun de nous.

Sophie Lemp est romancière et auteure de fictions radiophoniques pour France Culture. Après Le Fil (Éditions de Fallois, 2015) et Leur séparation (Allary Éditions, 2017), Les miroirs de Suzanne est son troisième roman.

Les miroirs de Suzanne de Sophie Lemp, chez Allary Editions, en librairie le 7 mars 2019

dimanche 24 février 2019

Le misanthrope, mis en scène par Peter Stein

Encore Molière, encore le Misanthrope ... oui mais dans une mise en scène de Peter Stein avec une distribution éclatante, autour d'un Lambert Wilson qui, avec cet Alceste, endosse un de ses plus beaux rôles. Le choix de Lambert Wilson était évident, après le film de Philippe Le Guay, Alceste à Bicyclette (2013), même si bien entendu nombreux étaient les acteurs susceptibles d'interpréter ce rôle.

Molière a écrit Le Misanthrope "ou L’Atrabilaire amoureux" avec l’énergie d’un être révolté. Une fougue contre la trahison, contre les gens de la cour qui font et défont les réputations. Le sujet demeure actuel.

En opposant à la vanité du monde l’amour absolu d’Alceste pour Célimène, le dramaturge exprime une intransigeance et un idéalisme qui défient le temps. La question est fondamentale et nous sommes nombreux à nous la poser : Faut-il fuir ce que l’on exècre et se retirer du monde ou bien sommes-nous condamnés à composer avec nos semblables ?

Le spectacle est à l'affiche d'un nouveau théâtre, plus précisément d'une salle qui vient d'être rebaptisée en changeant de propriétaire (désormais Jean-Marc Dumontet) et qui porte le nom magnifique de Théâtre Libre.

Miracle de Molière, du metteur en scène (il fut directeur de la prestigieuse Schaubühne de Berlin), de l'acteur du rôle-titre ? En tout cas le public remplit un théâtre qui affiche complet et on est heureux de constater qu'on "revient" dans les salles de spectacle.

Je n'ignore pas les critiques de ceux (et je ne leur renie pas leur légitimité) qui ont été déçus par le décor, et dans une certaine mesure par le jeu des acteurs. Ces gens là sont des spécialistes du théâtre et ne peuvent réfréner leurs exigences de perfection ... ou d'audace ... Il me semble que chaque soirée doit être appréciée en tant que telle, c'est-à-dire un moment unique, incomparable à aucune autre.

samedi 23 février 2019

Rêves aborigènes et insulaires d’Australie à la Maison des Arts d'Antony (92)

L'affluence était phénoménale malgré une météo très clémente et ensoleillée ce samedi à la Maison des Arts d’Antony pour suivre une visite commentée de la très belle exposition Rêves aborigènes et insulaires d’Australie qui est présentée jusqu'au 31 mars 2019.

Si un pays est mis à l'honneur chaque année l'Océanie n'avait jamais fait l'objet d'un accrochage. Le choix a été volontairement orienté pour célébrer uniquement des artistes aborigènes et insulaire, notamment habitants les îles du Nord. Le parcours correspond plutôt à une approche géographique qui montre la richesse et la variété des productions, néanmoins limitées à 6 régions principales, et concocté avec le concours de la galerie Arts d’Australie - Stéphane Jacob et de l’Ambassade d’Australie à Paris.

Les arts aborigènes et insulaires australiens sont la plus ancienne manifestation artistique continue de l’Homme, qui perdure de nos jours, sans cesse réactualisée. Peinture, sculpture et gravure sont partie prenante de la vie spirituelle des Aborigènes et Insulaires. La peinture se fit d’abord dans des grottes, sur le sable ou sur les corps. Les premières traces remontent à environ 50 000 ans et sont des peintures et des gravures rupestres. Cet art s’est développé de manière continue jusqu’à nos jours, sous des formes variées : peinture rupestre, sur sable, sur écorce, mais aussi gravure, sculpture, photographie, vidéo, etc. C'est seulement à partir des années 1970 que les Aborigènes se mirent à peindre sur de la toile afin de faire connaître leur art et d’y coucher leurs "rêves", ces récits mythiques dont seule une petite partie ne peut être dévoilée aux non-initiés et qui ne cessent de séduire le public.

Dans la culture aborigène, les arts visuels font partie de la vie spirituelle, dans une conception de l’univers, appelée ʺRêveʺ ou ʺTemps du Rêveʺ, désignant un ensemble de concepts indirectement traduisible, qui n’a rien à voir avec le sens que nous donnons à ce mot. Il s’agit plutôt d’un principe régissant l’ordre physique, moral et spirituel du monde, à la fois dans le passé, le présent et le futur. Pour les Aborigènes, les grands êtres ancestraux sont sortis de la Terre sous l’apparence d’humains, d’animaux ou de végétaux pour modeler le paysage, créer le jour et la nuit, le cycle de la vie, etc. Ils ont donné aux hommes une organisation sociale semblable à la leur, leur ont transmis la connaissance, le langage, la spiritualité et leur ont enseigné la danse, le chant et les arts. L’art aborigène donne ainsi une forme visuelle du Rêve, dont les artistes sont les gardiens et les médiateurs. 

