Les signes militaires apparaissent tout de suite et nous mettent dans l’ambiance. On devine qu’on va avoir affaire à un psychorigide à cheval sur les principes.
Entendre des voeux d’anniversaire sur la musique de la Marseillaise, ça c’est fort. Fallait oser. Le début du film nous présente une famille unie et heureuse qui bientôt éclatera en morceaux. Personne en fait n’occupe sa vraie place car pour le moment tout tourne autour du père.
François Marsault (André Dussolier), général à la retraite, va péter une durite lorsqu’il découvre par hasard que la femme dont il est encore fou amoureux au bout de 50 années de mariage l’a trompé 40 ans plus tôt avec Boris (Thierry Lhermitte).
Annie (malicieuse Sabine Azéma) prend les choses à la légère, nous faisant douter de l’exactitude des faits qui, pourtant vont se révéler peut-être plus graves qu’il n’y paraissait au premier regard. Il y aura plusieurs duels en paroles dont le chien comptera à chaque fois les points d’un hochement de tête.
Ivan Calbérac a conçu un scénario très fin qui, certes repose sur les codes de la comédie avec caricatures et rebondissements cocasses, mais qui s'enrichit d'une vraie réflexion sur la paternité, la ressemblance avec sa descendance, la soif de vérité, la confiance et surtout l'acceptation de l'altérité, … de toutes les altérités, même quand elles remettent en cause nos certitudes.
Avoir été "trompé" peut-il être considéré comme une trahison qui imposerait réparation en vertu d'un soit disant code d'honneur et qui s’affranchirait de toute prescription ? C'est la première réaction de François, dont le prénom, soit dit en passant, n'est pas anodin. Il décide d'affronter manu militari son (ancien) rival et ancien ami dont il extorque les coordonnées à un lieutenant qui fut autrefois sous ses ordres (Frédéric Deleersnyder) avec qui il continue à s'entretenir par téléphone et leurs dialogues sont très savoureux.
Arrêtons-nous un instant sur cette notion de prescription, qui a une définition juridique qui ne cesse d’ailleurs d’évoluer en faveur des victimes. Il est juste de souligner que le concept n’a pas sa place dans la réalité de ce qu’on éprouve. Et si on peut reprocher quelque chose à François ce sont ses excès mais pas sa sincérité.
Le film est riche de jeux de mots et de traits d’esprit, de vrais et de faux proverbes. On arrête vite de chercher à démêler l'original de la copie. On retiendra malgré tout qu'un lion blessé est toujours cruel alors que dans le ciel, les cancans des canards résonnent comme des moqueries.
On enrichira notre lexique d'un sigle, qui malheureusement ne sera pas facilement recyclable dans une conversation ordinaire, la RCIR, qui est une Ration de Combat Individuelle Réchauffable. On pourra plus facilement réemployer la si célèbre, mais si magnifique formule de Paul Eluard Il n’y a pas de hasards, que des rendez-vous. Suffira-t-elle à décider Annie à succomber une nouvelle fois au charme toujours intact de Boris ?
Parallèlement à la résolution de la première épreuve (comment laver son honneur) François devra faire face à une énigme : son fils Adrien (Sébastien Chassagne) est-il bien le sien ? Il ne lui ressemble pas pour deux sous alors qu’Amaury (Gaël Giraudeau) est presque sa copie conforme. Il lui faudra aussi affronter ses préjugés quant aux amours de sa fille Capucine (Joséphine de Meaux) avec Mika (Eva Rami qui de mon point de vue est sous-employée par rapport à la richesse d’interprétation que je lui connais et qui vient d'être récompensée d'un Molière pour son spectacle Va aimer au Théâtre Lepic).
François cherchera conseil auprès de son avocat (Michel Boujenah) qui campe un professionnel tout en nuances, presque à contre emploi.
Côté bande son, les choix de Laurent Aknin sont très malins. On passe de j’ai un amant pour le jour, un autre pour la nuit chanté par la si sensuelle Brigitte Bardot (dans Ciel de lit) à Je reviens te chercher de Gilbert Bécaud, deux moments qui seront ponctués de rires dans la salle. On terminera avec N’avoue jamais de Guy Mardel qui sera applaudi. Je rappellerai que cette chanson -choisie pour donner son titre au film- a représenté la France au concours de l’Eurovision en 1965.
Ce qui est très agréable dans cette comédie c’est son aspect sociétal et le fait que tous les personnages sont amenés à des degrés divers à remettre en question leurs préjugés et leurs rapports aux autres.
On peut bien rire de la plainte d’Adrien : je fais pas du guignol, je suis marionnettiste. Mais combien de personnes se méprennent sur cet art qui a tant évolué ? Il faut féliciter Ivan Calberac d’avoir introduit une séquence avec un extrait de spectacle de marionnettes pour adultes d’une beauté et d’une émotion magiques. Nous aussi on aurait envie d’applaudir même si ce type de retournement de situation a déjà été filmé pour le cinéma.
Ivan Calberac est tout autant homme de cinéma que de théâtre. Souvenons-nous de La dégustation, et de Venise n'est pas en Italie pour ne citer que deux de ses précédents succès, dans l'un et l'autre domaine. C'est un formidable dialoguiste et on se souviendra longtemps de la recommandation du fils à son père sur les difficultés conjugales :
- Dans un couple, quand ça va pas on attend que ça passe.
- Et si ça passe pas ?
- C’est qu’on n’a pas attendu assez longtemps.
L’adage voulant qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire n’a jamais aussi bien été exploité. Un an plus tard la situation aura radicalement changé. La Marseillaise ne sera plus au programme de l’anniversaire.
N’avoue jamais, film d’Ivan Calberac
Avec André Dussollier, Sabine Azéma, Thierry Lhermitte, Joséphine de Meaux, Sébastien Chassagne, Michel Boujenah, Gaël Giraudeau, Eva Rami, Frédéric Deleersnyder …
En salles depuis le 25 avril 2024
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