Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

vendredi 31 octobre 2014

Accordez-moi Paris au Ciné XIII Théâtre


(mis à jour le 31 janvier 2015)

Les créateurs définissent le spectacle comme une comédie familiale historique interactive. C'est le mode de fonctionnement de la troupe des Visites-Spectacles dont j'avais vu l'énigme des Passages couverts. J'ai retrouvé leur mode opératoire ce soir, à ceci près qu'au lieu de leur emboiter le pas à travers les rues nous étions tous confortablement assis dans les fauteuils du Ciné XIII Théâtre.

Le lieu à lui seul vaut d’être découvert. C’est là que Claude Lelouch a tourné Edith et Marcel dans un décor qu’il a volontairement fait réaliser pour rappeler les années 1930. Avant d’être un cinéma ce fut déjà un théâtre sous le nom de Théâtre du Tertre. Et si on remonte encore en arrière on apprend que c’était un cabaret clandestin souterrain, installé en 1872 dans les anciennes carrières de Montmartre.

Etienne Mallinger s’est appuyé sur ces éléments pour concevoir une pièce de théâtre participative où s’entremêlent secrets, meurtre et passion dans un esprit qui fait penser aux histoires extraordinaires de Pierre Bellemare. Le public est mis à contribution pour résoudre une mystérieuse affaire qui se déroule au XIX°ème siècle et démasquer le ou la coupable.

Tout au long de la représentation on engrange des anecdotes sur Paris au travers de deux siècles d’histoire en passant par la Bastille, le Père Lachaise, et bien sûr la Butte Montmartre…

On apprend par exemple que la station de métro Abbesses est la plus profonde de Paris, à moins 38 mètres, que el quartier de la Goutte d’or a été appelé ainsi parce qu’on pouvait y consommer du vin sans payer de taxes et même que le méridien de Paris passait juste dans le jardin voisin avant que celui de Greenwich qui ne soit reconnu comme repère officiel en 1911.

Les pompiers s’appelaient sapeurs-pompiers parce que leur première fonction fut d’abattre les bâtisses en bois pour limiter la propagation des incendies au Moyen-âge. C’est pourquoi ils défilent encore sur les Champs Elysées en arborant sabre ou épée.

C’est un type de théâtre particulier sans grande ambition historique ou culturelle. Ses qualités tiennent à l’interprétation, parfaitement maitrisée par des comédiens aguerris, autant au théâtre de texte qu’à l’improvisation et à la nature des relations avec le public. Une après-midi en leur compagnie augure de passer un excellent moment, même pour des enfants à partir d’une douzaine d’années. Les spectacles auxquels on peut venir en famille sont suffisamment rares pour que ce soit souligné.
Accordez-moi Paris, d'après un texte d'Etienne Mallinger
Mise en scène : Jean-Philippe Azema & Romain Pissenem
Avec en alternance : Hermine Daglia - Nolwenn Tanet - Caroline Mercier - Carole Sauret - Thibaut Landier - Jean-Philippe Mole - Robin Barde - François Bernard - Jérôme Rodriguez - Jérôme Setian
Au Ciné XIII Théâtre, 1 Avenue Junot, 75018 Paris
Durée : 1h30, Tous les samedis et dimanches à 17h00, 19h00 et 21h00
Egalement en semaine du vendredi 12 décembre au samedi 10 janvier
Métro Abbesses ou Lamark Caulaincourt
Montmartrobus : Arrêt Moulin de la Galette
Prolongations jusqu’au 24 mars
19€ au lieu de 25€ pour les adultes code VS2015AMP19
Profitez-en !

A signaler que La liste de mes envies a été programmée toujours dans ce théâtre jusqu'au 10 janvier 2015 avant de partir dans une longue tournée qui passera peut-être par votre ville. A surveiller.
Pour connaitre les autres « Visites Spectacles » : Tél: 01 48 58 37 12
Email: info@visites-spectacles.com

lundi 27 octobre 2014

Comtesse du Barry prépare les fêtes...


(mis à jour le 23 novembre 2014)

Lundi 27 octobre 2014, la France est passée à l’heure d’hiver. Chez Comtesse du Barry on prépare les coffrets de Noël. Pourtant, le Sud-Ouest respire encore sous un soleil qui ne ménage pas ses rayons.

Parmi les nouveautés, c’est aujourd’hui que démarre la commercialisation des coffrets Extraits de terroir qui s’ouvrent comme un livre, regroupant les plus belles recettes de terrine et de rillettes de la marque, ainsi qu’une peinture spécialement réalisée par un artiste. Des coffrets que l’on aura envie de recycler (pour conserver ses bijoux, ses lettres d’amour, sa lingerie fine) à défaut de les regarnir de nouvelles boites, une fois les premières épuisées.