Les rêves sont en effet transmis oralement pendant les cérémonies. En héritant d’un rêve dont il devient propriétaire, chaque individu devient le gardien d’un ou plusieurs sites géographiques sacrés associés au Rêve. Les artistes illustrent les voyages des ancêtres ou des esprits à travers le pays. En peignant les récits liés à son territoire, chaque artiste affirme ses droits et ses devoirs en tant que propriétaire d’une partie de la terre. 

Peuple sans écriture, les Aborigènes et les Insulaire considèrent la Terre comme leur mémoire et font d’elle leur première source d’inspiration artistique. Les œuvres d’art aborigènes ne sont ainsi pas de simples illustrations des mythes ancestraux. Expression rituelle, l’art aborigène contient sous une simplicité apparente plusieurs niveaux de lecture, dont le plus secret est ʺcryptéʺ, accessible aux seuls initiés. Les œuvres ont à la fois une dimension symbolique mais aussi didactique puisqu’elles permettent d’enseigner aux jeunes générations les récits fondateurs.

Bien que les Aborigènes et les Insulaires partagent le même concept de Temps du Rêve, le style et la technique artistiques diffèrent selon les régions. Six régions témoignent de ces distinctions : le Queensland septentrional, les îles du Détroit de Torres, les îles Tiwi, le Kimberley, la Terre d’Arnhem et le Désert.

vendredi 22 février 2019

Les gratitudes de Delphine de Vigan, chez JC Lattès

J'avais beaucoup apprécié Les loyautés l'année dernière, estimant que Delphine de Vigan nous offrait là un livre puissant, très contemporain, qui posait un regard bienveillant sur les adolescents qui sont maltraités et qui s'enferment dans le silence.

Elle poursuit dans cette veine avec le même talent, en s'intéressant cette fois à la détresse des personnes âgées privées progressivement d'élocution. A la différence du précédent, il n'y a pas de débat : les protagonistes mettent tout en oeuvre pour que les choses se passent au mieux, même si le processus, une fois enclenché, ne peut qu'être ralenti, sans être stoppé.

Mais à l'image du précédent, le lecteur suit les étapes d'une enquête dont la résolution apporte la clé pour comprendre le message du roman ... lequel n'est pas, en fin de compte, très éloigné de celui des Loyautés.

C'est l'histoire de Michka que nous racontent Marie et Jérôme, à partir de l'instant où la vie de la vieille dame prend un virage qui n'a rien de follichant. Je mets le mot en italiques parce que vous allez croire que je me suis mal relue mais c'est bien de cela qu'il s'agit, et l'auteure n'use ni de gants, ni de guillemets pour nous faire vivre les dernières semaines de Michka. C’est triste, mais pas désespérant.

C'est une histoire d'amours, écrite au pluriel.  Marie a été secourue par Michka quand elle était enfant. Jérôme est l'orthophoniste de l'EHPAD où l'octogénaire vient d'entrer parce qu'elle s’inquiète de ne plus parvenir à dire le mot juste. Ça peut être tellement dangereux un mot si on se trompe d'usage. Elle enchaine les lapsus à l’instar de Fabrice Luccini dans le film Un homme pressé. Mais ce qui était amusant au cinéma devient bouleversant dans le roman de Delphine de Vigan en raison de la justesse des émotions. Et de l'irréversibilité de la situation.

Jérôme et Michka en ont parfaitement conscience même s'ils ne le disent pas de la même manière : On peut juste ralentir les choses, mais on ne peut pas les arrêter (p.47). On est des vieilles. Il faut être réalistique, au bout d'un moment, ça peut plus durer.

On m'avait prévenue : le livre peut faire pleurer de la première à la dernière page. J'ai longtemps résisté, refusant de me projeter dans un des personnages (chacun est touchant).  Je n'ai pas senti venir les larmes avant la page 130. Et les contenir fut difficile mais je n'ai aucun regret et je recommande cette lecture parce que le texte a une intense dimension poétique, et une force de vie surprenante qui fait qu'en fin de compte il devient vivifiant.

jeudi 21 février 2019

Le Club, restaurant des bateaux-mouches

Ce fut longtemps un club privé, et donc peu accessible. Il a gardé son nom mais s’ouvre maintenant à tout le monde. C’est un cadre exceptionnel, offrant un panorama sensationnel sur la Tour Eiffel et le bord de Seine qui s’étend du pont de l’Alma au pont Alexandre III. Très bien exposées, la terrasse comme la salle, bénéficient d’un ensoleillement réjouissant. Je vous conseille d’ailleurs de glisser vos lunettes de soleil dans votre sac.

