Voilà une lecture idéale pour la période d'Halloween et je suis heureuse d’avoir frissonné avec qui plus est un premier roman car il n’est pas fréquent d’en disposer en littérature étrangère.
La maison aux sortilèges raconte le destin croisé de trois femmes extraordinaires séparées par quatre siècles :
- 1619. Altha connaît les secrets des plantes, savoir ancestral transmis de mère en fille. Nombreux sont les villageois à venir lui demander de l’aide. Pourtant, quand un fermier meurt piétiné par son troupeau, tous la pointent du doigt et l’accusent de sorcellerie.
-1942. Alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage, Violet est cloîtrée dans le grand domaine familial, étouffée par les conventions sociales. Elle vit avec le souvenir de sa mère, dont il ne lui reste qu’un mystérieux médaillon et une inscription étrange sur le mur de sa chambre.
- 2019. Kate fuit Londres pour se réfugier dans une maison délabrée dont elle a hérité. Avec son lierre dégringolant et son jardin envahi par les mauvaises herbes, ce havre de paix la protège de son compagnon violent. Kate sent toutefois qu’un secret s’y tapit…
Malgré la présence d’une corneille (dont la mention apparaît p. 32 et dont on comprendra que l’animal est un personnage essentiel du livre) et de multiples insectes (qui eux aussi auront leur rôle à jouer) la couverture n’est absolument pas angoissante et donne envie d’ouvrir le livre. Elle exerce une sorte de fascination tant l’illustration est riche et poétique.
Pourtant le titre français induit un peu trop -me semble-t-il- le sujet même si le mot sortilèges est plus romantique que celui de sorcières. La maison est effectivement un élément central mais en indiquer simplement le nom comme c’est le cas dans le titre anglais, Weyward, est plus mystérieux. De plus le mot signifiant rebelle, à l’écart était à la fois plus riche et moins explicatif. Il était en outre porteur d’une référence subtile à Macbeth, le drame shakespearien dans lequel évoluent trois sœurs maléfiques.
Les descriptions que l’auteure fait de la nature sont belles et à connotation magique si bien que le roman devient vite envoûtant, répondant à la promesse contenue dans le titre. Il est très émouvant dès lors qu’on commence à connaître ces trois femmes dont on comprend vite que leur existence sont liées, ne serait-ce que pour avoir vécu dans la même maison. Par contre, et c’est un des aspects intéressants de la construction narrative, il est longtemps impossible de déterminer si le lien est positif (on le souhaite) ou négatif. Le terme de sortilège est d’ailleurs plus large que celui de sorcière. Ce n’est qu’à partir du dernier quart qu’on le saura avec certitude alors qu’il glisse vers le roman policier.
Je me suis laissée embarquer dans ce conte moderne, viscéralement féministe, où les femmes disposent d’un pouvoir considérable qui ne les protège hélas pas beaucoup de la violence des hommes. La plupart d’entre eux s’y révèlent de redoutables prédateurs, au sein du foyer, de la famille, de la société. On aimerait que les temps changent pour de bon, que les femmes cessent d’être des victimes et qu’elles puissent enfin se réaliser pleinement, en êtres libres. A ce titre Émilia Hart nous offre un superbe plaidoyer qui pourra se lire comme un conte moderne, inspiré du Jardin secret des frères Grimm.
Emilia Hart est une autrice vivant à Londres. La Maison aux sortilèges, son premier roman, s’est immédiatement classé dans les listes des best-sellers aux États-Unis et au Royaume-Uni. Il est en cours de traduction dans vingt pays.
La maison aux sortilèges d'Emilia Hart, traduit de l'anglais par Alice Delarbre, Les Escales, en librairie depuis le 28 septembre 2023
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