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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

lundi 11 septembre 2023

REŸS le glacier roi

Ma réputation n’est plus à faire. Pendant tout le festival d’Avignon on ne me demande pas que des titres de spectacle. On sait que je connais les meilleurs glaciers de la cité des papes et chez lequel on trouvera le parfum le plus subtil.

Il m’est arrivé souvent de déguster des produits tout juste sorti des turbines comme ici chez Alperel dans leur laboratoire de Trappes.

Alors si je vous dis que les glaces de REŸS sont exceptionnelles, vous pouvez me croire les yeux fermés, la bouche ouverte. Et, coup de chance, il est installé dans la plus grande ville de France, à Paris, donc vous allez être nombreux à pouvoir en profiter.

C’est le week-end du 11 Juin 2022 que la Maison REŸS a ouvert sa première boutique en plein coeur du Marais, sur la charmante place du Bourg Tibourg, dans le 4ème arrondissement. Tout s’est vite accéléré à partir d’une promenade en famille dans le quartier quand la pancarte signalant que le local était libre attira les yeux de Jean-Pierre Braun qui, n’osant y croire prit rendez-vous pour visiter dès le lendemain.

L’affaire fut conclue aussitôt et l’ouverture a vite suivi mais je ne l’ai découverte qu’un an plus tard. Pourtant le succès ne s’était pas fait attendre. Parce que l’été était là, beau et chaud, et que les touristes commençaient à revoyager après des mois de restriction dus à la crise sanitaire.

L’originalité des parfums, la couleur attractive rose fuschia de Baiser du dragon, et surtout la qualité, ont accéléré un bouche-à-oreille positif. Une longue file d’attente a vite marqué les esprits des habitués du quartier. Et ce n’est plus un scoop aujourd’hui puisque REŸS figure en bonne place dans les listes des meilleurs glaciers parisiens. Ils sont 14 personnes, dont 3 en production pendant tout l’été, chaque matin de 8 à 14 heures. Ils peuvent être jusqu’à 12 en boutique pour éviter que la file d’attente ne déborde sur la rue voisine comme en août 2022.

Ce sont deux rêves prémonitoires qui ont poussé Jean-Pierre Braun à se lancer dans l’aventure. Ils font l’objet d’une affiche qu’on peut lire dans la boutique. Étant un homme de méthode, il a commencé par un apprentissage en Toscane, auprès d’un italien qui lui a enseigné l’art de travailler dans le respect de la tradition du gelato artisanal. Car même si le glacier a de puissants souvenirs de glaces indiennes c’est le procédé italien qui a sa préférence. Toute l’Italie en fait puisqu’il a aussi comme spécialité la Granita dont il aime raconter qu’elle a été imaginée au Moyen-âge par les Siciliens après avoir modifié la recette du sorbet arabe « sherbet » parfumé à l’eau de rose. Il faut savoir en effet que pendant plus de 3000 ans on a dégusté des glaces à partir du moment où on a découvert qu’on pouvait utiliser de la neige mélangée à du sel marin comme moyen de réfrigération.

Ce procédé est d’ailleurs à l’origine du logo de la marque qui évoque un sommet recouvert de neiges éternelles. Et sans doute aussi, même si ce n’est pas complètement conscient, de la manière de positionner les boules de glace sur un cornet comme s’il s’agissait de plusieurs pics.

Ils composent aussi une couronne royale qui a quelque chose de la joaillerie (un domaine que le créateur connait bien) et rappellent les sommets sur lesquels on envoyait les valeureux guerriers gratter les neiges éternelles pour les ramener au cuisinier du roi qui composait alors un dessert glacé. Comble du hasard ou magie des signes, la silhouette du glacier correspond trait pour trait à « La Combe des Reys » situé en Haute-Savoie.

Tout autour de la Méditerranée, REŸS signifie « les Rois » ou « Celui qui dirige ». Dans les langues d’Europe centrale, il est « la Route », « le Voyage » ou parfois « La Lumière ».

La signature de glaces éternelles est pleine de sens en référence aux neiges éternelles, à l’origine des premiers sorbets et en hommage également à la source divine par laquelle le fondateur ressent avoir reçu cette vocation.

Cet homme cultive l’amour de l’artisanat et n’apprécie guère ce qui est industriel même s’il reconnaît volontiers le succès commercial de telle ou telle marque. Le credo de son enseigne est de n’avoir recours à aucun ingrédient industriel, de n’employer que des fruits souvent bios, achetés entiers et surtout pas en purée toute prête, des vanilles elles aussi entières, du gingembre frais et pas en poudre, du sucre bio non raffiné, Les glaces ne contiennent que du naturel, de À à Z et ce n’est pas ici qu’on utilisera du mix, c’est à dire ces sachets de poudre qui sont vendus par les industriels pour faciliter le travail des artisans. Même le stabilisateur qu’il emploie est naturel puisque c’est de la poudre de chicorée et pas un produit chimique.

Après avoir étudié à l’École Hôtelière de Paris dans les années 80, il a travaillé dans l’hostellerie de luxe, notamment au Plaza à Paris, à L’Auberge de la Vieille Tour en Guadeloupe alors qu’il était parallèlement musicien professionnel. Cet enchainement de jours et de nuits l’a conduit à s’interroger sur son rythme de vie. Il se reconvertit dans le marketing digital et travaille en agence à Toulouse avant de revenir dans le métier de l’hôtellerie en tant que directeur de la communication et du marketing d’une société d’hôtellerie de plein air.

Son parcours est tout sauf linéaire. En 35 ans de carrière, l’entrepreneur a exercé plus de 30 métiers parfois simultanément. de la formation au spectacle, du coaching à la joaillerie, dans lesquels il démontre toujours une grande créativité et une boulimie de travail, sans se penser infaillible, voilà pourquoi il a tenu à commencer cette nouvelle vie par un apprentissage auprès d’un maître glacier italien, avant d’accomplir ses derniers rêves. Il a retenu de chaque expérience plusieurs éléments qu’il met en application en les combinant avec des souvenirs d’enfance.