Le Club appartient à la société des bateaux mouches (qui doivent leur nom à leur construction sur le chantier lyonnais de La Mouche). Quinze bateaux sillonnent la Seine 365 jours par an, pour le plaisir de 2,5 à 3 millions de visiteurs qui y font 1 heure 15 de promenade ou qui y déjeunent en 2 heure de temps.

On pourrait donc prendre le repas en faisant une balade sur un de ces bateaux mais le Club présente de multiples avantages. Il ne vogue pas, ce qui le rend très accessible. Aucune crainte de subir le mal de mer, la salle ne tangue pas, les fauteuils ont la patine du temps, le silence est appréciable. La vue est à couper le souffle et la carte est très appétissante.
C’est Christian Etchebest qui a élaboré les assiettes, en étroite collaboration avec un jeune béarnais de 26 ans, Romain Casas, qui est le chef aux commandes et qui a vraiment orienté les choix. Par exemple avec un caneton mi-sauvage de chez Pierre Duplantier, en deux façons, cuit sur le coffre, servi avec des carottes de couleur.
Pas facile de trouver au coeur de Paris un repas aussi soigné à un prix aussi abordable, dans un environnement aussi prestigieux, avec une formule plat du jour-verré de vin-café à 24 euros le midi, du mardi au vendredi.

J'avoue ... j'ai été tentée par davantage. C'est que la cuisine de Romain est exactement ce que l'on souhaite, ancrée dans un savoir-faire infaillible, qui garantit des cuissons exactes, des assaisonnements mesurés, des associations de goût réussies et un dressage élégant.
J'ai été séduite par le Carpaccio cru et cuit de Saint Jacques/avocat/betterave/chou-fleur, merveilleux avec un verre de Jurançon sec. Les assiettes de mes voisins de table ne déméritaient pas, ni en couleur, ni en saveurs.

mercredi 20 février 2019

Géométries Sud du Mexique à la Terre de Feu à la Fondation Cartier

Mon avion avait atterri il y a quelques jours et l'affiche de cette exposition de la Fondation Cartier m'a sauté aux yeux. Géométries Sud du Mexique à la Terre de Feu, voilà un intitulé qui ne pouvait que m'attirer.

Il s'agit essentiellement d'architecture, en toute logique dans ce bâtiment conçu par Jean Nouvel et qui est un défi esthétique.

L'objectif est de célébrer la richesse et la variété des motifs, couleurs et figures dans l'art latino-américain. De l'art populaire à l'art abstrait, de la céramique à la peinture corporelle en passant par la sculpture, l'architecture ou la vannerie, autour de 250 oeuvres de plus de 70 artistes, de la période précolombienne jusqu'aux productions les plus contemporaines.

Je dois avouer que mon attention était focalisée sur les artistes mexicains, comme on peut facilement le deviner, mais je ne me suis pas limitée à leurs seules oeuvres.

Je suis néanmoins descendue en premier lieu à l'étage inférieur où je savais que je trouverais des pièces réalisées dans ce pays.

Les céramiques de Gustavo Pérez m'ont éblouie. Son travail du grès est remarquable de précision et de finesse. Cet artiste né en 1950 au Mexique vit à La Pitaya. Il était ingénieur, prêt à s'orienter vers les mathématiques quand il découvrit les possibilités offertes par l'argile. Sa pratique du dessin modifie son approche de la matière. A l'aide de lame métalliques et d'outils de sa conception, il trace des lignes parallèles et obtient des motifs géométriques qui quadrillent ses oeuvres au millimètre près. Il aime aussi les formes sinueuses qui vallonnent harmonieusement un vase.
La salle est plongée dans une pénombre qui rend les photos très difficiles à faire et qui sont loin de mettre en valeur la précision qui surprend le visiteur.
Après des études d'histoire de l'art, de philosophie et d'arts appliqués à Berlin, Mathias Goeritz (né en 1915 en Pologne, décédé en 1990 au Mexique) a obtenu en 1949 une chaire d'histoire de l'art au Mexique où lest enthousiasmé par le caractère majestueux du site précolombien de Teotihuacãn. 

mardi 19 février 2019

Le Bouillon Chartier rouvre au 59, boulevard du Montparnasse

Les Bouillons étaient des restaurants populaires où l'on servait des plats simples et abordables mais préparés avec soin. Il en subsiste quelques-uns dans Paris. Comme le Bouillon Racine, créé par les frères Chartier en 1906 dans la rue du même nom près de l'Odéon.

Le plus emblématique a sans doute été le Bouillon Chartier de la rue du faubourg Montmartre, juste en face du Palace et qui fut le premier ouvert, en 1896. Il n'est pas rare que la file d'attente déborde loin dans la rue car on y vient sans réservation, ce qui est pratique au demeurant. Le personnel gère parfaitement.

Je me souviens m'y être satisfaite d'un potage et d'un tartare ... après un spectacle.

Si le Bouillon Racine a fait évoluer sa carte ... et les tarifs, les Chartier sont davantage restés authentiques, de mon point de vue, et le rapport qualité-prix est probablement un des meilleurs de tout Paris.

