Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

dimanche 30 septembre 2018

Berlin, Paris, Broadway, les chemins de l'exil...

J'ai assisté, dans le charmant Théâtre de Nesle, à un spectacle musical intitulé Berlin, Paris, Broadway qui est un petit bijou de virtuosité, de cohérence et d'intelligence.

L'équipe a fait le choix de ne pas sonoriser et il est immensément agréable d'entendre la voix de Julie Horreaux de manière naturelle. Elle est capable d'humour et d'une multitude d'intensités, y compris bien sûr la voix parlée.

Le parti pris artistique d'associer le piano et le violoncelle est hardi et pleinement réussi car le recours à cet instrument donne davantage de relief. Il fallut créer les arrangements spécialement puisque les chansons n'ont pas été prévues pour être accompagnées d'un violoncelle. Elles ont été initialement écrites pour chant et piano. A part "Dream with me", écrite par Bernstein pour piano, voix et violoncelle, et les arrangements des Kosma, qui sont de Philippe Barbey-Lallia, l'équipe joue ses propres arrangements. 

Les trois artistes n'ont pas choisi la facilité en commençant le récital par des chansons en allemand, même si on en comprend l'intérêt puisqu'il s'agit des paroles originales de Kurt Weill pour illustrer la première partie, consacrée à Berlin des années 20.

Pour évoquer ces temps de révolte berlinoise nous avons entendu d'abord Berlin im licht, dont les paroles et la musique sont de Kurt Weill qui prévient :
C'est pas un p'tit bled tranquille, Berlin
C'est une sacré ville !

Vient ensuite  le Lied von den  braunen inseln, sur des paroles de Lion Feuchtwanger et une musique de Kurt Weill qui décrit "des îles brunes où les hommes sont méchants et les femmes malades". Vier Wiegendlieder raconte, avec des paroles de Bertold Brecht et une musique de Hanns Eisler, l'histoire d'un combat pour rendre son enfant aguerri aux difficultés de la vie.
Suivront quelques autres chansons de Brecht puis la deuxième partie honorera le Paris des années 30 en commençant par le célèbre poème de Jacques Prévert, Grasse matinée, et son terrible début : ll est terrible l
e petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain. Il est terrible ce bruit
 quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim
 ...

samedi 29 septembre 2018

Cuisine et confessions à ! Bobino

Le spectacle a commencé bien avant que le premier spectateur ne prenne place dans la salle. Les comédiens sont déjà en place, affutent leurs couteaux et organisent le plan de travail.

Cuisine et confessions est un spectacle peu ordinaire alliant la cuisine à des confidences ... et au cirque. On croit voir des cuisiniers mais ce sont des circassiens. Ils le prouveront bientôt brillamment. Mais pour le moment c'est l'accueil du public qui prime. 

Une comédienne descend pour démarcher une spectatrice et la convaincre de monter tout à l'heure sur la scène pour l'aider à préparer un bon petit plat.

Une autre, pieds nus, short turquoise, lance des bonbons à la volée à condition qu'on ait découvert leur couleur. L'animation est forte. Les artistes interrogent, s'assoient à coté de vous, prennent des notes dans un petit carnet alors qu'une musique sud-américaine donne furieusement envie de se lever et de danser.

Sur le réfrigérateur sont affichés des cartes postales de chaque ville où le spectacle a été présenté et que les artistes colllectionnent. On remarque qu'une d'elles écrit à la craie sur un grand tableau. Ce n'est pas une recette mais la liste des numéros du spectacle et chacun viendra rayer au fur et à mesure ceux qui auront été effectués.
La troupe est cosmopolite, avec un canadien, un sud-américain, un finlandais ... En  2017,  le  spectacle aura été joué en anglais, italien, espagnol, russe, allemand, suédois et français car il est essentiel que le public comprenne et puisse s'impliquer.

La scénographie a été conçue par la designer Ana Capellutto à partir des photos des cuisines d’enfance des artistes et/ou de leurs rêves. Ils ont même été sollicités pour placer dans le décor des objets personnels afin d'instaurer une certaine intimité.
Ce sont des jongleurs aguerris et les instruments de cuisine sont les premiers objets qu'ils font voler alors qu'il est question de pancakes à réchauffer et à déguster avec du sirop d'érable, "comme à la maison".
Ils sont très fort en portées et l'acrobate en tissu aérien a une vraie compétence. Celui qui joue avec le diabolo est époustouflant. Ils sont aussi contorsionnistes et musiciens.

vendredi 28 septembre 2018

Pourvu qu’il soit heureux, une comédie de Laurent Ruquier

Malgré ses faiblesses (le changement de point de vue entre le père et la mère est un peu manichéen) j'ai beaucoup aimé Pourvu qu'il soit heureux.

Les dialogues écrits par Laurent Ruquier sont un peu clichés. C'aurait été difficile de les éviter même s'il force le trait en donnant à ses personnages des prénoms très conventionnels. Claudine est ultra conformiste (on pense à Claudine à l'école de Colette) et s'appeler Maxime conditionne une forte exigence. Quant à Camille, prénom épicène, plus féminin parait-il que masculin d'ailleurs.

Mais le jeu de Francis Huster (le père) et de Fanny Cottençon (la mère) est néanmoins fort naturel. Parce que les idées reçues sont malheureusement plutôt banales. Nous les avons tous entendues autour de nous.

Ils sont maladroits dans leur tentative à "bien faire" et laissent échapper des remarques qui font rire. La mère ne peut se retenir de clamer sa fierté de voir son fils dans les journaux ... et pourtant c'est une feuille de chou d'une presse à sensation.

On rit beaucoup tant ils sont stupides ... mais néanmoins touchants dans leur volonté de bien faire. Les arguments invoqués pour convaincre son conjoint sont maladroits, forcément. Les quinze ans qui séparent le mari est la femme ne sont pas un gage de sagesse quand ils considèrent la différence d'âge entre leur fils et son ami.

