Je n’avais découvert le musée de la Grande Guerre à Meaux qu’en novembre dernier, à l’occasion de la présentation au public de deux wagons, dont un spécimen unique, blindé, en acier riveté, destiné à acheminer des munitions au plus près du front.
Je m’étais promis de revenir tant j’avais été impressionnée par l’immensité des collections. Il faut compter un minimum de deux heures pour les visiter et on pourrait leur consacrer une journée entière sans en avoir épuisé les ressources.
Le musée propose régulièrement de nouvelles expositions. Celle qui ouvre au public demain, Combattre loin de chez soi. L'empire colonial français dans la Grande Guerre, m’a donné l’occasion d’en apprendre davantage sur ce musée qui, je le rappelle, est le plus important dans son domaine.
Lors de ce déplacement, nous avons été accueillis par Franck Gourdy, vice-président de la Communauté d'agglomération du Pays de Meaux et Audrey Chaix, directrice du musée qui ont rappelé que si le thème s’inscrit dans l’actualité la volonté du musée remonte à plusieurs années, en raison de la volonté de faire vivre la richesse des collections puisque le parcours permanent ne permet de montrer qu’environ 5 000 pièces sur les 70 000 objets et documents composant les collections. Les visiteurs découvriront à 90% des pièces sorties des réserves, de la collection Jean-Pierre Verney, d’autres dons et de la politique d’acquisition.
Après avoir présenté l'exposition, je me rendrai dans les collections permanentes et je mettrai l'accent sur quelques pièces, en complément de ce que j'ai écrit en novembre dernier. C’est Johanne Berlemont, responsable du service de la conservation, qui assura les deux visites.
L'exposition s’attache à expliquer la portée et les particularités de la participation de l’Empire colonial français au premier conflit mondial dans les multiples registres de l’engagement, des conséquences et des héritages. Elle entend faire connaitre et analyser le rôle des hommes de l’Empire engagés dans la guerre en mettant en avant une histoire partagée.
Elle apporte des clés de compréhension de l’histoire et des mémoires des anciennes colonies et territoires français. En effet, cette histoire entre la France et son Empire est à la fois ancienne et éminemment contemporaine dans le contexte particulièrement sensible de l’écriture de l’histoire coloniale. Le musée a choisi d’adopter une position mesurée, rigoureuse qui s’inscrit dans la continuité de sa collection permanente, bâtie sur les aspects sociétaux et militaires de la Grande Guerre.
L’approche, qui est pluridisciplinaire, donne à saisir les enjeux des récits historiques à travers la présentation de figures, de données scientifiques, d’oeuvres, de documents et d’objets issus des collections du musée ou de celles de partenaires institutionnels.
Nous serons invités à suivre quatre personnages fictif, Adama, Edouard, Phan et Jean-Charles, représentatifs du vécu des hommes issus des différents territoires de l'Empire colonial français. Le parcours de visite est didactique sans prétendre à l’exhaustivité avec plusieurs espaces élargis pour accueillir un public spécifique comme les élèves, qui pourront poser leurs questions et trouver des réponses s’organise autour d’un fil rouge à la fois chronologique et thématique avec trois sections principales.
Il faut rappeler que la guerre de 1870 se termina par une défaite française qui eut pour conséquences la chute du Second Empire français et de l'empereur Napoléon III, suivie de la proclamation de la Troisième République. Sur le plan du territoire, la France est amputée de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine. Mais elle conserve l’héritage d'un empire colonial constitué sous l'Ancien Régime (îles Caraïbes, île de la Réunion, comptoirs en Inde), sous la monarchie de Juillet (prise d'Alger en 1830) et enfin sous le second Empire (implantation en Indochine). Bientôt auront lieu la colonisation de Madagascar et d’une partie de l’Afrique (où plusieurs pays européens seront récents). Un ministère des colonies est créé en 1894.