Outre l'établissement du faubourg Montmartre il y a maintenant un autre Chartier, rive gauche, en plein coeur de Montparnasse, lui aussi ouvert 7 jours sur 7 de midi à minuit qui par chance a conservé toute son authenticité puisque le décor est inscrit au répertoire des monuments historiques depuis 1989.
Après avoir été racheté par la famille Joulie et s'être appelé Montparnasse 1900 en 2003 il retrouve son nom de Bouillon Chartier ... et la carte qui va avec. On peut déguster les mêmes plats dans l'un ou l'autre Chartier dans une ambiance joyeuse qui attire toutes les clientèles, dans la jolie salle surplombée d’une verrière splendide. Un couple d’amoureux, des relations dites d’affaires, une bande de copains, le touriste bien informé ... On y vient pour le cadre, pour la générosité des assiettes, pour la simplicité du menu, pour le prix aussi, il ne faut pas le nier. Je saisis une question au hasard : On partage ? ça fait 15 balles chacun.

La salle est animée sans pourtant être (trop) bruyante ) à l'heure des repas. Il suffit de décaler un peu son arrivée pour jouir d’une tranquillité remarquable à partir de 14 heures.

La nappe rouge et blanche est siglée CHARTIER PARIS, juste protégée d’une feuille de papier gaufré sur laquelle le garçon note la commande. Elle a probablement été tissée dans les Vosges. Le verre est ballon pour le vin, mais pour l’eau ce sera le Duralex de mon enfance. Le moutardier est sans surprise représentatif de ceux qu’on voit dans les bistrots, comme les chaises cela va de soi.  Le ballet des serveurs, sanglés dans leur long tablier blanc tombant sur la pointe de leurs chaussures noires se reflète dans les miroirs anciens aux bords biseautés.
La carte offre un large choix autour des grands classiques. C’est l’occasion de se régaler de ce qu’on ne prendrait pas le temps de cuisiner à la maison, comme le pied de porc "Félicie" grillé, les tripoux (de la maison Savy) ou la tête de veau, bien entendu sauce Gribiche. Ma voisine hésite entre steak haché et choucroute.

Les végétariens ne sont pas oubliés. Beaucoup d’entrées mettent les légumes à l’honneur comme l'incontournable céleri rémoulade. Une assiette spéciale leur est dédiée plus tard. Libre à eux de préférer néanmoins une belle portion de frites fraîches ou d’haricots verts.
Quelques fromages à choisir entre la Normandie (Camembert/ Pont-l’Evêque) ou le Massif central (bleu d’Auvergne ou Rocamadour). En dessert la compote-fromage blanc devrait les réjouir.

lundi 18 février 2019

Roma de Alfonso Cuarón

Ce n’est pas parce que Roma est honoré de trois oscars qu'il est un de mes coups de coeur.

À Mexico, dans les années 1970, une famille de classe moyenne plutôt bourgeoise vit confortablement dans une maison paisible. Moult péripéties viennent bouleverser leur quotidien, à commencer par le départ du père, puis par la grossesse de Cléo, la jeune domestique. Au-delà d’une simple chronique familiale avec pour prétexte la description de son enfance, Alfonso Cuarón dépeint toute une société dans ce film néanmoins intimiste.

J’ai découvert Roma alors que j’étais dans le pays où il a été tourné et ce film a été un choc.

D’abord parce que c’est une autobiographie, ce qui est plutôt rare au cinéma. On a l'habitude des biopics mais pas d'un tel témoignage, qui célèbre une personne de condition modeste, en l'occurence Cléo, qui est le personnage principal, et qui a été la nounou du réalisateur et de ses trois frères et soeurs, et qui vit encore avec sa mère aujourd'hui.

Il a demandé à cette femme, Liboria Rodriguez, d'être conseiller sur le film, ce qui garantit son authenticité. Elle lui a décrit dans les moindres détails sa routine quotidienne d'alors, mais aussi sa vie sociale en dehors du cercle familial (et dont il n'avait jusque là aucune conscience).

Alfonso Cuarón a fait preuve de beaucoup d’honnêteté, sans occulter les mauvais cotés de son enfance et de l'histoire de son pays que l'on voit défiler en filigrane.

Mais Roma est autant une déclaration d'amour au quartier (qui porte ce nom là) où vivait sa famille et à son pays dont il montre des paysages variés. La ville est autant honorée que la nature. Il révèle au grand public des aspects assez sombres de son passé récent, comme le massacre de Corpus Christi à Nuevo Leon, où des milices payées par l’Etat ont mis un terme par la force à des manifestations étudiantes néanmoins pacifiques.

Avoir choisi de tourner en noir et blanc est un parti-pris artistique qui permet d'installer le contexte historique des années 70. Il était bien entendu essentiel de tourner dans un décor reconstitué à l'identique, avec les meubles de sa famille et ses propres jouets. Une zone d'ombre me trouble à ce propos, mais cela n'a qu'une importance relative.

