
Après ses années dans plusieurs restaurants californiens ou de Chicago et l'expérience acquise auprès de Thierry Breton, Jean-Pierre et sa femme Jarline ont eut bien raison de ne pas chercher longtemps un lieu où s'installer à Paris et à préférer Puteaux, la ville natale de Jean-Pierre pour accrocher son bonnet … d’âne (redessiner par un copain d'enfance devenu graphiste) sur le store de la devanture d'une maison aux allures champêtres, au coeur du centre ville, en bordure d’une rue fermée à la circulation, juste derrière le théâtre et à égale distance entre deux jolis squares.
Le cadre est très agréable en ce moment. Déjeuner en terrasse est un bonheur. On se sent à la fois comme chez soi et à la campagne. Beaucoup de passants ont déjà goûté la cuisine et saluent les serveurs. C'est l'avantage d'être régulier dans sa cuisine depuis 5 ans. Manifestement la clientèle vient spécialement pour célébrer la cuisine familiale mais inventive, simple mais généreuse, colorée autant qu’expressive.
Le chef m'a dit avoir "tout appris" de Thierry Breton chez qui il a décroché un premier Bib Gourmand en 2012 chez Casimir, puis un nouveau chez Michel en 2015 (mais il a aussi transité par La Pointe du Grouin, c'est dire combien il connait Thierry Breton). Cette récompense, nommée d'après Bibendum, le sympathique bonhomme Michelin, n'est pas vraiment une étoile mais elle correspond à une note tout aussi estimée qui récompense les établissements conviviaux qui servent de la bonne nourriture à des prix modérés.
Et cela fait donc 5 ans déjà qu'il applique toutes les leçons reçues dans son restaurant au nom atypique, L’Andouille, où il ne cuisine que de bons produits à partir desquels il élabore une carte qui s'adapte chaque jour et qui, du coup, n'est jamais imprimée. Car ce n'est pas en fonction d'une recette qu'il faut acheter les ingrédients mais construire le repas avec le meilleur qu'on a trouvé.
Pour première preuve, un menu du jour qui change quotidiennement et dont les assiettes ne sont pas moins réussies. Jugez plutôt avec ces Carottes râpées et harengs doux, ce Poulet pommes à l’huile et pour finir ces Abricots rôtis et sablés vanille, le tout pour 28 €.
Les clients attendront chaque année l'arrivée des fraises jusque mi-avril. Ils peuvent se régaler en ce moment avec les abricots du Lot qui seront ensuite remplacés par les pêches.
J'ai passé un excellent moment en terrasse (une quarantaine de places sans compter la possibilité de s'étendre sur la rue en cas de venue d'un groupe). La maison affectionne l'esprit "formule" à composer à partir de propositions écrites à la main sur une immense ardoise. Et le prix est raisonnable : entrée / plat ou plat / dessert à 36 €, ou menu complet à 42 €.
J'ai noté 10 possibilités en entrées, autant en plats et autant en desserts, ce qui offre 1000 combinaisons différentes. Il faut quelques minutes (et quelques conseils) pour se décider, le temps de déguster une coupelle de bigorneaux avec une mayonnaise montée à la moutarde ancienne, et de se rafraichir avec l'eau de Plancoët, exactement la même que celle que Thierry Breton commande pour ses restaurants.
Parmi les entrées figure souvent (mais pas aujourd'hui) une Soupe de poisson, croûtons et parmesan qui
Passent sous nos yeux plusieurs assiettes appétissantes qui ne facilitent pas vraiment le choix comme ces Rillettes de thon-fenouil-salade de chou rave, ces Asperges blanches est vertes pochées-parmesan, ces Sardines marinée à cru, quinoa, avocat, fenouil, ou encore la Salade de tomates-fraises-fenouil-salicorne à moins de succomber à la tentation de la Salade de homard, fraises et melon.
Vous aurez reconnu la salicorne, ou cornichon de la mer, une plante sauvage et naturelle, très croquante, qui ne pousse que dans des sols riches en sel, donc le plus souvent en bordure des marais salants. Et puis les alcaparrones ou câpres à queue. J'adore ce pédoncule légèrement croquant, macéré dans une base de vinaigre, est à la fois aromatique et décoratif sur une salade. Et que dire du pain de la Maison Manzagol servi tiède ? Un bonheur pour saucer !
