Un fil à la patte avec les élèves du Lucernaire

Je suis allée voir le spectacle de sortie des élèves de l’école du Lucernaire et j’ai été convaincue par ce Fil à la patte …qui a toutes les qualités attendues d’un "vrai".

Certes les comédiens n’ont pas toujours l’âge ou le sexe de leur personnage mais il fallait bien distribuer le plus de comédiens possible (il y a d'ailleurs forcément des alternances). Et les qualités d’interprétation sont là pour faire contrepoids.

Belles lumières, musiques choisies à dessein, costumes de haut niveau (Florence Le Corre a fait des merveilles), interprétation laissant présager que tous les espoirs sont permis à cette jeunesse. C’est une belle soirée. Mais surtout, et c’est quand même pour moi l’essentiel, l’occasion de découvrir de futurs talents. La direction d’acteurs est précise et a été étudiée pour permettre à chacun de révéler ses atouts. On applaudit joyeusement et sans réserves.

Un fauteuil, un guéridon, un bouquet de fleurs, un plateau et deux verres, deux miroirs, un canapé et trois coussins, un tapis de fourrure et un pouf carré, le tout sur un parquet.

La pièce s’ouvre chez Lucette Gauthier, chanteuse de café-concert à succès. Son amant, Bois d’Enghien est bien décidé à lui annoncer leur rupture et pour cause : il se marie le soir-même avec Viviane Duverger, fille de la Baronne du même nom. Une galerie de personnages truculents comme montés sur ressorts (des prétendants intrépides ou repoussants, des domestiques zélés ou roublards, une soeur affamée, etc.) se retrouvent pris dans une machine infernale où les quiproquos le disputent aux traits d’esprit. Comédie joyeuse autant que satire sociale : ici seule la femme de "peu de vertu" est amoureuse, tous les autres ne sont mus que par l’argent.

Immense succès dès sa création en 1894, Un fil à la patte est idéal pour mettre en valeur le travail des comédiens, qu’ils sortent de l’école ou qu’ils soient aguerris. Le génie de Feydeau est d’y multiplier les quiproquos à un rythme soutenu à la limite du chaos. Même les changements de décor sont joyeux.

La surprise est de tous les instants. Les acteurs se glissent dans la peau de leur personnage (parfois de plusieurs) avec une agilité qui épate. Le choix des musiques participe à galvaniser les énergies, que ce soit celle d'Offenbach, connu pour célébrer les petites vertus, celle du Barbier de Séville (la pièce de Beaumarchais pourrait constituer un choix pour le spectacle de sortie de l'an prochain) ou encore cette Cucaracha qui fut chantée pendant la guerre civile mexicaine.

Pour ce qui est de la vertu, justement, ce n'est pas la femme qui en a le moins qui est la plus malhonnête. Les sourires de façade laisseront place aux grimaces et la musique se fera grinçante, poussant Fernand à bien réfléchir et s’exclamer ah le fil à la patte (avec ironie et cruauté).

Bref, sur le fond comme sur la forme ce fil nous entortille joyeusement et nous fait quitter le Lucernaire le sourire aux lèvres. Ce n'est pas si fréquent. Cette promotion mérite de recevoir ses premiers bravos.

Un fil à la patte de Georges Feydeau dans l’adaptation de Philippe Person
Mise en scène Florence Le Corre et Philippe Person
Assistant mise en scène et Lumières Tom Bouchardo

Avec (le soir de ma venue) Fairouzou Anli, Nina Bard-Bonnet, Julien Mead Bottinelli, Théo Brugnans, April Civico, Jean Gerald Dupau, Alexandre Jaboulay, Julien Jansen, Mathilde Rechaux, mais aussi d'autres soirs : Eleonore Arras, Marie Brocquehaye, Alicia Brudey, Alexandre Chapelon, Alba Chatelier, Dushan Delic Illien, Emma Gombaud, Selma Hubert, Alice Macé, Yohan Marguier, Constance Rocher, Sacha Roy Sainte-Marie, Clément Ternisien et Tom Bouchardon

Costumes Florence Le Corre
Décor Vincent Blot 

Au Lucernaire - 53 rue Notre-Dame-des-Champs - 75006 Paris 
Du 28 mai au 27 juillet 2025
Du mercredi au samedi à 20 h, dimanche à 17 h
Âge conseillé pour cette pièce : à partir de 12 ans.