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jeudi 23 octobre 2025

Visite du Salon International du Patrimoine Culturel 2025

Pour sa trentième édition qui se déroule du 23 au 26 octobre 2025, le Salon International du Patrimoine Culturel – organisé par Ateliers d’Art de France – a choisi de célébrer l'art déco et de le faire dialoguer avec le patrimoine.

Cet objectif se concrétise dans une pièce unique, un paravent, placé à l'entrée du salon,  spécialement réalisé pour l’occasion, et qui répond au visuel officiel de l'édition. C'est l'oeuvre de trois ateliers d'excellence :  l'Atelier Camuset, Féau Boiseries et L'Atelier du Vitrail (présents sur le salon et dont il faut bien entendu visiter les stands).

Emmanuelle Andrieux a expliqué que L'Atelier du Vitrail a ajouté des miroirs pour apporter de la modernité et allié la technique  traditionnelle à celle de Tiffany en apposant des pièces d'or, faisant ainsi écho au travail de l'Atelier Camuset, fondé en 1983Pierre-André Camuset et Clotilde Camuset ont rappelé s'être inspiré des œuvres du laqueur, peintre et décorateur Gaston Suisse, artiste majeur du mouvement Art déco. Le travail a été réactualisé en utilisant un enduit décoratif, sculpté à la main, une dorure à la feuille d’or 23 carats et enfin une usure maîtrisée en usine pour faire ressortir les reliefs et sublimer l’éclat de l’or. Guillaume Féau, dont l'entreprise est spécialisée dans son domaine depuis 1875, a réinterprété, en plâtre moulé, un bas-relief du salon créé par Jacques-Émile Ruhlmann en 1925, en palissandre, aujourd’hui exposé au Louvre Abu Dhabi. 

Stéphane Galerneau, Président d’Ateliers d’Art de France et du salon, a rappelé que le salon propose au public une immersion unique dans les métiers d’art et les savoir-faire patrimoniaux, grâce à des démonstrations quotidiennes et animations spectaculaires, constituant une occasion privilégiée pour rencontrer les artisans, observer des gestes d’exception et découvrir l’ensemble des métiers d’art et du patrimoine.

On pourra suivre 30 conférences, notamment autour de la thématique "Patrimoine & Art déco", notamment à propos de La Villa Cavrois, que j'ai le projet de visiter, mais aussi sur les enjeux environnementaux, par exemple "Le patrimoine face aux défis environnementaux" (Vieilles Maisons Françaises), les grands chantiers de restauration, avec entre autres un focus sur les coulisses de la restauration des Tours de Notre-Dame, et les innovations technologiques qui façonnent l’avenir du patrimoine.

Avec 335 exposants français et internationaux (venant d'Allemagne, Chine, Italie, Pays-Bas, Suisse, Roumanie …), dont plus d'une trentaine de nouveaux, le salon offre un panorama unique d'une quarantaine de métiers d'art. Il n'est malheureusement pas possible de tout voir. Suit donc une petite sélection :

D'abord un exposant présent pour la première fois, Constant Mulet, spécialisé depuis 2021 en ébénisterie fine (qui est leur coeur de métier) et en gainerie qui fabrique du mobilier de luxe pour yachts et résidences, en faisant du sur mesure ou des petites séries, avec une équipe d’artisans passionnés travaillant à la main dans un raffinement extrême alors que tant d'autres utilisent des machines à commande numérique.

Les exemples exposés démontrent la symbiose entre ébénisterie, travail du cuir, travail de la finition et aussi l’incrustation de matières métalliques ou organiques.

