ici et là-bas commence avec des images de bord de mer hyper colorées. Et je peux vous promettre que le réalisateur va nous faire voir du pays, comme on dit.
Ludovic Bernard a réalisé un film d’une grande finesse qui réussit à faire rire autant que pleurer (si-si). Il traite avec intelligence les idées reçues à propos de l’identité et des a priori sur les gens de là-bas, au Sénégal, et d’ici, en France, en passant aussi en revue plusieurs clichés régionaux qu’il parvient à ne pas caricaturer. On voyagera dans des paysages magnifiques et on savourera les valeurs qui embellissent les relations humaines.
Adrien (Hakim Jemili) est installé depuis 15 ans au Sénégal avec sa compagne Aminata mais sans passeport sénégalais. Il est renvoyé en France en raison d'un problème de visa où il apparaitra comme un extraterrestre à vouloir un passeport sénégalais. Espérant régler son problème, il débarque chez un cousin éloigné de sa femme, Sékou (Ahmed Sylla), qui est commercial à Paris.
Sékou est contraint d'aller en régions afin de rencontrer des clients à la suite de la demande de sa patronne et doit relever le défi de faire signer un maximum de mandats en cinq jours. Il s'exprime comme, voire mieux, qu’un français de souche mais il s'angoisse à l'idée d'apparaitre tel qu'il est, en révélant sa couleur de peau à des clients avec qui il ne s'est entretenu que par téléphone. Il va devoir embarquer Adrien dans ce tour de France qui leur réservera bien des surprises, et à nous également.
On découvrira par exemple les superbes caves d’affinage de la Fromagerie Ganot installée à Jouarre et le site historique des forges de Paimpont. Ces deux références sont réelles et c’est encore un des points forts de cette comédie en lui faisant éviter l’écueil de la caricature et en démontrant que si, avec la mondialisation, on ne sait plus qui est qui, les valeurs patrimoniales subsistent en France.
Opposer un blanc qui se comporte comme un noir et vice versa n’est pas fondamentalement original. À ceci près que dans ce film l’effet comique ne vient pas de l'exagération mais de la justesse du changement de point de vue.
Adrien a adopté et accepté tous les modes de pensée de son pays d’adoption. Il ne s’étonne pas de devoir chercher l’oiseau qui chante sous les étoiles pour assurer une naissance de son futur enfant sous les meilleurs auspices. Par contre, la saveur du Brie noir ne passera pas. Je ne voudrais pas être désagréable ni donner l’impression que je vais chicoter mais pour l’avoir goûté récemment il est exact que ce fromage est un produit réellement segmentant.
Evidemment, le scénario (et j'ai remarqué qu'il avait été co-écrit par Sarah Kaminsky) exploite tous les stéréotypes que nous connaissons bien, mais toujours avec bienveillance. Il est drôle et souvent émouvant. La tendresse apparait notamment à travers de beaux rôles féminins.
Ludovic Bernard nous offre au final une leçon de vie dont les protagonistes sortent grandis. Il ne fait aucun doute que pour lui la famille c’est bien celle qu’on se construit ensemble.
Je terminerai avec une mention spéciale pour Guillaume Roussel qui a eu l'idée de faire chanter à Ahmed Sylla le tube de Francis Cabrel La Dame de Haute-Savoie (1983) dont les paroles décrivent à la perfection son état d'esprit :
Quand je serai fatigué / D'un métier où tu marches où tu crèves
Lorsque demain ne m'apportera / Que les cris inhumains d'une meute aux abois
J'irai dormir chez la dame de Haute-Savoie …
Ici et là-bas, film de Ludovic Bernard
Scénario : Sarah Kaminsky et Kamel Guemra
Avec Ahmed Sylla, Hakim Jemili, Hugo Becker, Luisa Benaïssa, Annelise Hesse, Eric Ebouaney, Assia Said Hassan, Aaron Zach, Boubacar Kabo, Etienne Guillou-Kervern …
En salles depuis le 17 avril 2024
Présenté dans la sélection officielle du festival de l’Alpe d’Huez
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