Les locaux sont installés au cœur de la région Midi-Pyrénées, dans le Gers, à Gimont, depuis 1980. Le hall exhibe aussi bien les affiches de la nouvelle identité visuelle que d’anciennes machines, comme cette malaxeuse sous-vide (1950) qui a servi à fabriquer les premiers blocs de foie gras, dont l’entreprise a inventé la recette en 1954.

L’idée a germé en voyant se perdre les échantillons au moment du contrôle des foies livrés par les producteurs. La qualité a toujours été une obsession. Les foies sont déposés sur une grande plaque et une sorte de cuillère à melon en prélève une infime partie pour réaliser un test de fonte.

Car le meilleur foie en terme de saveur ne pourra pas être employé s’il ne résiste pas à la température de la conserve. Le consommateur serait déçu d’avoir autant de gras que de chair. Les meilleurs foies au regard de ce critère seront travaillés mi-cuits. Les autres seront broyés-hachés et transformés en bloc dans la malaxeuse.

On m’a d’ailleurs expliqué que le bloc a été conçu pour rendre le luxe accessible à une clientèle qui voulait oublier les privations de la guerre. Il est donc parfaitement tartinable alors que c’est un crime pour un foie entier. Dans son livre, Un roman français, Frédéric Beidbeiger raconte que sa mère distingue les personnes de bonne éducation à ce détail en poussant vers eux une assiette de foie gras. Ce n’est qu’affaire d’éducation au bon goût.

Pour fêter les 60 ans de l’invention, Comtesse du Barry a créé cette année 4 recettes de blocs de foie gras, à la figue, au Sauternes, au Jambon de Bayonne. Ce sont les Harmonies que l’on trouve sur le site Internet et qui sont bien entendu parfaitement tartinables sur toasts.
L’usine date environ de 1930. Bâtie rue Monplaisir … cela ne s’invente pas ! Le portrait de la Comtesse est encore bien visible en arrivant du bas de la rue. Et tous les employés passent une journée en production pour comprendre comment on y travaille, de façon artisanale. Je connais quelqu'un qui se souvient avoir cuisiné la choucroute et terminé en plaçant 4 grains de genièvre exactement au même endroit dans chaque boite.

Historiquement on produisait du foie gras d’oie, celui qui était fait avec du canard était réservé à la consommation des producteurs. La tendance s’est renversée dans les années 70 avec la hausse de la demande.

L’oie se comporte comme un animal de compagnie. Elle est très attachée à ses maitres. Elle vient se faire nourrir docilement mais il faut procéder avec savoir-faire et douceur, toujours manuellement. Et la nourri uniquement avec du grain. Un éleveur expérimenté ne parviendra pas à en gaver plus de 10 à l’heure. Quand on sait qu’il faut le faire trois fois par jour on comprend que le prix de l'oie soit supérieur à celui du canard.

Les mulards (canards) ont un gosier plus souple. Ils sont plus robustes, plus faciles aussi à élever et à gaver, et seulement deux fois par jour. Ils assurent de plus grosses productions de foies.

Comtesse du Barry est la seule entreprise "de taille industrielle" à faire encore du foie gras d’oie en s’approvisionnant chez huit producteurs alors qu’ils en ont une douzaine en canards. Avec la crainte de connaitre la rupture d’ici une vingtaine d’années car la relève se fait rare. C’est tant de contraintes que les jeunes perdent courage comme dans tout le secteur agricole.

Tout ce qui est vendu sous la marque est labellisé "made in sud-ouest". Les saumons proviennent d’Ecosse et des fjords de Norvège mais le rachat de l’entreprise par Maïsadour en 2011 a rendu possible d’investir dans un atelier spécifique à Brioude où il est découpé. Le caviar est un caviar d’Aquitaine, en provenance d’une ferme d’élevage en Dordogne.
Les consommateurs vont bientôt découvrir une nouvelle communication dans un cadre baroque en osant l’humour tout en affirmant les valeurs de l’héritage culturel. Des portraits anthropomorphiques d’une oie, d’un canard, une pintade, un cerf qui chacun affirme une "parole de Comtesse", en fait tout ce qui tient à cœur à la marque.

Je dirais que la Comtesse est devenue femme.
Un fonds en toile de Jouy a été créé par une illustratrice pour habiller les meubles des boutiques, embellir la sacherie, les coffrets cadeaux. Ce serait une bonne idée d’en couper quelques chemins de table que je verrais bien sur une aire de pique nique, sans doute une déformation de vacancière.