Chacun se sent fautif de l'orientation sexuelle du garçon alors qu'il n'y a pas de coupable puisqu'il n'y a pas de faute.

jeudi 27 septembre 2018

Misery de William Goldman d’après le roman de Stephen King

J'avais a-do-ré le film de Rob Reiner, qui avait été un vrai choc en février 1991. Le couple composé par James Caan dans le rôle de l'écrivain Paul Sheldon et Kathy Bates dans celui d'Annie Wilkes,  l'infirmière maléfique me semblait inégalable.

Et pourtant je jurerai aujourd'hui qu'on ne peut pas imaginer mieux que Francis Lombrail et Myriam Boyer.

Avec une histoire conçue par un maitre du suspense (Stephen King), une adaptation cousue main par Viktor Lazlo, un décor (de Jean-Pierre Laporte) très intelligemment suggestif d'une Amérique "provinciale", conformiste et éloignée de tout, des éclairages adéquats, et pour cause puisque c'est le metteur en scène Daniel Benoin qui les a réalisés (qui a lui-même mis en scène et joué la pièce il y a quinze ans dans une autre adaptation), et deux grands comédiens ... le succès est assuré, et mérité.

Maintenir le suspense pendant près d'une heure trente demande beaucoup de soin. Et ça commence par la tempête de neige qui a (aurait ?) causé l'accident de Paul Sheldon, le romancier et créateur du personnage de Misery. Prise dans un violent blizzard, sa voiture a dérapé sur le verglas et est tombée dans un ravin. Les bourrasques sont perceptibles à jardin et on ressent quasiment le froid d'un hiver qui promet d'être terrible. Il faut aussi citer le recours intelligent à la vidéo (Paolo Correia) pour suggérer ce qui n'est pas montrable et entretenir l'angoisse, à commencer par nous faire vivre l'accident.

Par chance (fatalité ?) l'écrivain a été secouru par sa plus grande fan (fanatique) qui se trouve être infirmière. Le public assiste à son réveil dans le chalet isolé. Rien de mal ne peut vous arriver. Pas avec Annie près de vous. Je suis votre fan numéro 1.

mercredi 26 septembre 2018

Le bonheur au quotidien de Florian Hessique

Ce petit théâtre Daunou est une fort jolie salle. On y découvre un homme (Florian Hessique), répétant un discours pour fêter la victoire aux élections municipales sur la maire sortante... laquelle (Dominique Frot) est en fait en train d’entrer en catimini dans une flamboyante tenue turquoise (les costumes d'Edith Vesperini sont flamboyants).

L’employé est pris sur le fait. La "vieille" n’apprécie pas, on s’en serait douté. L'homme est raillé et traité d'idéaliste. Apprenez à vous méfier de tout le monde, lui dit-elle en forme de menace. Alors qu’on le pensait plus fort qu’elle la situation se retourne par le biais d’un chantage. La vie c’est comme la politique, il faut savoir trancher et la démonstration est sans appel.

Second tableau, elle est médecin mais ne sacrifierait pas une partie de golf pour rien au monde, même pas pour un malade en phase terminale. Ses vacances passent avant tout.

Plus tard ce sera La Poste puis Pôle Emploi qui seront dans le viseur, avec sans doute quelques aménagements dans le texte quand on entend le conseil de traverser la rue pour trouver un travail. On pense évidemment à la petite phrase présidentielle qui renforce la mauvaise foi administrative.

L’humour est au rendez vous dans ce spectacle où Florian Hessique a composé avec un humour grinçant une critique sévère de la société mais sans oublier de la saupoudrer d'un soupçon de tendresse. Il en émane une réflexion philosophique : il est vrai que le temps qui passe ne guérit de rien. Tous les sujets sont bons malgré tout pour faire rire, même avec Alzheimer.

On ne voit pas le temps passer auprès de ces deux excellents comédiens.

Le bonheur au quotidien de Florian Hessique
Mise en scène Michel Alexandre
Avec Dominique Frot et Florian Hessique
Au Théâtre Daunou 7, Rue Daunou, 75002 Paris, Téléphone : 01 42 61 69 14
A partir du 6 septembre 2018
Du mardi au samedi à 19h00

mardi 25 septembre 2018

La légende d'une vie de Stefan Zweig au Théâtre Montparnasse

J'ai vu La légende d'une vie il y a quelques semaines à peine dans une mise en scène "resserrée" au Lucernaire mais il y a peu de risque à me répéter. Certes, la trame est la même, mais le décor, la richesse des costumes et la mise en scène en feraient presque un spectacle différent.

La version vue cet été se concentrait sur le rapport entre le frère et la soeur Clarissa (Valentine Galey). Exister en tant que fils et artiste est une voie étroite sur laquelle avance Friedrich (Gaël Giraudeau), le fils de l’illustre Franck.
Mais c'est davantage la place de Maria, l'ancienne amie du père, incarnée par Macha Méril qui se présente comme un "fantôme du passé" qui pèse sur le plateau, face à la veuve du poète, Leonor, autoritaire et intransigeante gardienne de l’œuvre poétique de son époux, interprétée par Natalie Dessay. Inutile de se voiler la face, un des plaisirs de la soirée est d'assister à la confrontation entre les deux femmes et tout est mis en oeuvre pour qu'elles en sortent gagnantes l'une comme l'autre.
Rappelons l'intrigue : Vienne, 1919. Un jeune auteur cherche à exister indépendamment du souvenir de son père, poète devenu icône nationale. Le jeune homme étouffe dans la maison familiale où tout est organisé par sa mère, femme autoritaire et intransigeante, autour du culte du grand homme. C’est alors que revient au sérail une femme dont le secret pourrait libérer le jeune homme de son carcan.
Christophe Lidon, le metteur en scène, dit avoir cherché à installer ici l’ambiance incroyablement intense et redoutable d’une famille digne de Faulkner, les obsessions de Treplev dans "La Mouette" de Tchekhov et la puissance d’un Thomas Bernhard… Les thèmes que brasse la pièce sont l’écho fidèle de ce "monde d’hier" au déclin duquel Zweig ne voulut pas survivre: l’incidence des clivages sociaux et du culte du secret, la genèse des drames familiaux, la constitution de l’identité (comment construire sa propre identité face à un si lourd héritage ?), le glissement de la vérité déformée vers le mensonge affirmé, et, bien sûr, le thème central de l’héritage spirituel : Peut-on réécrire la vie de l’autre jusqu’à construire une légende ?