J'avais remarqué pendant la projection une plaque indiquant l'adresse (comme le film n'est accessible que sur Netflix il est aisé de faire un arrêt sur image) que j'avais relevée, Tepeji 21, Roma Sur.
Il s'est avéré que me trouvant à proximité de cette rue j'ai eu la curiosité d'aller sur place. Une plaque mentionne Aquí se filmó Roma (ici Roma a été filmée) sur une façade qui semble en effet être la bonne et devant laquelle une cinquantaine de personnes se faisait photographier avec dévotion. Sauf que, pour une raison que j'ignore, cette maison est située au numéro 22 de la rue. Il suffit de comparer la forme des fenêtres pour avoir confirmation de la substitution. Celles que l'on voit dans le film sont rectangulaires, comme celles de la maison qui est située sur le trottoir d'en face et qui ... précisément, correspond à la bonne adresse, le 21. Est-ce une ruse pour protéger le calme des propriétaires actuels ?
Il faut dire que les deux maisons se ressemblent étrangement, très probablement dessinées par le même architecte, avec un plan identique. Les hasards de la vie, qui sont plus forts que la fiction, devraient me permettre d'élucider ce mystère. Je m'y emploierai le moment venu.

La première fois que j'ai vu Roma (je l'ai révisionné ensuite) je ne savais rien des récompenses que le réalisateur avait ou allait recevoir et je n'ai subi aucune influence, si ce n'est de saisir particulièrement ce qu'il avait voulu faire parce que je vivais dans son pays.

dimanche 17 février 2019

Marlène is back au Théâtre de la Tour Eiffel

Marlène is back est prolongé pour cause de succès. Voilà une bonne nouvelle ! L'originalité du spectacle, associé au talent des comédiens, y est sans doute pour beaucoup.

Il démarre sur la chanson, Lily Marleen, dans une version très différente de celle que nous connaissons si bien alors que le spectateur, surpris, découvre Pierre Cardin, expliquant qu'il a reçu la grande artiste en 1973 à l'Espace Cardin.

On comprend que ce créateur de génie, immense homme d’affaires et grand amateur de théâtre et de comédie musicale ait demandé à Cyrielle Clair de faire revivre la grande dame.

C'est avec la complicité de Gérard Chambre (que j'ai souvent apprécié dans ses propres créations), que cette ex-pensionnaire de la Comédie Française a imaginé ce spectacle à la poursuite de cette étoile fascinante, sur les chemins qui ont conduit cette petite chanteuse de cabaret berlinois ... jusqu’aux sommets du gotha hollywoodien et sur les scènes du monde entier !

Tous deux sont comédiens, auteurs, metteurs en scène. Le résultat est forcément à la hauteur. Et plutôt original puisque Marlène apparait d'abord sous la forme d'une marionnette, témoignant qu'elle fut autant manipulée que manipulatrice dans sa vie aventureuse.

Son parcours est restitué intelligemment en anglais et en français, parfois aussi en allemand, ce qui pimente la représentation et convient bien avec son coté international.

Cyrielle Clair chante et danse à la perfection sur des projections futuristes et colorées. Elle surprend à chaque scène, qu'elle imite Mae West ou qu'elle évoque un des 57 films qu'elle a interprétés. Elle en tournera 7 sous la direction de Josef von Sternberg dont elle sera la muse. Tout le monde se souvient de l'Ange bleu (1930) qui reste son plus grand rôle. Le public, sous le charme, revisite le cinéma et la chanson de ses années de gloire.

On l'écoute avec bonheur chanter Les feuilles mortes comme Devil Woman et bien sûr aussi Lili Marleen dont l'actrice nous confie que c'était une petite chanson contre la tyrannie.

Reniant sa mère patrie dans les sombres années du nazisme, Marlène est devenue citoyenne américaine, du côté des Alliés, et aux côtés de la France qu’elle aimait tant.

Chacune de ses apparitions est une fête : ses robes sont époustouflantes.

Plus qu'une évocation, cette Marlène est une résurrection du mythe par une Cyrielle Clair totalement crédible à la voix superbe et profonde. Sa vie est restituée sur tous les plans sur un mode feuilletonnesque : théâtre, musique, cinéma et danse. Fut-elle ange ou démon ? Un mythe assurément.  Et une femme libre ... mais fatale. Gérard Chambre est à saluer aussi parce qu'il joue (très bien) tous les rôles masculins.
Marlène is back, un spectacle de Cyrielle Clair et Gérard Chambre
Avec Cyrielle Clair et Gérard Chambre
Au Théâtre de la Tour Eiffel
Du jeudi au samedi à 19h00 – matinée le dimanche à 16h00​
Jusqu'au 24 février 2019
Location au 01 40 67 77 77

samedi 16 février 2019

Le tour du monde en 80 jours de Sébastien Azzopardi et Sacha Danino d’après l’œuvre de Jules Verne

Vous connaissez Jules Verne, bien sûr, et sa passion sans bornes pour les voyages, sous les mers, dans l'espace et bien entendu autour du monde.