On ne verra plus de bouteille de vin sans mise en avant du nom du producteur comme Maison UbyMaison Tariquet ou encore la Maison du whisky pour les spiritueux. Cette photo sera bientôt une image d'archives. La marque n’estampillera plus ce qu'elle ne produit pas. Elle travaillera avec des maisons artisanales toujours typées Sud-Ouest. Favols pour les pruneaux. Peurreux pour les Griottines. Une chose à vous dire pour les pains d’épices, produits à Bassoues d’Armagnac, également dans le Gers. Michel Cluizel prépare un chocolat au piment d’Espelette. Alain Millat une confiture avec la fraise du Périgord. Comtesse du Barry sera la seule entreprise à développer une gamme spéciale avec la Belle-Iloise.

Et elle se recentrera encore davantage sur la région. L’exemple le plus parlant sera la nouvelle recette de choucroute, revisitée à la mode gasconne, avec la saucisse régionale, le confit, le magret… J’ai bien mangé (en Alsace) une choucroute au poisson alors j’ai plutôt hâte de goûter celle-ci.

On connait le camée sur fond bleu soutenu. Il est devenu ensuite clair comme le ciel. Il sera désormais plus foncé, comme un bleu de Prusse. On reste aristocratique !

Les coffrets sont noués d’un ruban cuivre, du même ton que les gamelles des grandes cuisines.
Les références sont nombreuses. Outre les produits vendus en boutique ou sur Internet il y a la VPC, et les produits dits de "distribution" que l’on trouve dans les aéroports ou les grands magasins. Enfin, le réseau des ventes privées qui permet d’écouler les produits qui sortent de la gamme ou qui sont estampillés avec d’anciennes étiquettes. Mais jamais de déclassés (une boite qui aurait reçu un choc) qui sont réservés au personnel ou de productions ne satisfaisant pas les critères de la recette (comme par exemple une cuve qu’un opérateur aurait oublié de saler) qui elles sont offertes aux banques alimentaires. Les essais aussi d’ailleurs, et le chef qui officie à la création estime que cela devrait être obligatoire pour toutes les entreprises de ne rien jeter.

Comtesse du Barry a compris qu’en période dite de crise il fallait aller sur des instants de consommation qui sont synonymes de détente pour le consommateur, comme l’apéritif.

Ils ont repensé la psychologie du cadeau qui doit autant surprendre celui qui offre que celui qui reçoit. Je l’ai déjà souligné sur le blog : c’est bien plus malin d’arriver à un dîner en offrant une "denrée consommable" qu’un objet "périssable" comme le chantait Jacques Brel qui avait tout compris. Comme la baguette dite magique, qui existe depuis la nuit des temps, et qui est un des produits phare. Au prix d’environ 15 euros c’est le cadeau le plus vendu et j'ai suivi son emballage en usine.
Une soixantaine d’administratifs font tourner l’entreprise. Même la hot line est 100% Sud-Ouest, comme en témoigne l’accent chantant de la personne que vous aurez au bout du fil. Aujourd’hui c’est encore calme plat mais le plateau téléphonique sera une ruche en saison avec 100 à 200 appels entrants quotidiens tout le mois de décembre. 
L'équipe est fière d'avoir reçu diverses distinctions, comme celle d'Orange.

De forts développements sont attendus à l’export qui pour l’instant représente 7% des ventes. Il faut pour cela accepter les différences de goût, et surtout juridiques de certains pays où la réglementation est très contraignante. Un concept de boutique verra bientôt le jour spécialement pour l’étranger.

L’obsession de la qualité s’accompagne nécessairement de multiples vérifications manuelles, dès la chaine de picking où commence l’emballage.

Deux produits sont employés pour garantir que les boites arrivent en parfait état.

Le calage est assuré par le flocage qui est obtenu à partir du maïs biodégradable avec l’humidité, mais on réfléchit à quelque chose qui serait encore plus écologique.

Le crinckle cut soutient les boites à l’intérieur des coffrets. Celui qui est photographié ci-dessous est passé entre plusieurs mains féminines qui chacune ont positionné quelques boites.