La pièce est un subtil match psychologique où Bürstein (Bernard Alanele biographe du défunt, et ami de la famille semble maintenir chacun sous influence.
La légende d'une vie de Stefan Zweig
Traduction de Jean-Yves Guillaume, et adaptation de Michael Stampe
Mise en scène de Christophe Lidon assisté de Natacha Garange
Avec Bernard Alane, Natalie Dessay, Valentine Galey, Gaël Giraudeau et Macha Méril
Décor de Catherine Bluwal
Costumes de Chouchane Abello-Tcherpachian
Musique de Cyril Giroux
Lumières de Marie-Hélène Pinon
Du mardi au samedi à 20h30
Matinées le samedi à 17h00 et le dimanche à 15h30
Au Théâtre Montparnasse - 31 Rue de la Gaîté - 75014 Paris - 01.43.22.77.74
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Jeep Stey

lundi 24 septembre 2018

Au plus noir de la nuit de André Brink, mis en scène par Nelson-Rafaell Madel

Le plateau est nu, étrangement planté de supports qui servent à accrocher des éclairages. Les comédiens traversent l'espace scénique. Une femme avance. Un homme recule. Hésitants. Dansants.

Il s'appelle Joseph Malan. Il est noir, et est né en plein apartheid ; son ascendance a connu un destin à la fois pathétique et fascinant, et s’il grandit à la ferme, c’est au théâtre plus tard qu’il découvre la liberté… jusqu’à devenir comédien et remporter à Londres un certain succès. Elle s'appelle Jessica et elle est blanche. Ils ont vécu, malgré les interdits, une passion amoureuse. Dans la nuit du 13 avril Joseph aurait été aperçu dans l'immeuble où résidait Jessica. Elle a été assassiné cette nuit là et il est accusé.

Aujourd’hui, depuis la cellule où il attend un procès qui le mènera à la mort, Joseph fait revivre son passé, convoque les figures marquantes de son destin et s’interroge : quelle fatalité, mais aussi quelle soif de liberté, quelle révolte mais aussi quelles passions et illusions l’ont fait plonger Au plus noir de la nuit ?

La condamnation est inévitable mais l'enjeu sera pour Joseph (magistralement interprété par Mexianu Medenou, formé notamment à l'école du TNS) sera de comprendre qui il est, de se définir grâce aux pourquoi et aux comment de sa mort à elle. Le comédien est animé par l"urgence à raconter, avant le lever du soleil. 

dimanche 23 septembre 2018

Les mots pour le dire, adaptés pour le théâtre par Jade Lanza

Les Mots pour le dire était un roman autobiographique de Marie Cardinal paru en 1976 chez Grasset? C'est un ouvrage historique et fondateur sur la condition féminine. Ce témoignage a bouleversé des générations de femmes autour de son enfance maltraitée, des traumatismes générés et naturellement les conséquences sur sa vie d’adulte.

La psychanalyse n'était pas encore vulgarisée et le livre fut ce qu'on appelle un best-seller. Je l'avais lu à sa sortie et j'avais adhéré au propos. Je n'avais pas repensé, depuis, aux conséquences. Car s'il est désormais indéniable que le psychisme pèse sur la santé on aurait croire qu'il explique tout.

Sans être négative, il me semble qu'il faut prendre garde de ne pas conclure aussi hâtivement au pouvoir de la psychanalyse. Ce qui a marché pour l'auteure ne sera pas magique pour les femmes atteintes d'endométriose, une plaie qui reste tabou malgré les efforts de plusieurs personnalités (comme Imany ou Julie Gayet) pour lever le voile sur la souffrance de milliers de femmes qui subissent cette maladie comme un handicap très douloureux, invalidant et qui obère leur espoir de maternité, alors que, paradoxalement c'est en quelque sorte le meilleur traitement puisqu'elle met l'utérus au repos en le privant des oestrogènes qui nourrissent la maladie.

L'affiche est intrigante ... serait-ce la vison traumatisante d'un toucher vaginal ? Elle m'a en tout cas plutôt choquée même si je connaissais d'avance le propos du spectacle car je me souviens parfaitement de ma lecture.

samedi 22 septembre 2018

Le marché des Enfants-Rouges

Le 22 septembre 2018, les éditions Dans la boîte lancent un livre de cuisine et de photographies réalisé avec les commerçants du Marché des Enfants-Rouges, en partenariat avec la librairie Comme un Roman, la Mairie du 3ème et l'Agence des Enfants-Rouges.

L'événement aurait pu avoir lieu parmi les étals mais c'est la confortable librairie qui accueillit les fidèles du marché. En toute légitimité puisque elle est ouverte le dimanche matin à cause du marché et que les murs exposaient de nombreux clichés que Milomir Kovacevic a réalisés pour accompagner l'ouvrage.

On le voit, à gauche, sur la photo, à coté de l'éditrice Marie Taillan qui récidive en quelque sorte sur ce thème puisque c'est elle qui avait eu l'idée de faire un ouvrage sur le marché de Sète et qui a été publié l'année dernière également par les Editions Dans la boîte.

Préfacé par Jean Rolin et agrémenté de dessins de Topolino, il témoignait de la vitalité des halles sétoines, fraîchement rénovées, et offrait une tribune à chaque commerçant pour donner un secret de cuisine, une recette familiale, sucrée, salée, ultra simple ou très compliquée …

Marie aime la cuisine autant que les confidences. Ayant vécu dans le 3ème arrondissement, l'endroit lui est familier et ce second opus inaugure peut-être ce qui va devenir une série autour de l'idée de renforcer les liens qui existent entre les commerçants et leur clientèle, de promouvoir les produits frais, de qualité, de proximité, d'échanger autour d’une recette de cuisine et de transmettre aux jeunes générations ce qui ne doit surtout pas rester secret.