L'Atelier Marcu est une Entreprise du Patrimoine Vivant depuis 1990, spécialisée dans la restauration et l'entretien de meubles XVII° et XX°, qu'ils soient en bois plaqué ou marqueté, notamment Boulle. Benoit Marcu nous a montré une délicate coiffeuse en amarante avec des plaques émaillées (non photographiée), une table Ruhlmann (au centre) restaurée, ayant appartenu à la famille Rothschild. Son stand est joliment fleuri par Laure Cotelle d’Arts et Flore.
Il nous ouvre (à droite) une cave à whisky et cigares en marqueterie de paille et palissandre des Indes. Simple à première vue, il recèle des tiroirs secrets comme cette entreprise excelle à les concevoir. Il sera exposé le 10 décembre dans un hôtel de luxe londonien, à l’occasion des 120 ans de la maison Rolls-Royce, le célèbre fabricant de voitures de luxe mais aussi de moteurs d’avions et de navires.
Carpet Society (Codimat SAS) réunit les savoir-faire uniques de dix marques dans l’univers des tapis et moquettes, installées en Belgique et en France, de notoriété internationale. Son directeur artistique Julien Baruzzo nous a expliqué plusieurs techniques alors que nous avions les pieds sur un tapis refait spécialement pour la Villa Cavrois à Croix et dont on peut apprécier un gros plan sur la photo ci-dessus (à gauche). 

La société a restauré les trois grands tapis d'origine des salles à manger et salon d'après  des photos anciennes en noir et blanc, et les plans d’architecture. Ils sont à l'identique par leur taille et leurs motifs. La mise en couleurs a été mené après traduction colorimétrique des dégradés photographiques de noir, blanc et gris. La seule différence est le point en laine, plus solide aujourd'hui noué main 80 000 noeuds, pour supporter les visiteurs.

Sur la photo de droite voici le gros plan d'un tapis d'escalier, là encore un motif iconique Mallet-Stevens en Wilton Jacquard pour un immeuble parisien.
Un autre échantillon est un exemple de ce qu'il est possible de faire comme tapis pour la protection des sols en marbre de grands passages, reproduits à l’identique grâce à la photogrammétrie dans les châteaux. Ici le trompe-l’oeil était destiné à couvrir des marbres au château de Fontainebleau.

Je serai attentive au sol de l'Institut de France, qui abrite notamment l'Académie française la prochaine fois que je me rendrai sous la coupole. Un chef de projet de la société a conçu le tapis "bleu Drap de France" à motifs de feuilles d'olivier, en référence aux vêtements portés par les académiciens que la société a fabriqué là encore selon la technique Wilton Jacquard.
La société utilise aussi de l'acaba, qui est une feuille de bananier des Philipines, cultivé uniquement pour ses feuilles et non pour se fruits, qui remplace le jonc des marais d'autrefois et qui est un excellent régulateur thermique pour les sols. On dirait de la corde.
Fondée en 1927 à Shanghai, Hung Yuen Zian est une entreprise moderne axée sur la marque et la culture, avec 15 filiales couvrant fil, maille, mode et textile de maison.

Sponsor olympique et partenaire d’événements sportifs majeurs, elle est leader du fil à tricoter et transmet la Broderie de velours de Shanghai et le Nouage Haipai.

C'est par cette marque que la mode occidentale est entrée en Chine.

À l'occasion de sa participation au Salon, la société présente deux savoir-faire d'exception inscrits au patrimoine culturel immatériel national de la Chine — la broderie de laine de Shanghai et le tricot de style shanghaïen -, exprimant à travers la délicatesse du geste l'élégance de l'Orient à propos desquels elle propose une démonstration. L'exposition suit ce fil pour revisiter la terre d'origine de l'Art Déco et rendre hommage à son éclat centenaire.
Elle dévoile également la collection limitée d'écharpes en laine du Nouvel An chinois 2026, créée en collaboration avec la designer française Matali Crasset (comme celle-ci, ci-dessus, intitulée Le cheval de feu avec ville, conçue en 2025), ainsi qu'une affiche au style Art Déco conçue avec l'artiste Catalina Willis pour cet événement, illustrant une nouvelle alliance entre tradition et modernité et plaçant face à face Paris et Shanghai.

Installés à Saint-Denis, dans les anciens ateliers Christofle, sur 22 000 mètres carrés, rue Ambroise Croizat, et se définissant comme les orfèvres du bâtiment, les 11 membres du Collectif de l’Orfèvrerie avaient conçu une installation élégante mettant en valeur chacun de leurs savoir-faire : menuiserie, gravure sur verre, staff, peinture décorative, ferronnerie, parquèterie… C'est à Maleville qu'on doit l'idée de ce regroupement, suite à son expulsion de ses ateliers parisiens. Cependant chaque entreprise conserve son indépendance.
Un plan-maquette des lieux (ci-dessus à gauche) avait été fait pour l'occasion. A gauche des luminaires de Staff Espaces Volumes, … que j'avais déjà remarqué lors de la Paris Design Week.