Il ne reste plus qu’à le filmer et il pourra quitter l'usine.
C'est à Gimont qu'on reçoit les visiteurs et qu'on forme le personnel des boutiques dans une salle dédiée qui arbore déjà la nouvelle identité. On remarque que du foncé on passe au blanc, plus lumineux. La boutique de Lille a été la première équipée. Pour la région parisienne ce sera Saint-Germain-en-Laye.
Je suis sûre que vous avez maintenant envie de savoir ce que je pense des créations que Comtesse du Barry propose pour les fêtes : le trésor de foie gras aux éclats de mendiants de Noël, le miroir de foie gras de canard aux artichauts braisés, de la truffe noire et une pointe de poivre Sarawak et enfin un marbré de foie et magret de canard fumé. Soyez patients, je vous raconterai dans quelques jours la séance dégustation que j'ai faite avec le chef Patrick Vavassori.

vendredi 24 octobre 2014

Marie d’en haut d’Agnès Ledig

Ce premier roman avait été récompensé par le coup de cœur des lectrices du Prix Femme actuelle. Le second, Juste avant le bonheur, paru en 2013 chez Albin Michel a remporté le Prix Maison de la Presse (lien en fin d'article sur la critique que j'en avais faite en mai 2013).

Agnès Ledig l'écrit en préambule Les enfants, c’est la vie. Elle campe deux personnages principaux. Le premier est le lieutenant Olivier Delombre, fondamentalement binaire, qui catégorise tout  de manière catégorique : zéro ou un. Marie est différente, inclassable et Olivier ne sait pas où la ranger ... au cours d’un premier face-à-face qui rend la virgule envisageable. (p.19) Quant à elle il serait un parpaing fourré à la frangipane. (p.26)

L’un et l’autre sont fragiles et blessés. Lui capable de chialer sur Cabrel et ses chevaliers cathares, une chanson qui, soit dit en passant ne m'émeut pas plus que ça. Ils n’ont que sept siècles d’histoire … et des charniers géants. (p. 101)

Phobique des araignées, il tombe bien avec cette femme dont le chien dévore ces petites bêtes avec délectation. Elle a le chic pour composer poésies, alexandrins et haikus. Il n'est heureux que sur son vélo et dans ses cahiers à dessin. C'est pas de chance d'être policier quand on a un tel coup de crayon.

La seconde rencontre est musclée. La frêle Marie terrasse le dur à cuire et le ligote pour l’empêcher de nuire … Ses multiples demandes (implorations) de pardon le rendent attachant à peine détaché. (p. 58) C'est que si la belle n’a pas un sale caractère, elle a du caractère. (p. 149)
Agnès Ledig a tricoté un récit choral qui permet au lecteur de se glisser dans la psychologie de chacun des personnages.

Mémé me disait qu’on ne peut pas refuser les excuses de quelqu’un, quand elles sont sincères. Il faut les utiliser comme une éponge humide sur le tableau noir et se laisser la chance de réécrire une autre leçon. (p. 67)


Pour la troisième rencontre il apportera un Cabernet d’Anjou Vendanges tardives.

Il n’y a pas que les vaches dans la vie (et Suzie). Le paysan est aussi comptable, secrétaire, météorologue, mécanicien, botaniste, tout ça pour une bouchée de pain. P. 166-167 on peut lire deux pages terribles sur la condition agricole qui rendent limpides les motivations du gars qui s’est pendu dans sa grange parce que c’est trop dur de boucler les fins de mois ou de vivre seul, ou les deux.

L'auteur ne nous épargne pas les difficultés : un vélage difficile comme un accouchement en bétaillère. On apprend les vertus du colostrum qui fait des miracles à de multiples reprises.

C'est surtout un roman psychologique sur les diverses dimensions de l'amour filial, que l'on soit le père biologique ou pas. A cet égard, Antoine, le parrain, a peur que Suzie l’oublie un peu parce qu’Olivier est là, et Olivier a peur de ne pas trouver sa place parmi eux (p. 224). C’est parce qu’ils sont fragiles que les hommes ont besoin de bomber le torse pour se rassurer … dit Marie. Ne serait-elle pas gentiment misanthrope ? Avec en tout cas un coté un peu vieille France malgré un tempérament de feu.


Elle a gardé ce qu’elle aimait de l’époque de ses grands-parents, en y ajoutant le progrès qui leur faisait défaut. (p. 188)


C'est aussi un roman qui nous parle des combats intérieurs, lesquels sont exacerbés quand on se sent prisonnier entre sa conscience et ses désirs. A force de voir la pluie tomber on se dit que le soleil est une vue de l’esprit (p. 230). Incroyable cette capacité qu’a l’homme de douter de son rêve quand il le réalise.

Le rêve est à portée de mains grâce à une somme d'argent qui tombe du ciel. Marie l'acceptera-t-il ? Se laissera-t-elle convaincre par les arguments d'Olivier : L’argent n’a ni odeur ni émotion. C’est juste un bête outil qui permet de vivre, d’échanger, d’acheter et de vendre. (p. 244)

Vu sous cet angle l’argent est une chance. On a tous nos blessures, et si on ne prend pas un peu soin les uns des autres, comment on fait pour guérir ? (p. 245)

Arrivent les projets, les enfants, un décès encore, mort in utero, mort dans l’âme. On ne s’en remet jamais. On se relève mais on reste marqué par la chute. On boite. (p. 297)

Trente ans passent. La fin, le cancer du sein, génétique, les livres de Elisabeth Kübler-Ross, et autres témoins de leur "near death experience" puisque, dit-elle, les femmes enceintes lisent bien des livres sur l’accouchement… (p. 310) Suivent quelques pages magnifiques encore pour dire le chagrin force dix.