Pour concrétiser le projet il a fallu trouver un philosophe pour écrire la préface et ce fut Charles Pépin, et un photographe. Tous les avis ont convergé sur le nom de Milomir Kovacevic, dit Strasni dont l'oeuvre Sarajevo dans le coeur de Paris a marqué les esprits.

vendredi 21 septembre 2018

Plaidoiries, seul en scène avec Richard Berry

Plaidoiries est sans conteste un spectacle intéressant mais qui pêche cependant par une certaine faiblesse de mise en scène. Du coup tout repose sur le comédien qui n’était pas forcément en totale pleine forme le soir où je l’ai vu. J’étais accompagnée d’un avocat qui a debriefé la soirée de manière critique et qui m’a influencée.

J’ajouterai que ce spectacle aurait mérité un "prologue" expliquant la sélection des plaidoiries qui toutes sont assez anciennes et s’inscrivent donc dans un contexte socio-historique particulier. Malgré cela c’est un des spectacles que je conseillerai.

L'affiche frappe. Elle a le mérite de semer le doute sur l'issue de chaque plaidoirie qui peut conduire au succès comme à l'échec.

Il faut savoir, et le public l'ignore sans doute, que si les avocats préparent leur intervention ils rédigent très rarement leur plaidoirie à l'avance. Leur prestation est improvisée, prononcée devant un auditoire somme toute réduit, et il n'en subsiste ensuite aucune trace qu'un souvenir volatile chez ceux qui y ont assisté.

C'est cette empreinte que Matthieu Aron, chroniqueur judiciaire depuis vingt ans, spécialisé dans la couverture des grandes enquêtes criminelles et judiciaires. et aujourd'hui chef du service Politique/Justice de France Info, a voulu retenir en publiant Les grandes plaidoiries des ténors du barreau.

jeudi 20 septembre 2018

Simple de Julie Estève chez Stock

Le titre induit volontairement en erreur parce que Simple est une histoire compliquée. Je ne suis pas sûre d’ailleurs de l’avoir entièrement comprise.

Antoine Orsini, le narrateur, a une manière bien particulière de raconter ce qui lui est arrivé, dans un langage brut de décoffrage, sans filtre, si bien que lorsqu’il clame avoir tué la très belle Florence Biancarelli, personne ne pense qu’il s’exprime au second degré. Ça arrange tout le monde d’avoir un coupable comme lui sous la main. Le drame a eu lieu dans la nuit du 31 décembre 1986 et l’alibi que revendique Antoine est d’avoir dormi seul, sous-entendu sans la victime. Bien entendu l’argument ne convaincra personne de son innocence. Il sera condamné à une lourde peine de prison.

Antoine est comme on dit en Corse, un baoul, un crétin, un simple d’esprit, Ils pensent que je suis une maladie et ils s'inquiètent pour leurs mômes et la contagion (p.42).

Pourtant l'homme a beaucoup de jugeote, trop peut être... forcément il dérange. De là à le prendre pour bouc émissaire...

mercredi 19 septembre 2018

Cookies Fourme d'Ambert, poire et noix de Pecan

Nous sommes bien d'accord. Pas de cookies sans chocolat.

Mais on peut vraiment faire une recette qui sorte des sentiers battus en respectant malgré tout le goût fondamental de ces petits gâteaux. C'est ce que j'ai fait ce matin à l'atelier 750 g en utilisant un fromage que j'aime beaucoup, la Fourme d'Ambert.

Pour faire une quinzaine de gâteaux il vous faudra
100 grammes de farine
1/2 sachet de levure chimique
75 grammes de sucre
1 pincée de sel

Une fois mélangés on y ajoute 40 gramme de beurre fondu au micro-ondes puis 10 grammes d'huile de tournesol et un oeuf battu. On détend avec 3 cuillères à soupe de lait.

Mon conseil est d'ajouter un peu de farine de seigle et si nécessaire de détendre davantage avec du lait. Tout est question d'habitude. On peut aussi diminuer la quantité de sucre au profit d'un peu de miel.
On peut commencer à préchauffer le four à 170° (th 5-6)

On va alors ajouter les ingrédients qui donneront de la saveur aux cookies : une poire coupée en morceaux (assez gros) 50 grammes de noix de Pecan, autant de pépites de chocolat et 50 grammes de fourme d'Ambert. Il est assez important que le fromage soit bien réparti, quitte à ajouter de petits bouts ça et là dans les tas que vous aurez formés sur une feuille de papier sulfurisé, de manière assez espacée puisque la pâte va s'étaler à la cuisson.

mardi 18 septembre 2018

Sabine Weiss, Les villes, la rue, l'autre au Centre Pompidou

Au travers d'une exposition intitulée Les villes, la rue, l'autre, qui couvre la période 1945-1960, correspondant aux années confuses et précaires de l’après-guerre, le Centre Pompidou propose une nouvelle lecture des photographies de Sabine Weiss, appartenant à un courant injustement perçu comme "sentimentaliste".

Son œuvre riche et variée, dévoilant un regard inédit sur son travail à partir de ses propres archives, témoigne d’un engagement en faveur d’une réconciliation avec le réel. le salon de la photo lui rendait hommage en novembre 2014.

C'est une des photographes pour qui j'ai une grande admiration et que j'ai eu la chance de rencontrer plusieurs fois. Je la respecte autant pour son talent que pour son humilité.

Sabine Weiss a publié son premier reportage photographique à vingt et un ans, en 1945. À vingt-neuf, elle participe à l’exposition Post-War European Photography au MoMA New York et rejoint l’agence Rapho. Un an plus tard, l’Art Institute of Chicago lui consacre une exposition individuelle qui fera le tour des États-Unis. L’année suivante, en 1955, trois de ses photographies figurent dans l’exposition The Family of Man au MoMA. Sabine Weiss est aujourd’hui la dernière représentante du grand courant de la photographie humaniste.