Jean-Pierre Braun est en production tous les matins de la semaine, sauf le week-end. Tout est produit sur place, de la préparation des fruits frais au turbinage définitif du produit, par bac de 7 kilos. Il explique sans chichi tout ce que ses glaces ont de particulier qui les distingue de la plupart de ses concurrents et on peut dire qu’ils sont nombreux, à Paris et dans le quartier.

Sa spécificité est de faire du gelato traditionnel, ce qui signifie qu’il n’y a aucun d’œuf dans la recette alors qu’en France il est de tradition de partir d’une crème anglaise que l’on descend en température. C’est ce qui a fait par xemple le succès de la glace Plombières dont j’ai appris le secret dans la ville du même nom. Il ne pourrait y avoir qu’un seul motif de transgression le jour où il voudra effectuer un sabayon puisque le jaune d’oeuf est un ingrédient alors incontournable.

La deuxième grande différence réside dans la légèreté du produit fini, qui résulte d’une proportion de sucre un peu réduite et d’une conservation, certes entre moins 18 et 22 degrés (en toute logique) mais d’un service entre moins 12 et moins 14 degrés. La quantité de sucre joue sur la dureté puisque cette matière a un pouvoir d’anti-congélation, comme le sel, c’est une question de physique.

La troisième différence avec ses concurrents est qu’il ajoute de la texture, alors que la crème glacée traditionnelle est souvent très lisse. On trouve dans ses glaces de la pistache concassée, des grains de riz, des morceaux de cacao ou de noix de cajou. Et si des graines craquantes sont en partie conservées dans Douceur Passion (ci-dessous) c’est tout à fait intentionnel.
Les serveurs distinguent crèmes et sorbets et c’est dans cet ordre là qu’on m’a suggéré de faire la dégustation mais, si on ne le précise pas, on ne se rend pas compte de véritable différence entre les deux en terme de texture.

dimanche 10 septembre 2023

Ama gloria, second film de Marie Amachoukeli

J’aurais pu ne pas songer à voir Ama gloria, le second long-métrage de Marie Amachoukeli, s’il n’avait pas été programmé pendant le festival Paysages de cinéastes.

Il ne figurait pas parmi les films en compétition mais il y aurait eu sa place, s’il n’était pas déjà sorti en salles.
Cléo a tout juste six ans. Elle aime follement Gloria, sa nounou qui l’élève depuis sa naissance. Mais Gloria doit retourner d'urgence au Cap-Vert, auprès de ses enfants. Avant son départ, Cléo lui demande de tenir une promesse: la revoir au plus vite. Gloria l’invite à venir dans sa famille et sur son île, passer un dernier été ensemble...
C’est un film délicat qui aborde le déchirement d’un enfant brutalement séparée de sa mère de substitution. Ce qui est très réussi, c’est que la réalisatrice a exorcisé son propre drame quand à six ans, donc au même âge que Cléo, la concierge de l'immeuble où elle vivait est retournée au Portugal s'occuper de sa famille.

Bien sûr elle l’a transformé en inventant une fiction mais sans trahir les émotions d’une petite fille qui avait grandi dans le regard et dans les bras d’une femme et qui soudain la perd. Il n’y a rien de pathologique dans la relation entre l’adulte et l’enfant. La nounou ne cherche d’ailleurs jamais à s’approprier la gamine. C’est de l’amour pur et vrai. Voilà sans doute pourquoi le père n’hésite pas à autoriser sa fille à la retrouver un été.

Chacune sait que ce sera temporaire mais elles vont le vivre pleinement et permettre l’installation du processus de deuil qui n’avait pas pu se mettre en place du fait de la brutalité de la rupture.

Même si la caméra ne se focalise pas constamment sur Cléo, la focale employée place le spectateur en situation de regarder chaque scène en gros plan, ce qui est métaphoriquement annoncé par la première scène, quand Cléo répond aux sollicitations d’un ophtalmologiste chargé de vérifier sa vue.

Pour accentuer encore cet aspect, la réalisatrice a inséré des plans réalisés en images d’animation (de Pierre-Emmanuel Lyetqui apportent une dimension poétique et qui soulagent la tension narrative. Chaque peinture a été faite à la main, image par image, sur une table lumineuse. Le résultat est très beau, un peu long peut-être puisqu’il occupe 12 minutes du film.
Les deux actrices principales, Louise Mauroy-Panzani (Cléo) et Ilça Moreno Zego (Gloria) sont méconnues et exceptionnelles. On adhère totalement à leur histoire, un peu moins cependant à toutes les facettes de la vie de Gloria qui rencontre bien des soucis, que ce soit dans sa reconversion professionnelle comme patronne d’un hôtel touristique, qu’avec ses deux enfants, une fille bientôt mère (peu désireuse de le devenir, peut-être parce qu’elle est célibataire) et un fils en pleine crise d’adolescence, exprimant une jalousie maladive à l’égard de Cléo.

Mais là n’est pas l’essentiel et il est agréable de découvrir l’île du Cap-Vert, si peu filmée, et son créole particulier dans lequel ont été écrit les dialogues. Cet aspect est loin d’être anecdotique car il va servir à Cléo de tremplin pour comprendre qu’il existe un autre monde que le sien et pour grandir.

Le récit aurait pu être donneur de leçon ou plaintif. Tout est pudeur et retenue, ce qui rend très intenses les moments de bonheur entre l’adulte et l’enfant comme la transmission du pendentif avec la tortue porte-bonheur ou les diverses cérémonies capverdiennes qui sont plus ou moins effleurées. Et si Gloria a elle aussi des bleus à l’âme la caméra ne nous le montre pas directement, comme ce plan où elle apparaît floue derrière des roseaux. Le message final sera sans ambiguïté : il va falloir se quitter et être heureuses (j’ignore si l’adjectif est au pluriel dans le script mais il me semble que l’injonction vaut pour l’une comme pour l’autre).
Le scénario s’appuie sur l’obligation de Gloria de revenir au pays sans trancher sur la moralité de l’histoire. Car si la période de travail en France a éloigné Gloria de ses propres enfants (dont on voit bien qu’elle a eu de lourdes conséquences) elle lui aura permis de mettre de côté la somme nécessaire à l’ouverture de l’hôtel qui lui permettra de faire vivre sa famille. Cependant tel n’est pas le sujet principal du film.