Un des premiers objets présentés est cette Assiette historiée "Madagascar" représentant des tirailleurs haoussas datée entre 1881et 1919, provenant de Utzschneider & Cie, Manufacture de Sarreguemines
Les troupes de la Marine changent de nom pour s’appeler à partir de 1900, Troupes Coloniales. Elles s’ajoutent à l’Armée d’Afrique (sous-entendu, Afrique du Nord). Chacun a son uniforme et le tombeau (nom donné à la pièce entourée d'un galon effectuant une boucle simulant une fausse poche) est d'une couleur distinctive du régiment (garance au 1er, blanc au 2°, jonquille au 3°). La veste se porte au dessus d'un gilet ("sédria") en drap bleu avec galon garance autour du col et au milieu de la poitrine.
Comme mentionné précédemment, le tombeau rouge est celui du premier régiment. A ce moment là les magasins vendent des panoplies pour que les enfants puissent s’habiller de la même manière que les soldats. Un exemple est présenté en vitrine (cf photo de gauche). Sur l’uniforme des Tirailleurs sénégalais (beige sur la photo de droite) on remarque les lettres T et S brodées d’or sur le revers du col.
Les tirailleurs sénégalais ne sont pas nécessairement Sénégalais. Ils sont recrutés dans toute l'Afrique subsaharienne aussi bien en Afrique de l'Est qu'en Afrique centrale et de l'Ouest et même Madagascar. Le terme "sénégalais" leur est donné du fait que le premier régiment de tirailleurs a été créé au Sénégal.
Si bien qu’en 1914, l’Empire colonial français, constitué sur plus de quatre siècles, s’étend en Afrique, en Indochine, dans l’océan Indien (Madagascar, Réunion), l’Océanie et le Pacifique, sur la Côte des Somalis et dans les Antilles. Colonies et protectorats rassemblent une population de 41 millions d’habitants
A la veille du conflit de la Première guerre mondiale, la France métropolitaine compte 40 millions d’habitant et l’Allemagne 60. Il est évident que les colonies représentent une présence rassurante, un énorme réservoir d’hommes, une "Force noire" dont le colonel Mangin pose les principes en 1910 et qui pourrait servir en cas de conflit. Tous les politiques ne partagent pas ce point de vue. Jaurès trouvait cette idée indigne. Si les colonies sont un enjeu de puissance, elles sont également une source de conflit avec les autres nations comme au Maroc en 1905 et avec l’Empire allemand en 1911.
Un audiovisuel explicite le cadre géographique de l’exposition pour remettre en perspective le sujet de la constitution de l’Empire français.
Un moment ludique invite les enfants à "rassembler les troupes" en replaçant trois cubes de tissu les uns sur les autres de manière à reconstituer la tenue du zouave, du marsouin, du chasseur indigène ou d’Afrique, uniformes d’avant 1914. Un deuxième jeu est placé au milieu de l’exposition avec les uniformes de 1917-1918 – comme celui du tirailleur sénégalais. Ces cubes, très légers, peuvent être soulevés par tous, et sont à tourner, retourner et à superposer pour retrouver l’uniforme complet.
Ces troupes apportent leur contribution à la victoire finale. Le rôle des coloniaux n’est pas limité à la participation aux combats. 200 000 travailleurs coloniaux sont recrutés et engagés dans les usines, les mines, les ateliers et les champs pour les besoins de la production de guerre. A ce titre on peut souligner que 36740 chinois sont venus pour travailler en métropole. Ce fut la première immigration massive.
Le nègre est prêt à mourir pour la France écrira Blaise Diagne, premier député noir à l’Assemblée nationale élu en 1914.
Lari, tirailleur sénégalais, pastel de Géo Majesté (1875-1940).
Le peintre cognaçais à la santé fragile n'est pas mobilisé. Pendant le conflit, il dessine les blessés soignés dans les hôpitaux temporaires de la ville de Cognac. Dans ce saisissant pastel (obtenu récemment suite à une vente aux enchères) il a fixé en 1918 le regard, à la fois glaçant e douloureux d'un tirailleur sénégalais touché à la tête.