Son œuvre riche et variée, dévoilant un regard inédit sur son travail à partir de ses propres archives, témoigne d’un engagement en faveur d’une réconciliation avec le réel.

samedi 15 septembre 2018

La guérilla des animaux de Camille Brunel

La guérilla des animaux est le premier roman de Camille Brunel mais il n'est pas son premier ouvrage puisqu'il a publié il y a sept ans un essai intitulé Vie imaginaire de Lautrémaont, chez Gallimard.

L'auteur, né en 1986, est titulaire d'un CAPES de lettre modernes, et a enseigné quelques années avant de vouloir consacrer la majorité de son temps à la crise animale, sans pour autant être le jumeau fanatique de son personnage principal Isaac, dont la colère froide et intense, le mène à devenir extrémiste pour faire justice (de son point de vue) aux quatre coins du globe.

Le roman démarre puissamment - on pourrait même dire violemment- dans la jungle indienne par l'exécution de braconniers, assassins d’une tigresse prête à accoucher, et je connais plusieurs personnes qui n'ont pas pu le lire jusqu'au bout, tant le propos est dérangeant.

Ce n'est pas mon cas parce que la démonstration de Camille Brunel est irréfutable : Tant que nous nous soucierons de la faim et de la pauvreté dans le monde, nous ne nous soucierons jamais autant qu'il le faudrait de ce qui n'est pas nous. Nous ne nous mettrons à défendre les animaux qu'après avoir compris qu'il ne nous reste aucune chance (p. 19).

Ce roman est bouleversant. Il donne envie d'agir avant même de l'avoir terminé. Je n'ai d'ailleurs pas perçu de prime abord qu'il s'agissait d'un récit d'anticipation se situant vers 2045 tant les arguments me semblaient "actuels". Peut-être parce que j'ai immédiatement pensé au roman de Jonathan Safran Foer,  Faut-il manger les animaux ? que j'avais chroniqué il y a bien longtemps et qui m'avait interpelée sur le sujet, avec pour conséquence de modifier considérablement ma manière de me nourrir.

J'ai eu l'opportunité d'échanger avec l'auteur dont j'apprécie beaucoup les idées qu'il défend avec intelligence et courage. J'ai cependant regretté que le roman s'essouffle dans la seconde partie ... signe peut-être que la cause serait "effectivement" perdue. De ce fait, et alors qu'on dit ça et là que ce livre plait ou déplaît sans mesure je me trouve dans une position plus nuancée.

vendredi 14 septembre 2018

Tu te souviendras de moi de François Archambault

On nous inquiète en long, en large et en travers à propos de la menace que représente la maladie d'Alzheimer.

François Archambault a renversé les codes. Certes Edouard, prestigieux professeur d’histoire à l’université, a perdu la faculté de la mémoire de court terme mais rien de sa capacité d'analyse et a des éclairs de perspicacité. Lorsque son gendre prétend avoir pris une année sabbatique il rétorque qu'à quarante ans on appelle cela un burn-out. Certes il entre dans des furies mais il offre de beaux moments de complicité. Il faut le voir faire griller des chamallows. Certes il est souvent fatigué et prompt à divaguer dans la campagne mais il sait écouter les confidences. Certes il a des pensées obsessionnelles mais il peut concéder leur remise en question.
Les caractéristiques médicales de la maladie d'Alzheimer sont présentes. Mais il est tout de même amusant de noter que lorsqu'elle touche une personne extrêmement cultivée (ici un professeur d’histoire à l’université) les dégâts sont moins visibles puisqu'elle n'altère pas la faculté d'entretenir une conversation qui peut avoir du sens. L'homme a une phénoménale mémoire des dates et il est capable de tenir des heures sur des sujets comme le règne d'Akhenaton, marqué par la révolution des dogmes égyptiens ancestraux.

Si le patient fait preuve d'un certain humour comme c'est aussi le cas d'Edouard, on peut goûter de savoureux moments, par exemple lorsqu'il raconte sa première journée d'enseignant à l'université. Et si l'individu fait preuve aussi d'un minimum de malice il usera de je ne sais pas pour faire passer ce qu'il ne veut pas, en vertu de l'adage qu'il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Patrick Chesnais est confondant de naturel et le public se régale à suivre ses joutes oratoires. L'homme s'exprime désormais sans filtre et la vérité sort brutalement de sa bouche. Il nous livre une interprétation toute en tendresse de cet homme qui oublie qui il est mais pas ce qu’il est.

jeudi 13 septembre 2018

L'Affaire Rose Keller de Ludovic Miserole

L'affaire est bien connue ... des spécialistes. Sont-ils nombreux, je l'ignore. Toujours est-il que je ne connaissais pas du tout l'existence de cette Rose Keller dont la déconvenue fera en quelque sorte "tomber" le Marquis de Sade.

Rose Keller est au chômage depuis plus d’un mois quand elle est réduite, en ce dimanche de Pâques du 3 avril 1768, à mendier sur la Place des Victoires à Paris. En acceptant de suivre, pour un écu, un jeune homme soigneusement habillé qui a besoin de quelqu’un pour un peu de ménage dans sa maison d’Arcueil, elle ne peut se douter qu’elle se dirige tout droit vers l’enfer. Elle ne sait pas encore que celui qui vient de l’engager n’est autre que Donatien Alphonse François de Sade, celui qu’on surnommera "le divin marquis"…

Sans être pour autant historien, Ludovic Miserole a pour spécialité (de plume) de restaurer la mémoire d'hommes et de femmes inconnus de la grande histoire mais dont la vie aura été déterminante. La dernière servante à la Conciergerie de Marie-Antoinette, Rosalie Lamorlièrefut l'héroïne de son second livre, succédant à Zamor, le nègre républicain, relatant le parcours d'un enfant indien de 8 ans acheté par Louis XV pour l'offrir à Mme du Barry, et qui témoigna contre elle à son procès.

Avec cette nouvelle "affaire" il nous plonge dans le Paris d'une période marquée par les principes qui caractérisèrent le règne de ce roi, marqué par la puissance de la religion.