Enfin comment ne pas signaler l’emploi de la si touchante chanson de l’artiste franco-espagnol Nilda Fernandez, Mes yeux dans ton regard qui lui vaudra le trophée de Meilleur espoir masculin en 1992 aux Victoires de la musique.

Ama gloria, premier film de Marie Amachoukeli
Avec Louise Mauroy-Panzani, Ilça Moreno Zego … en salles depuis le 30 août 2023

samedi 9 septembre 2023

La bibliothèque des rêves secrets de Michiko Aoyama

Une nouvelle maison d'édition a vu le jour en ce mois de mai 2022, Nami, créée au sein du groupe Leduc, en faisant le pari que la littérature de l’intime pouvait avoir sa place en France, avec un premier titre écrit par une japonaise, Michiko Aoyama, La bibliothèque des rêves secrets.

Ce choix est tout à fait pertinent. Le roman a été finaliste du Prix des Libraires au Japon en 2020-2021 et a vite grimpé en tête des ventes japonaises à sa sortie, en novembre 2020, avant d’obtenir son propre succès à l’international.

Bien sûr, on pourrait penser qu’il est audacieux de s’appuyer sur des résultats qui ont été obtenus auprès d’un lectorat qui a sans doute peu de points communs avec le public français. Mais il suffit de se rappeler le plébiscite obtenu parTant que le café est encore chaudde Toshikazu Kawaguchi(trad. Miyako Slocombe, chez Albin Michel,d’ailleurs propriétaire de Leduc) pour comprendre que la littérature japonaise feel-good a de quoi séduire la France. Les auteurs y cultivent l’art des légendes urbaines et je dois dire que dès les premières pages deLa bibliothèque des rêves secrets j’ai cru que les deux romans émanaient de la même plume.

Ils ont chacun quelque chose de typiquement oriental dans la manière de concevoir l’importance du détour pour aborder les sujets existentiels comme -dans celui-ci- le sens à donner à sa vie et la notion de « seconde chance » pourvu qu’on ait le déclic pour la saisir.

Ici c’est par le biais d’un conseil de lecture, apparemment incongru, que chacun des personnages parvient à mobiliser des ressources pour changer de métier et trouver sa voie. Les chapitres sont presque indépendants comme le seraient des nouvelles même si les protagonistes se croisent parfois. La lecture est donc très fluide et toujours surprenante.

Bien entendu, le fait qu’un livre puisse changer une vie n’est pas un thème original. On le sait depuis longtemps, en littérature générale comme en littérature jeunesse. Mais cette fois le sujet est traité de manière détournée puisque les conseils de lecture sont prodigués quasi par hasard à l’initiative d’une bibliothécaire (donc de quelqu’un qui n’a rien à vendre) hors normes qui, sur son lieu de travail, s’adonne à un hobby assez original.

Chacun des douze ouvrages recommandés est mentionné à la fin dans une bibliographie très détaillée. Le premier d’entre eux est un épisode des aventures de Guri et Gura - la galette géante, de Yuriko Yamakayi et Rieko Nakagawa, édité par Autrement Junior en avril 2008.

Les principes philosophiques sont simples mais pertinents.Michiko Aoyama a sa propre version du verre à moitié vide ou plein : elle suggère de changer de pays ou de saison pour percevoir un même élément de manière opposée (p. 214). Et quand elle écrit qu’il est formidable de savoir ce que nous voulons faire, nous sommes proches du principe de Sénèque : il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va … et réciproquement.
Le ton est très japonais. J’ai retrouvé la dévotion de ce peuple à l’égard des cerisiers en fleur qui les fête en avril. Même le Parc de Sceaux (92) est envahi pour l’Hanami (photo ci-dessus). J’ai reconnu leur manière particulière d’organiser le foyer, quelques particularités régissant les rapports familiaux, la faculté de certains plats typiques à procurer des effets bien spécifiques. Plusieurs autres éléments de cette culture m’ont probablement échappé mais il se dégage dans ce livre une douceur indéniable qui le place dans la grande catégorie des feel-good.

Et surtout beaucoup de bonté et de bienveillance derrière des situations de prime abord étranges et décalées.

Après avoir été diplômée de l’université, Michiko Aoyama a travaillé pendant deux ans comme journaliste en Australie. A son retour au Japon, elle a été un moment rédacteur en chef d’un magazine tokyoïte puis s’est lancée comme écrivain indépendant. Ce n’est qu’à quarante-sept ans qu’elle a enfin réalisé son rêve de devenir romancière, un peu comme l’un des personnages de ce livre qui est son premier roman publié. Sa propre expérience de libraire a été courte mais elle lui a permis de parler de cette profession avec crédibilité et chacun des cinq chapitres est inspiré de son vécu. Voilà sans doute pourquoi les mots sonnent si juste.

Depuis, elle a écrit un second ouvrage qui est lui aussi publié en juin dernier chez Nami, Un jeudi couleur chocolat. Il se déroule dans un café et nous embarque aussi à Sidney, une ville que l’auteure connait bien.

Si vous aimez ce genre de livre, dans la lignée des réel-Good et de l’intime, vous apprécierez sans doute aussi Le restaurant des recettes oubliées, d’Hisahi Kashiwai, traduit lui aussi par Alice Hureau et publié bien entendu également chez le même éditeur.

