
Florian s’est éloigné du thème qui traversait deux de ses précédentes créations. On retrouve néanmoins, par petites touches, les questions de maltraitance au travail autant côté masculin que féminin, l’abus de pouvoir hiérarchique comme la pénibilité, ce qui résonne bien entendu avec l’actualité remettant en cause l’âge de la retraite.
Ça aurait pu être donneur de leçon ou carrément culpabilisant. Le résultat diffuse une infinie tendresse avec de jolies notes d’humour.
J’ai vu le spectacle dans une salle qui n’est pas un théâtre, ce qui, malgré tout, correspondait tout à fait à l’intention de la compagnie de se produire à domicile ou dans des lieux qui ne sont pas dédiés au théâtre, y compris quand le spectacle partira en tournée. Et c’est dans un tel contexte qu’il a déjà été joué une trentaine de fois.
La configuration en cercle incluant les trois comédiens nous place dans une situation évidente de proximité. Nous sommes presque de la famille … et nous découvrons la situation en même temps que les protagonistes qui se parlent tout d’abord à la troisième personne, tant l’émotion bloque le dialogue.
Lélia (Loelia Salvador) était arrivée la première. Puis Colin (Nicolas Schmitt) avec ses fleurs : J’aurais voulu qu’il fasse moche et que nous soyons moches et que tout ça, ici, que tout ça- ici soit moche. Enfin Florent (Florian Pâque) s’était particulièrement énervé. Ses mots surgis de son enfance nous cisaillaient le coeur : Pourquoi que tu me donnes jamais la main Maman ?
Pas étonnant qu’il s’énerve : On ne la connaît pas, cette femme, dans ce salon, assise dans ce fauteuil, éclairée de côté par les rayons du soleil qui transpercent la fenêtre. Des regrets sont exprimés. Des interrogations tombent dans le vide. Colin sera le premier à prononcer le mot mort.
Le jour de sa mort, dans ce salon sans souvenirs que nous spectateurs partageons avec eux, chacun va oser glisser son visage dans ses mains, pour y pleurer. Lélia sera la première à se lancer. Et comme dans une coque vide on percevra le bruit de la mer (de la mère …) :
J’avais ma tête posée dans la main de ma mère.
Et comme un coquillage qui conserve les bruits de l’océan
C’est là, dans le silence de sa paume
Que pour la première fois j’ai entendu l’histoire de son corps
Qu’elle avait toujours voulu nous épargner.
Une histoire qui pourrait être universelle. Des femmes, parmi les premières spectatrices se sont exclamé que c’était leur histoire alors que, bien entendu, c’est une fiction. Une fiction nourrie de statistiques : on recense 52 000 cas de cancer professionnels chaque année, les femmes subissent souvent le temps partiel, les tensions au travail accentuent leur charge mentale privée.
Les dialogues ne visent pas le réalisme et nous assistons à un vrai moment de théâtre, avec ses ellipses, ses métaphores, une superbe chorégraphie de bouteilles de produits d’entretien, un lâcher de bulles de savon dans lesquelles se cachent des voix (ce sont ces bulles qui s’échappent des paumes sur l’affiche, mais d’autres y verront la tache laissée par chacun des emplois de Maryse), des personnages multiples, un travail sur les voix, les bruitages … Comme ils résonnent les coups portés par par le père de Maryse sur la jeune femme enceinte !
Lelia interprète alors Maryse recevant des coups de son père le premier mois, le second etc … chavirant de douleur avec beaucoup de réalisme. Et le curé imperturbable récite son bréviaire jusqu’à la formule consacrée : Que Thierry et Maryse soient unis dans un même amour.
De vraies marchandes de quatre saisons ont été enregistrées et l’imitation du curé comme de l’employeur est extrêmement drôle bien que criante de vérité. Elle mourra jeune, à 63 ans, en ayant résisté jusqu’au bout pour tenir. La répétition de son mantra intérieur est poignant.
Des trois c’est le plus jeune, Florent qui en sait le moins. Chacun aura tracé sa route tout seul. Maryse Bosquet aura voulu qu’ils soient ses enfants sans être leur mère. Elle les appellera pur leur dire adieu, en respectant l’ordre de naissance. Au petit dernier elle demandera pardon. Une magnifique chanson inspirée du titre éponyme de Jean Ferrat nous est offerte illustrant qu’ils furent l’embellie dans sa vie.
Ce spectacle s’accompagne dans sa forme "classique" d’un échange avec le public et même d’un repas à partager tous ensemble avec les moyens du bord quand ils sont en résidence à la Poudrerie de Sevran (Seine-Saint-Denis).
Dans le silence des paumes de Florian Pâque
Mise en scène Florian Pâque
Avec Loelia Salvador, Nicolas Schmitt, Florian Pâque
Scénographie et marionnettes Florian Pâque
Création lumières et vidéo Hugo Fleurance
Création sonore Camille Vitté
Costumes et affiche Jérémy Vitté
Production : Cie Le Nez au milieu du village
Avec Loelia Salvador, Nicolas Schmitt, Florian Pâque
Scénographie et marionnettes Florian Pâque
Création lumières et vidéo Hugo Fleurance
Création sonore Camille Vitté
Costumes et affiche Jérémy Vitté
Production : Cie Le Nez au milieu du village
Mercredi 11 juin à 17 heures et jeudi 12 juin 2025 à 11 et 15 heures
Salle Cromot - 9 rue Cadet - 75009 Paris
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