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jeudi 10 août 2023

Découverte de la rivière Mayenne à bord de la Meduana

J’avais préparé un premier article sur la ville de Mayenne, général, montrant quelques particularités mais le fichier a disparu comme cela se produit parfois sur Blogger sans qu’il soit possible de le restaurer. Je vais donc aborder un autre sujet avec cette promenade sur la rivière, en espérant que mes souvenirs me reviendront.

L'office de tourisme Vallée de Haute Mayenne vous propose d'embarquer à bord du bateau-promenade "La Meduana" au fil de l'eau, seul, en famille ou entre amis pour une balade bucolique sur la rivière La Mayenne. La promesse est multiple : apprécier les paysages et en apprendre un peu plus sur la faune, la flore, l’histoire de la région et le système d’éclusage manuel.

J’avais visité le château le matin. J’ai embarqué en début d’après-midi à bord de la Meduana qui est amarré à Mayenne, au kilomètre 0 qui marque le début de la partie navigable de la rivière. Par chance, le bateau bénéficie d’une dérogation spéciale pour remonter le cours dans la partie sauvage et non canalisée jusqu’au quai Léonard.

Notre guide est ultra compétente, aussi bien en navigation, qu’en passage d’écluses et en écologie. Elle connait parfaitement la faune et la flore. Mais, en toute logique, elle commence à nous enseigner le lexique marin de base. Après bâbord (le côté gauche d'une embarcation, en se tournant vers l'avant) et tribord, elle nous apprend que le midi désigne le nez du bateau.
Elle attire notre attention sur le pigeonnier qui a été installé sur la rive droite pour détourner cet oiseau des toits de Notre Dame. La Mayenne est depuis 2012 classée en zone d’action prioritaire en matière environnementale. Il faut noter que la lutte contre le changement climatique et la transition écologique est très active dans le département.

Une libellule suit notre trajet. Elle nous promet de voir des oiseaux comme le Héron cendré et peut-être un Martin-pêcheur si nous sommes chanceux … et attentifs car il s’envole à une vitesse prodigieuse. C’est le seul oiseau de nos régions dont le plumage a des couleurs tropicales.

Nous remontons donc sur l’amont et pour le moment c’est une Bergeronnette des ruisseaux au ventre jaune qui s’échappe à grands coups d’aile. Les espèces étant territoriales notre navigatrice sait où nous avons le plus de chance de voir un héron. Cet oiseau vit entre 10 et 15 ans et n’a pas de prédateur. C’est le plus grand gabarit de cette rivière. De fait, on en aperçoit un qui déambule dans le champ sur notre droite (à tribord donc). Et nous le reverrons à notre retour, en conséquence cette fois à bâbord.
La maison qui apparaît derrière l’oiseau a conservé la cloche fixée sur son toit d’ardoises. La situation du bâtiment, éloigné du bourg, mais proche de la rivière, lui permettait de signaler très vite à la population un danger comme la montée des eaux, à une époque où le téléphone n’était pas encore inventé.
Nous approchons du camping du Gué Saint-Léonard, lieu de résidence idéal des pêcheurs nocturnes à la carpe. Une légende voudrait qu’un trésor de 26 000 pièces d’or soit encore caché sous le gué. Seuls les poissons en profitent … C’est là que nous effectuons notre premier demi-tour.
La rivière était la meilleure voie commerciale autrefois car les routes n’étaient pas sûres. Il faut imaginer le trafic de gabarres venant depuis l’Océan Atlantique pour acheminer des matériaux de construction et toutes sortes de denrées. Il pouvait y en avoir jusqu’à 30 par jour. Le commerce fluvial a connu son apogée au VIII° siècle et il s’est poursuivi jusqu’au XX°.
La Mayenne prend sa source en amont, dans le département de l’Orne. Ce n’est pas un cours d’eau mais une rivière, parce qu’elle reçoit durant son parcours les apports de nombreux ruisseaux et d’autres rivières. Elle fait environ 10 mètres de largeur pour une profondeur de 3 mètres. Elle s’étend sur à peu près 300 km sans compter 1500 de cours d’eau secondaires qui se jettent dans le courant essentiel pour la navigation.
Nous nous approchons de notre point de départ et nous passons au retour sous le pont Mac Racken, qui s'appelait autrefois pont de la Caisse d'épargne. La division d'infanterie de ce soldat américain était chargée de libérer la Mayenne en août 1944. Deux ponts sur trois avaient été détruits par les Allemands et celui-ci était la dernière chance de permettre aux troupes alliées de continuer jusque Paris.

