Tout le monde le sait. Olympe de Gouges est la première femme à avoir été décapitée. On peut y voir la triste vengeance masculine à l’égard de celle qui réclamait l’égalité entre hommes et femmes. Et pour qui s’intéresse aux signes il est amusant (c’est presque un pied de nez) que le spectacle soit programmé dans la salle du paradis du Lucernaire, quoique je la verrais très bien interprétée carrément à la Conciergerie.
J’ai récemment visité l’endroit et le cadre conviendrait totalement à renforcer l’ambiance particulière du spectacle. Donc on connait la fin. Et pourtant on est surpris tout au long de l’heure que l’on passe en compagnie de Céline Monsarrat (photographiée ci-contre aux saluts).
Le titre n’induit pas en erreur. C’est bien une femme plus vivante que jamais qui se présente devant nous. La comédienne incarne très bien la femme passionnée et passionnante que fut Olympe de Gouges.
Le spectacle commence sur une musique mélancolique à la lumière de la flamme d’une bougie qui vacille. Une porte de fer claque sourdement. Nous sommes dans la prison de la Conciergerie où une femme est brutalement poussée dans son cachot, furieuse : Ici les morts ne dorment pas. Mais je veux vivre, moi.
Elle s’adresse à nous en se parlant à elle-même, énumérant tout ce qui lui est désormais impossible, comme nourrir ses oiseaux ou caresser son chat. Mais une chose reste envisageable, chanter. Et c’est un véritable hymne à la vie et à l’humanité qu’elle va nous offrir à condition de partager avec elle son extraordinaire aptitude à l’imagination.
Nous la verrons alors seule à deux en compagnie de Fabien, son geôlier tout autant que son garde du corps, qui deviendra confident et ami, peut-être amant, nous ne pouvons que le supputer. Nous la verrons auprès de Mme Rolland qui sera emprisonnée à la place de son mari.
Nous la verrons discuter avec Condorcet dont elle appréciait l’équilibre, la clairvoyance, l’humanisme, et partageait avec lui l’horreur absolue de la peine de mort.
Nous verrons Olympe, à la fois la fois jeune et vieille, girondine avec la modération comme mot d’ordre. Fervente. Affirmant ses idées avec force et avec conviction. Refusant le conseil de Fabien de se renier (elle aurait alors peut-être alors été épargnée) : Je ne me soumettrai pas ! (…) Il faut toujours se battre pour ses idées.
Nous la verrons rire, passant de la tragédie à la comédie.
Elle déroulera le fil de sa vie depuis sa naissance à Montauban en 1748, une ville pour laquelle elle gardera un fort attachement, son éducation, son mariage à 16 ans avec un époux de trente ans plus âgé et surtout violent, la naissance d’un fils qui, plus tard, préférera la renier plutôt que compromettre sa carrière militaire.
Elle a repris le prénom de sa mère à la mort de son mari, monte à Paris et s’enthousiasme pour les idées révolutionnaires parce qu’elles s’accompagnent de la liberté de la presse, et donc de la liberté d’expression. A cet égard on pourra penser que cette liberté aura été un piège car ses propos sont jugés immoraux et sa vie faussement scandaleuse.
Toujours est-il que la chose publique la passionne. Elle est la première à soutenir le combat contre l’esclavagisme. Elle écrit et vit pour le théâtre qui représente pour elle sa respiration, sa maison. Une de ses pièces est montée à la Comédie-Française. Elle avait encore tant à faire et à entreprendre mais la voici prisonnière, et presque désabusée : Ça use la santé parfois d’être une femme.
Sa robe, imaginée par Corrine Pagé correspond à l’idée qu’on se fait des costumes portés par les femmes à cette époque tout en ayant, par la forme du col, une touche de masculinité qui lui va très bien. Le rouge, symbole de passion, évoque aussi le sang versé par la cruauté révolutionnaire. Le blanc a une connotation de pureté.
On vient la chercher. Le bougie peut être soufflée. Bien sûr on s’offusquera sans s’en étonner qu’elle soit confrontée à un tribunal uniquement composé d’hommes. Les tricoteuses sont absentes. Elle se défendra sans avocat. Seule la mère a capacité à inspirer le respect. Est-ce pour tenter de sauver sa peau qu’elle crie être enceinte ? Personne ne la croit. On lui refuse l’assistance d’un médecin.
On voudrait sans doute qu’elle s’avoue vaincue mais elle refusera de se taire. La Révolution a suscité chez vous tant de vocations criminelles reprochera-t-elle à ses bourreaux. Elle continuera à dévider la liste de ses revendications sans faiblir : Je demande la création d’une caisse patriotique, l’éducation pour les garçons et les filles, des salles d’accouchement, un contrat civil signé entre concubins, une déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.
Le tribunal est insensible à ses doléances. Elle sait à quoi s’attendre puisque les certificats de décès étaient rédigés avant l’audience. La sentence s’appuie sur le reproche qu’elle est un contre exemple pour les femmes.
Une de ses dernières pensées aura été formulée à l’attention des générations futures : J’espère que mon audace sera contagieuse.
Ses propos demeurent (hélas) d’actualité. Le combat pour les droits des femmes et pour l’égalité est loin d’avoir abouti.
Voilà pourquoi ce spectacle, si fidèle à l’esprit de cette femme exemplaire, est tout à fait nécessaire. D’autant qu’il est brillamment interprété. La mise en scène de Pascal Vitiello est précise et juste, comme à son habitude. J’ai déjà vu de lui notamment en 2014 Comtesse de Ségur, née Rostopchine (déjà écrit par Joëlle Fossier), en 2016 Je l’appelais Monsieur Cocteau et en 2017 Le Marronnier de la rue Caulaincourt, tous trois avec une autre grande comédienne, Bérengère Dautun.
Olympe de Gouges, plus vivante que jamais de Joëlle Fossier-Auguste
Mise en scène Pascal Vitiello assisté de Jérémy de Teyssier
Mise en scène Pascal Vitiello assisté de Jérémy de Teyssier
Avec Céline Monsarrat
Voix off Bernard Lanneau et Jérémy Martin
Lumière Thibault Joulié
Costume Corrine Pagé
Création vidéo Sébastien Lebert
Du 23 août au 8 octobre 2023
Rencontre avec l’équipe artistique le vendredi 25 août 2023 à l’issue de la représentation.
Lumière Thibault Joulié
Costume Corrine Pagé
Création vidéo Sébastien Lebert
Du 23 août au 8 octobre 2023
Rencontre avec l’équipe artistique le vendredi 25 août 2023 à l’issue de la représentation.
Relâche le 17 septembre 2023.
Du Mardi au Samedi à 19h, le Dimanche à 15h30
Au Lucernaire
Au Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs - 75006 Paris - Réservations au 01 45 44 57 34
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