Nous allons opter pour le classique avec un des plats signature, le Pâté en croute de cochon et noisettes …
… et pour l'originalité avec un Ormeau de Trégor, ail et persil rustique et fondant, croquant aussi par la présence marquée des noisettes.
Appelé "caviar de la mer", l'ormeau est pêché en plongée du côté de Trégastel, Perros-Guirec, Bréhat. Il doit être braisé rapidement pour garantir la tendreté de sa texture si délicate, avec du beurre, de l'ail et beaucoup de persil (une des herbes préférées de Jean-Pierre) pour mettre en valeur sa saveur unique. Ici, il est servi sur une compotée réalisée avec les foies qui apportent une amertume contrastant avec le goût iodé et de noisette, doux et sucré de ce crustacé. Et c'est du poireaux rôti effilé qui recouvre le crustacé.
Nous poursuivons avec des plats signature comme L’andouille de Guémené-sur-Scorff et sa purée ménagère (purée maison) : plat totem, hommage au nom du lieu, servie bien entendu chaude et non pas froide comme les non-bretons en ont l'habitude. Voilà un plat de fest-noz qui prend un caractère royal de par la sélection du produit. Et par Le poulpe rôti, caviar d’aubergines, citron confit, grillé et cependant fondant, un vrai régal.
Aux tables voisines ce ne sont que des compliments sur le contenu des assiettes, viande ou poisson comme ce Filet de rouget grondin, ratatouille et pois chiches ou un Secréto de porc poêlé, purée ménagère.
La Papillote de moules de corde de Locquémeau et ses pommes grenaille avait elle aussi son succès. Je suis certaine que la Brandade de haddock gratinée au parmesan, mesclun de salade ou le Rognon de veau poché, champignons poêlés auraient été de bonnes alternatives.
Arrive le moment d’un dessert. Cette fois il n’y aura pas le Paris-Brest de Thierry Breton, un dessert réconfortant en guise de clin d’oeil au parcours du chef, mais qui ne saurait supporter la canicule actuelle. Il suffirait qu’on tarde un peu pour qu’il s’écroule et pas question de décevoir la clientèle.
Dans la salle j’ai entendu des convives se régaler avec un Millefeuille aux fraises et une Assiette de sorbets, maison eux aussi, parce que dès que des fruits menacent de s'abimer, Jean-Pierre les transforme en utilisant une sorbetière de professionnels.
J’ai beaucoup hésité avec le Riz au lait façon grand-mère, caramel beurre salé, nougatine mais j’ai pensé que le Tiramisu à l’abricot serait tout à fait de saison et je me suis régalée avec cette association originale. Dans d’autres circonstances (météorologiques) ç’aurait pu être un Kouign Amann aux pommes, preuve ultime de l’attachement du chef à la Bretagne.
La salle (50 places) s’est vidée. Le décor est sobre, fonctionnel et confortable avec les banquettes, les chaises bistrot et quelques miroirs.
Au mur des gravures réalisées par Philippe Géraud, artiste-peintre à Honfleur, mettent en scène la fameuse mascotte. Attardez-vous à les lire. Vous allez rire !
On peut dire que Jean-Pierre Vasseur a joliment pris sa revanche sur les méchancetés entendues dans son enfance. Il n’est pas unique à avoir subi des critiques d’enseignants promettant (comme si c’était une punition) une carrière manuelle à ceux qui n’ont pas les dispositions pour suivre un long cursus universitaire. Quelle stupidité ! Car il faut beaucoup de qualités, et de courage aussi, pour ouvrir un restaurant, le faire vivre, être sur le pont tôt le matin, en s’attelant aux approvisionnements (Jean-Pierre se rend au Carreau des Producteurs de Rungis chaque mardi mais achète aussi à un maraicher du marché de Suresnes) puis en cuisine pour assurer le service du déjeuner, consacrer une partie de l’après-midi aux taches administratives, et revenir en cuisine pour le service du soir … et recommencer le lendemain.
On n’en parle pas mais la charge mentale des personnes travaillant dans les métiers de bouche doit être intense même si le mantra de Jean-Pierre est tant qu'on prend du plaisir ! Par chance, il travaille en famille. Sa femme oeuvre en salle et sa belle-sœur est à ses côtés en cuisine. Mais ils ne pourraient pas fonctionner à eux seuls. C’est donc une équipe d’une dizaine de personnes qui font l’Andouille.