Dans la nuit du 5 août, l'équipe spécialisée en déminage a pour mission de couper les fils conducteurs, reliés à une bombe de 125 kilos et à 15 caisses de dynamite, placés sur le pont par l'ennemi. Le sergent  James Dougal Mac Racken s'élance sur le pont, à découvert, et coupe les fils. Il sera abattu par les tirailleurs et mitrailleurs allemands, positionnés rue Roullois. Son sacrifice permit la progression générale des Américains. Mayenne est conquise, puis libérée. Ce n'est qu'un an plus tard que les autorités connurent le nom de ce héros qui donne son nom à cet ouvrage d'art, le seul à être resté intact.
On observe sur les bords, tout le long du quai Carnot, des arches qui soutenaient des passages permettant aux mariniers d’accéder directement aux entrepôts. Elles ont été bouchées. Les commerçants ont acquis de grosses fortunes par la vente des toiles. Cinq hectares sont classé pays d’art et d’histoire sur la rive droite qui, historiquement, était la place forte de la cité.
Le palais carolingien (ci-dessus sur la gauche) a été construit vers l’an 900 et il est le seul ouvert au public parmi les trois restants en Europe. C’est bien entendu le mieux conservé. Il est bâti sur un éperon rocheux, afin de pouvoir dominer aussi bien l’amont que l’aval de la rivière. Il faut emprunter son chemin de ronde, monter dans la tout ronde et observer les percées pour glisser une arbalète. Et imaginer qu’autrefois la rivière coulait jusqu’au niveau des douves. Et surtout y admirer la plus grande collection d’Europe de jeux de société anciens.

C’est Mazarin qui ordonna de grands travaux de canalisation en 1860. Et au XIX° furent installées des écluses selon un modèle breveté par Léonard de Vinci. La Meduana suit un trajet balisé de bouées rouges.
C’est aujourd’hui Eva, l’éclusière qui manœuvre avec notre navigatrice, encouragées par le cri de quelques mouettes rieuses, reconnaissables à leur casque noir. J’apprends que leur longévité peut être de 30 ans. Elles ne sont pas nicheuses et passent ici de juin à octobre. Étant donné l’importance du trafic d’autrefois on se rend compte de la pénibilité du travail des éclusiers. Notre bateau descend lentement, mais nettement.
Nous remarquons la date de construction, 1863,  de la maison éclusière qui porte le n°1, logique puisque c'est la première après le Km 0. Elle est démunie de fenêtres sur l’arrière car l’éclusier doit rester concentré sur la voie d’eau. Il ne faut pas risquer qu’il soit distrait.

On pêche les carnassiers dans cette rivière, des poissons blancs, la silure (qui est de plus en plus appréciée des grands chefs qui n’hésitent plus à l’inscrire à leur carte), et des espèces migratrices comme la truite Fario et l’anguille, une espèce en voie critique d’extinction. On peut même trouver des moules perlières.