La bibliothèque des rêves secretsde Michiko Aoyama, traduit du japonais par Alice Hureau, éditions Nami, en librairie depuis le 17 mai 2022, publié chez J’ai lu le 24 mai 2023

vendredi 8 septembre 2023

Soirée d'ouverture du Festival Paysages de Cinéastes avec Le Livre des solutions, réalisé par Michel Gondry

La 21ème édition du Festival Paysages de Cinéastes s’est ouverte en ce doux soir d’été dans le parc enchanteur de la Maison de Chateaubriand où, faute de Covid ou de mauvais temps, nous avions été privé depuis quatre ans d’une projection en extérieur. On comprendra qu’elle fut très appréciée.

Nous avons appris pendant les discours d’usage que le thème du sport avait été choisi pour 2023 afin d’honorer les prochains Jeux Olympiques qui seront marqués par le passage de la flamme olympique à Châtenay-Malabry.

Parmi les membres du jury on compte le chatenaisien Léo Fontaine dont le premier long métrage, Jeunesse, mon amour sortira le 3 avril 2024 aura la ville en toile de fond. Pour marquer la vente de la maison de ses parents, Dimitri organise une dernière fête avec sa bande du lycée qu’il n’a pas revu depuis plusieurs années. Parmi eux, Lila et Matt, désormais en couple, ont une annonce à faire. Entre non-dits, rivalités et tensions amoureuses, les retrouvailles seront explosives.

Carl Segaud, le maire de Châtenay a insisté sur la volonté de la municipalité de pratiquer une tarification raisonnée de manière à ce que le cinéma n’y soit pas un luxe pour des privilégiés.

Nous avons ensuite suivi un spectacle exceptionnel de danse hip-hop par la Compagnie No Mad avec quatre danseurs et une danseuse : Mehdi Slimani, Diana de Paoli, Timour Aydogan, Steven Sanchez Da Costa
Fervent acteur, défenseur et passeur de la culture hip-hop, Mehdi Slimani s’est retrouvé tout d’abord embarqué dans diverses aventures artistiques, qu’il vit et expérimente toutes pleinement et sans retenue. Elles constituent les ressources de son parcours et de sa formation qu’il définit comme «socio-didactique» : interprète pour différentes compagnies danse/théâtre (collaborations avec Arpad Schilling, Stéphane Fortin, Hervieu/Montalvo, Philip Boulay, Zaza Disdier…), artiste de rue à travers le monde, danseur pour des artistes phares (Akhenaton, La Brigade, Doc Gynéco…), compétiteur de battles nationaux et internationaux, artiste chorégraphique pour des productions de grande envergure (notamment Les Dix Commandements/Kamel Ouali), formateur et professeur pour de nombreuses écoles de danse.
Refusant le cantonnement des performances de rue aux scènes les plus prisées en passant par les plateaux télés, il partage son esthétique avec une grande générosité et le public a ovationné la performance qui alterna les solos et les chorégraphies de groupe.
Ensuite la soirée s’est poursuivie avec la projection en plein-air et en avant-première du dernier film de Michel Gondry, Le Livre des solutions, avec Pierre Niney, Blanche Gardin, Françoise Lebrun, Vincent Elbaz, Camille Rutherford … qui avait été présenté à la Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes 2023.
Marc (Pierre Niney), cinéaste bipolaire et parano, ne peut tolérer de voir retoqué par les producteurs son film en cours, dont les extraits entrevus peuvent en effet laisser craindre le pire. Accompagné de sa monteuse (Blanche Gardin), il embarque tous les rushes chez sa tante (Françoise Lebrun), dans les Cévennes, pour boucler le film selon ses souhaits. Il s’évertue plutôt à en différer la finalisation, en lançant incessamment de nouveaux chantiers, qui sont autant de dérivations et d’impasses, tour à tour comiques et inquiétantes.
Tout ne fonctionne pas comme le personnage le souhaiterait car, et c’est une évidence une fois qu’on l’entend : une idée, par définition, c’est du jamais vu. Mais on avance avec lui dans la progression du film qu’il est en train de monter. On progresse d’une idée à une autre, toutes notées dans son cahier.
L’équipe est hébergée par une vieille dame extrêmement bienveillante, formidablement interprétée par Françoise Lebrun avec un naturel proche du documentaire.
Il y a des trouvailles farfelues qui font mouche, comme la scène d’enregistrement de la musique du film. Il y en a d’autres avec un guest improbable mais je ne vais pas la spoiler.
Je n’avais pas vu le dernier film de Michel Gondry, Microbe et Gasoil, qui est sorti en 2015 mais j’avais exprimé quelques réserves sur L’écume des jours, malgré d’énormes qualités. Les observations que je faisais n’ont pas lieu d’être pour Le livre des émotions que j’ai pu aimer sans réserve. Certes, le scénario est foisonnant et il est probable que Marc soit l’alter-ego du réalisateur dont il partage les tourments et l’inventivité. Mais le résultat est jouissif et surtout plein d’amour.
Moi qui suis adepte de la formule selon laquelle il n’y a pas de problème mais juste une solution qu’on ignore, je ne peux qu’encourager le public à aller voir ce film qui prône le fait que chaque problème a sa solution … et vice versa d’ailleurs. je reviendrai plus en détail sur ce film d’ici 48 heures. 
Demain, la compétition de longs-métrages internationaux sera ouverte, avec uniquement cette année cinq premiers films, qui célèbrent la diversité du cinéma, ce qui est particulièrement osé de la part de Carline Diallo, la programmatrice du festival et directrice du Rex de Chatenay-Malabry qui a bien raison de souligner que chaque grand réalisateur a un jour été un novice plein de craintes. Elle nous a habitués à des choix audacieux et pertinents. On a hâte de découvrir ceux de cette année.

Il y aura bien entendu aussi pendant cette semaine, du 8 au 15 Septembre 2023 une compétition de films à destination du jeune public et une compétition de courts-métrages. Trois jurys, ainsi que le public détermineront le palmarès :
· Le Grand Jury, composé de professionnels
· Le Jury de la Jeunesse, composé de cinéphiles entre 12 et 20 ans,
· Le Jury des Femmes, en collaboration avec les associations locales partenaires du projet « Femmes & Cinéma ».