Olivier fera imprimer un livre de haikus qu’il illustrera : il restera une trace de son cœur et de tes mains.

Antoine restera le confident, le psy, le matelas moelleux pour les soirs de chagrin. L'auteur le compare à Amma, cette Indienne qui a déjà serré dans ses bras 26 millions de personnes (p. 312).

J'ai beaucoup aimé ce livre que j'ai trouvé très fort pour un premier. Le second ne dément pas le talent d'Agnès Ledig.

Amusant, la couverture du second livre est encore un enfant, un garçon cette fois. Il a reçu le Prix en mai 2013 et je l'avais beaucoup apprécié.

Marie d’en haut d’Agnès Ledig, éditions Les Nouveaux Auteurs, Prisma Presse, 2011

lundi 20 octobre 2014

Le poison d'amour d'Eric-Emmanuel Schmitt chez Albin Michel

Après l'Elixir d'amour dont les adultes étaient censés s'abreuver, Eric-Emmanuel Schmitt a concocté le Poison d'amour pour étancher la soif des adolescents. Il a utilisé pour le second le verso du visuel de la couverture du premier. Il faudra trouver autre chose pour la tisane d'amour qui abordera les passions du quatrième âge ont il nous donne les prémices dans son dernier opus.

L'éditeur annonce un roman. On découvre presque une pièce de théâtre avec, à l'intérieur, une mise en abîme de Roméo et Juliette. Evidemment c'est Julia qui ambitionne de jouer le rôle titre féminin. Ce sera plus compliqué de trouver Roméo.

L'affaire de poison est cousue de fil blanc, même si le rebondissement qui intervient dans le dernier tiers est plutôt bien trouvé.

Mes enfants sortent tout juste de cette période délicate qu'est l'adolescence. Les moeurs évoluent à une vitesse folle. Je suis peut-être déjà "out" et Eric-Emmanuel Schmitt s'est sans doute ultra documenté pour écrire des dialogues plausibles dans la bouche des jeunes d'aujourd'hui. Mais je n'ai pas reconnu les paroles que j'entendais hier ... Les femelles du lycée, (p. 30) coller mieux qu'une moule (p. 40), des sentiments monochromes (p. 43), être un enfant requiert beaucoup d'indulgence envers ses géniteurs (p. 63), être heureuse jusqu'à la fureur (p. 97), les soirées essorantes (p. 116),  toutes ces expressions me semblent davantage relever de la plume d'un écrivain que du feutre d'une jeune fille.

Il faudrait relire Pastel fauve, de Carmen Bramly, que je qualifiais à sa sortie de roman pour adultes écrit par une adolescente pour en avoir le coeur net.

Quant aux situations, les avortements à répétition, la criminalité sous forme d'appel au secours, la découverte de l'homosexualité du père ... ce sont des sujets qui ont certes une belle portée dramatique mais on conviendra que ce n'est pas le lot commun de la plupart des teenagers.

Il fait dire à Colombe (p. 19) que selon les statistiques nous aurons plusieurs métiers et formeront plusieurs couples. Je ne suis pas sûre pour autant que les jeunes aient renoncé au rêve de l'amour éternel. Une des jeunes filles reprend à son compte la sublime (mais paradoxale) théorie shakespearienne : Si tu ne m’aimes plus, c’est que tu ne m’as jamais aimé.

Amour, haine, élixir ou poison tout serait affaire de dosage.

L'auteur veut nous faire croire qu'ils sont à ce point désabusés qu'ils préfèrent vivre dans l'idée que l'amour est à considérer comme une denrée périssable. Pourtant il nous démontre l'inverse car ses personnages sont prêts à mourir d'amour. Et c'est Colombe, au prénom lui aussi évocateur, qui délivre l'ultime message au lecteur : Aimez avant de mourir !

Les quatre jeunes filles du romancier Schmitt sont quatre copines au profil hystérique, disons pour le moins excessif ou cyclothymique. On évitera de juger leurs actes comme relevant de la perversité, ou alors d'une manière inconsciente, ou malencontreuse. On dira que c'est la naïveté de la jeunesse.