Il a entrepris ses premiers grands périples à partir de 1853 en Angleterre, en Norvège, en Scandinavie… puis aux Etats-Unis. Il n'est pas surprenant qu'il ait imaginé un grand récit d'aventure qui est devenu une comédie sous les plumes de Sébastien Azzopardi et de Sacha Danino qui se sont autant inspiré de l'univers d'OSS 117 que des Monty Python ... et bien entendu de l'actualité socio-politique la plus récente pour émailler les dialogues de réparties fort drôles.

Leur Tour du Monde en 80 jours est un succès depuis mai 2006 quel que soit le théâtre où il est programmé. Après le Lucernaire, le Café de la Gare, et le Splendid, il s'installe maintenant dans le très joli et tout neuf Théâtre de la Tour Eiffel, dans une version actualisée que vous allez voir ou revoir avec grand plaisir.

L'intrigue est un pari absurde comme seuls les Anglais en sont capables : un certain Phileas Fogg relève le défi d'entreprendre la traversée de 4 continents et de tous les océans du monde en 80 jours en combinant tous les moyens de transport, contre la somme de 200 000 francs.

Il y aura des embuches, l'entreprise est osée. Pour savoir s'il arrivera dans les temps vous n'avez pas loin à aller : le Théâtre de la Tour Eiffel est situé au 4 square Rapp, dans le VII° arrondissement. Vous passerez un très agréable moment, seul ou en famille (il y avait beaucoup d'enfants le jour de ma venue) et puisqu'on peut lancer des défis je vous parie que vous chanterez la Marseillaise.

Les comédiens, parmi lesquels on reconnait Sébastien Azzopardi, sont excellents et passent d'un personnage à l'autre à une vitesse supersonique, en particulier Erwan Creignou qui en interprète une quinzaine.

Plus d'un million de spectateurs ont déjà apprécié la pièce. Et c'est loin d'être fini car elle est toujours d'actualité. Ne la manquez pas. Ce serait vraiment dommage !
Le tour du monde en 80 jours
Une comédie de Sébastien Azzopardi et Sacha Danino d’après l’œuvre de Jules Verne
Mise en scène de Sébastien Azzopardi
Avec Pierre Cachia, Benoît Tachoires, Erwan Creignou, Margaux Maillet et Sébastien Azzopardi,
Musique de Sylvain Meyniac
Décor d'Olivier Prost et Costumes de Pauline Yaouazurini
Théâtre de la Tour Eiffel : 4, square Rapp – 75007 –  M° Alma Marceau
Du mardi au samedi à 20h45 – dimanche matinée à 16h45
Relâche dimanche soir et lundi
La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de Laurencine Lot

jeudi 14 février 2019

Fabre : Le fleuron de l'appellation Côtes de Provence

La meilleure façon de découvrir le vin ... ce n'est pas dans un caveau, même si c'est fort sympathique. Il m'apparait que la table est l'endroit le plus adéquat. Parce que, vous en conviendrez, cette boisson n'est pas destinée à être dégustée seule mais à s'accorder avec des plats.

Et quand l'adresse est bonne, l'alliance peut se révéler sublime. C'est dans un tel contexte que j'ai fait connaissance avec les vins de Provence élevés par la famille Fabre, dans le restaurant Substance, une très belle adresse plutôt récente, dont je parie qu'on va entendre parler. Les photos en sont la promesse.

Le nom de Fabre est bien connu en Provence. Il résonne depuis 1920 autour de Charlotte et Henri Fabre qui commercialisaient alors, en plus des vins de Provence, de grands vins de France.

Assez vite, après l’acquisition du Château de la Clapière en 1928, puis du Château de L’Aumérade en 1932, Henri Fabre se consacra exclusivement à ses Châteaux. Il fut l’un des premiers à avoir sa propre ligne d’embouteillage et œuvra pour la renommée des Côtes de Provence. Son fils Louis Fabre le rejoint dans les années 50 pour moderniser les méthodes de vinification et de culture et développer la notoriété des vins à l’export.

Six générations plus tard, ses petits-enfants, Henri Fabre Junior, Marie-Christine et son mari Vincent Grimaldi perpétuèrent la tradition en faisant prospérer les domaines. Aujourd’hui, ses arrières petits-enfants, Caroline, Clément et Delphine assurent la production et la commercialisation des vins de la famille. Car Fabre reste une famille et ses vins sont aujourd’hui vendus aux quatre coins du monde où ils ont fortement contribué à la notoriété du vin rosé dans le monde.
C'est avec le Cru classé de Côtes de Provence Château de l'Aumérade, cuvée Marie-Christine rosé, 2018 que le déjeuner commença sur un Carpaccio de Saint-Jacques, vinaigrette au foin, oignon, cerfeuil et ail.