Les colonies participent aussi à l’effort économique en fournissant denrées et matières premières malgré les difficultés de transport. Pour ces hommes venus d’horizons aux climats plus cléments, la première expérience de la métropole est souvent le froid. Tenant compte de ces difficultés, le commandement décide donc de retirer du front à tour de rôle les régiments coloniaux pendant la période la plus froide de l’année, entre novembre et avril. Des "camps d’hivernage" sont alors installés dans le sud de la France et en Afrique du Nord.
Un traitement particulier leur est également appliqué par l’institution militaire : surveillance accrue du courrier, permissions limitées, inégalités en matière d’avancement et de commandement. Pour renforcer l’attachement des combattants indigènes à la France, mais aussi pour contrer la propagande ennemie, les autorités militaires facilitent la pratique religieuse (comme on peut le lire dans le document ci-dessous), le respect des coutumes, des habitudes culinaires, festives et culturelles.
L'exposition présente aussi les regards extérieurs portés sur ces hommes qui seront replacés dans les systèmes de représentations de l’époque.
Entre 1914 et 1918, 600 000 hommes (indigènes et Européens installés aux colonies) combattent sur tous les fronts où intervient l’armée française en métropole, en Afrique et dans les Dardanelles. Il s’avérera que les pertes seront équivalentes dans toutes les troupes (un quart des effectifs) plaçant les troupes coloniales au rang de véritables frères d’armes dans les tranchées où, de toute, évidence, les obus ne faisaient pas de distinction entre les origines. Bien entendu sans compter les 40 000 combattants de la Légion Etrangère issus de 43 nationalités.
Lettre manuscrite sur papier du jeune caporal malgache Joseph Ranaivo à son ami Natter, écrite en 1914, illustrant combien le sentiment d’avoir à se donner à la mère-patrie pouvait être puissant chez les habitants de l’Empire.
Uniforme de tirailleur indochinois d'un bataillon d'étape français en laine, cuir, bois et métal (vers 1917).
Ces bataillons désignent les unités qui, à proximité immédiate des premières lignes, sont chargées de l'entretien des voies, de l'acheminement des matériels et de missions dans les formations sanitaires. Ces missions peu visibles sont essentielles. Il porte un chapeau conique adopté par toutes les formations originaires d'Indochine en 1912.
Affiche "Exposition d'art marocain organisé au profit des oeuvres de guerre du Maroc" et une autre, destinée à inciter à la souscription de la Compagnie algérienne
Fanion en soie de la 17 ème compagnie du 5ème bataillon de tirailleurs marocains (début du XX° siècle) étant précisé que le Maroc est sous protectorat depuis 1912
Casque Adrian modèle 1915 en métal et cuir ayant pour insigne la grenade sur ancre de marine. Il a été distribué aux troupes de l'infanterie coloniale dont font partie les tirailleurs sénégalais et qui recevait le même "barda", mot désignant le gros sac à dos très lourd contenant le matériel militaire.
Ce collier d'amulettes est un exemple de pendentif porte-bonheur en textile du début du XX° siècle. Il appartenait à un soldat nord-africain blessé à Verdun.
Chacun appréciera … ou non l'humour avec lequel on présente la "collaboration" entre les différentes corps d'armée.
En apparence, l’Empire sort de la guerre renforcé et agrandi mais en réalité, il est profondément affecté et la participation des troupes originaires des colonies constitue, sans aucun doute, un événement important dans les relations à venir avec la métropole. Au lendemain de la victoire, la France mène vis-à-vis des combattants et des travailleurs coloniaux, une "politique des égards" : remise de décorations, participation aux défilés de la victoire et mise en mémoire par l’édification de monuments et bâtiments commémoratifs (la Grande Mosquée).
Il s’agit, tout à la fois, d’honorer les sacrifices consentis par l’Empire et de convaincre les Français de métropole de l’utilité des colonies particulièrement célébrées dans les expositions coloniales.
Monuments, cimetières, bâtiments… un décryptage des traces de l’engagement des hommes de l’Empire permettra de donner à lire aujourd’hui cette histoire de France en parcourant les villes et les champs de bataille.