Le travail de documentation de l'auteur est évident et permet d'instaurer la confiance avec le lecteur qui ne mettra rien en doute. L'écriture est fluide. Elle respecte les codes de l'époque et pourtant ne dérange aucunement notre oeil contemporain. Ludovic Miserole ne nous fait grâce d'aucun détail sur les perfidies du célèbre marquis tout en parvenant à demeurer pudique. On apprend comment Sade employait la cire blanche ou rouge pour torturer ses proies. A l’exception d’une scène (inévitable) au cours de laquelle il martyrise la pauvre Rose cet ouvrage pourrait quasiment être mis entre toutes les mains.

mardi 11 septembre 2018

Cabaret Louise de Régis Vlachos

J'aurais bien voulu voir ce Cabaret Louise en Avignon parce que j'avais apprécié Dieu est mort, interprété par les deux mêmes comédiens. Par chance sa programmation au Funambule m'en a fourni l'occasion.

Les spectateurs sont immédiatement dans l'ambiance puisque Charlotte Zotto et Régis Vlachos leur souhaitent la bienvenue dans la file d'attente, ce qui est extrêmement sympathique et donne le ton.

Ils prennent la parole d'abord en tant qu'Edouard, qui s'annonce rock star né le 4 mai 1068 à Versailles et Simone ... de Belleville ... pour nous raconter la vie de Louise Michel, qui se battit toute sa vie pour une vie plus juste.

La scène de ce "cabaret" a des allures de piste de cirque.  L'humour est une caractéristique du travail de Régis Vlachos, qui revendique un coté clownesque sans cependant faire aucune concession au sérieux des propos.
Il a sans doute voulu contrebalancer l'aspect tragique de la destinée peu ordinaire de cette féministe, née le 29 mai 1830 en Haute-Marne, de père inconnu. Elle aura été institutrice, militante anarchiste, franc-maçonne, la première à arborer le drapeau noir, popularisé depuis, et sous son action, au sein du mouvement libertaire.

Elle fut surtout l’une des figures majeures de la Commune de Paris en 1871. Capturée en mai, elle est déportée en Nouvelle-Calédonie où elle se convertit à la pensée anarchiste. Elle revient en France en 1880, et multiplie les manifestations et réunions en faveur des prolétaires. Elle reste surveillée par la police et est emprisonnée à plusieurs reprises, mais poursuit son militantisme politique dans toute la France, jusqu'à sa mort à l'âge de 74 ans le 9 janvier 1905 à Marseille.

On croisera au cours de la soirée des personnages dont on surprend des travers inconnus comme Victor Hugo, Théophile Ferré, Jules Ferry et Adolphe Thiers.
Mais aussi, et c'est inattendu, un des ouvriers de l'usine marseillaise de Fralib (seul site de fabrication en France des thés Lipton et des infusions Eléphant créé en 1896 à Marseille) qui après avoir lutté contre le géant anglo-néerlandais de l'agroalimentaire Unilever a créé la marque de thés et d'infusions, "1336", en référence au nombre de jours de grève. Peut-on croire que cet évènement aurait été influencé par la présence de Louise Michel dans la ville et par son tempérament, inspirateur de combats bien après sa disparition ?

Je ne suis pas sûre que tous les spectateurs auront compris l'intervention faite, par un technicien mal à l'aise (et on le comprend puisqu'elle se glisse dans une sorte de "temps mort") interprétant un des 182 salariés licenciés de l'usine, avant sa fermeture en 2012. La collusion entre petite et grande histoire méritait d'être plus développée et plus limpide.

Comme toujours aussi dans les spectacles de Régis Vlachos, la musique a une importance très particulière. On entendra des morceaux aussi variés que Georges Moustaki, Sans la nommer (1979) (celle qui s'appelle révolution permanente et qui aurait pu être le surnom de Louise Michel), Johnny Hallyday et Gaëtan Roussel, le chanteur de Louise Attaque dont on apprécie toujours J't'emmène au vent, (1997), complètement légitime puisqu'il a composé en 2008 la musique du film Louise Michel. Et bien entendu l'inévitable (et éternellement émouvant) Temps des cerises.

La poésie est tout autant essentielle. L'auteur cite notamment René Char pour qui la lucidité est la blessure la plus proche du soleil et nous donne l'occasion de découvrir Le forgeron d'Arthur Rimbaud.

Cabaret Louise est un spectacle engagé ... qui a le potentiel pour être davantage engageant même si les digressions sur le contexte politique actuel ne sont -de mon point de vue- pas suffisamment abouties. La situation du Funambule au coeur de Montmartre, donc sur un des sites où se sont déroulés les faits historiques aurait mérité d'être exploitée. La soirée oscille entre restitution historique, démonstration pédagogique, hommage et divertissement. C'est beaucoup d'ingrédients !
Cabaret Louise de Régis Vlachos
Avec Charlotte Zotto, Régis Vlachos ... et le régisseur lumières du spectacle
Mise en scène Marc Pistolesi
Création lumières Johanna Garnier
Photos Xavier Cantat
Compagnie du Grand Soir
Du 4 septembre au 30 octobre 2018, tous les mardis à 19 h 30
Au Funambule Théâtre • 53 rue des Saules • 75018 Paris • Tél : 01 42 23 88 83

jeudi 6 septembre 2018

Le Roi Arthur, écrit et mis en scène par Jean-Philippe Bêche

Aller voir le Roi Arthur à la Cartoucherie, dans la très belle salle de Pierre du Théâtre de l'Epée de bois, équivaut presque à lancer une partie de jeu vidéo. Je l'écris sans aucune malice. Le spectateur est tout autant immergé dans cette folle saga que s'il était lui-même aux manettes.

Tout concourt à rendre l'aventure quasi vivante. Le cadre du lieu, qui suffit amplement comme décor naturel, mais les murs nus d'une ancienne usine, d'une carrière à ciel ouvert, d'un pan de château ou même une église désaffectée seraient tout autant opportuns. Je verrais très bien le spectacle l'été prochain dans l'enceinte de l'abbaye d'Hambye (60).

Les costumes (de Catherine Gorne Achdjian) conviennent parfaitement à instaurer une atmosphère qui soit plus onirique que strictement médiévale, en particulier la robe fabuleuse de (la fée) Morgane et la superposition de tartans écossais de Merlin (l'enchanteur).