Il faut aussi associer les producteurs que le restaurateur n'hésite pas à mettre en avant :
- Viandes de La Table de Solange (Aveyron) et de la Ferme Meignan (Mayenne)
- Poissons des Viviers du Pradic (Étel) et du mareyeur Thierry Lemetayer (Lannion)
- Légumes de Thierry Riant (Carrières-sur-Seine)
- Pain de la Maison Manzagol (Lamorlaye)
- La Crème de la crème de la Maison Borniambuc
- Café torréfié à Colombes par la Maison Plaine d’Arôme
- Et bien sûr, l’andouille de la Maison Rivalan-Quidu à Guémené-sur-Scorff
Sans compter une carte des vins pleine de belles découvertes, sélectionnées avec exigence et curiosité qui m'a permis d'apprécier, en toute modération, un verre de Mondeuse blanche 2020 de Dupasquier. Il est rare de voir des vins de Savoie dans les restaurants parisiens, a fortiori un très vieux cépage savoyard, encore confidentiel. J'ai apprécié ce vin à la fois tendu et minéral, légèrement salin et néanmoins fruité et gourmand.
Je signale enfin que L’Andouille est membre des Bistrots Beaujolais et du Club gastronomique Prosper Montagné, deux distinctions qui soulignent, si c'était encore nécessaire, son sérieux et sa singularité.
N'hésitez pas à interroger le chef sur son savoir-faire. Il vous partagera quelques tours de main. Par exemple la proportion de vinaigre (2 litres) pour 1 de sirop (130 grammes de sucre dans un litre d'eau) pour confire les radis, ou les griottes de Montmorency. Sa manière de caraméliser les endives dans un mélange de beurre, sel et poivre sur lesquelles on posera le couvercle quand elles se coloreront. Il les sert avec un poisson, raie, lotte ou rascasse.
Enfin, si comme moi, vous venez en Transilien, je vous invite à faire une halte au Square de la Jungle, en haut des marches menant à la gare de Puteaux. C'est un véritable oasis en centre ville, ouvert depuis octobre 2023. Vos enfants, déjà ravis par leur expérience gustative, pourront expérimenter un espace vert à la fois ludique et immersif.
Ce serait dommage d'hésiter à venir avec eux. L'Andouille ne fait pas de menu spécial pour eux. Ils peuvent demander tout ce qui est à la carte (avec l'approbation de leurs parents). La portion sera moins copieuse et le prix plus que divisé par deux (20 €). A l'heure où des établissements se font remarquer par leur injonction "No kids" le comportement de la famille Vasseur mérite nos applaudissements. J'ai constaté par moi-même combien les enfants (petits) y étaient heureux d'être considérés comme des grands. Et les parents aussi. Une seule fois en 5 ans on a regretté l'absence de steak haché …
L'Andouille n'adhérera jamais à une plateforme de commande en ligne mais si vous souhaitez organiser un repas chez vous pour plusieurs personnes vous pouvez passer commande en "click & collect" sans aucun souci. Il y a déjà une clientèle d'habitués qui en a la pratique régulière.
L’Andouille, 6 rue Collin, 92800 Puteaux
Tram T2 - Puteaux / Transilien lignes L ou U - arrêt Puteaux / RER A - La Défense Grande Arche
Parking Godefroy (1h gratuite) à 200 mètres avec de nombreuses places
Ouvert du mardi au samedi, midi & soir de 11 h 45 à 14 h 30 puis de 18 h 45 à 23 heures
Le restaurant sera exceptionnellement ouvert tous les dimanches de juillet 2025
Tram T2 - Puteaux / Transilien lignes L ou U - arrêt Puteaux / RER A - La Défense Grande Arche
Parking Godefroy (1h gratuite) à 200 mètres avec de nombreuses places
Ouvert du mardi au samedi, midi & soir de 11 h 45 à 14 h 30 puis de 18 h 45 à 23 heures
Le restaurant sera exceptionnellement ouvert tous les dimanches de juillet 2025
Fermeture annuelle : août
restaurantlandouille.eatbu.com
Réservation uniquement par téléphone au 01.45.06.45.20
Réservation uniquement par téléphone au 01.45.06.45.20
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