A gauche, stèle funéraire (provisoire) de Malasokou Borgou du 68ème bataillon de tirailleurs sénégalais à Romigny (Marne) en 1918. A droite, stèle funéraire (provisoire) de Sibo bi Toua du 31ème bataillon de tirailleurs sénégalais à Faverolles-et-Coémy (Marne) en 1918. Au centre, stèle funéraire (provisoire) de Djali Mohamed qui a fait l'objet d'un prêt.
Carte postale du monument aux héros de l'Armée noire à Reims. En 1924, un groupe monumental en bronze est érigé à la fois à Bamako et à Reims pour rendre hommage aux "tirailleurs sénégalais" qui ont défendu la ville de Champagne pendant la guerre. En septembre 1940, le monument est détruit par les Allemands.
Le parcours permanent commence autour d’un monument aux morts, dans une rotonde sur laquelle est projeté un film de trois minutes qui est une manière de remonter de temps avant de comprendre les causes, le déroulement et l'héritage de la Première Guerre Mondiale.
Chaque objet, à sa manière, raconte les vies bouleversées des hommes et des femmes confrontés à la guerre, au front comme à l'arrière. Il serait faux de considérer que tout a commencé en 1914.
Le parcours commence avec un morceau de pain de siège, composé de sciure, qui se vendait comme souvenir après la guerre de 1870 dont on rappelle qu’elle fut marquée par une immense famine puisqu’on est allé jusqu’à se nourrir des animaux de la ménagerie du jardin des plantes. Une affiche indique le prix de la livre de chaque animal, 20 francs pour la chair d’éléphant.
La guerre de 1870 agit comme un traumatisme qui exit le patriotisme. Beaucoup de petites filles reçurent en cadeau une poupée alsacienne (et je me souviens que ma mère tenait beaucoup à la sienne, qui lui avait été offerte -je le précise- peu avant la Seconde Guerre Mondiale). Une vitrine présente celle-ci, fabriquée en Allemagne en 1896 par SchildkreI destinée à être vendue en France. A noter la présence de la cocarde tricolore, ce qui n'est pas le cas pour les modèles destinés au marché allemand.
Le service militaire est ensuite source de fierté. On exhibe fièrement ses souvenirs. Si en 1905 il est obligatoire et dure deux ans il est porté à 3 ans à partir de 1913. C’est une époque où la France se rapproche politiquement et économiquement de la Russie. Souvenons-nous des emprunts russes !
Boite à musique offerte par le tsar aux officiers de haut rang et dignitaires français en bois, métal, biscuit et verre. Cet objet commémore l'alliance franco-russe et la visite du tsar en 1896. Les deux personnages en porcelaine sont Nicolas II et le président français Félix Faure. La boite joue La Marseillaise et l'Hymne des tsars, hymne de la Russie impériale.
Trois objets français : Prototype de bidon avec quart intégré, Essai de Boutéon individuel (début XX°) et Gamelle modèle 1852, essai en aluminium.
Dans cette vitrine se tient de dos un fantassin du 13ème Régiment d'Infanterie en tenue de garde. Son fusil Gras avec sa baïonnette escamotable a été transformé pour l'instruction au combat à la baïonnette. Il dispose de divers objets personnels pour assurer son hygiène : miroir, pansements, brosse à dents, boite de dentifrice, savon de Marseille, peigne et rasoir. Sur la table de chambrée réglementaire (modèle 1886) sont disposés une assiette et une cafetière de caserne en fer étamé, du papier à lettre régimentaire et un bougeoir en fer étamé. Le lit de casernement (modèle 1875) est doté d'une housse de matelas à pailler, d'un drap, d'une couverture et d'un polochon en lin. Le poêle est en fonte émaillée
Les photographies sont impressionnantes. On a du mal à réaliser que 10 millions d’hommes seront mobilisés en Europe. Un peu plus loin la collection d'uniformes commence à rendre les choses palpables, façon de parler.
Bien entendu on retrouve les soldats de l'empire colonial. Mais aussi des tenues allemandes, comme celle des soldats à cheval portant un casque inspiré de la coiffure des Uhlans qui s’appelle une chapska (du polonais czapka) dont la bombe est surmontée d’un plateau de forme carrée.