Peu d'accessoires mais essentiels : quelques bougies, et des épées pour des combats à la vie à la mort, réglés par le maître d’armes Francois Rostain.

Les lumières d'Hugo Oudin sont très justes pour instaurer un climat dramatique avec de puissantes projections rouges inondant des coulisses qui prennent des allures de souterrain. Ou installant sur le sol la forêt, de Brocéliande, une croix, et à son intersection, le symbole des chevaliers de la Table ronde. 

Et surtout, à égalité de force, le jeu des comédiens (il faudrait tous les citer) et la musique interprétée puissamment en direct par Aidje Tafial. L'emploi des percussions n'est pas nouveau mais il convient ici à la perfection, et peut aussi offrir des accords évoquant l'Orient. Les bruitages sont élaborés avec un travail de vocalises apparenté au beatboxing et le recours à des cris d'oiseaux.

Tous les ingrédients sont présents pour captiver un public à partir de 10-12 ans, et cela sans complaisance aucune.

mercredi 5 septembre 2018

Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran

J'avais lu il y a plusieurs années Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran et je dois dire que ce livre m'avait laissé un souvenir très vif.

Je n'étais pourtant pas inquiète d'être éventuellement déçue puisque c'est l'auteur lui-même qui est à l'affiche, et qui plus est, dirigé par Anne Bourgeois qui est une metteuse en scène que j'apprécie beaucoup.

Eric-Emmanuel Schmitt est parfait dans ce rôle ... je devrais écrire "ces" rôles car il les interprète tous avec autant de justesse, de sensibilité et de tendresse. Le Théâtre Rive Gauche a eu une excellente idée de programmer 30 représentations exceptionnelles de cette pièce, même si ce nombre ne suffira pas pour satisfaire totalement le public potentiel.

Car le roman, qui est un récit initiatique, drôle, tendre et philosophique, est devenu un "classique" de la littérature. Il a été adapté pour le cinéma par François Dupeyron et il a valu un César, et un Lion d’Or à Venise, à Omar Sharif pour le rôle-titre.

Écrit à l’origine pour le comédien et metteur en scène Bruno Abraham-Kremer, ce monologue théâtral a peu à peu gagné d’autres interprètes dans une cinquantaine de pays dans le monde et c'est un bonheur de voir l'interprétation qu'en fait Eric-Emmanuel Schmitt.

Nous sommes à Paris, dans les années 60. Momo est un garçon juif de treize ans abandonné par sa mère, et délaissé par un père dépressif, qui finira par mettre fin à ses jours. Le garçon qui n'a pas sa langue dans sa poche devient l’ami du vieil épicier arabe de la rue Bleue et découvrira le monde avec lui, et le secret du bonheur. Il comprendra auparavant que les apparences sont trompeuses : Monsieur Ibrahim n’est pas arabe, la rue Bleue n’est pas ce cette couleur-là et la vie ordinaire ne l'est peut-être pas tant que cela... Ce que tu donnes, c'est à toi pour toujours. Ce que tu gardes, c'est perdu pour toujours.

Les dialogues entre les deux protagonistes (joués par le même acteur) sont savoureux. Nous avons tous à apprendre de la sagesse du vieil épicier. Et pour cause : les dictionnaires n'expliquent bien que les mots qu'on connait déjà.

Je voudrais vraiment que vous ne passiez pas à coté de ce chef d'oeuvre. Les images seront peut-être plus fortes que mes mots :



Et si vous découvrez cette chronique trop tardivement revenez au texte, magnifique, comme en témoigne cet extrait : Monsieur Ibrahim, de l’avis général, passait pour un sage. Sans doute parce qu’il était  depuis au moins quarante ans l’Arabe d’une  rue juive. Sans  doute  parce  qu’il souriait beaucoup et parlait peu. Sans doute parce qu’il semblait  échapper à l’agitation ordinaire des mortels,  surtout  des mortels parisiens, ne  bougeant   jamais,  telle  une branche greffée sur son tabouret, ne rangeant jamais son étal devant qui  que ce soit, et disparaissant on ne sait où entre minuit et huit heures du matin.

Il faut voir ou lire, ou voir et lire Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, qui est de mon point de vue un des meilleurs ouvrages d'Eric-Emmanuel Schmitt dont j'ai relaté plusieurs de ses romans et de ses pièces sur le blog. De tels propos sont nécessaires en ces périodes troublées par une montée inquiétante de l'intolérance.

M. Ibrahim et les fleurs du Coran de et avec Eric Emmanuel Schmitt
Mis en scène par Anne Bourgeois
Au Théâtre Rive Gauche
6 Rue de la Gaité, 75014 Paris
Du 5 septembre au 14 Octobre 2018
Du mercredi au samedi à 21h
Matinées les dimanches à 15h
(Relâche exceptionnelle le samedi 29 septembre 2018)

mardi 4 septembre 2018

Les lundis du Dr Dory au Théâtre de Nesle

Drôle de titre, drôle de bonhomme, Cyril Dory est un artiste qui ne laisse pas indifférent. Son entrée sur scène est à son image, étonnante. Il est vêtu d'un pantalon noir, d'une robe de chambre carmin, d'une cravate pourpre, arbore un maquillage qui lui fait le regard d'un raton-laveur, et ouvre une mallette de cuir hors d'âge dont s'échappe ... le bruit des vagues, nous projetant immédiatement dans son univers surréaliste.

Un grelot égrène douze coups. On peut imaginer qu'il est minuit. Cyril s'installe au piano et commence avec Santa Barbara, la chanson de la célèbre série télévisée, dont il a traduit les paroles.

Sa voix est belle. Le ton est juste. Mais ... l'apparence masquée du personnage instaure le doute. Devons-nous l'entendre au second degré ou prendre les mots au pied de la lettre ?

Il répond à la question, et à beaucoup d'autres, en intercalant les interventions sur le thème qu'il a choisi pour ces lundis ... les adieux en se focalisant non pas sur le pourquoi mais sur le comment.

