J'ai consacré le billet d'hier au Douanier Rousseau. Comme je l'indiquais, trois de ses oeuvres sont exposées dans le Vieux-Château de Laval qui abrite le musée d’Art Naïf et des Arts Singuliers.
Sans doute la ville aura-t-elle eu une sorte de "remords" de n'avoir pas su saisir sa chance quand le Douanier Rousseau se proposa de lui offrir une oeuvre. De fait, il n'en présente que trois, et aucun tableau n'est vraiment très connu comme ceux qui sont exposés au musée d'Orsay.
Toujours est-il que ce musée fut le premier en France à reconnaître officiellement ce mouvement artistique. Par une sorte de renversement de situation, il est désormais identifié au niveau national comme découvreur et soutien aux plasticiens éloignés des circuits de diffusion. Il mérite amplement qu'un article lui soit entièrement dédié. D'autant que sa découverte n'est pas sans hésitation car aucune pancarte n'en mentionne l'entrée, estimant sans doute que la présence des statues peut suffire. J'ignore qui les a réalisées mais elles sont dans le style de ce que fait Peter Meyers.
Créé en 1967, il est réputé pour sa remarquable collection d’art naïf.
Outre Le Douanier Rousseau il expose deux très beaux tableaux de Séraphine de Senlis (dont je rappelle l'excellent film de Martin Provost sur sa vie, un des premiers films que j'ai chroniqué en 2008, et la très complète exposition du Musée Maillol l'année suivante), des toiles d’Henri Trouillard, et de bien d’autres "singuliers" en accordant une large place aux artistes régionaux, comme Alain Lacoste ou Eva Lallement.
Les œuvres dites naïves se caractérisent par l’exubérance des formes et des couleurs, le décalage des rapports d’échelle et de perspective, ainsi que par un foisonnement de détails. Ils puisent leur inspiration dans leur propre vie, révélant des fractures et dans la nature qu’ils subliment par leur regard. Souvent, mais pas toujours, les matériaux utilisés sont inhabituels comme l'ardoise pour Lacoste, les pâtes alimentaires qu'employa Antoine-Joseph Pesenti pour recréer un navire (non photographié), des végétaux (Noël Fillandeau), du bois et même des champignons, souvent des tissus, broderies, fils et boutons.
Art Naïf, Arts singuliers, seule la seconde expression est au pluriel pour signifier combien chaque artiste a trouvé tout seul, en suivant un parcours autodidacte, sa propre écriture plastique, même si un œil averti estimera que le manque de formation est un obstacle à la composition.
Déambuler dans les salles procure une sensation de liberté et de vitalité même si on note aussi comment nombre de ces artistes sont centrés sur leurs obsessions. Nous entrons dans un monde qui, souvent est proche du fabuleux.
A tout seigneur tout honneur, commençons par le Douanier, puis un choix parmi les oeuvres, puis l'installation de Simon Augade, et enfin l'expositions temporaire de Chris Besser.
Henri Rousseau (dit Le Douanier 1844-1910)
Vue de l'île Saint-Louis prise du pont Henri IV, étude préparatoire vers 1909, huile sur carton entoilé
Henri Rousseau (dit Le Douanier 1844-1910)
Paysage, vers 1905, huile sur toile
Cette dernière est modeste et il faut être attentif pour la repérer (sur l'extrême droite ci-dessus) à côté du coin lecture aménagé pour les enfants, visible également du premier étage. L'endroit est très prisé et cela fait plaisir de remarquer combien le jeune public est attentif. Bien entendu j'ai fait en sorte d'attendre le moment propice pour prendre mes photos.