La collection est unique comprenant des uniformes de tous les pays belligérants, y compris de soldats américains qui sont arrivés en 1918. Ils furent deux millions et chacun était doté de 45 tonnes de matériel. On remarquera plus loin sous vitrine la Djellaba d'officier des troupes indigènes et puis le Manteau et une paire de sur-bottes d'un aérostier allemand
D'autres tenues son montrées dans les salles thématiques. Notamment celles de fantassins qu'on ne s'attend pas à voir comme celles qui furent portées par les fantassins japonais (ci-dessous à gauche) et par les russe (ci-dessous à droite) en 1914 :
Depuis la guerre russe-japonaise de 1904-1905, l'armée japonaise a été réorganisée et ses équipements modernisés. La tenue dite M. 45, portée à partir de 1913, se compose d'une casquette à bandeau et passepoil rouge avec une étoile en cuivre, d'une vareuse à col droit et d'un pantalon en toile kaki. Son équipement, pratique et très complet, n'a rien à envier à celui d'un fantassin européen.
J'ai appris que la bière Tsingtao, brassée dans la ville chinoise de Qingdao, et qui est mondialement connue, est une conséquence de la conquête d'un territoire par la flotte allemande en 1897. À l'occasion de cette colonisation, les Allemands établirent, dès 1903 la brasserie de Qingdao pour leurs besoins personnels. La production fut par la suite reprise par les Chinois, après la Seconde Guerre mondiale.
Le fantassin russe est coiffé d'une casquette souple ornée de la cocarde aux couleurs des Romanov et porte une chemise traditionnelle, appelée gymnasticka, un pantalon-culotte et des bottes. Son équipement est rustique (une musette, une gamelle en cuivre, une gourde, un outil individuel, un ceinturon et deux cartouchières) et son fil, le Mossine modèle 1891, est de qualité. Voilà une tenue de campagne discrète en drap gris-vert a été adoptée en 1908.
En Russie, en 1920, la pauvreté est telle qu’on réutilise tout. Les tenues des fantassins ont été recyclées à tel point qu’en trouver une entière et complète est rarissime. Les symboles ont été effacés et il est très rare de trouver une tenue complète comme celle-ci (à droite).
Dans la salle "Bienvenue Au cantonnement", grands et petits peuvent toucher les objets, décrocher une tenue, l’enfiler et se photographier en militaire.
On peut se pencher dans le cercle représentant le trou d'obus que l'on a repéré auparavant en arrivant au musée (lire le précédent article). Il est aussi impressionnant vu de dessus que d'en dessous.
Dans le ciel volètent des pigeons dont on doit se souvenir du rôle capital joué pendant les conflits.
Et à propos de ciel, s'il nous semble naturel de voir un avion dans les airs, ce n'était pas encore banal à l'époque. L’avion qui était d’abord un engin destiné à l’observation des sols (1911) deviendra néanmoins vite un moyen de combattre, d’abord en lançant des fléchettes à la main puis des obus de plus en plus sophistiqués. On verra plus loin dans la salle dédiée aux armes aériennes plusieurs exemplaires de ces fléchettes d'aviation inventées par Clément Ader.
Les tranchées occupent une place importante ainsi que ce qu'on appelle le No man’s land de parfois plusieurs centaines de mètres. Cet espace est peint en blanc, sans doute pour signifier son destination à ne pas être une zone de combat même s'il était souvent périlleux de le traverser.
A ce propos je signale dès maintenant l'important travail de reconstitution d’une tranchée à destination pédagogique dont l'inauguration aura lieu en novembre 2024. Pour des raisons d'accessibilité (notamment en fauteuil roulant) celle-ci sera plus large mais elle donnera un aperçu de la réalité.
Les chars ont vite joué un rôle décisif. Voici le Char Renault F 17, conçu par Louis Renault à l'instigation du colonel Estienne et répondant au besoin de blindé léger pour soutenir l'infanterie. C'est un char robuste et innovant d'une autonomie de 35 km : l'armement est monté sur une tourelle capable d'une rotation 360° et l'équipage comprend seulement deux hommes, le pilote et le chef de char-tireur.
