Je ne me souviens plus sur quelle chaîne de télévision j’ai pris en marche une émission où il était question de Bernadette Chirac et de sa manière bien à elle de considérer la vie politique. C’était vif et passionnant et j’ai pensé que les journalistes étaient en pleine promotion du film qui vient de sortir en salle sur cette grande dame. J’ai alors remarqué la date de première diffusion, remontant à plusieurs années.
Quand la réalité dépasse l’imagination, la fiction est forcément crédible. Bernadette m’a donc totalement convaincue. Tout y est criant de vérité, décor, costumes, répliques. Et surtout tout est drôle sans être vraiment moqueur. Ce film est un petit bonbon qui se déguste avec délice et qui tient la promesse jusqu’à la dernière image.
Une vraie comédie (vraie de surcroît) c’est si rare qu’il faut le souligner. On frôle presque le film d’époque même si la réalité historique est un peu secouée. Il y a tant d’épisodes insensés qui se sont pourtant déroulés comme la
Et puis c’est adorablement féministe. On assiste à la revanche d’une femme utilisée par son mari (et par une de ses filles) et qui réussit à s’émanciper de sa pression. D’autres se sont sauvées de l’Elysée. Pas elle qui parvient à faire intelligemment front. Et qui, côté vie (très) privée n’a pas vécue sur un tapis de roses, n’en déplaise à l’affiche. Le handicap de leur fille aînée fut un drame pour les Chirac et je n’ai pas du tout trouvé indécent qu’on nous le rappelle. Comme quoi on peut être président(e) et avoir les mêmes soucis que tout un chacun.
Le travail des comédiens contribue pour beaucoup au succès. Michel Vuillermoz est davantage qu’une silhouette ressemblante au modèle. On a furtivement l’impression de revivre la fougue légendaire de Jacques Chirac. Catherine Deneuve est prodigieuse car tout en restant elle-même (on n’est pas dans le grimage) elle suggère la « vraie » Bernadette avec un infime décalage qui nous rappelle que nous sommes bien dans el registre de la comédie et pas dans celui du documentaire. Encore moins du procès à charge même si l’intransigeance de la fille, Claude (Sara Giraudeau), révèle ce que sa mère a sans doute enduré, même si elle lui conserve beaucoup d’amour.
Laurent Stocker a entrepris une jolie transformation pour suggérer Nicolas Sarkozy. Dommage que la chronologie historique aurait été bousculée mais j’aurais adoré que Carla Bruni (qui est aussi actrice, ne l’oublions pas) fasse une apparition. Artus est un David Douillet plus vrai que nature. Olivier Breitman (Karl Lagerfeld) nous offre une jolie scène de relooking, dont on se doute qu’elle a été inventée pour la cause.
Je n’ai pas connu le conseiller en communication Bernard Niquet et je ne peux pas juger de la ressemblance éventuelle avec Denis Podalydès, bon comédien, égal à lui-même. Par contre François Vincentelli m’a emballée en Dominique de Villepin. Les ennemis de Bernadette en prennent pour leur grade et en ce sens on ne peut vraiment pas qualifier le film de portrait à charge à son encontre.
Bref je veux bien croire qu’avec sa co-scénariste Clémence Dargent, Léa Domenach a lu et regardé tout ce qui était possible sur le couple Chirac avant de prendre quelques libertés, et heureusement. Elle a été baignée dans le journalisme politique (son père est Nicolas Domenach) et cela reste perceptible.
On sait depuis longtemps que si Jacques était amateur d’arts premiers elle était collectionneuse de tortues, ce qui lui avait même valu un surnom. Cet animal a de multiples qualités qu’on peut aussi lui imputer. On ne s’étonne pas que l’excitation d’un Dominique de Villepin l’ait agacée, surtout avec sa merveilleuse idée de dissolution de l’Assemblée (1997) qui lui valut ensuite ke surnom de Néron. En 2002, le président reconnaîtra aussi que Bernadette aura été la seule à l’avoir alerté sur le danger du Front National. Sur ces deux points le film rend hommage au flair politique de la Première dame.
Il est tout à fait exact aussi que Bernadette n’apparaît pas sur la photo d’investiture de 1995, et qu’elle était rarement proche de son mari lors des réceptions et garden-party de l’Élysée. Ce qui est fort c’est d’avoir rendu l’humour de cette femme qui ne s’en vexait jamais. Une chose est sûre, Bernadette Chirac aura réussi à se faire un prénom et une place dans un monde encore très marqué par la misogynie. Aurait-elle ouvert une brèche ?
Quant à l’aspect plus privé, les infidélités du président étaient notoires tout comme la vertu de son épouse (on n’en dirait pas autant d’une autre dont l’amant-prof de gym vivait à l’Elysée. Le jour où on fera son biopic j’imagine que ce sera plus cinglant que ce qu’a écrit Léa Domenach, et sans nul doute beaucoup moins drôle). La maladie de leur fille fut longtemps cachée mais on sait aujourd’hui comment est née l’opération Pièces jaunes.
Le spectateur n’est pas un enfant de chœur. Il se doute que Sarkozy n’aura pas écouté les conseils de Bernadette dans un confessionnal. Mais ne croyez pas que l’imagination des scénaristes soit démesurée. Bernadette a effectivement songé à faire entrer un ours dans le salon où se tenait un Conseil des ministres pour lire la réaction de Villepin sur son visage.
Si elle arriva un peu trop traditionnelle au début du premier mandat, elle quitta l’Elysée transformée. Il est en quelque sorte justice de montrer comment une femme réussit à obtenir la place qu’elle mérite après avoir œuvré dans l’ombre d’un homme. Qu’elle soit devenue une figure médiatique incontournable est une magnifique revanche. Et un exemple.
Bernadette, le film de Léa Domenach
Avec Catherine Deneuve, Denis Podalydès, Michel Vuillermoz, Sara Giraudeau, Laurent Stocker, Emilie Pierson, François Vincentelli, Olivier Breitman …
Sortie le 04 octobre 2023
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