Je signale pour la "petite" histoire que le film Eiffel de Martin Bourboulon, sorti en 2021, a été tourné dans ces ateliers qui accueillent aussi le tournage de l'émission "Qui veut être mon associé ?".

Captive est un studio de création d'expériences de visite dans le tourisme culturel. Ils écrivent et produisent des parcours de visite et des audioguides immersifs, des scripts de spectacles et des dispositifs scénographiques. Leur méthode consiste à imbriquer histoire et expérience client à partir d'une analyse du site à valoriser. J'ai fait deux minutes l'expérience de leur canne à histoires pour les jardins de Dampierre … qui m'a réellement donné envie de m'y rendre pour la poursuivre.

Parmi leurs clients on trouve aussi la Ligne Maginot qui place le visiteur près du soldat confiné 30 mètres sous terre.
Le salon est bien entendu particulièrement l'occasion de voir des artisans-artistes à l'oeuvre. Comme ici Souheila Haddad, professeure certifiée, qui pratique et  enseigne la broderie japonaise haute couture au fil de soie. Elle travaille conjointement avec les deux mains, la gauche dessous, la droite au-dessus pour passer l'aiguille spéciale. Le résultat est d'une stupéfiante beauté. On jurerait une aquarelle. Rien d'étonnant donc à ce que cet art s'appelle "peinture à l'aiguille". Avis aux amateurs : elle ouvrira une école en septembre.

Quand on sait qu'un savoir-faire disparait en 30 ans (soit deux générations) on comprend combien il est capital de les maintenir. La plumasserie par exemple est un métier en grande tension.
Installées dans le Beaujolais depuis 25 ans, les Céramiques du Beaujolais, elles aussi Entreprise du Patrimoine Vivant, perpétuent la fabrication authentique de carreaux en terre cuite, faïences pour cuisines et salles de bains, décors céramiques, azulejos, céramiques architecturales. L'entreprise répond aussi aux demandes de restauration ou restitution à l'identique de toutes époques, tous styles, en utilisant notamment la technique des émaux cloisonnés. Elle vient d'achever à l'identique les carrelages de la source Cachat d'Evian et d'autres pour l'hôtel La Peyrouse, 4 étoiles en bord de mer à Nice.
Auvergne Rhône Alpes était présente avec Infiniment Luxe, qui est une association créée en 2015 regroupant des savoir-faire d’excellence dans le domaine de l’aménagement des espaces de vie d'entreprises basées dans cette région et y disposant de sites de fabrication. Cette proximité géographique permet une collaboration renforcée pour proposer, grâce à un point de contact unique, des réponses coordonnées lors de projets d’envergure dans des établissements de luxe ou de prestige en France et à l’international.

Parmi les onze entreprises on peut voir ci-dessus des oeuvres de trois d'entre elles : Alain Saint-Joanis, spécialiste en art de la table et couverts haut de gamme, les Ateliers Hugues Rambert, spécialistes des lampes et abat-jour haute couture, aux formes variés, tant classiques que contemporaines, proposées dans des matières aussi diverses que le coton, des soies changeantes, du silk, des aspects zinc/métal/or ou des imprimés personnalisés. Et puis Philippe Allemand, une maison d'ébénisterie d’art créant du mobilier contemporain (sous leur marque Le Héron®), réalisant des aménagements intérieurs et restaurant mobiliers et boiseries, comme ici avec cette boiserie provenant d'une voiture de l'Orient Express.
Cinq autres régions étaient officiellement présentes : Centre – Val de Loire, Ile-de-France, Nouvelle Aquitaine, Pays de la Loire et La Région Grand Est, qui est une fidèle exposante du salon. En théorie ils sont 12 métiers d'art et d'excellence retenus chaque année, et chacun ne peut pas être présent plus de trois années. Parmi eux l'Atelier Rietsh – Bronzier d’art – Eichhoffen (67) dont on a un aperçu du travail ci-dessus, à droite, sachant que le lustre est une création de l'entreprise strasbourgeoise ADN Créations by Alexandre Nicola.
Artiste-vitrailliste indépendante, spécialisée en création de vitraux Mylène Billand présentait son travail sous forme d'une histoire contée qui a eu un beau succès.