Le premier engagement eut lieu près de Soissons le 31 mai 1918. Son emploi en masse par les Alliés participa efficacement à la rupture des lignes allemandes et à la reprise de la guerre de mouvement.
Parmi les objets que l'on peut remarquer dans les dix salles thématiques, on trouve des souvenirs de captivité, comme ce tissu brodé ou ce collier en os fait par un des 7 millions de prisonniers de guerre. La salle consacrée aux blessures est impressionnante car les éclats d’obus faisaient des dégâts considérables. Les visages ont eu le surnom célèbre de "gueules cassées".
Faute d'huile et de matière grasse on inventa la margarine en Allemagne. Ce fut le début des "ersatz". Beaucoup d'objets ont leur intérêt. A commencer par ceux du quotidien, comme les couverts qui étaient gravés du matricule du soldat.
La vie imposée par la tranchée exclut les soins d'hygiène les plus élémentaires : les soldats ne se déshabillent pas, ne peuvent pas toujours se déchausser et se lavent rarement. Dans leur sac il y a juste un peu de place pour un savon et quelquefois une brosse à dents. Ces conditions favorisent le développement de parasites comme les poux et les puces, provoquant des démangeaisons et des lésions cutanées.
On écrit beaucoup dans les tranchées. La franchise postale est de deux kilos et il y a tant d’échanges que la censure n’aurait pas eu le temps de tout lire.
La grenade devient l’arme principale de la tranchée. D’abord bricolée (ci-dessus) elle se sophistique selon le but recherché (offensive/défensive …). La plus connue est la grenade citron (ci-dessous).
Les gaz sont interdits en raison de leur toxicité mais les allemands vont vite les employer. Les soldats comme les populations (et les chevaux) devront s’en protéger, d’abord sommairement, puis, là aussi avec des masques de plus en plus perfectionnés.
Le plus connu, en raison de son effet persistant imposant une décontamination particulière est le gaz moutarde. Mis au point par le chimiste allemand Fritz Haber, ce composé chimique cytotoxique et vésicant est visqueux, incolore et inodore. Sa première forme impure avait une odeur de moutarde, d’ail ou de raifort, d’où son nom de gaz moutarde.
Les dommages causés par le gaz aux différents organes touchés engendrent une très forte incapacité, voire entraînent la mort du sujet. Mais, en 1943, suite à un bombardement allemand, un médecin, lieutenant-colonel américain, découvre que le gaz moutarde peut réduire la taille des tumeurs cancéreuses des ganglions lymphatiques. Cette arme mortelle est utilisée différemment depuis.
Cette guerre voit la résurgence de pratiques médiévales avec par exemple le plastron qu’enfile le guetteur avant de sortir la tête de la tranchée. Il y aurait sans doute mille et une autres choses passionnantes à pointer. Je ne peux que vous inciter à visiter ce musée.
Un nouveau rendez-vous est d'ores et déjà convenu pour découvrir la tranchée pédagogique en novembre 2024.
Combattre loin de chez soi. L'empire colonial français dans la Grande Guerre
Conseil scientifique Jeanne-Marie Amat-Roze, géographe, agrégée, docteure en géographie de l’université Paris-Sorbonne, professeure émérite des universités, présidente honoraire de l’Académie des sciences d’outre-mer, Christian Benoït, lieutenant-colonel (er), ancien officier du Service historique des armées, historien spécialiste de l’organisation de l’armée française à la veille et pendant la Première Guerre mondiale et Jacques Frémeaux, historien, agrégé de l’université, docteur en lettres, professeur émérite à Sorbonne Université, membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer
Au musée de la Grande Guerre - Rue Lazare Ponticelli - 77100 Meaux
Du 6 avril au 30 décembre 2024
De 9 h 30 à 18 h tous les jours sauf le mardi, le 1er Mai et trois semaines en août
Une programmation culturelle complète est proposée autour de l'exposition.
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