Nous progressons ensuite vers le territoire de Beau Rivage où on peut encore voir d'anciens moulins de meneurie. Il y avait autrefois au minimum un moulin tous les kilomètres. Les canards cols verts se camouflent dans la verdure. Ceux que nous voyons sont des juvéniles de la saison, reconnaissables à leur plumage non définitif, ponctué d’une seule plume bleue sur l’aile.
Le rivage opposé est bordé d’un chemin de halage qui permet de remonter la rivière sur 90 km. On se doute que lorsque des hommes, et plus tard des chevaux, tiraient à la corde les bateaux pour leur faire remonter le cours de l’eau (puisqu’il n’y avait pas de moteur) aucun arbre ne venait entraver leur progression sur le chemin. Le reboisement intermittent offre aujourd’hui une ombre fraîche aux promeneurs. Et on aperçoit les grands épis rose de la salicaire qui peut atteindre jusqu’à 1 mètre de haut et qui fleurit de juin à septembre avec une floraison qui peut durer 3 semaines sur une même plante.
Reconnaissable à sa tige carrée, on peut en consommer les jeunes feuilles qui ont une saveur fruitée, légèrement sucrée qui rappelle les fruits secs. Une fois séchées elles s’utilisent en infusion. Les jeunes pousses et les jeunes tiges épluchées sont consommables crues ou cuites et donnent une note fruitée qui rappelle la fraise. Jadis les confiseurs faisaient bouillir les fleurs pour en sortir les pigments avant de confectionner les bonbons. Il ne faut pas craindre de la cueillir. Elle est plutôt envahissante, à tel point que sa propagation pose même des problèmes écologiques en Amérique.
Les branches abritent entre autres le grand cormoran. Nous sommes dans l’écosystème humide de la frayère, là où les poissons viennent pour se reproduire. C’est une sorte de prairie submergée qui communique avec la rivière qu’il faut protéger car, depuis les années 60, nous avons perdu les deux tiers de nos zones humides submergées (à tel point que la rainette a dû s’adapter et changer ses mœurs), un peu à l’instar des haies bocagères qui on disparu à 60%. Les femelles brochet pondent dans une espèce particulière de plantes.

Nous apercevons le pont de Saint-Baudelle et le donjon de Moulay, reconstruit à l’identique avec ses anciennes pierres.

Notre guide nous invite à apprécier l’effet d’optique laissant croire que la rivière s’arrête brutalement, et qui est du à la chute du niveau de l’eau. La position de l’écluse est tout à fait justifiée. Elle a été construite en 1863. Il est temps de faire demi-tour.

Un bief est la partie de la rivière entre deux écluses. La Meduana est un mot celte signifiant eau profonde, donc difficile à naviguer et c’est l’ancien nom de la rivière Mayenne. De fait, très peu de plaisanciers empruntent cette voie parce que les biefs ne sont pas très longs, entre 1 à 3 km. Le nombre d’écluses rebute les plaisanciers (cela prend du temps de les passer) et c’est une chance pour la biodiversité.

L’inconvénient du bief, pour les poissons est qu’il est une sorte d’aquarium géant. Il est donc impératif de construire une "passe à poissons", sous la forme d'une sorte d’échelle en fer qui équipe donc tous les ouvrages entropiques, au niveau de chaque écluse pour que les espèces comme l’anguille des Sargasses puissent passer.
Ce poisson voyageur, qui peut vivre une vingtaine d'années, passe une partie de sa vie en mer et une partie en rivière, comme le saumon. La grande différence, c'est que le saumon sauvage vient frayer en rivière pour ensuite retourner à la mer, avant de revenir finir sa vie en eau douce. L'anguille, qui grandit en eau douce, se dirigera en eau salée pour se reproduire. Par la force des choses, ce poisson se trouve maintenant en danger.

Et si aujourd’hui il n’y a a plus que deux lignes ferroviaires en Mayenne parce que la route a primé sur tous les modes de transport, ce n’était pas le cas quand le train à vapeur passait sur le pont Eiffel que l’on vient de voir et que le port était plein de gabarres.

Un quatrième métier était exercé grâce à l’eau, sur les bateaux-lavoirs, qui s’ajoutaient à la dizaine installés en centre-ville. Le Saint Julien de Laval a continué à fonctionner jusque dans les années 50. En hiver les femmes (car c’était elles qui y travaillaient) devaient briser la glace.

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Les gourmands qui se baladeront le long du chemin de halage pourront récolter et préparer une décoction de fleurs de salicaire et en parfumer des bonbons. Pour cela il faut tout simplement faire bouillir dans l'eau des épis floraux afin d'obtenir un jus parfumé et de couleur rouge. Par exemple en portant à ébullition 200 ml d’eau avec 20g de fleurs de salicaire (épi floral entier).

Une fois filtrée, on ajoutera au jus deux cuillerées à soupe de jus de citron et après avoir pesé le tout, un poids égal de sucre. On refera bouillir jusqu’à obtenir un sirop qu’on laissera tomber en grosses gouttes, qui feront autant de bonbons.

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