J'ai eu un coup de coeur pour l’atelier Vézanne pour son art de mêler patrimoine, artisanat d’art et design. Clélia Chotard, artisan d’art et ancienne faïencière, fabrique des bijoux plaqués or à partir de faïences anciennes de récupération.
Ses créations uniques s’offrent à la contemplation et s’intègrent avec élégance et poésie sur les femmes d'aujourd'hui en évoquant le passé. Il est assez fou de se rendre compte qu'elle s'est installée, au départ par hasard en 2008 dans le plus vieil atelier du village de Malicorne-sur-Sarthe (entre Le Mans et Angers) datant de 1747 et que ce sont ses enfants qui ont découvert les premiers tessons qu'elle a transformés en bijoux contemporains.

La plupart sont de forme ronde, comme les assiettes qui constituent la matière première. Beaucoup ont été trouvées sur place mais on lui en apporte aussi en quantité. C'est la 4ème année qu'elle vient au salon.
Depuis 2012, le Concours Ateliers d'Art de France révèle la vitalité artistique et l'excellence des savoir-faire des métiers d'art sur tout le territoire national. Il récompense des pièces d'exception créées par des professionnels de grand talent dans deux catégories: Création et Patrimoine qui sont présentées sur leur stand (ci-dessus).

Deux lauréats régionaux sont retenus par un jury dans chaque région de France. Parmi eux, deux lauréats nationaux sont choisis, un par catégorie, et remportent un stand sur un salon d'envergure internationale, soit Maison & Objet, soit le Salon International du Patrimoine Culturel, leur offrant ainsi un accès au marché et une visibilité décuplée.
Ce furent cette année Héloïse Nice, doreuse et restauratrice, et Pierre-Baptiste L’Hospital qui fera découvrir son savoir-faire bottier à travers des démonstrations exclusives (patronage, piquage main, montage traditionnel).
Depuis près de 60 ans, REMPART regroupe 200 associations locales et régionales de sauvegarde du patrimoine. Toutes ont en commun la volonté d'associer le plus grand nombre à des actions de restauration et de transmission du patrimoine. Chaque année, plus de 20.000 citoyens s'engagent bénévolement pour le patrimoine avec cet organisme

Je signale aussi que de nombreux autres organismes oeuvrant dans le secteur du patrimoine étaient présents comme l'Association des Journalistes du Patrimoine, le Centre des Monuments nationaux, la Demeure historique (riche de 3000 adhérents), la Fondation du patrimoine (qui fonctionne un peu comme un courtier en financement), Mayenne Tourisme (car ce département a établi un extraordinaire réseau de joyaux patrimoniaux, dont plusieurs ont déjà accueilli le festival des Nuits de la Mayenne), le ministère de la Culture, les Petites cités de caractère, les Sites et Cités remarquables de France, … et la Société nationale des Meilleurs Ouvriers de France

Finissons par le texte de la Charte du Meilleur Ouvrier de France :
Etre volontairement décidé à appartenir à la société des Meilleurs Ouvriers de France.
Etre soucieux de faire valoir l'idéal et l'engagement, en toute circonstance, de la société
des Meilleurs Ouvriers de France.
Etre l'exemple sincère et respectueux des valeurs que véhicule l'image des Meilleurs Ouvriers de France.
Etre un représentant irréprochable de ce que doit être le comportement moral
Etre à la recherche constante du et de la perfection, ouvert à la création et à l'innovation pour contribuer à l'évolution de la culture
Etre avec simplicité et modestie, le médiateur de l'échange et de la transmission des connaissances.
Etre généreux, solidaire, disponible.
Etre à la découverte des futurs acteurs du métier et les encourager dans leur évolution.
Etre à l'écoute de toutes discussions et réflexions, dans un esprit d'ouverture et de tolérance.
Salon International du Patrimoine Culturel
Carrousel du Louvre
Du 23 au 26 octobre 2025 de 10 à 18 heures (jeudi et dimanche) à 19 heures (vendredi et samedi). Gratuit pour les moins de 12 ans.

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