On dira aussi que c'est l'effet des hormones, potentialisé par l'accélération de la communication, même si étonnamment, l'auteur n'abuse pas de l'emploi du téléphone, des mails et des textos, et encore moins des sextos auxquels on m'a dit que les ados étaient initiés.

A lire avant ou après le second volet de ce dyptique, ne serait-ce que pour vérifier l'assertion de Shakespeare : l'amour altère le jugement. Si j'étais prof de lettres je donnerais le sujet en dissertation.

Le poison d’amour, Éric-Emmanuel SCHMITT, chez Albin Michel, sortie en librairie en octobre 2014

samedi 18 octobre 2014

Le Spoutz d'après Marcel Pagnol par la Compagnie Marius

Un temps fort du Théâtre Firmin Gémier, nomade pour l'occasion. Une troupe qui arrive avec ses gradins, on se doit de l'accueillir dans un lieu adéquat. Ce sera le gymnase du COSOM. La Comp. Marius est OK. Habitués au plein air tous les comédiens ont adopté l'endroit  sans discuter car il est destiné à être détruit. On sent d'entrée de jeu que ces gens là ont une belle âme.

Et pourtant l'acoustique y est déplorable. Waas Gramser nous a dit après le spectacle qu'elle abandonnait d'être comprise. C'était exactement ce que j'ai pensé au cours de la soirée : Allez, je renonce à tout comprendre.

Le Spoutz a été écrit par Marcel Pagnol, immortalisé au cinéma par Fernandel en 1938. C'est l'histoire d'un apprenti épicier qui rêve de grandeur. A force d'y croire cela deviendra peut-être une réalité.

Toute la troupe s'amuse avec le jeu. On entend l'accent flamand et on oublie que la pièce a été créée à Marseille.

Pourtant la Comp. Marius nous propose, avant de nous installer sur leurs gradins, de casser la croute dans une ambiance méditerranéenne, avec une sardine et un verre de muscat, le tout à des prix quasi coutants, respectivement 4 et 2 €. On se sent responsables de fournir à manger à tous ceux qui sont venus en autobus. Et quand ils restent plus longtemps ils installent une vraie cuisine. Le public apprécie ce partage, en prenant le temps de s'installer. cela facilite le dialogue.

On assiste aux derniers préparatifs, à l'installation des costumes en coulisses ... on se met dans l'ambiance de manière plus conviviale que les traditionnels trois coups précédents le lever de rideau.

D'ailleurs point de rideau ici. Tout se fera "à vue" comme dans la tradition d'un théâtre de tréteaux très simple.
Ce ne sont pas de "vulgaires" sardines que la Compagnie a sélectionnées. Ils ont choisi la Belle-Iloise, de belles boites, et délicieusement bonnes. Le choix est aussi large que la sardine qui a bouché le port de Marseille.
On s'installe progressivement dans les gradins de bois, comparable à un amphithéâtre universitaire, prêts à assister à une leçon de théâtre composée de 57 tableaux et 34 personnages avec seulement cinq acteurs pour tout faire.

Pour les acteurs, c’est un plus, une force que la pièce ait été écrite pour une troupe par celui qui  à l'origine interprétait lui-même le rôle principal. Et très franchement, Kris Van Trier se mesure tout à fait à Marcel Pagnol, Raimu ou Fernandel. Il y a certainement quelque chose de jouissif et de très intime pour eux. Comme un frère toujours à leurs côtés. Je pense que ces rôles sont des cadeaux.
On reconnait des répliques mythiques : Il faut travailler pour vivre. Le métier d'épicier est noble. Tu n'es pas bon à rien, tu es mauvais en tout ! C'est toi qui te fout de notre gueule ou eux de la tienne ?  un petit idiot qui se prend pour un grand acteur. Alors quand je pleure ça les fait rire ? Tu n'as jamais pu faire comme les autres.
Voilà résumé l'essentiel de la pièce. Irénée rêve de devenir comédien et il saisira l'occasion de jouer un rôle phénoménal dans un film phénoménal.