Ils remettront comme d’habitude 7 Prix : Le Prix de la Jeunesse, Le Prix des Femmes, Le Prix du Public pour les longs-métrages et le Prix du Public pour les courts-métrages, Le Prix des scolaires pour les courts-métrages et deux Prix dotés : le Prix du Public pour la compétition jeune public et le Prix du Grand Jury. Le palmarès sera annoncé le vendredi 15 septembre au Rex, où sera projeté encore en avant-première Une année difficile, réalisé par Eric Toledano et Olivier Nakache, avec Pio Marmaï, Jonathan Cohen, Noémie Merlant, Mathieu Amalric, Grégoire Leprince-Ringuet.

Ce duo de réalisateurs avait déjà réjoui le public du Rex avec notamment Hors-normes qui avait été présenté en clôture du 18ème festival paysages de cinéastes. Après avoir abordé le handicap avec ce film et Intouchables, ils s’attaquent au surendettement dont il vont parler à leur manière et avec humour.

Avec une ouverture et une clôture avec une comédie, la 21e me édition de Paysages de cinéastes devrait nous faire du bien.

jeudi 7 septembre 2023

Ouverture du Festival de l’Orangerie de Sceaux avec le pianiste Jean Baptiste Fonlupt

Ce soir avait lieu à 20 heures le concert d’ouverture de la 54ème édition du festival des Concerts de l'Orangerie de Sceaux avec un magnifique récital de piano de Jean-Baptiste Fonlupt.

Son interprétation a été extraordinaire. Ses doigts virevoltaient sur les touches pour rendre la moindre émotion de trois transcriptions d’opéra de Giuseppe Verdi (1813-1901) par Franz Liszt (1811-1886). Nul besoin d’être spécialiste pour en saisir le niveau de difficulté, et du coup apprécier la technique de l’artiste. Nous avons écouté successivement :
Ernani, paraphrase de concert S. 432 que l’on a entendu comme une danse
- Danse sacrée et duo final S. 436, transcription de Aïda, un morceau plus lent, très développé, avec une évidente note d’orientalisme
- Elsas Brautzug Zumba Münster de Lohengrin S 445 Ouverture de Tannhaüser, offrant beaucoup de subtilité.

Le pianiste a ensuite interprété Petrouchka d’Igor Stravinsky (1882-1971), joyeux, vif, enlevé, rapide, sautillant; Romeo et Juliette, Opus 75 no.10 « Romeo et Juliette avant la séparation » de Sergueï Prokofiev (1891-1953), alternant douceur et puissance et enfin La valse de Maurice Ravel (1892-1937).

Vélocité, délicatesse, subtilité, expressivité du jeu … alternant puissance et infinie douceur. Et sans jamais le secours d’une partition, que ce soit Verdi, Stravinsky, Profofiev ou Ravel. Je comprends que les critiques musicaux s’accordent à être dithyrambiques à son égard et placent ses disques en tête de liste.

Le public a été conquis, oubliant de toussoter ou d’agiter un éventail malgré une canicule accablante. Et a été heureux de bénéficier en rappel d’une autre pièce de Ravel, très différente de la précédente, et plus romantique.

Né en 1976, Jean-Baptiste Fonlupt a étudié le piano au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris auprès de Bruno Rigutto et de Georges Pludermacher. Il s’est par la suite perfectionné au Royal Collège of Music de Londres auprès de Yonty Solomon, à Berlin à la Hochschule Hanns Eisler avec le pianiste allemand Michael Endres et au Conservatoire Tchaïkovsky de Moscou dans la classe d’Elisso Virssaladze.

Interprète de tous les styles de musique, de Jean-Sébastien Bach à la musique contemporaine, il met également en avant des répertoires moins connus, comme les Apparitions de Franz Liszt ou les sonates pour piano de Carl Philipp Emanuel Bach.

Il joue pour des festivals en France et à l’étranger, tels que le festival de la Roque d’Anthéron, la Folle Journée de Nantes, le festival de Nohant, l’Esprit du Piano à Bordeaux, les Lisztomanias de Châteauroux, le Piano aux Jacobins à Toulouse, les Solistes à Bagatelle, Liszt-en-Provence, Piano en Valois, le Festival défi Due Mondi à Spoleto (Italie). Il a joué en décembre 2016 le concerto pour piano de Jolivet avec l'orchestre du Mariinsky sous la direction de Valéry Gergiev et en novembre 2018 le premier concerto de Tchaïkovsky avec l'Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine sous la direction de Paul Daniel. Il a donné plusieurs récitals au Japon, notamment à Tokyo, à Gifu (Salamanca Hall) et à Shirakawa (Comines Center). Il se produit régulièrement en Chine.

Beaucoup d’autres concerts restent à découvrir comme le Trio Talweg le 15 septembre à 20 h, le Carnaval des animaux sud-américains à suivre en famille le 17 à 11 h avec la participation du comédien Elliot Janicot (si formidable dans tous les spectacles dans lesquels je l’ai vu), une projection le 22 à 18 h au Cinéma Trianon de Sceaux d’un documentaire sur le Quatuor Arod suivi de leur concert à 20 h 30 … et beaucoup d’autres.

Après une édition 2022 fort réussie, la programmation à découvrir sur le site de la manifestation est encore très belle cette année et le festival se déroulera jusqu’au 24 septembre.

mercredi 6 septembre 2023

Le Dernier Revival d’Opal & Nev de Dawnie Walton

J’essaie d’accorder une place prépondérante à la découverte de premiers romans. Même si la tâche est complexe, elle n’est pas insurmontable en France. Par contre débusquer des premiers romans étrangers est plus complexe dès lors qu’on est tributaire d’une traduction. Il est alors quasi impossible que ce ne soit pas un livre qui arrive en france précédé d’un succès dans son pays. Mais qu’importe.