Le hasard du plan de table a voulu que je sois assise à côté de cette Marie-Christine qui existe en chair et en os et qui raconte avec beaucoup de sentiments l'histoire de chaque bouteille. Cette cuvée emblématique de la maison est embouteillée dans un flacon dessiné par sa grand-mère Charlotte dans les années 50, laquelle voulait une bouteille lui ressemblant, et qui aurait le potentiel de devenir l'icône de la propriété. Son trait de crayon fut inspiré par le génie d'Emile Gallé dont elle possédait un vase.

mercredi 13 février 2019

L’anniversaire de la douzième année

Il va falloir que je m’habitue et cesse d’être étonnée par le nombre croissant des publications. Je m’engage à ne pas en parler l’an prochain mais convenez qu’avoir dépassé le nombre de 3000 ait un petit air de record.

J’ai été moins active sur la toile ces dernieres semaines. Je les ai passées au Mexique. La distance m’a éloignée des scènes des théâtres parisiens. Le seul lien que j’ai pu maintenir aura été la lecture. Les versions numériques sont d’une grande praticité quand on voyage même si j'avais hâte de retrouver le livre papier.

Ce jour d’anniversaire correspond à un moment de bilan. J’ai réalisé mon vœu de compléter en quelque sorte l’écrit par l'oral en réintégrant Needradio dans un nouveau studio et avec une équipe rejointe par des animateurs très impliqués.

La confiance et la liberté qui m'ont été accordées m’ont donné envie de me dépasser. Je n’imaginais pas la quantité de travail qu’impliqueraient trois émissions et deux chroniques mais je ne regrette rien. Qu’ils soient chanteurs, acteurs, auteurs, mes invités d’Entre Voix (un mercredi sur deux) se sont livrés avec sincérité et ces moments reflètent, je l’espère, leur personnalité. Vous aurez remarqué un respect d’une parité homme/femme qui sera maintenue au cours des prochains mois.

La Grande Question (le premier mardi du mois) aborde des sujets de société ou des comportements comme le veganisme, la procrastination, la reconversion professionnelle. Beaucoup de sujets sont dans les "tuyaux" mais les intervenants sont difficiles à mobiliser. Alors je suis preneuse de vos idées.

Une Journée à ... (le second dimanche du mois) est celle qui demande le plus de préparation et de post-production. Mais elle offre l’avantage de donner la parole à ceux qui ne peuvent pas venir en studio et à s’attarder sur un lieu, une région, un espace peu connu. Après Aubagne, les Landes et le marché de Rungis, je compte vous faire entrer dans les coulisses d’un défilé de haute couture, partager le quotidien d’un lycée hôtelier, arpenter une usine.

Quant aux chroniques (samedi et dimanche) la variété est de mise. On peut dire beaucoup de choses en moins de trois minutes. J’espère que les 44 coups de cœur MC'aime qui sont toujours sur les ondes (tous sont ré-écoutables en podcast à partir de la page Replay du site) vous auront appris quelque chose. Vous n’êtes pas au bout de vos surprises ... et moi également.

Tout cela est positif et une vraie synergie s’installe entre le blog et la radio. Mais rien n’est acquis et je dois par honnêteté exprimer aussi les déceptions. Notre société est atteinte dans toutes ses couches par un phénomène qui prend de l'ampleur, qu'on appelle le no show. Les restaurateurs s'en plaignent les premiers : on réserve une table, on confirme mais on ne vient pas, sans daigner prévenir. Les organisateurs d'événements sont également touchés. Les bloggeurs ne sont pas épargnés.

Beaucoup d’attachés de presse m’ont fait "travailler" sur des projets qui ont avorté. Nombreux sont ceux qui décommandent in extremis, ou qui restent muets, ce qui est pire. Et il n'est pas si courant de recevoir un feed-back des émissions. J’ai donc beaucoup de sympathie pour celles et ceux qui sont différents dont je savoure chaque jour davantage les marques de reconnaissance ...

lundi 11 février 2019

Paris 2119, de ZEP et Bertail, aux éditions Rue de Sèvres

J’ai beaucoup aimé un album de BD futuriste dont le titre, Paris 2119, situe l’action dans un monde où les drones et les hologrammes ont envahi les espaces, publics comme privés, et font désormais partie du quotidien.

Je ne sais pas si les auteurs en ont eu conscience mais cet album pose une problématique très actuelle, celle des puisqu’on entend s’élever des protestations des écologiques à l’égard des vols long-courriers.

On peut lire qu’on a en effet rendu accessible au XX° siècle le voyage à tout le monde et plus seulement aux riches. Mais avec la croissance de la pollution, et la menace pour la planète, on a inventé au XXI° siècle la culpabilité du voyage.

En conséquence, la plupart des parisiens ont opté pour des cabines Transcore qui leur permettent de se téléporter individuellement au bout du monde en quelques secondes. Très pratiques puisqu’il y en a à chaque coin de rue.