Les comédiens aiment faire du théâtre en extérieur depuis 1999, même s'il pleut affirment-ils. C'est une question d'atmosphère. Chaque lieu est un défi. Et surtout cela restitue un espace de liberté aux spectateurs. D'ailleurs une voiture traversera l'allée qui longe le gymnase. Et ils ont beaucoup d'astuces et d'idées pour convoquer le rire : des portes trop petites, un singe, un canon ... sans parler des interactions avec le public (des collégiens ce soir). Ils n'hésitent pas à amender leur texte, glissant une allusion à un acteur "français" comme Gérard Depardieu ou une exhortation en guise de conclusion : Continuez la France, je vous aime !
On entend avec nostalgie Luis Mariano. La farce est violente mais la fin est heureuse. On ne se quittera pas sans pouvoir de nouveau discuter avec la troupe. L'usage veut qu'ils offrent toujours de partager "le mousseux" après le spectacle.
La troupe jouera en néerlandais et en français à Bruxelles. Tout s'arrange en parlant dans une autre langue, cela aide à prendre un peu de distance, soulignera Waas Gramser qui signe la mise en scène avec Tris en insistant sur le fait qu'ils ont toujours travaillé ensemble.
Le rôle du Spoutz est difficile parce qu'il n'est pas bâti, à l'inverse de Marius, sur des répliques saccadées comme une parie de ping pong. Les acteurs n'avaient pas vu le film avant de commencer leur mise en place. Aujourd'hui ils estiment ce film trop romantique et trop sérieux. C'est un drame, mais trempé au fer de l'humour. ce sera leur dernier mot.

Le Schpountz, d'après Marcel Pagnol, au COSOM d'Antony (92)
Jusqu'au 19 octobre puis en tournée

vendredi 17 octobre 2014

Un dîner rouge avec Ah la Vache et Wine Republik

Quand on aime la viande on a parfois quelques scrupules à satisfaire son plaisir. L'annonce, toute récente, du dernier conflit des abattoirs a de quoi faire froid dans le dos. Si c'est pour s'empoisonner autant manger des légumes.

Quand il ne craint pas pour sa santé le consommateur est culpabilisé par des révélations sur la condition animale.

La lecture du livre de  Jonathan Safran Foer, Faut-il manger les animaux ?, m'avait dissuadée pendant plusieurs mois. Et quand je vois les manifestations de l'association L214 je me doute qu'elle ont une portée non négligeable.
Il y a pourtant des alternatives qui satisfont les deux aspects. C'est le cas de Terre Ferme que j'ai déjà présenté dans les colonnes du blog. Comme la proposition de Ah la vache qui va au devant des consommateurs en garantissant de la viande de qualité, de la ferme à l'assiette sans intermédiaire.

La limitation des intermédiaires est aussi la voie choisie par les fondateurs de Wine Republik dans le domaine du vin.

Il était logique que les deux entités aillent à la rencontre de leurs clientèles potentielles en organisant un dîner rouge, de la couleur de la viande et du vin. Ce fut l'occasion d'une soirée sympathique sous le signe de la rencontre et de la dégustation.

On a gouté du filet mignon très tendre et des brochettes avec, en toute modération, un verre de beaujolais Moulin à vent ou un St Joseph 350 m.

Le premier a beau être un 100% Gamay il "pinote" un peu comme nous l'a expliqué Sébastien Depis, le conseiller oenologique de Wine Republik.

L'expression désigne un vin qui présente des caractéristiques du pinot noir, évoquant le style bourguignon : robe claire, nez frais de fruits rouges, quelques notes de tabac, de fumée, de rose, d’épices douces et de cuir. Autant dire que la bourguignonne que je suis a été satisfaite, prête à convenir qu'il vaut mieux ne pas acheter son vin par hasard.

C'est sur le site qu'on est invité à choisir son vin, et les avis des consommateurs pèsent lourd, dans le plus pur esprit communautaire voulu par les quatre associés.
Arnaud Billon et Camille de Boissieu sont les deux têtes pensantes de Ah la vache, en provenance directe du Perche. Ils ont en commun le sourire, l'énergie et l'exigence de la qualité, avec une conception affirmée du goût.

Arnaud élève des Salers, une race exigeante, qui vèle en pré, mais dont la viande a des caractéristiques appréciables. Elle n'est pas nerveuse ni grasse, ni filandreuse. un peu forte, presque sucrée, Elle est gouteuse, persillée, presque sucrée et surtout c'est une viande "qui a du corps" ou comme on dit "de la mâche".

Chaque mercredi le camion de Ah la vache débarque en région parisienne pour livrer les commandes de boeuf, porc, agneau et poulet, que des bêtes élevées dans le Perche, en bio ou en raisonnée, et abattues dans des conditions respectueuses des animaux.

La dinde sera à la carte le 26 novembre pour ceux qui voudraient fêter Thanksgiving et pour Noël Arnaud a pensé à proposer des chapins qui sont à la pintade ce que le chapon est au coq, en moins volumineux.