Son récital (qu'il appelle conférence) explore cette étrange question en s'appuyant sur des airs de tous les temps : chanson française, pop anglaise, générique TV... et quelques-unes qu'il a composées lui-même.

dimanche 2 septembre 2018

Nous les coyottes, film franco-américain de Hanna Ladoul et Marco La Via

Nous les coyottes est un film franco-américain de Hanna Ladoul et Marco La Via que j'ai découvert dans la sélection en compétition au festival Paysages de cinéastes. Ces deux réalisateurs, qui n'ont pas trente ans, ont beaucoup de talent et leur premier film est une grande réussite.

A écouter la musique qui accompagne le générique on pense qu'on va regarder un film léger dont le propos serait de nous raconter ce que le rêve dit américain peut encore avoir de légitime. Amanda (Morgan Saylor) ambitionne de travailler dans la musique, Jake (McCaul Lombardi) pourrait faire n’importe quel petit boulot, tant qu’il est avec elle. 

On découvrira au contraire tout ce que le mythe cache de violence et de cruauté dont sont victimes tous ceux qui ne sont pas dans la droite ligne de l'american way of life bien pensante et surtout très installée.

Malgré tout, il existe des réservoirs d'espérance pour qui a un moral d'acier, quelques dons, et surtout la chance de faire "la" bonne rencontre.

samedi 1 septembre 2018

Les Demoiselles du K-barré

Je n'ai pas pu voir ces Demoiselles du K-barré à Paris, et pourtant elles ont fait briller les yeux des spectateurs du Théâtre des Blancs-Manteaux et des Feux de la Rampe.

Alors quand j'ai appris qu'elles avaient pris leurs quartiers d'été en Avignon, pile au moment où je m'y trouvais,  je me suis débrouillée pour leur trouver un moment dans mon agenda. Fastoche en réalité car elles jouaient très tard en soirée, au moment où la concurrence relâche un peu ses griffes.

Leur "Cabaret déjanté" m'a réjouie parce qu'il est cohérent avec la triple promesse de conjuguer humour, espiègleries et coquetteries. Il est "déjanté" en ce sens qu'il dépoussière l'imaginaire sans perdre le coté glamour et sensuel de la situation. On en ressort comme shooté à la dopamine et ça fait du bien.

Leur cheffe de file est Pauline Uzan, alias Poupoupidou. Passionnée de spectacle vivant, elle semble avoir depuis toujours été fascinée par les paillettes. Elle a commencé la danse dès l’âge de 5 ans, a touché à divers styles et monté ses propres tableaux chorégraphiques dès ses 15 ans. Sa spécificité est qu'étant diplômée du Celsa et psychologue de formation, elle réussit à décortiquer les relations humaines et les petits travers de la vie pour les mettre en scène, non sans une sacrée dose d’autodérision. C'est toute la différence entre ce K-barré et ce qu'on pourrait (mais qui ne tente pas) voir dans les quartiers parisiens un peu "chauds".

L'humour est constant et infuse chaque page du site qui est complet comme la carte d'un restaurant. Car les demoiselles ont lancé un workshop "on stage" qui se veut être un travail intensif sur le jeu, l'attitude et bien entendu une chorégraphie d'effeuillage de groupe... que les participants sont invités à mettre en pratique sur une scène. Elles assurent des ateliers et diverses actions qui ont pour but (ce sont elles qui le disent) de faire graouter leurs fans. Ainsi à l'automne 2018 :  pour les ateliers, il y a dimanche 14 octobre et 11 novembre (découverte), 24 octobre et 9 décembre (workshop on stage).

Elles renouvellent constamment leur prestation scénique depuis déjà 7 ans, si bien que je suis certaine que leur public trouve toujours matière à être heureux de revenir les voir sur scène. Elles associent régulièrement de nouvelles danseuses, et le plateau n'est pas nécessairement à 100% féminin puisque en Avignon un digne représentant du sexe mâle les accompagnait ... et il n'a pas assuré que des tâches "ménagères". 

L'homme assume qu'il aurait voulu être un artiste (et il démontre qu'il chante très bien Le blues du businessman de Starmania, dont les paroles de Luc Plamandon ont été réécrites). La bande son de la soirée nous a permis de réentendre le désormais culte "You can leave your hat on", associé à la scène de striptease de Kim Basinger dans le film "Neuf semaines et demi" d'Adrian Lyne, toujours aussi intéressant malgré sa trentaine d'années. Mais aussi Ma Benz. C'est un peu le grand écart artistique avec Lara Fabian dont on a juste avant entendu le Tout est fini entre nous mais ce soir ça brille, comme le chantait Brigitte. Logique pour un spectacle chorégraphié.

Nos oreilles ont aussi été chatouillées par Like a virgin de Madonna et par la musique de Blanche Neige. Sans oublier It had to be you de Harry Cover. Mais l'on n'oubliera pas les paroles (fortement applaudies) de la comédienne exhortant les femmes à apprendre à ne pas être passives et à assumer ce qu'elles veulent. Parce que ces demoiselles ne font pas que dans les paillettes. Il y a un du fond derrière leurs formes.

Vous les retrouverez sur Paris dès le 26 octobre autour du thème Monstres et burlesqueries, sans doute raccord avec Halloween. Ces infatigables partiront ensuite en tournée.

Le Cabaret déjanté des Demoiselles du K-barré 
Ecrit et mis en scène et chorégraphié par Pauline Uzan
Avec Vanessa Ghersinick, Roxane Merlin, Harold Simon et Pauline Uzan
Du 6 au 29 Juillet 2018 à 22h 20
(Relâche les 18 et 25 Juillet)
A l’Arrache Cœur • 13 rue du 58ème R.I (Porte Limbert) • 84000 Avignon • Tél : 04 86 81 76 97
Le 6 octobre dans l'Oise au Cabaret de la Brèche, le 16 novembre au Casino de Sète
La Guinguettes Monstres et Compagnies sera joué à Paris le 26 octobre 2018 et à Lagny sur Marne le 31

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