Je viens de lire Le Dernier Revival d’Opal & Nev de Dawnie Walton, acclamé par la presse et le public, et qui est en cours d’adaptation en série TV pour HBO, produit par Ta-Nehisi Coates.
Première rédactrice en chef noire d’un célèbre magazine musical, Sunny S. Shelton tient un scoop : Opal & Nev, le duo mythique, se reforme pour un ultime revival, des décennies après leur dernier concert fracassant, à l’été 1970.
Comment Neville Charles et Opal Jewel, si radicalement différents, ont-ils pu bouleverser la scène rock, et comment tout a basculé ce soir-là ? Producteurs, stylistes, musiciens, tous ceux qui les ont côtoyés racontent qui ils étaient – et ce qu’ils sont devenus : lui, le songwriter britannique en quête de gloire, et elle, l’icône afro-punk avant l’heure, rebelle et survoltée…
Il n’est pas nécessaire d’adorer le rock’n’roll pour apprécier ce livre où le récit des faits, un peu à la manière d’une enquête policière, semble si vrai que j’ai plusieurs fois interrompu ma lecture pour vérifier si les personnages n’avaient vraiment pas existé. Cette impression est renforcée par l’introduction de faits historiques bien réels, souvent dramatiques quand ils sont liés à la conquête des droits civiques.

Étant française, vivant en France, et bien qu’il se déroule parfois dans notre pays des incidents racistes, je peux pas imaginer l’ampleur des haines qui se sont développées aux USA jusqu’à des crimes qui sont en fait des assassinats avec préméditation. Je connais l’histoire de la ségrégation. Je connais les engagements des grands leaders noirs mais j’ai été cueillie par celle que Dawnie Wilton a imaginée et qui semble a priori le résultat d’un mauvais concours de circonstances. Sous couvert de le présenter comme une biographie, elle nous offre un scénario extrêmement vivant qui donne la parole à de multiples personnages et qui nous plonge dans ce pays aux opinions si tranchées où l’on vous donne du « ma chérie » à tout bout de champ.

J’ai séjourné grâce à elle dans le Sud des Etats-unis, sucré au premier abord, mais avec, dessous, un goût aigre (p. 31) dans un pays où tout ce qui touche aux questions raciales est tellement complexe et profondément enraciné (p. 153). L’immersion a été totale.

Journaliste et romancière, Dawnie Walton est née dans les années 1970. Les thèmes de l’identité, du lieu et l’influence de la culture pop lui sont chers. Elle vit à Brooklyn et est originaire de Jacksonville, en Floride – à deux heures de route d’Eatonville, où est née Zora Neale Hurston, la soeur d’Opal.

Le Dernier Revival d’Opal & Nev de Dawnie Walton, traduit de l’anglais (États-Unis) par David Fauquemberg, Editions Zulma, en librairie depuis le 17 août 2023

mardi 5 septembre 2023

La maison des histoires de l'Ecole des Loisirs

J'ai fait connaissance avec la Maison des histoires mercredi dernier et j'ai été enchantée.

J'ai découvert l’exposition permanente. Je me suis installée dans la tente-bibliothèque pour y lire confortablement. J'ai assisté à deux des fameuses "lectures surprises" et j'aurais même pu y prendre un café car l'endroit a conclu un partenariat avec la boulangerie Poilâne dont le fournil est situé exactement de l’autre côté du mur… rue du Cherche-Midi.

La Maison des histoires est un musée à jouer pour les 0-7 ans, niché au fond de la librairie Chantelivre récemment rénovée aux couleurs du Jardin du Luxembourg, où la magie opère en transformant plusieurs albums emblématiques de l'Ecole des loisirs en terrain de jeux pour les enfants, dans l'esprit de ce qui se fait déjà avec grand succès dans les pays scandinaves, et en particulier la Suède.

Bien sûr, il faut réserver un créneau car ce type d'organisation est structuré et ne pourrait pas s'accommoder d'une entrée libre.

Une fois admis derrière les portes de la grande cabane, et après avoir placé son sac dans une caissette, accroché sa veste au porte-manteau, et retiré ses chaussures, c'est un monde fabuleux qui s'ouvre à vous et à vos enfants, ou ceux de vos amis.

Logique que cet univers ait choisi un trou de serrure comme logo.

On retrouve (ou on fait connaissance) avec le nid des poussins de Claude Ponti. Je rappelle que c'est à la naissance de sa fille, en 1985, que sa vocation pour l'écriture de livres pour enfants s'est déclenchée. Son premier, intitulé "L'album d'Adèle", a été publié en 1986, aux Editions Gallimard. Il a rejoint l'Ecole des loisirs dix ans plus tard avec Parci Parla et n'a jamais cessé de surprendre petits et grands, car les adultes sont les premiers fans de ses histoires.
On peut investir la cuisine de Cornebidouille où tout est prêt pour jouer à mijoter des potions magiques.  Les jeunes parents la reconnaitront puisque le premier ouvrage est paru en 2003, écrit par Pierre Bertrand et illustré par Magali Bonniol.
J'ai vu des mômes réjouis de se balancer d'un arbre à l'autre dans l'univers de Max et les Maximonstres, le grand succès de Maurice Sendak (1928-2012), un temps censuré aux Etats-unis. Ecrit en 1963, l’album est arrivé en France dix ans plus tard à l'initiative de l'Ecole des loisirs. J'y ai consacré un article particulier à l'occasion de la sortie du film éponyme.

lundi 4 septembre 2023

La légende de Vivien l’Ecossais, héros du festival des Embuscades de Cossé-le-Vivien (53)

La légende de Vivien l’Ecossais va clôturer la série d'articles sur la Mayenne. J'espère vous avoir fait partager mon intérêt pour ce département au travers de cette trentaine de publications.

J’ignore si la proximité avec l’Etrange musée de Robert Tatin a inspiré les habitants mais il se trouve que ce village de Cossé-le-Vivien est orné de la statue d'un étrange personnage.