Le seul bémol que je mettrais à l'entreprise c'est la quantité minimale d'une commande. Par exemple 3, 5 kilos en agneau. Il faut être une famille nombreuse, avoir beaucoup d'amis ... ou un grand congélateur.
J'ai cuisiné ce qui est vendu sous le terme de "préparation bouchère", un nom un peu étrange, dont on est persuadé quand on la consomme qu'il s'agit bien de la même viande que celle des steaks. Elle n'est pas joliment emballée mais une fois le sachet ouvert et pour peu qu'on tasse la viande dans un cercle on obtient la matière pour un très joli hamburger, vraiment très bon, à condition toutefois de ne pas  la faire cuire trop longtemps. Ce jour là je n'avais pas sous la main de petits pains spéciaux pour assurer une présentation en burger mais le goût était bien là.

Un autre jour j'ai associé un sachet de cette préparation bouchère avec le contenu de saucisses, quelques échalotes hachées et quelques épices pour en farcir des poivrons. C'était parfait.
Les steaks sont excellents. Il faudrait juste que l'étiquette ne soit pas au singulier parce que je n'avais pas pensé qu'il y en avait deux dans le sachet.
Coté Wine Republik j'ai fait une autre découverte avec un Cote du Rhône rouge au nom très prometteur, Tentation de Marquise, provenant d'un vignoble sur lequel la Marquise de Sévigné se plaisait à venir déguster les raisins au…17° siècle.

La vinification s'effectue en cuve inox, de manière traditionnelle avec 2 semaines de cuvaison entre 25° et 30° C. La première mise en bouteille a eu lieu en décembre 2012, et c'est un vin à moins de 9 € la bouteille.
La robe est d'un joli rouge avec quelques reflets violets. Le nez est saturé en arômes de fruits rouges et noirs très mûrs, presque confiturés. La bouche est ample et ronde, avec une belle permanence. Les tannins sont présents sans dominer. A la dégustation on repère des notes de réglisse et de cerise noire, qui en fait un vin autant adapté à un dessert, en l'occurrence un fondant au chocolat sans gluten Mon Fournil, qu'à un rôti fumé, accompagné de cèpes et d'une purée maison.

jeudi 16 octobre 2014

Création du Grand Hotel de l'Europe au Théâtre de Belleville par la Cie Tabola Rassa

La création du Grand Hôtel de l'Europe au Théâtre de Belleville par la Cie Tabola Rassa avait lieu ce soir et je n'ai pas voulu manquer la représentation parce que je tiens le travail de cette compagnie en grande estime.

Il sont trois à interpréter neuf personnages et on y voit (souvent) que du feu. Le but n'est d'ailleurs pas de bluffer le spectateur mais de le faire réfléchir. Après tout, certains personnages cachent des arrières pensées ou au contraire exercent une influence positive sur les autres.

Le décor évoque un hall d'hôtel où chacun circule. Il représenta aussi métaphoriquement le carrefour de problématiques contemporaines comme la peur de perdre son emploi, les trafic d'influences, le racket et le harcèlement, les associations et mariages d'intérêt ... tout ces rapports de force régis par le pouvoir et l'argent et qui pèsent sur l'humanité.
Ils sont trois et ils font tout, ou presque : écriture et interprétation. Ce sont (de gauche à droite) : Olivier Benoit, Claire Loiseau et Asier Saenz de Ugarte.

Si on ne les connait pas encore il faut voir le spectacle pour comprendre que la Compagnie se définisse comme animée par le théâtre de l'urgence et de l'action. Ils sont tous passé par l'école Jacques Lecoq, une référence.
Le décor n'est pas ambitieux. Quelques éléments suffisent pour délimiter un espace. Les costumes ont une simplicité comparable. C'est ce que j'appellerais du théâtre sans concession. Tout se joue dans l'interprétation et la lecture qu'on fera de la pièce au second degré. Le jeu du comédien et sa capacité créative sont au centre du processus.
Je connaissais déjà Tabula Rassa pour leur spectacle mémorable sur l'Avare où les personnages appartenaient tous à l'univers de la robinetterie et qui les a fait connaitre en 2003. Ils auraient pu m'embarquer pour Tartuffe avec des balais, l'Ecole des Femmes avec des casseroles. Mais cela n'aurait pas de sens de dupliquer le concept. Ce qu'ils font avec ce Grand Hôtel est bien plus malin.

L'engagement physique est peut-être aussi plus fort car la chanson, la musique et la danse viennent enrichir la dramaturgie tout en l'allégeant.

Il s'en faut de peu pour qu'on pense à Brecht. Il faut aller les voir d'urgence avant qu'il n'y ait plus de comédiens comme eux ... tout simplement.
C'est jusqu'au 28 décembre au Théâtre de Belleville, qui est coproducteur du spectacle, du mercredi au samedi à 19 h 15, dimanche à 17 h et mardi à 21 h 15
94 rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris, 01 48 06 72 34

Articles les plus consultés (au cours des 7 derniers jours)