Fernand Lefresne (1924-2001) Le vieux Laval, 1998, huile sur toile
Eva Lallement (1916-1991) La batelière, 1968, huile sur toile
Jules Lefranc (1887-1972) lui aussi né à Laval
Le lancement du Normandie, 1933, huile sur toile marouflée sur panneau
Alain Lacoste (1932-2022) Le flambeur, 1984, acrylique sur ardoise
Louis Bouscaillou (né en 1932) Deux personnages assis - 1976- Huile sur toile 62x74,8 cm
Au centre on remarque Le Festin d'ortolans de Pierre Albasser (né en 1936)
crayons sur carton en 2017 de 36,3x30,5 cm
Séraphine Louis (1864-1942) Branche de fruits, vers 1915, huile sur panneau
Bouquet de mimosas, vers 1929, huile sur toile
Pierre Amourette (1947- ) Vierge ouvrante, 2015, terre cuite vernissée
Île (1967- ) La Nef, 2020, techniques textiles mixtes et peinture
Au premier plan, Le combat des amazones entre 1981-82 de François Monchâtre (1928- )
Au fond à droite, L'Epou Ventable1998 d'Antoine Rigal (1966- )
En 1792, les moines de Clermont sont chassés et l'abbaye est vendue comme bien national. L'église est alors convertie en dépendance agricole. Les tombeaux qui s'y trouvent, classés Monuments Historiques en 1862, sont vendus à la Ville de Laval en 1911 afin d'être sauvegardés. Leur transfert et installation dans la grande salle d'honneur du château n'auront lieu qu'en 1936. Voilà pourquoi on peut y trouver le tombeau au fronton triangulaire de Béatrix de Bretagne (1295-1384), épouse de Guy X, baron de Laval, en pierre calcaire de Chauvigné (Vienne) datant du début du XV° siècle
A l'origine il faisait face à celui de son fils, Guy XII (1327-1412) dans l'église abbatiale.
J'ai aussi admiré le dallage qui est magnifique. Et ce coffre à la serrure impressionnante.
Intitulée "Entre" cette oeuvre de Simon Augade été montée à l'entrée de la salle d'honneur où ont lieu les expositions temporaires du musée. Elle fait écho à la voute avec une nuée touffue de lattes de bois, sorte de moucharabié buissonnant aux angles saillants. Le matériau détourné, et le bois en particulier est le matériau de prédilection de cet artiste.
Cette porte monumentale est en place depuis le 11 février 2013 et pourrait y demeurer plusieurs années. Cette arche immense en bois de 11 mètres de haut et de large a été construite pendant un mois de résidence. Simon Augade a vissé plus de 20 000 vis sur plus de 5 500 planchettes d'environ un mètre.
Voici maintenant quelques oeuvres de Chris Besser qui sont présentées dans une exposition temporaire - du 14 juillet 2023 au dimanche 17 septembre 2023- qui propose de découvrir l’univers coloré de cette artiste hors normes. Elle signe une œuvre à la fois intuitive et sensible à travers laquelle elle entend dénoncer la violence, la souffrance et les injustices. Dans son travail, l’artiste s’inspire de ses lectures et ses voyages (notamment en Crète comme on le verra plus bas, ce qui ravive mes récents souvenirs de découverte de cette île) pour développer sa propre mythologie. Figures et animalières et imaginaires se côtoient dans cette œuvre inventive qui surprend par ses grands formats et par le travail de la matière.
Altérations 1 à 6 - 1998 - Huile et sable sur toile, collection particulière
Altérations 1 à 6 (détail)
La petite graine - 1994- Huile et sable sur toile, cadre bois peint blanc, collection particulière
L'Entropie 1 à 4, Acrylique sur papier marouflé sur toile, collection particulière
Sarajevo 1994 Huile et sable sur toile, cadre bois peint blanc, collection particulière
Il serait dommage de ne pas profiter du panorama pour embrasser la ville entière. Et se laisser emporter nous aussi par notre imagination, stimulée par la liberté d'expression à laquelle se sont autorisés les artistes qui sont exposés, révélant parfois leurs monstres … qui parfois sont aussi les nôtres.
Pour faciliter leur compréhension le MANAS propose une pléiade de médiations culturelles, surtout en direction des jeunes et du public familial mais aussi quel que soit son âge, son origine sociale, sa situation économique ou son handicap pour lever les obstacles à la venue au Musée. Il faut souligner à cet égard la gratuité de son accès.
Une déclinaison de parcours ludiques, des ateliers de créations plastiques favorisent des approches inédites et dynamiques du musée.
Un des objectifs est de faire naître l’envie de revenir au musée. Les expositions temporaires sont un des leviers possibles. Elles sont au nombre de sept en moyenne chaque année. On peut réserver des visites découvertes, des jeux ou des ateliers de création plastique au sein d'entre elles comme à l’instar de la collection permanente. Je n'ai pas eu le temps de le faire mais je me le note pour une prochaine venue à Laval. N’hésitez pas à contacter les médiateurs culturels au 02 53 74 12 30 ou accueil.musees@laval.fr qui reçoivent sur rendez-vous.
MANAS - Musée de l'art naïf et des arts singuliers de Laval
Place de la Trémoille - 53000 Laval
Du mardi au samedi, de 9h à 12h et de 13h30 à 18h - Les dimanches de 14h à 18h
Fermé les jours fériés, sauf 14 juillet et 15 août
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