Je le précise illico. L'histoire est totalement fantaisiste, mais revendiquée et assumée puisque sa biographie inventée et rédigée par Pierrot des roulottes, de la Compagnie du Rideau attelé, figure sur la plaque apposée au verso de la stèle de la statue :
Vivien l'Ecossais (Vivian Gordon Mc Urquart Loch Nenas, dit …) barde scottish né à Drummadrochit (Haute écosse) le 1er avril 1381, disparu à Cossé-le-Vivien (Mayenne, France) le 30 septembre 1405.

Esprit radieux et résistant même à haute température, ce héros farceur de la Guerre de Cent Ans s'établit en Mayenne où il délivra du joug anglais les douze paroisses de Gastines, la Chapelle Caronnaise, Quelaine, Saint Gault, Laubrières, Courbeveille, Cosmes, Saint-Poix, Métal, Simplé, Cuillé et Astillé, avant de fonder la ville qui allait porter son nom.

"Ses armes n'étaient ni de poings ni de fer; plutôt cornemuse et chants, histoires et danses, bel art et humeur, bonnes chaires et bonnes bouteilles".

Le territoire indépendant et festif qu'il libéra fut baptisé EMBUSCADIE.

Suite à l'assaut terrible que lancèrent sur lui les hordes anglaise au soir de la Saint Jérôme 1405, il disparut en Géographie Verticale, avec l'ensemble de son domaine. La légende rapporte qu'il réapparait encore régulièrement dans la contrée, au travers différentes manifestations spectaculaires et réjouissantes.
Je le soulignais au début de la publication de la série d'articles, la Mayenne est une terre de festival. Il était donc logique de faire honneur (aussi) à celui-ci. C'est le "père" spirituel des Embuscades, un festival de l'humour qui déroule à Cossé et dans les onze communes voisines et qui n'est pas à ses débuts.

La prochaine édition sera la 38 ème et se tiendra du 28 septembre au 14 octobre 2023.

dimanche 3 septembre 2023

Déjeuner pour moins de 20 € à Mayenne au Grand Hôtel

Plusieurs célébrités se sont régalées entre les murs du Grand Hôtel de Mayenne. Le client le plus illustre fut sans doute Antoine Blondin qui s'est inspiré du décor (de l'époque) pour écrire "Un singe en hiver",  prix Interallié en 1959. Le réalisateur Henri Verneuil l'adapta au cinéma en 1962 avec Jean Gabin, dans le rôle du propriétaire qui s'appelle Le Stella, et Jean-Paul Belmondo, dans celui de l'auteur. Il tourna en Normandie. Inutile donc de chercher la moindre ressemblance avec l'établissement actuel.

Je ne vais pas vanter la beauté de sa façade, et ce n’est pas cette photo que je place en tête de l’article mais la maison a de nombreuses autres qualités. Sa situation en bordure de la rivière, un très vaste parking privé, une décoration intérieure contemporaine et élégante, un personnel digne des grandes maisons, et une cuisine gourmande et de qualité à un prix plus que raisonnable puisqu’on peut, du lundi au vendredi, y déjeuner à moins de 20 € en prenant le menu "bouchon".

Vous ne serez pas étonné si je vous dis qu'il était complet le jour de ma venue. Il est donc prudent de réserver.

Ce menu offre un large choix de plats avec en plus toujours trois suggestions par jour, élaborés à partir de produits frais de saison, et prodigieusement raffinées.

En entrée j'aurais pu opter pour la Terrine de campagne maison et sa confiture d’oignon ou une Aubergine confite et saumon poché, chutney de tomate. Ce fut le Gaspacho de tomate sorbet concombre.
Cette soupe froide est délicieuse, pas du tou acide, relevée d’un trait de balsamique, et parsemée de graines de sésame torréfiées. Le sorbet est presque sucré, apportant un contraste heureux. Le pain croustillant est servi tiède, indispensable pour ne rien perdre de l'assiette.

En plat nous avons un Dos de lieu noir, jus au lait coco et citronnelle, ou un Cœur de rumsteck (VBF) au poivre de Voastsiperifery et encore un Filet mignon de porc en aigre doux de framboises. J'ai retenu la suggestion du chef, une Épaule de veau à la moutarde, qui est arrivée comme il se doit sur une assiette brûlante.
La composition est montée sur une brunoise de petits légumes fondants, une purée fine de carotte, un morceau de viande ultra-fondante recouverte d'une  sauce moutarde. Des pommes de terre rôties au thym complètent le plat dans un jus "glacé" miroir.

Je ne me suis pas laissé tenter par l'option Salade et fromages. J'ai sans doute eu tort car hormis la tomme d'Entraves de mes petits-déjeuners je n'aurai pas gouté aux fromages mayennais de tout mon séjour. Comme dessert j'ai hésité entre le Gratin de fraises à la vanille et l'Abricot caramélisé crème de pistache et crumble pour finalement choisir la suggestion du jour, Macaron coco, praliné, orange sur un coulis de fruits rouges. C'est frais, fruité, léger.
J'ai souligné plus haut la qualité du service. Elle se manifeste par des attentions comme le fait de remplir votre verre d'eau même si vous n'avez commandé qu'une carafe, par le débarassage de la corbeille de pain avant d'apporter le dessert et en passant le ramasse-miettes (il est si rare qu'on "fasse les miettes" dans un restaurant qu'on peut le noter) , vous apporter pour le dessert non seulement une cuillère mais aussi une fourchette, sans que vous ayez à le demander.
Tout était parfait, jusqu'au café qui est plus qu'une simple tasse, servi dans le salon adjacent. C'est (presque) un café gourmand, avec un choix de sucres, et un mini cannelé tiède.

Des plats encore plus raffinés, voire plus gastronomiques encore, sont au menu "terroir"comme le Tataki de thon, jus gingembre citron, aubergine confite ou les Gambas rôties au basilic, sorbet tomate et pesto. Suivent  par exemple un Filet de lieu jaune au lait coco et citronnelle ou un Filet de veau au coulis de vins rouge et bais de Timut. Les desserts ne sont pas en reste avec un Gratin de fraises, choux glacé fraise basilic ou un Millefeuille abricot à la pistache glace vanille.