Par contre, les marginaux et les pauvres (mais aussi les nostalgiques) utilisent toujours le métro bien qu’il soit devenu insécure parce qu’il est essentiellement squatté par les laissés-pour-compte.

Et comme chaque habitant a été implanté d’une puce pour être géolocalisé H24, suivre -et surveiller- leurs déplacements est donc banalisé.

C’est Philippe Chappuis qui a conçu le scénario et le story board. On connaît cet auteur suisse sous le pseudo de Zep, pris en hommage à Led Zeppelin qui est son groupe préféré. La plus célèbre de ses bandes dessinée, lancée en 1992 avec les éditions Glénat, raconte les aventures de l’irrévérencieux Titeuf.

Aujourd’hui il collabore avec un autre éditeur, Rue de Sèvres, et l’album conçu avec Dominique Bertail est aussi particulier qu’original. Il a créé le personnage de Tristan qui rejette la déshumanisation de ce nouveau monde. Le jeune homme ne craint pas de passer pour un marginal en continuant à prendre le métro et à marcher dans les rues, contrairement à sa compagne Kloé, adepte de la téléportation intercontinentale, bien que ses voyages lui donnent mal à la tête.

D’autres faits inquiétants surviennent. Une femme, en particulier, émergeant hagarde d’un Transcore, éveille les soupçons de Tristan. Que leur cache-t-on ? Ce moyen de transport est-il sans danger ? Servirait-il des intérêts malveillants sous couvert de progrès ?

Sous la plume de Bertail, la Ville Lumière apparaît comme une cohabitation de quartiers délabrés dans un Paris musée transformé par un art brut qui a mal vieilli. Pourtant, quelques éléments de notre siècle actuel perdurent encore, tel que le métro ou l’Eurostar. Et on reconnaît des endroits emblématiques qui font le charme de la capitale, comme les passages couverts, le Marché aux puces, la place de l’Étoile et plus furtivement la Tour Eiffel et le Trocadéro.

J’ai aimé les dessins, l’harmonie des couleurs, certes souvent sombres mais élégantes, avec des tonalités de bleus qui revisitent le noir et blanc, tout en conservant la connotation polar.

Dans cette ambiance rétrofuturiste on ressent une certaine angoisse mais quelques plages d’espoir apparaissent ... notamment avec la subsistance d’arbres protecteurs et quelques éditions rares de livres de papier.

Cette bande dessinée nous interrogent en tout cas sur l'avenir qui se profile.

Paris 2119, de ZEP et Bertail, aux éditions Rue de Sèvres

dimanche 10 février 2019

Un ange de Koen Mortier avec Vincent Rottiers et Fatou N’Diaye

Un ange est un film très particulier qui n’est pas un biopic mais qui est inspiré de la vie d’un cycliste belge qui s’appelait Franck Vandenbroucke, lequel a été retrouvé inconscient dans la chambre une prostituée en octobre 2009 au Sénégal.

Le scénario est adapté du roman éponyme de Dimitri Verhulst (La merditude des choses, Problemski Hotel) qui raconte la rencontre au Sénégal entre une prostituée et un célèbre sportif.

C’est le réalisateur Koen Mortier qui en signe le scénario comme la réalisation.

Vincent Rottiers trois fois déjà nominé à des César (Sauver ou périr, Money, Dheepan) joue le rôle du coureur cycliste et Fatou N’Diaye (Engrenages, Maison Close) qui était l’actrice si remarquée de Fatou la malienne joue le rôle de Faye, la jeune prostituée sénégalaise.

Leurs personnages ont en commun de sacrifier l’un et l’autre leur corps, et finalement aussi leur âme,  afin de plaire l’un à ses fans, l’autre à ses clients.

Un ange, c’est l’histoire d’un sportif célèbre qui tombe amoureux d’une prostituée lors d’un voyage de tourisme qu’il effectue au Sénégal et qui trouve la mort dans des circonstances douteuses.

Un ange c’est l’histoire d’une jeune femme arrêtée malgré son innocence.

Un ange c’est l’histoire de Faye la gazelle dont le corps est un outil de survie et c’est aussi celle de Thierry en pleine psychose, dont le corps est au service de la performance sportive. C’est enfin un film qui casse le stéréotype du tourisme sexuel. Les deux protagonistes sont en quête d’amour et de respect et cherchent à résister dans un monde où tout s’achète.

Koen Mortier a décidé de faire de ce drame un film extrêmement poétique notamment en travaillant une atmosphère saturée de couleurs. Chaque plan gorgé de couleurs instaurant une atmosphère sensuelle et onirique assez unique.

On devine que le réalisateur a donné des indications de jeu extrêmement précises à ses comédiens pour faire monter une tension très palpable.

On comprend, au fil des plans, en quoi le monde, les rêves et les peurs de ce cycliste sont finalement proches du monde, des rêves et des peurs de la jeune prostituée sénégalienne.

Le film sort au cinéma le 13 février 1919

Articles les plus consultés (au cours des 7 derniers jours)