Il me semble aussi que des amuse-bouches sont servis en début de repas et que les fromages sont systématiquement proposés. Toutes mes félicitations au chef Jean-Luc Haudry !

Cela fait maintenant dix ans qu'il a repris cet Hôtel-restaurant avec son épouse Marcia après avoir vendu leur restaurant gastronomique situé à Domfront-en-Champagne, dans la Sarthe. Comme il a eu raison de revenir dans le département où il a suivi sa formation en restauration ,au lycée professionnel Robert-Buron de Laval.

Le Grand Hôtel
2, rue Ambroise de Loré
53100 Mayenne
02.43.00.96.00
http://www.grandhotelmayenne.com

Fermé le samedi midi et dimanche toute l'année, et du samedi soir du 01/11 au 30/04 (sauf en cas de réservation de groupes)

Fermé pendant le mois d'août et les vacances de Noël

samedi 2 septembre 2023

Déjeuner pour moins de 20 € à Sainte Suzanne au Caf & Couette

Je reviens de la balade des moulins juste avant la pluie et que des trombes d’eau s’abattent sur Sainte-Suzanne avec des déflagrations orageuses.

Il n’y a pas que les Nuits à devoir trouver une solution de repli. Il était prévu que je déjeune au Caf & Couette mais je trouve refuge dans le premier restaurant, le Café des tours, dont l’auvent porte un autre nom, Chez Denis. Il est en fait connu désormais son un troisième nom qui est … Caf & Couette. Je suis donc au bon endroit, qui fait restaurant depuis 1830 et je ne suis pas la seule à en connaitre l’adresse car la terrasse attire un monde fou. 

On refusera même du monde ce midi. Mon seul regret sera de ne pas pouvoir profiter de la terrasse. Par contre, la météo m’a permis d’apprécier sa décoration rustique, mais charmante, avec quelques notes noires qui tranchent avec les nappes de tissu à carreaux rouge et blanc.

Des formules culinaires courent au-dessus de la porte, écrites sur des ardoises. Je lis «Aux petits oignons» qui s’accorde avec la qualité des assiettes dont je vais ensuite me régale.  « C’est du flan! » par contre n’est pas exact car tout y est authentique.
Les tables voisines sont animées. J’aurais pu prendre une Marmite de moules frites au chorizo ou marinières. Ou une Assiette du boucher combinant trois tendretés différentes : merlan, poire et onglet.
Je choisis les Lasagnes, ricotta, épinards frais, crème de parmesan, salade, que je vais accompagner d’une Goudale à la pression, parce que ce n’est pas fréquent de s’en voir proposer, et en dépit des bières locales qui sont proposées.

Les plats sont pour la plupart servis sur ardoise, un matériau local sur lequel je reviendrai en vous racontant ma visite du Musée de l’ardoise qui se trouve à Renazé, tout au sud du département.
Le piano mécanique, noir, au fond de la salle est muet mais j’entends une musique douce, un poil nostalgique. Je reconnais la mélodie de "Que Sera, sera" dont l'actrice Doris Day fut l’interprète inoubliable pour Alfred Hitchcock en 1956. Il choisit cette blonde américaine trentenaire pour endosser le rôle émouvant d'une mère dont l'enfant est enlevé par des espions venant du froid dans L'Homme qui en savait trop (The Man who knew too much) aux côtés de James Stewart et de Daniel Gélin,. Assise au piano elle chante cette mélodie pour avertir son fils de sa prochaine libération. Le morceau, signé Jay Livingston et Ray Evans, obtiendra l'Oscar de la meilleure chanson originale.

Les clients, fidèles ou de passage, ne cessent de tenter leur chance pour obtenir une place. Parfois ça marche quand une table vient de se libérer. Par contre, en cuisine, il n’y a plus du tout de plats du jour. Carole fait preuve d’imagination avec les légumes et les fruits qu’elle a sous la main et quelques petites autres bonnes choses. L’assiette sera végétarienne, mais non moins appétissante et copieuse.
J’hésite pour le dessert. La Tatin est belle mais, pour avoir longtemps vécu en Région Centre, je connais trop cette spécialité solognote. La Tarte citron et le Fondant au chocolat, joliment présentés sur ardoise, ne me tentent pas davantage.
Ce sera une Crème brûlée, dont je briserai la fine croute en songeant à l’héroïne d’un autre film, Amélie Poulain.
Caf & Couette est pour sûr une bonne adresse. Après m’être régalée, je ne doute pas que le Fish & Chips du vendredi soir soit devenu un rituel pour de nombreux habitués. Je suis certaine que le Boeuf bourguignon et les Tajines d’agneau ou de poulet aux citrons confits soient tout autant réussi, comme le Pot-au-feu.

On dit que ces plats appartiennent au répertoire de nos grands-mères mais ils ont encore de beaux jours devant eux. Et Carole Goutelle a grandement raison de les inscrire sur sa grande ardoise. Comme Charline qui assure le catering des Nuits, elle est cuisinière suite à l’envie de changer d’orientation professionnelle, après une vingtaine d’années à avoir travaillé dans le monde des assurances.
On ne croirait pas qu’elle soit autodidacte en cuisine, et suzannaise d’adoption parce qu’elle connait sur le bout des doigts l’un et l’autre sujet. Evidemment, elle aussi cuisine essentiellement local et elle s’approvisionne auprès de producteurs de la région.
Elle conseille de visiter Sainte-Suzanne, bourgade aux multiples labels, donnant moult idées de balades, quitte à y rester quelques jours. Ça tombe bien, on peut même dormir chez elle puisqu’elle a aménagé une chambre d'hôtes pour 2 personnes et une chambre familiale pour 3.
Le Caf & Couette
3, rue Henri IV - 53270 Sainte-Suzanne

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